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13/06/2024 | FRANCE | N°20/04002

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 13 juin 2024, 20/04002


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2024



N° 2024/68









Rôle N° RG 20/04002 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFYIG







[G] [W]





C/



[U] [R]

[X] [H] épouse [O]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jean Paul ARMAND



Me Isabelle LE MERCIER




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 11 Février 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019F00431.





APPELANT



Monsieur [G] [W],

demeurant [Adresse 2]



représenté et assisté de Me Jean Paul ARMAND de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avoc...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2024

N° 2024/68

Rôle N° RG 20/04002 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFYIG

[G] [W]

C/

[U] [R]

[X] [H] épouse [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean Paul ARMAND

Me Isabelle LE MERCIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 11 Février 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019F00431.

APPELANT

Monsieur [G] [W],

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Jean Paul ARMAND de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Philippe BRUZZO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Maître [U] [R], en qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Z] [O]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 6]

représenté et assisté de Me Isabelle LE MERCIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [X] [H] épouse [O]

née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 5]

représentée et assistée de Me Isabelle LE MERCIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DELMOTTE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Suivant acte sous seing privé du 4 mai 2015, M. [O] et son épouse ont cédé à la société [W] (la société), dont M. [W] était le gérant, leur fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, situé [Adresse 3] à [Localité 7] moyennant le prix de 65 000€, payable au moyen d'un crédit vendeur stipulé comme suit :

' le présent prêt sera payé à terme et sans intérêt par la cessionnaire qui s'y engage, en 12 mensualités de 2000€ par mois, pour la première le 4 mai 2015 et la dernière le 4 décembre 2017 et une échéance de 1000€ le 4 janvier 2018.

La cessionnaire pourra à tout moment solder par anticipation tout ou partie du prix de vente. En cas de paiement partiel, celui-ci devra être égal à une ou plusieurs échéances. Dans ce cas, le paiement anticipé réduira la durée du délai de paiement.

Au terme des 12 premiers mois d'activité, la cessionnaire s'engage à solliciter un prêt bancaire pour solder par anticipation le prix de vente, il devra justifier sa demande de prêt par lettre recommandée AR, adressée au cédant, dans les 15 jours.

En cas de rejet de sa demande de prêt, la cessionnaire en informera le cédant, par lettre recommandée AR, dans les 15 jours.

Dans cette hypothèse, le solde du prix de vente sera payé conformément à l'échéancier ci-dessus, sauf à la cessionnaire de procéder à un paiement partiel ou total de ses propres deniers, sans que cette dernière possibilité constitue une obligation contractuelle à la charge de cette dernière'...

L'article 10 de l'acte de cession, intitulé 'caution personnelle' prévoyait que M. [W] déclarait se porter caution personnelle et solidaire de la société cessionnaire, à concurrence de 65 000€, conformément aux dispositions des articles 2288 à 2316 du code civil.

L'acte portait la mention des signatures du cédant et de la cessionnaire ainsi que de la caution, la signature de celle-ci étant précédée de la mention 'Bon pour caution de la somme de soixante cinq mille euro'.

La société a versé les échéances de mai à octobre 2015 à concurrence de la somme globale de 12 000€.

Par jugement du 2 décembre 2015, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert le redressement judiciaire de la société, un plan de redressement par voie de continuation étant arrêté par jugement du 12 juin 2017.

Les époux [O] ont déclaré leur créance à concurrence de 53 000€.

Par jugement du 28 mai 2018, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société.

Parallèlement, M. [O] a été mis en liquidation judiciaire par jugement du 2 mai 2016, M. [R] (le liquidateur) étant désigné en qualité de liquidateur.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 3 janvier 2019, les époux [O] ont mis en demeure M. [W], pris en sa qualité de caution, de leur régler la somme de 53 000€, cette mise en demeure étant restée sans effet.

Par acte d'huissier du 25 mars 2019, le liquidateur de M. [O] et Mme [O] ont asssigné en paiement M. [W] devant le tribunal de commerce de Marseille.

Par jugement du 11 février 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- condamné M. [W] à payer au liquidateur et à Mme [O] la somme de 53 000€ en principal outre la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens

- dit que M. [W] pourra se libérer des condamnations prononcées à son encontre en 24 mensualités égales et suivies, la première devant intervenir dans le mois de la signification du jugement et la dernière étant augmentée du solde

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, le solde restant dû deviendra de plein droit immédiatement exigible pour le tout

- rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration du16 mars 2020, M. [W] a relevé appel de cette décision.

Vu les conclusions du 10 juillet 2020 de M. [W] demandant à la cour

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement

A titre principal,

- de dire que l'engagement de caution solidaire figurant à l'acte de vente du 4 mai 2015 ne satisfait pas au formalisme exigé par les articles L.341-2, L.341-3(devenus L.331-1 et L.331-2) et L 341-4-devenu L.332-1) du code de la consommation

- de déclarer nul cet engagement de caution

A titre subsidiaire

- de dire disproportionné l'engagement de caution

- de dire que le liquidateur et Mme [O] ne peuvent se prévaloir de cet engagement de caution

- de lui déclarer inopposable cet engagement de caution

A titre plus subsidiaire

- de lui octroyer les plus larges délais de paiement en vertu de l'article 1244-1 ancien du code civil

- de condamner en tout état de cause le liquidateur et Mme [O] au paiement de la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de provcédure civile outre les dépens

Vu les conclusions du 5 octobre 2020 du liquidateur et de Mme [O] demandant à la cour

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [W] au paiement de la somme de 53 000€ avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2019

- d'infirmer le jugement en ce que celui-ci a accordé des délais de paiement à M. [W]

- condamner M. [W] au paiement de la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 30 janvier 2024.

Motifs

Suivant l'article L.341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable en la cause, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquemant de celle-ci : 'En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ...couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard et pour la durée de...je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même.'

Suivant l'article L.341-3 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable en la cause, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : 'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...'

Ces dispositions peuvent être invoquées par la caution que celle-ci soit avertie ou non de sorte la qualité de caution avertie de M. [W], retenue par le jugement, est indifférente à la solution du litige.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'énonce le jugement, la qualité de créancier professionnel au bénéfice duquel est consenti le cautionnement ne concerne pas exclusivement les établissements financiers ou de crédit.

Au sens des textes précités, le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale.

En l'espèce, les intimés affirment que dans l'hypothèse où M. [O] pourrait être considéré comme un créancier professionnel, tel n'est pas le cas de Mme [O] qui n'est pas l'exploitante du fonds de commerce.

Cependant cette affirmation est contraire aux propres termes de l'assignation délivrée par le liquidateur et Mme [O] ; en effet si seul M. [O] était inscrit au registre du commerce et des sociétés comme exploitant de la boulangerie-pâtisserie, l'assignation précise, en §2 de l'exposé des faits, que les époux [O] ont cédé à la société le fonds de commerce 'qu'ils exploitaient [Adresse 3] à [Localité 7]', mention reprise dans le jugement attaqué.

Il est constant que le fonds a été acquis indivisément le 29 août 2003 par les époux [O], mariés sous le régime de la séparation de biens ; l'acte de cession du fonds de commerce englobe sous le terme 'cédant' M. et Mme [O] et précise, en page 2, que le cédant (soit les époux [O]) cède à la société le fonds de commerce 'qu'il possède et exploite' sans établir de distinction entre les époux vendeurs.

Ces éléments démontrent que, de fait, Mme [O] a exploité le fonds de commerce aux côtés de son époux pendant 12 ans, ce qui est justifié par sa prise de participation financière dans l'entreprise.

Ainsi, la créance née de la cession du fonds de commerce des époux [O], opérée au moyen d'un crédit-vendeur, s'inscrit dans le cadre de l'exercice de leur activité professionnelle de boulangers-pâtissiers et est directement liée à cette activité ; il s'en déduit que les époux [O] avaient la qualité de créanciers professionnels au sens des articles L 341-2 et L.341-3 précités.

Par voie de conséquence, l'engagement de caution donné par M [W] était soumis au formalisme exigé par les textes précités.

Or, les mentions relatives à l'engagement de caution de M. [W] dans l'acte du 4 mai 2015 comme 'le bon pour caution' ne répondent en rien aux mentions exigées, à peine de nullité, par les articles L 341-2 et L.341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de déclarer nul l'engagement de caution de M. [W] figurant dans l'acte du 4 mai 2015.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau ;

Déclare nul l'engagement de caution de M. [W] figurant dans l'acte de cession du fonds de commerce du 4 mai 2015 ;

Déboute en conséquence M. [R], ès qualités, et Mme [O] de leur demande en paiement de la somme de 53 000€ ;

Condamne M. [R], ès qualités, et Mme [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. [W], de M. [R], ès qualités, et de Mme [O].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 20/04002
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;20.04002 ?
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