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13/06/2024 | FRANCE | N°19/18634

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 13 juin 2024, 19/18634


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2024



N° 2024/67













Rôle N° RG 19/18634 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFIKZ







[W], [J] [G]





C/



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES P ROVENCE



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Philippe SOUMILLE




Me Karine DABOT RAMBOURG





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE en date du 28 Octobre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018/007777.





APPELANT



Monsieur [W], [J] [G]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2024

N° 2024/67

Rôle N° RG 19/18634 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFIKZ

[W], [J] [G]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES P ROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe SOUMILLE

Me Karine DABOT RAMBOURG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE en date du 28 Octobre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018/007777.

APPELANT

Monsieur [W], [J] [G]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5] (VIETNAM),

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Philippe SOUMILLE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, représentée par son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Karine DABOT RAMBOURG de la SELARL SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Julia COMAU, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DELMOTTE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Françoise FILLIOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 13 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

M. [G] est le fondateur et le gérant de la société Wok d'Asie (la société), immatriculée le 12 mars 2015 au registre du commerce et des sociétés, dont l'activité était l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration de type asiatique, le siège de la société étant fixé [Adresse 4], à [Localité 6] (13).

Le local donné à bail où devait être implanté le fonds de commerce était en nature d'entrepôt.

Dans la perspective d'aménager ce local, la société a souscrit, suivant acte sous seing privé du 29 mai 2015, un emprunt de 236 000€ auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence (la banque).

Ce prêt, consenti pour une durée de 84 mois, avec un différé de remboursement de six mois était garanti par un nantissement sur le fonds de commerce, le blocage du compte courant d'associés à concurrence de 150 000€ sur la durée du prêt, le cautionnement donné par la société de caution mutuelle SIAGI à hauteur de 50% avec une co-garantie de la société BPI France financement à hauteur de 30% et le cautionnement solidaire de M. [G] donné, dans la limite de la somme de 153 790€ couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, en garantie du paiement de 50% des sommes que la société pourrait devoir au titre du prêt.

Le prêt a été libéré le 1er juin 2015 à concurrence de 155 283€, le 2 juin 2015 à concurrence de 8404,52€ et le 12 juin 2015 à concurrence de 72 912,48€.

Le 9 mars 2015, par l'intermédiaire du cabinet d'architecture en charge de la direction des travaux, M. [G] a déposé auprès de la mairie de [Localité 6] une demande d'autorisation d'aménagement du local en vue de créer un établissement recevant du public.

Sans attendre la décision administrative, les travaux ont débuté dans la semaine du 6 avril 2015.

Par arrêté du 7 juillet 2015, le maire de la commune de [Localité 6] a refusé l'autorisation de travaux aux motifs que les parcelles sur lesquelles était implanté le local de la société se situaient dans une zone de servitude d'utilité publique et que toute construction à usage autre qu'industrielle ou artisanale était interdite.

A la suite de la requête déposée le 8 septembre 2015 par M. [G] devant le tribunal administratif de Marseille, au vu du mémoire en défense de la commune de [Localité 6] justifiant de la légalité de la décision administrative et au vu de l'avis du rapporteur, M. [G] s'est désisté de ce recours le 25 octobre 2017.

M. [G] a engagé une instance à l'encontre du bailleur, du cabinet d'architecture et de son assureur ; cette instance est toujours en cours.

Parallèlement, le contrat de prêt a été réaménagé suivant avenant du 30 décembre 2015, une nouvelle période de différé de remboursement étant consentie par la banque du 1er janvier 2016 au 30 juin 2016.

Un nouvel accord prorogeant le différé du remboursement jusqu'au 30 juin 2017 est intervenu le 21 décembre 2016.

Par mise en demeure du 25 avril 2018, la banque a mis en demeure la société de régulariser un arriéré d'échéances. A la même date, la banque a avisé M. [G] de cet incident de paiement en joignant copie du courrier adressé à la société.

Cette mise en demeure étant restée vaine, la banque a adressé le 24 mai 2018 à la société une mise en demeure visant la déchéance du terme à défaut de régularisation des impayés dans un délai de quinzaine ; à la même date, la banque a adressé à M. [G] une mise en demeure.

A défaut de toute régularisation, la banque a prononcé la déchéance du terme le 26 juillet 2018.

Par jugement du 6 septembre 2018, le tribunal de commerce de Salon de Provence a ouvert la liquidation judiciaire de la société.

La banque a déclaré sa créance à titre privilégié pour un montant de 272 861,65€.

Par acte d'huissier du 4 octobre 2018, la banque a assigné M. [G], pris en sa qualité de caution, devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Povence, en paiement de la somme principale de 136 430,83€ représentant 50% de l'encours du crédit.

Par jugement ,assorti de l'exécution provisoire, du 28 octobre 2019, signifié 7 novembre 2019, le tribunal a

- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes

- condamné M. [G] à payer à la banque la somme de 136 430,83€, outre intérêts de retard au taux de 6,01% à compter du 4 octobre 2018

- dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil

- débouté les parties de leurs autres demandes

- condamné M. [G] à payer à la banque la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

Par déclaration du 6 décembre 2019, M. [G] a relevé appel de ce jugement.

Vu les conclusions du 4 mars 2020 de M. [G] demandant à la cour

- d'infirmer le jugement

- de déclarer nul l'acte de cautionnement dont l'exécution est poursuivie par la banque

- de débouter la banque de ses demandes

A titre subsidiaire,

- de dire que la banque a commis une faute engageant sa responsabilité à son égard en libérant les fonds prêtés entre les mains de la société sans attendre ni demander justification de l'autorisation d'ouvrir un établissement recevant du public dans le local, objet des travaux

- de dire que la banque a commis une faute engageant sa responsabilité à son égard en libérant les fonds prêtés entre les mains de la société sans justification du montant d'investissement exigé par la SIAGI dans sa notification de garantie

- de dire que son préjudice résultant directement de cette faute s'élève à 136 430,83 € outre intérêts de retard au taux de 6,01% à compter du 26 juillet 2018

A titre infiniment subsidiaire

- si son préjudice devait être jugé comme constitué par une perte de chance de ne pas contracter ou de ne pas voir sa garantie mise en oeuvre, de dire que son préjudice est égal à 99% des sommes réclamées par la banque soit à ce jour, 136 430,83€ outre intérêts de retard au taux de 6,01€ à compter du 26 juillet 2018

- de condamner la banque à lui payer ces sommes à titre de dommages et intérêts

- de dire que cette somme se compensera avec toute somme qui serait mise à sa charge sur le fondement du cautionnement dont l'exécution est poursuivie

- dans tous les cas, de condamner la banque à lui payer la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Vu les conclusions du 27 mai 2020 de la banque demandant à la cour

- de confirmer le jugement

- de dire en conséquence que M. [G] ne peut se prévaloir d'aucun vice du consentement et que l'acte de cautionnement est valable

- de dire qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du prêt et dans la libération des fonds

- de dire qu'elle a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire de la société

- de débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes

- de le condamner, conformément à son engagement de caution, au paiement de la somme de 136 430,83€, représentant 50% de l'encours du prêt, outre intérêts de retard à échoir au taux de 6,01% à compter du 26 juillet 2018

- d'ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil

- de condamner M. [G] à lui payer la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 14 février 2023.

Motifs

1. Sur la nullité du cautionnement

M. [G] soutient que le consentement au cautionnement était déterminé par l'ensemble des garanties stipulées au contrat de prêt du 29 mai 2015, que le fonds de commerce, objet du nantissement, ne pouvait exister au jour de l'engagement des parties compte tenu des règles d'urbanisme applicables et que l'erreur sur l'existence possible d'un fonds de commerce a été déterminante du consentement de l'ensemble des garants dont il fait partie.

Mais l'erreur sur l'étendue des garanties fournies au créancier ne peut constituer une cause de nullité du cautionnement qu'à la condition que l'existence d'autres garanties ait été érigée en condition déterminante de l'engagement de la caution.

En l'espèce, l'examen du contrat de prêt dans lequel est inséré l'engagement de caution, révèle que la caution déclare avoir pris connaissance des conditions financières, particulières et générales du contrat et connaître parfaitement les obligations qui en découlent.

Le prêt n'est pas subordonné à une condition suspensive tenant à l'autorisation par le maire de la commune de [Localité 6] d'aménager le local litigieux en établissement recevant du public.

Aucune clause du contrat de prêt ne prévoit que la validité de l'engagement de caution de M. [G] est subordonnée à l'existence effective des autres garanties et spécialement le nantissement du fonds de commerce. Au demeurant, la banque justifie de l'inscription, le 15 juin 2015, d'un nantissement du fonds de commerce à son profit.

L'erreur d'appréciation de la caution sur les possibilités de création et de développement du fonds de commerce de restauration appartenant au débiteur principal ne peut pas être prise en considération alors même que M. [G], dirigeant de la société, devait s'assurer de la faisabilité du projet et, spécialement, de la possibilité d'implantation du fonds dans le local prévu, au regard des règles d'urbanisme en vigueur et obtenir une autorisation du maire de la commune de [Localité 6], avant d'entreprendre des travaux de rénovation et d'aménagement et de faire souscrire un prêt par la société ; en s'engageant en qualité de caution, sans avoir effectué ces vérifications, M. [G] a commis une imprudence grave, constitutive d'une erreur inexcusable exclusive de tout vice du consentement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du cautionnement.

2. Sur la responsabilité de la banque

Contrairement à ce que soutient M. [G], ce n'était pas à la banque de s'assurer de la faisabilité du projet et de l'autorisation préalable d'urbanisme mais bien à l'appelant, dirigeant de la société, de s'assurer de la délivrance préalable de l'autorisation municipale alors même que la destination des fonds prêtés était, aux termes du contrat de prêt , 'le financement de travaux et matériels' et que la libération des fonds ne dépendait pas de l'obtention d'une quelconque autorisation municipale, dont l'appelant ne démontre pas que la banque aurait eu connaissance, à la date de conclusion du prêt.

Par ailleurs l'article 8 du contrat de prêt dispose 'qu'il est convenu que le prêteur aura la possibilité et non pas l'obligation de procéder à tout moment à des opérations de vérification, contrôle, en vue de justifier que l'emploi des fonds est conforme à la destination du prêt', sans que l'appelant démontre que la banque aurait commis une abstention fautive en n'usant pas de cette simple faculté.

Comme l'a relevé le jugement attaqué, la décision anticipée de démarrage des travaux, en l'absence de toute autorisation municipale, ressort à la responsabilité de la société dont M. [G] était le dirigeant.

Enfin, M. [G] reproche à la banque de ne pas avoir respecté les modalités de déblocage des fonds prévues dans les conditions de la garantie donnée par la société de caution mutuelle Siagi de concert avec la BpiFrance financement, prévoyant, notamment, le déblocage des fonds sur production, sur l'initiative du prêteur, de factures d'investissement d'un montant HT minimum de 374 000€.

Mais outre que l'appelant n'établit pas en quoi ces prétendus manquements lui ont fait grief, le jugement retient, à bon droit, que seuls les co-garants pourraient invoquer de tels manquements et que M. [G], qui est dépourvu de toute qualité à agir au nom des organismes précités, n'est pas recevable à se prévaloir de la violation des conditions exigées par les sociétés Siagi et BpiFrance financement.

En l'absence de toute faute commise par la banque, il ya lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement de dommages et intérêts formées par M. [G] contre la banque.

La créance de la banque étant certaine, liquide et exigible au vu du contrat de prêt, du tableau d'amortissement et du décompte produit, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [G], pris en sa qualité de caution, à payer à la banque la somme de 136 430,83€, outre intérêts de retard au taux de 6,01% , le jugement ayant retenu à bon droit la date de l'assignation du 4 octobre 2018 comme point de départ des intérêts de retard.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

Condamne M. [G] aux entiers dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [G], le condamne à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence la somme de 1500€.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 19/18634
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;19.18634 ?
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