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12/06/2024 | FRANCE | N°21/04248

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 12 juin 2024, 21/04248


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 12 JUIN 2024



N° 2024/ 283





N° RG 21/04248



N° Portalis DBVB-V-B7F-BHE44





[D] [V]



[A] [N]



Société FLOREA TERRASSE AG



Société FLOREA DARSE AG





C/



[I] [U]



[C] [U]



[P] [K]



[R] [G]



SARL GEO SCIENCES ET METHODES



S.A.R.L. CITYA TORDO



S.A.S. ABEC ENGINEERING
>

Syndicat des copropriétaires [13]



S.A. AXA FRANCE IARD































































































Copie exécutoire délivrée le :





à :



Me Layla TEBIEL



Me Eric TARLET



Me Julie DE VALKENAERE



Me Sandra JUSTON



M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUIN 2024

N° 2024/ 283

N° RG 21/04248

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHE44

[D] [V]

[A] [N]

Société FLOREA TERRASSE AG

Société FLOREA DARSE AG

C/

[I] [U]

[C] [U]

[P] [K]

[R] [G]

SARL GEO SCIENCES ET METHODES

S.A.R.L. CITYA TORDO

S.A.S. ABEC ENGINEERING

Syndicat des copropriétaires [13]

S.A. AXA FRANCE IARD

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Layla TEBIEL

Me Eric TARLET

Me Julie DE VALKENAERE

Me Sandra JUSTON

Me Thimothée JOLY

Me Aurélie BOURJAC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 13 Janvier 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 09/05107.

APPELANTS

Madame [D] [V]

née le 30 Juin 1963 à [Localité 16] (RUSSIE), demeurant [Adresse 10] (ALLEMAGNE)

Monsieur [A] [N]

né le 27 Juillet 1949 à [Localité 15] (AUTRICHE), demeurant [Adresse 14] (SUISSE)

Société FLOREA TERRASSE AG

représentée par son administrateur, demeurant [Adresse 12] (SUISSE)

Société FLOREA DARSE AG

représentée par son administrateur., demeurant [Adresse 12] (SUISSE)

représentés par Me Layla TEBIEL, membre de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Jean-Paul MANIN, membre de la SELARL SOPHIA LEGAL SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [I] [U], désistement partiel le 22/06/2021

demeurant [Adresse 7]

Monsieur [C] [U], désistement partiel le 22/06/2021

né le 13 Avril 1956 à [Localité 17] (75), demeurant [Adresse 8]

représentés par Me Eric TARLET, membre de la SCP LIZEE- PETIT-TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [P] [K]

demeurant [Adresse 6]

S.A. AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 4]

représentés par Me Julie DE VALKENAERE, membre de la SELARL JDV AVOCATS, avocat au barreau de NICE

SARL GEO SCIENCES ET METHODES, désistement partiel le 22/06/2021

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 11]

représentée par Me Sandra JUSTON, membre de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A.R.L. CITYA TORDO

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 5]

représentée par Me Thimothée JOLY, membre de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Syndicat des copropriétaires [13] sis à [Localité 19]

représenté par son syndic la SARL CABINET L.V.S, dont le siège social est sis [Adresse 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Aurélie BOURJAC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [R] [G]

demeurant [Adresse 2]

Assignation remise le 09.07.2021 à étude DA+Conclusions

Assignation remise le 08.07.2021 à Maître [B] [M], es qualité de liquidateur de [G] [R] DA+Conclusions

défaillant

S.A.S. ABEC ENGINEERING

demeurant [Adresse 9], pris en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [F] [T]

PVde RECHERCHES le 12.07.2021 DA+Conclusions

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire à l'égard de Monsieur [R] [G] et rendu par défaut à l'égard de la S.A.S. ABEC ENGINEERING, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Le 27 octobre 2008, l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence [13], située [Adresse 1] à [Localité 19] (Alpes Maritimes), a décidé d'effectuer des travaux de réfection, rénovation et mise aux normes de la piscine commune, d'accepter le devis estimatif de M. [P] [K] s'élevant à 130.222,38 euros TTC, et de désigner ce dernier en qualité de maître d'oeuvre.

Le 11 juin 2009, les membres du conseil syndical, alertés par une note technique de M. [J] [E], ingénieur ETP, selon laquelle les travaux entrepris n'étaient probablement pas conformes aux règles de l'art, ont demandé au syndic, la société CITYA-TORDO, d'arrêter immédiatement le chantier.

Ce dernier a répercuté la demande auprès du maître d'oeuvre, en invoquant cependant un motif différent, à savoir un manque de trésorerie.

Le 23 juillet 2009, l'assemblée générale a confirmé la suspension des travaux et désigné M. [E] aux fins de vérifier la solidité des fondations des ouvrages réalisés, mettre en oeuvre le renforcement de l'assise de la piscine, et assister le syndic à la réception.

Madame [S] [U], copropriétaire opposante, a contesté cette résolution devant le tribunal de Nice. Parallèlement, elle a saisi la juridiction des référés pour obtenir une expertise technique en présence du syndicat des copropriétaires et de M. [R] [G], entrepreneur chargé du lot de maçonnerie, cette mesure ayant par la suite été successivement étendue au contradictoire de M. [P] [K], des sociétés ASSISTANCE BUREAU D'ETUDES COORDINATION (ci-après ABEC ENGINEERING) et GEO SCIENCES & METHODES (ci-après GSM), et enfin de la société CITYA-TORDO, laquelle avait été entre-temps déchargée de son mandat de syndic.

L'expert commis M. [X] [H] a rendu son rapport le 28 octobre 2011, concluant en substance que le bassin présentait des désordres anciens, que les travaux réalisés en 2009 n'avaient pas permis de rendre l'ouvrage conforme à sa destination, et qu'il était nécessaire de procéder à une démolition partielle et une reconstruction dans les règles de l'art, pour un coût estimé à 338.008,78 euros TTC.

L'expert a pointé principalement les responsabilités de l'ancien syndic et du maître d'oeuvre, et accessoirement celles du bureau d'études et de M. [G].

Enfin, sur la base des conclusions de son sapiteur M. [W] [L], il a évalué la réparation du préjudice subi par Madame [U] du fait de la privation de jouissance de la piscine à 1.479,50 euros par mois.

Dans le cadre de l'instance au fond, le syndicat des copropriétaires a appelé en intervention forcée toutes les parties présentes aux opérations d'expertise, la société AXA FRANCE IARD intervenant en outre volontairement en sa qualité d'assureur de M. [K].

D'autres copropriétaires sont également intervenus pour réclamer l'indemnisation de leurs propres préjudices de jouissance, à savoir Madame [D] [V], M. [A] [N] et les sociétés de droit suisse FLOREA TERRASSE et FLOREA DARSE.

La piscine a finalement été entièrement reconstruite dans le cadre d'un autre marché de travaux et remise en eau à compter du 14 juillet 2017, pour un coût de plus de 1.200.000 €.

Madame [S] [U] étant décédée en cours de procédure, ses héritiers MM. [I] et [C] [U] ont entendu reprendre l'instance, renonçant néanmoins à poursuivre l'annulation de la résolution votée le 23 juillet 2009, mais maintenant une demande en dommages-intérêts à l'encontre du syndicat.

Dans son jugement rendu le 13 janvier 2021, le tribunal judiciaire a considéré :

- que la piscine était affectée de graves désordres préexistants,

- que les travaux entrepris en 2009 n'avaient pas tenu compte des recommandations émises par les géologues précédemment consultés,

- que le préjudice subi par la copropriété était égal au montant des dépenses exposées en pure perte, augmenté du coût de la démolition, soit au total la somme de 250.000 euros,

- et que les responsabilités de l'ancien syndic, du maître d'oeuvre et du bureau d'études se trouvaient engagées dans des proportions équivalentes.

En conséquence, les premiers juges ont :

- mis hors de cause la société GSM et M. [G],

- rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise formée par M. [K] et son assureur,

- constaté que la demande d'annulation de la résolution du 23 juillet 2009 n'était plus soutenue,

- condamné le syndicat à réparer le préjudice de jouissance subi par les copropriétaires demandeurs à hauteur des sommes de 25.600 € pour les consorts [U], 24.000 € pour Madame [V] et pour chacune des sociétés FLOREA TERRASSE et FLOREA DARSE, et 4.800 € pour M. [N],

- condamné la société CITYA-TORDO, le bureau d'études ABEC ENGINEERING et M. [P] [K], chacun à concurrence du tiers, à payer au syndicat la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'à le relever et garantir des condamnations mises à sa charge,

- dit que la société AXA FRANCE était en droit d'opposer les plafonds de garantie et franchises prévus aux conditions particulières du contrat d'assurance,

- condamné la société CITYA-TORDO, le bureau d'études ABEC ENGINEERING et M. [P] [K] aux dépens dans les mêmes proportions que celles susdites,

- fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des copropriétaires demandeurs et du syndicat,

- et ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

Madame [D] [V], M. [A] [N] et les sociétés FLOREA TERRASSE et FLOREA DARSE ont interjeté appel de ce jugement par déclaration conjointe enregistrée le 22 mars 2021 au greffe de la cour.

Ils se sont ensuite désisté partiellement de leur recours à l'égard des consorts [U] et de la société GSM, ce dont il leur a été donné acte par ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 22 juin 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions récapitulatives notifiées le 22 décembre 2021, auxquelles il est ici renvoyé pour l'exposé des moyens, les appelants sollicitent la réformation du jugement quant au montant des indemnités qui leur ont été allouées, demandant à la cour de fixer celles-ci à :

- 84.587,84 € pour Madame [V],

- 27.932,88 € pour la société FLOREA TERRASSE,

- 19.884,48 € pour la société FLOREA DARSE,

- 11.936,58 € pour M. [N].

Ils réclament accessoirement paiement de 1.000 euros chacun au titre de leurs frais irrépétibles d'appel, outre leurs dépens.

Par conclusions récapitulatives notifiées le même jour, le syndicat des copropriétaires s'en rapporte à justice sur les mérites de l'appel principal.

Il forme pour sa part appel incident en faisant valoir :

- que le tribunal ne pouvait limiter la réparation de son propre préjudice aux seules dépenses engagées, mais devait également tenir compte du coût de la reconstruction de l'ouvrage tel qu'estimé par l'expert,

- que les responsables doivent être condamnés in solidum, et non pas conjointement, puisque leurs fautes respectives ont concouru à la réalisation du même dommage.

Il demande à la cour d'infirmer de ces chefs la décision entreprise, en condamnant in solidum la société CITYA BAIE DES ANGES (anciennement CITYA-TORDO), la société ABEC ENGINEERING et M. [P] [K] à lui payer 335.791,83 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'à le relever et garantir intégralement des condamnations mises à sa charge.

Il poursuit d'autre part l'infirmation du chef de jugement ayant mis hors de cause M. [G], et réclame sa condamnation au paiement d'une somme de 1.973 euros en réparation des malfaçons qui lui sont imputables, conformément aux conclusions de l'expert.

Il demande accessoirement à l'encontre de chacun des responsables le paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre ses dépens.

Par conclusions notifiées le 16 septembre 2021, la société CITYA BAIE DES ANGES (anciennement CITYA-TORDO) conteste toute responsabilité dans les désordres, et discute chacun des griefs qui sont été imputés.

Elle fait notamment valoir :

- qu'elle avait fait réaliser deux études géologiques avant le début des travaux, dont les recommandations n'ont pas été suivies par le maître d'oeuvre,

- que la demande d'arrêt du chantier émanait du conseil syndical, et qu'il importe peu que le motif invoqué auprès de M. [K] n'ait pas été le bon,

- qu'ayant été déchargée de son mandat de syndic dès le mois de juillet 2010, elle ne peut être tenue responsable des préjudices de jouissance subis postérieurement,

- et que les travaux de reconstruction finalement réalisés par le syndicat des copropriétaires sont sans commune mesure avec ceux entrepris en 2009.

Elle demande principalement à la cour d'infirmer les chefs de jugement qui la concernent et, statuant à nouveau, de débouter les parties adverses de l'ensemble des prétentions formulées à son encontre et de condamner tout succombant à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.

Subsidiairement, pour le cas où la cour retiendrait l'existence d'une faute de sa part, elle soutient que celle-ci n'a pas concouru à l'entier dommage, et qu'elle ne peut donc être condamnée in solidum avec les constructeurs. Elle demande alors à la cour de limiter la réparation du préjudice subi par le syndicat à la somme de 181.351,52 € correspondant aux dépenses engagées en pure perte et de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une condamnation conjointe des différents responsables, sans toutefois préciser la part à hauteur de laquelle elle devrait être personnellement tenue.

Par conclusions notifiées le 23 septembre 2021, Monsieur [P] [K] et son assureur AXA FRANCE IARD réitèrent en premier lieu le moyen tiré de la nullité du rapport d'expertise, pour violation de l'article 233 du code de procédure civile.

Sur le fond ils soutiennent :

- que les désordres étaient antérieurs aux travaux, et n'ont pas été aggravés par ceux-ci,

- qu'il est impossible d'imputer au maître d'oeuvre la responsabilité de malfaçons dès lors que le chantier n'a pas été mené jusqu'à son terme, et ce pour une toute autre cause,

- que la responsabilité du syndicat des copropriétaires et celle de son syndic s'avèrent déterminantes, la part susceptible d'être mise à la charge des constructeurs ne pouvant excéder 20 % du montant des dommages, dont un tiers à la charge du maître d'oeuvre,

- que l'indemnisation des préjudices de jouissance subis par les copropriétaires doit être calculée in concreto, en fonction des périodes durant lesquelles chacun d'entre eux justifie avoir effectivement occupé son appartement.

Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau :

- au principal, d'annuler le rapport d'expertise et de débouter les parties adverses de toutes prétentions dirigées à leur encontre,

- subsidiairement :

* de limiter le préjudice subi par le syndicat à la somme de 181.351,52 €,

* de débouter les copropriétaires de leur appel principal,

* de rejeter toute demande de condamnation in solidum,

* à défaut, de condamner le syndicat des copropriétaires et son ancien syndic à les relever et garantir à concurrence de 80 %, et la société ABEC ENGINEERING et M. [G] à concurrence de 13,33%, de sorte qu'il ne demeure finalement à leur charge que 6,66 % du montant des dommages-intérêts,

- en tout état de cause, de condamner toute partie succombante à leur verser 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [M] [B], ès-qualités de mandataire liquidateur de Monsieur [R] [G], a été cité le 8 juillet 2021 mais n'a pas comparu.

Il en est de même de la société ABEC INGINEERING, prise en la personne de son liquidateur amiable M. [F] [T], citée par acte du 12 juillet 2021 converti en procès-verbal de vaines recherches.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024.

DISCUSSION

Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise :

Au soutien de cette demande, M. [P] [K] et son assureur font valoir que l'expert a repris intégralement dans son rapport les conclusions de M. [E], technicien requis par le syndicat des copropriétaires, sans procéder lui-même à des investigations complémentaires, déléguant ainsi sa mission à un tiers en violation de l'article 233 du code de procédure civile.

Toutefois, c'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que les premiers juges ont retenu que l'expert avait effectué personnellement un travail approfondi ponctué par de nombreuses réunions avec les parties, et qu'il se devait de prendre en compte les rapports des différents techniciens ayant eu à connaître du dossier pour sa propre édification, l'ensemble de ces conclusions se rejoignant en définitive pour cibler les mêmes causes des désordres.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la responsabilité de l'ancien syndic :

La responsabilité du syndic vis-à-vis du syndicat des copropriétaires doit être appréciée selon les règles applicables au contrat de mandat, définies par les articles 1991 et suivants du code civil. Il doit notamment répondre des fautes qu'il commet à l'occasion de la gestion et de l'administration de l'immeuble. En revanche, étant tenu de respecter la volonté exprimée par l'assemblée générale des copropriétaires, il ne peut être tenu pour responsable des conséquences des décisions adoptées par celle-ci en toute connaissance de cause.

En l'espèce, le tribunal a retenu la responsabilité de la société CITYA-TORDO en considérant que celle-ci avait :

- proposé la désignation d'un maître d'oeuvre dépourvu des compétences requises en la personne de M. [P] [K], simple architecte d'intérieur,

- omis de communiquer à l'assemblée générale l'avis technique de M. [E] relatif à l'état dégradé de la structure, ce qui aurait probablement permis aux copropriétaires de se prononcer en toute connaissance de cause sur la nature des travaux à entreprendre,

- omis d'alerter les constructeurs sur cette même difficulté,

- omis de souscrire une assurance dommages-ouvrage,

- et demandé l'arrêt des travaux sous le prétexte fallacieux d'un manque de trésorerie.

À titre liminaire, l'intimée fait justement observer qu'il lui est difficile d'apporter des éléments probatoires au soutien de son argumentation, dans la mesure où les archives de la copropriété ont été transmises au nouveau syndic désigné en 2010. Toutefois, la charge de la preuve d'une faute repose sur les parties adverses.

Il résulte des explications fournies et des pièces produites aux débats :

- que la candidature de M. [K] avait été proposée par certains copropriétaires, et que celui-ci était assuré pour ce type de mission auprès de la société AXA,

- que la première alerte de M. [E] date du 3 juin 2009, alors que les travaux avaient débuté le 23 mars précédent,

- que le syndic avait fait réaliser en février 2009 deux études de sol par les cabinets RISSER et GSM qui avaient été transmises au maître d'oeuvre à l'occasion d'une réunion du conseil syndical tenue le 7 mars 2019,

- que l'assurance dommages-ouvrage n'était pas obligatoire, s'agissant de la réfection d'un ouvrage existant, et qu'en tout état de cause une telle garantie n'aurait pu être mobilisée en l'absence de réception des travaux,

- et qu'enfin le fait que l'arrêt des travaux, exigé par le conseil syndical puis confirmé par l'assemblée générale, ait été demandé au maître d'oeuvre sous le motif fallacieux d'un manque de trésorerie ne présente aucun lien de causalité direct avec les dommages subis.

S'agissant des autres manquements pointés en page 19 du rapport de l'expert, il convient de relever que le contrat de maîtrise d'oeuvre stipule que le cahier des charges avait été remis à M. [P] [K], et que le défaut de régularisation des marchés de travaux ne présente là encore aucun lien de causalité direct avec les dommages.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société CITYA-TORDO, désormais dénommée CITYA BAIE DES ANGES.

Sur la responsabilité du maître d'oeuvre :

En l'absence de réception, la responsabilité du maître d'oeuvre du fait des désordres de construction doit être appréciée selon les règles de droit commun gouvernant la responsabilité contractuelle. L'architecte encourt notamment une responsabilité lorsqu'il a conçu un projet ne tenant pas compte des contraintes du sol.

En l'espèce, c'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que les premiers juges ont retenu la responsabilité de M. [P] [K] en considérant que les travaux avaient été entrepris sans tenir compte du manque de résistance du sol sous le mur de soutènement entraînant une mauvaise assise de la piscine, ni des cavités existantes sous son radier, et qu'il n'avait pas été prévu de traitement spécifique des fissures verticales et traversantes affectant le bassin, ni de drainage en pied de mur, le tout sans égard pour les recommandations émises par les géologues précédemment consultés.

Contrairement à ce qui est soutenu par les intimés, ces malfaçons, qui rendaient l'ouvrage impropre à sa destination, n'étaient manifestement pas susceptibles d'être réparées en cours de chantier, puisque le maître d'oeuvre n'en avait pas conscience.

Sur la responsabilité du bureau d'études :

La cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du jugement en ce qu'il retenu la responsabilité du bureau d'études ABEC ENGINEERING.

Sur le caractère solidaire de la condamnation :

Les fautes respectivement imputées au maître d'oeuvre et au bureau d'études ont concouru à la réalisation des mêmes dommages, de sorte que ces deux intervenants doivent être condamnés in solidum à les réparer.

Compte tenu de l'avis de l'expert, la contribution à la dette sera répartie entre eux à concurrence de 80% pour M. [P] [K], et de 20 % pour la société ABEC ENGINEERING.

Sur la responsabilité de l'entrepreneur de maçonnerie :

Selon l'expert judiciaire, les travaux réalisés par M. [G] sont affectés de malfaçons dont le coût de réparation peut être évalué à 1.973 € TTC, le jugement devant dès lors être infirmé en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause.

Il s'agit cependant d'une erreur marginale qui n'a pas concouru à l'entier dommage, de sorte que l'intéressé ne saurait être tenu in solidum avec les intervenants précités.

Sur le préjudice subi par le syndicat des copropriétaires :

Le tribunal a justement retenu que le préjudice subi par le syndicat était égal au montant des dépenses engagées en pure perte, s'élevant à la somme de189.351,52 euros, auquel s'ajoutait le coût de la démolition partielle. Celle-ci n'a pas été chiffrée dans le rapport d'expertise, mais peut être fixée dans une fourchette comprise entre 12.043 € et 12.215 € H.T suivant les devis des entreprises LAZAR BATIMEX et SOCOVIBAT joints en annexe dudit rapport, soit une somme arrondie à 12.500 € TTC.

En revanche, c'est à bon droit que le syndicat a été débouté de sa demande au titre du coût de reconstruction de l'ouvrage, puisque celui-ci était affecté de désordres préexistants qui nécessitait en tout état de cause sa réfection complète, laquelle ne pouvait être mise à la charge des défendeurs.

Enfin, l'indemnité convenue avec l'Université [18] en contrepartie de l'occupation temporaire d'une parcelle de terrain pour les besoins des travaux ne constitue pas un préjudice réparable.

Il convient en conséquence de liquider le montant des dommages-intérêts alloués au syndicat des copropriétaires à la somme totale de 201.851,52 euros, le jugement étant réformé de ce chef.

Sur les préjudices individuels subis par les copropriétaires :

En vertu de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits litigieux, le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

En l'espèce, il est constant que les copropriétaires ont été privés de la jouissance de la piscine entre le 11 juin 2009 et le 14 juillet 2017, soit durant une période de huit années.

C'est à juste raison que les premiers juges ont refusé d'indemniser les requérants sur la base d'une perte de valeur locative suivant les conclusions du sapiteur M. [L], alors qu'aucun préjudice de cette nature n'était établi, et ont raisonné en termes de valeur d'usage de cet équipement, tout en prenant en compte la date à laquelle chacun d'entre eux avait acquis la propriété de son lot.

Madame [D] [V], M. [A] [N] et les sociétés FLOREA TERRASSE et FLOREA DARSE seront donc déboutés des fins de leur appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire à l'égard de Monsieur [R] [G] et rendu par défaut à l'égard de la S.A.S. ABEC ENGINEERING

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- mis hors de cause la société GEO SCIENCES & METHODES,

- rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise,

- condamné le syndicat des copropriétaires à réparer les préjudices de jouissance subis à titre individuel par certains d'entre eux à hauteur des sommes de 25.600 € pour les consorts [U], 24.000 € pour Madame [V] et pour chacune des sociétés FLOREA TERRASSE et FLOREA DARSE, et 4.800 € pour M. [N],

- dit que la société AXA FRANCE était en droit d'opposer les plafonds de garantie et franchises prévus aux conditions particulières du contrat d'assurance.

L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

Rejette les demandes formées contre la société CITYA-TORDO, désormais dénommée CITYA BAIE DES ANGES,

Condamne in solidum Monsieur [P] [K] et la société ABEC ENGINEERING, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [F] [T], à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 201.851,52 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'à le relever et garantir intégralement des condamnations mises à sa charge,

Dit que la contribution à la dette devra se répartir entre eux à concurrence de 80% pour M. [P] [K], et de 20 % pour la société ABEC ENGINEERING,

Fixe à 1.973 euros le montant de la créance du syndicat des copropriétaires à l'encontre de Monsieur [R] [G], sous réserve de son admission dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire,

Condamne in solidum Monsieur [P] [K] et la société ABEC ENGINEERING aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise,

Condamne en outre chacun d'entre eux à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes les autres demandes fondées sur le même texte.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 21/04248
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.04248 ?
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