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13/06/2024 | FRANCE | N°20/09427

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 13 juin 2024, 20/09427


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2024



N° 2024/70









Rôle N° RG 20/09427 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGK6B







[C] [Z]





C/



Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 5] REPRESENTÉ PAR LE CREDIT MUTUEL ARKEA



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Nicolas MONTEIL
r>

Me Julien SELLI





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal Judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 17 Février 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/05994.





APPELANT



Monsieur [C] [Z]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2024

N° 2024/70

Rôle N° RG 20/09427 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGK6B

[C] [Z]

C/

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 5] REPRESENTÉ PAR LE CREDIT MUTUEL ARKEA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Nicolas MONTEIL

Me Julien SELLI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 17 Février 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/05994.

APPELANT

Monsieur [C] [Z]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000148 du 05/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 8],

demeurant Chez M. [P] [G] - [Adresse 3]

représenté et assisté de Me Nicolas MONTEIL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 5], représentée par le CREDIT MUTUEL ARKEA, (dont le siège social est sis [Adresse 1]), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux,

dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Julien SELLI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DELMOTTE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Par acte sous seing privé du 25 août 2009, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5] (la banque) a consenti à la société Le Relais de [Localité 6] (la société), exploitant un fonds de commerce de restauration traditionnelle, d'hôtellerie et de vente de plats à emporter, dont Mme [Z] était la gérante, un prêt professionnel de 70 000€ décomposé en deux crédits différents :

- le premier d'un montant de 20 000€ au taux de 3,50% l'an remboursable en 84 mensualités

- le second d'un montant de 50 000€ au taux de 4,40% l'an remboursable en 84 mensualités.

Le remboursement de ce prêt était garanti par un nantissement du fonds de commerce et par les engagements de cautions solidaires souscrits le 25 août 2009 par Mme [Z] et son époux, [C] [Z] à concurrence de 45 000€ sur une durée de 108 mois.

Par jugement du 19 décembre 2012, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert le redressement judiciaire de la société puis a arrêté par jugement du 22 janvier 2014, un plan de redressement par voie de continuation d'une durée de neuf ans.

Par jugement du 8 février 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société.

La banque a déclaré ses créances entre les mains du liquidateur.

Après mise en demeure du 23 mars 2017, restée sans effet, la banque a, par acte d'huissier du 16 octobre 2017, assigné M. [Z] devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en paiement de la somme principale de 45 000€.

Par jugement du 17 février 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a

- débouté M. [Z] de ses demandes à l'exception de celle relative aux délais de paiement

- condamné M. [Z] en sa qualité de caution solidaire, à payer à la banque la somme de 45 000€ avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2017

- dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts

- dit qu'en application de l'article 1343-5 du code civil, le paiement des sommes dues sera échélonné pendant une durée de deux ans à compter du jugement

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

- condamé M. [Z] aux dépens

Par déclaration du 2 octobre 2020, M. [Z] a relevé appel de cette décision.

Vu les conclusions du 17 décembre 2020 de M. [Z] demandant à la cour

- d'infirmer le jugement

A titre principal,

- de dire qu'au regard de l'irrégularité de la mention manuscrite reproduite dans l'engagement de caution, consistant dans la reprise d'une disposition légale inexistante 'et à toutes'à un défaut d'identification du créancier, il n'a pas compris l'étendue de ce qu'il écrivait ni mesuré la portée de son engagement

- de rejeter en conséquence l'intégralité des demandes de la banque comme manifestement irrecevables, infondées et injustifiées

- de prononcer la nullité de l'engagement de caution

A titre subsidiaire,

- de dire que son engagement de caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus quasi-inexistants au jour de la souscription

- de rejeter en conséquence l'intégralité des demandes de la banque comme manifestement irrecevables, infondées et injustifiées

- de dire que la banque ne peut se prévaloir de l'engagement de caution du 25 août 2009

- de le décharger de son engagement de caution

A titre plus subsidiaire

- de dire que la banque a manqué à son obligation de mise en garde

- de rejeter en conséquence l'intégralité des demandes de la banque comme manifestement irrecevables, infondées et injustifiées

- de condamner la banque à concurrence de 45 000€ de dommages et intérêts

- d'ordonner la compensation de cette condamnation soulevée en tant que moyen de défense avec la somme réclamée par la banque

A titre plus subsidiaire 'et par précaution'

- de lui octroyer les plus larges délais de paiement

- de débouter en tout état de cause la banque de l'intégralité de ses prétentions comme manifestement irrecevables, infondées et injustifiées

et de la condamner à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Vu les conclusions du 16 mars 2021 de la banque demandant à la cour

- de débouter M. [Z] de ses demandes

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [Z] à payer, en sa qualité de caution solidaire, la somme de 45 000€ avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2017, outre les dépens

- de l'infirmer pour le surplus

- d'ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil jusqu'à parfait paiement

- de condamner M. [Z] au paiement d'une indemnité de 2800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 30 janvier 2024.

Motifs

1. Sur la nullité de l'engagement de caution

Suivant l'article L.341-3 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable en la cause, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : 'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...'

En l'espèce, dans son engagement de caution solidaire du 25 août 2009, M. [Z] a reproduit la formule précitée sauf à écrire article '22-98" au lieu d'article 2298.

Cependant, cette simple erreur matérielle ne modifie ni le sens, ni la portée de l'engagement de caution qui reproduit fidèlement les termes de l'article L.341-3 précité.

Pas davantage, M. [Z] ne peut utilement soutenir que la mention manuscrite litigieuse ne permet pas d'identifier le créancier au bénéfice duquel le cautionnement a été donné alors, d'une part, que le terme de 'créancier' figure dans la mention manuscrite elle-même exigée par l'article L.341-3 et d'autre part, que le créancier est clairement identifié en page 1 de l'engagement de caution sous la rubrique 'prêteur/créancier nanti Caisse de crédit mutuel de [Localité 5]'. Dès lors, M. [Z] n'a pu se méprendre sur la teneur et la portée de son engagement.

C'est par des motifs que la cour adopte que le jugement a rejeté la demande en nullité de l'engagement de caution formée par M. [Z].

2. Sur la disproportion de l'engagement de caution

Invoquant les dispositions de l'ancien article L. 341-4 du code de la consommation devenu l'article L.314-18 dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, M. [Z] expose que le cautionnement conclu le 25 août 2009 est manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Aux termes du texte précité, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'un côté, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, de l'autre, de ses biens et revenus.

Il résulte en l'espèce de la fiche de renseignements établie le 16 février 2009 par la caution que M. [Z], marié sous le régime de la communauté légale, père de trois enfants dont deux à charge, déclarait des revenus annuels de 16320€ au titre de pensions, retraite ou allocations familiales sans plus de précision et sans mentionner aucune charge tandis qu'il produit aux débats son avis d'impôt sur le revenu 2010, relatif aux revenus de l'année 2009, duquel il ressort qu'il a perçu au cours de cette année des revenus de 4475€ ainsi qu'une pension alimentaire à concurrence de 8888€ tandis que son épouse a perçu des revenus de 18 350€.

La fiche de renseignements ne fait mention d'aucune charge.

M. [Z] n'était propriétaire d'aucun bien immobilier à la date de souscription de l'engagement de caution et déclare qu'à la date de la création de leur entreprise de restauration, soit le 4 septembre 2009, le couple vivait depuis sept mois au domicile de ses parents.

Lors de la rédaction de la fiche de renseignements, M. [Z] a remis à la banque une attestation datée du 16 février 2009 établie par Maître [B], notaire à [Localité 7], qui certifiait que les parents de M. [Z] lui avaient confié la mission de régulariser une donation de 150 000€ au profit de leur fils, l'acte étant en cours de préparartion.

M. [Z] a transmis ultérieurement à la banque l'acte authentique établi le 30 juin 2009 aux termes duquel M et Mme [L] [Z] ont consenti à leut fils [C] [Z] une donation de la somme de 150 000€.

Ainsi, à la date de son engagement de caution, M. [Z] détenait la somme de 150 000€ ce qui représentait plus du triple du montant du cautionnement.

C'est donc par des motifs que la cour adopte que le jugement déféré a retenu que l'engagement de caution souscrit par M. [Z] n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus et que celui-ci devait être débouté des demandes formées de ce chef.

3. Sur le manquement de la banque à son obligation de mise en garde

Dans le curiculum vitae remis par M. [Z] à la banque, celui-ci se dénommait 'directeur de Centre de profit, executive Manager, Business developer' et mentionnait : 'j'ai acquis la maîtrise de l'ensemble de la gestion financière et opérationnelle en conduisant les enjeux du développement de diverses structures. Mon parcours, en grande partie de décideur, m'a forgé un sens prononcé des responsabilités et une determination à relever des défis. A 46 ans j'ai la volonté affirmée d'être acteur dans la construction de mes ambitions et créer mon entreprise dans le domaine qui est ma passion'. Il évoquait des expériences acquises en matière 'de préparation des pièces comptables, fournisseurs et clients', de 'reporting financier en adéquation avec le business plan', 'de création des outils de calcul des propositions commerciales'...

Au regard de ce parcours, M. [Z], rompu au monde des affaires, ne peut sérieusement se présenter comme une caution profane ; dès lors, M. [Z] ayant la qualité de caution avertie à la date de souscription de son engagement de caution, la banque était dispensée d'un devoir de mise en garde à son égard.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [Z] en paiement de dommages et intérêts pour violation d'un devoir de mise en garde et l'a condamné à payer à la banque la somme de 45 000€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 mars 2017.

4. Sur la demande de report de paiement

Le jugement, qui a pris en considération la situation financière de M. [Z], sera confirmé en ce qu'il lui a accordé un délai de paiement de deux ans sans qu'au regard de l'ancienneté du litige, la cour puisse consentir un nouveau délai de paiement.

5. Sur la capitalisation des intérêts

La banque est recevable et fondée à solliciter la capitalisation des intérêts dus pour une année entière sur la somme principale de 45 000€ à laquelle M. [Z] est condamné.

Le jugement déféré sera infirmé de ce seul chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts

Statuant à nouveau ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière, ayant couru sur le montant de la condamnation principale de 45 000€ ;

Condamne M [Z] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [Z] et de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 20/09427
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;20.09427 ?
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