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11/06/2024 | FRANCE | N°22/11885

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 11 juin 2024, 22/11885


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2024

N° 2024/162









Rôle N° RG 22/11885 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ57N







[M] [F]





C/



[C] [V]

Caisse CPAM DU VAR

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Paul GUEDJ

- Me Laure ATIAS










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Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 14 Juin 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/00139.





APPELANTE



Madame [M] [F]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 9]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2024

N° 2024/162

Rôle N° RG 22/11885 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ57N

[M] [F]

C/

[C] [V]

Caisse CPAM DU VAR

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Paul GUEDJ

- Me Laure ATIAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 14 Juin 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/00139.

APPELANTE

Madame [M] [F]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 9]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat postulant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Isabelle SILVANO, avocat plaidant, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [C] [V]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat postulant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Michel TOLOSANA, avocat plaidant, avocat au barreau de NICE

Caisse CPAM DU VAR

Signification le 21/10/2022, à personne habilitée.

Signification des conclusions, le 30/11/2022, à personne habilitée.

Signification des conclusions, 10/03/2023 à persoone habilitée.

demeurant [Adresse 4]

défaillante

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE Société Anonyme d'Assurances immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 582 068 698,, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat postulant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Michel TOLOSANA, avocat plaidant, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président , et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024, puis prorogé jusqu' au 11 juin 2024.

ARRÊT

réputé contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2024.

Signé par M. Jean-Wilfrid NOEL, Président et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [F] a présenté des fuites urinaires à l'âge de 38 ans. Voulant poursuivre ses activités notamment sportives, elle a consulté un gynécologue qui a constaté une incontinence modérée, non opérable dans l'immédiat. Elle a également consulté le docteur [V], gynécologue en juin 2012 qui a préconisé une cure de prolapsus ainsi que la pose d'une bandelette sous urétrale pour traiter son incontinence urinaire d'effort. Une opération sera ainsi envisagée.

A la suite de complications (fistule urétro-vaginale), Mme [F] a subi une nouvelle intervention le l3 juillet 2012, au cours de laquelle la fistule a été refermée, la bandelette TOT a été enlevée et remplacée par une bandelette TVT. Une dysurie est apparue dans les suites de cette intervention, nécessitant la pose et le retrait à plusieurs reprises d'une sonde urinaire. Une nouvelle complication a entraîné une nouvelle intervention le 23 juillet 2012, au cours de laquelle une dilatation de l'urètre a été pratiquée, ce qui a eu pour effet de recréer la fistule vésicale, qui a de nouveau été refermée. La dysurie persistant, le docteur [V] a adressé sa patiente au docteur [L], qui a procédé le 2 août 2012 à une ablation de la bandelette et de tous les fils, un fragment de bandelette et des fils de suture étant présents dans l'urètre, la fermeture d'un orifice urétro-vésicale de 1,5 cm de diamètre et à la pose d'une sonde vésicale. Cette sonde a été retirée le 24 août 2012, après cicatrisation de la fistule.

La patiente présentant à la suite de ces interventions des fuites urinaires aggravées par rapport à son état de santé avant la première intervention, vingt séances de rééducation vésico-sphinctériennes lui ont été prescrites.

Son état s'étant peu amélioré, il a été procédé par le professeur [X] du CHU de [Localité 8] à la pose de ballonnets, lors de deux nouvelles interventions. Au décours de ces soins, il a été constaté que la patiente était enceinte de trois semaines et elle a dû subir un avortement par médicament.

Ces soins n'ayant pas été pleinement efficaces, Mme [F] a finalement bénéficié le 15 mars 2014 de la pose d'un sphincter artificiel, qui a permis la reprise de la continence.

La SA Médicale de France assureur du docteur [V], a mandaté le docteur [K] aux fins d'expertise.

Dans son rapport extrajudiciaire déposé le 10 octobre 2014, le docteur [K] retient que si l'intervention était justifiée, elle a mal été réalisée par le docteur [V], avec à la fois la pose d'une bandelette différente de celle qui avait été prévue, mauvais positionnement de la bandelette et création d'une fistule vésico-vaginale, puis changement de bandelette qui a de nouveau été mal placée, obstruant l'urètre et créant une rétention d'urine et, finalement, réouverture de la fistule en dilatant l'urètre nécessitant l'ablation de l'ensemble des bandelettes et suture itérative de la fistule, laissant persister après ces multiples interventions une incontinence plus importante qu'avant la première intervention.

L'expert précise que le suivi des complications a bien été mené par le docteur [V] mais rappelle que ces complications sont en rapport avec des fautes techniques per-opératoires.

Il fixe la date de consolidation au 1er octobre 2014 et retient, au titre des préjudices, plusieurs arrêts de travail imputables, des périodes de gêne temporaire totale ou partielle de classe II, un deficit fonctionnel permanent de 10%, des souffrances endurées évaluées 4/7, un préjudice esthétique évalué à 1/7 et des soins futurs (consultation annuelle).

La SA Médicale de France a procédé au versement d'une première provision d'un montant de 3 000 euros.

Mais refusant l'offre faite par l'assureur Mme [F] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse qui a ordonné une expertise judiciaire confiée au docteur [N], spécialiste en urologie et a alloué à Mme [F] une indemnité provisionnelle de 6 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Le docteur [N] a déposé son rapport le 20 juin 2016 et a conclu que :

- la pose d'une bandelette TOT, à la place de la bandelette TVT qui était prévue, ne constitue pas une faute dans la mesure où la technique TOT est actuellement celle qui est le plus communément pratiquée car moins sujette à complications ;

- il ne peut pas reprocher au docteur [V] de ne pas avoir eu recours à une urétro-cystoscopie pour détecter d'éventuelles plaies vésicales en cours d'intervention, en l'absence d'hématurie et la cystocéle étant uniquement de grade I ;

- la prise en charge des complications a été assurée par le docteur [V] conformément aux règles de l'art ;

- les complications survenues relèvent d'aléas thérapeutiques répertoriés en littérature, dans 1% des cas, susceptibles de justifier une demande d'indemnisation auprès de la CRCI, qui ont entraîné des troubles particulièrement graves dans les conditions d'existence de Mme [F].

Par acte du l0 novembre 2016, Mme [F] a sollicité en référés une extension de la mission d'expertise afin que l'expert se prononce, en toute hypothèse, sur l'ensemble des postes de préjudices et par ordonnance du l8 janvier 20l7 elle a été déboutée de sa demande.

Elle a alors saisi la Commission de Conciliation et d'Indemnisation (CCI) des accidents médicaux, qui a désigné le 20 juin 2017 le docteur [O], spécialiste en urologie.

Dans son rapport du 7 octobre 2017, le docteur [O] a retenu que toutes les interventions subies par Mme [F] jusqu'à la pose d'un sphincter artificiel sont en rapport avec l'accident médical initial.

S'agissant de l'information délivrée à la patiente, l'expert a estimé que la distinction entreTOT et TVT n'entrait pas en ligne de compte, puisque l'accident peut survenir dans les deux cas et qu'il y a moins de risque vésical avec la TOT qui est généralement préférée.

Il a noté que la possibilité d'une fistule urétrale n'a pas été évoquée dans les complications immédiates, car il s'agit le plus souvent d'une complication tardive par érosion de la bandelette. L'indication opératoire était tout à fait justifiée compte tenu de l'état de la patiente.

Concernant la fistule urétrale apparue trois jours après l'intervention du 4 juillet 2017, l'expert relève qu'elle est due à un manque de précaution pour s'assurer de l'intégrité de l'urètre lors de la suture vaginale. Il note ensuite que la prise en charge de cette fistule a été tout à fait inappropriée, dans la mesure où il convenait d'enlever la bandelette et fermer la fistule, et de remettre à plus tard, en fonction d'une bonne cicatrisation de l'urètre, la pose d'une nouvelle bandelette.

Les deux tentatives de fermeture de la fistule avec maintien de la bandelette n'ont fait qu'accroître l'orifice fistuleux jusqu'au col de la vessie, compromettant son mécanisme sphinctérien.

Compte-tenu de l'incontinence présentée par la patiente avant l'intervention, l'expert estime à 70% l'aggravation de son incontinence imputable à cette mauvaise prise en charge et conclut que la plaie de l'urètre lors de la mise en place d'une bandelette est un accident rare (autour de 1%), car le plus souvent évitable par une technique rigoureuse.

Il fixe la date de consolidation an 1er octobre 2014 et il retient :

- des arrêts de travail allégués : elle a bénéficié de 300 jours d'arrêt temporaire de ses activités professionnelles, mais pas toujours honorés par la sécurité sociale puisqu'elle travaille dans le garage de son mari ; elle a aussi arrêté son travail une journée pour chaque gonflage des ballonnets et dans les suites opératoires du l5 mai 2014 au 8 juillet 2014,

- compte tenu de la durée usuelle d'une cure de prolapsus avec TOT, un déficit fonctionnel temporaire total de I5 jours correspondant aux périodes d'hospitalisation subis entre le 2 août 2012 et le 19 mai 2014,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II (25%) du 4 août 2012 au 24 août 2012, du 17 mars 2013 au 1er juillet 2013, du 24 octobre 2013 au 12 mai 2014 et du 20 mai 2014 au 1er juillet 2014,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe I (10%) du 25 août 2012 au 13 mars 2013, du 15 juillet 2013 au 22 octobre 2013, du 2 juillet 2014 au 1er octobre 2014,

- des souffrances endurées évaluées à 3/7 compte-tenu des douleurs à chaque gonflage du ballonnet lors des interventions en rapport avec le dommage,

- un préjudice esthétique temporaire évalué à 1/7,

- la nécessité de soins futurs : prise en charge psychologique (1à 8 séances entre août 2015 et avril 2016, puis une fois tous les deux mois pendant deux ans),

- une absence de préjudice professionnel (aptitude a reprendre le travail),

- un déficit fonctionnel permanent de 10% en rapport avec la présence du sphincter artificiel et de la gêne occasionnée lors de la pression de la pompe gauche de sa main droite et, de façon ponctuelle, lors de l'évacuation de selles importantes,

- un préjudice esthétique permanent évalué à I/7,

- un préjudice d'agrément assez important pour le vélo (nécessité d'une selle adaptée en raison de la présence de la pompe), arrêt du tennis et réticence à la reprise du sport en salle, appréhension des voyages pour dysfonctionnement du sphincter,

- un préjudice sexuel important du fait de la présence de l'anneau sphinctérien bien palpable en intra-vaginal et ballon, d'expansion bien sensible dans la fosse iliaque gauche,

- risque à long terme de détérioration partielle totale du sphincter, qui serait à changer au bout de 10 ans selon le professeur [X].

Par décision rendue le 19 décembre 2017, la CCI s'est déclarée incompétente, estimant que les conséquences de la prise en charge litigieuse ne présentaient pas les caractères de gravité exigés par tes textes.

Par actes des 20 et 21 décembre 2018, Mme [F] a assigné le docteur [C] [V], la SA Médicale de France et la CPAM des Alpes-Maritimes devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins d'indemnisation de son préjudice.

Par conclusions d'incident du 21 octobre 2019, elle a saisi le juge de la mise en état d'une demande d'expertise judiciaire, avec désignation d'un expert urologue et d'un expert psychiatre, et a sollicité une provision de 50 000 euros.

Par ordonnance d'incident du 18 septembre 2020, le juge de la mise en état a dit qu'il n'était pas compétent pour statuer sur la demande d'expertise, s'agissant d'une demande de contre-expertise relevant du juge du fond, et l'a déboutée de sa demande de provision en l'état de l'existence de contestations sérieuses.

Par jugement mixte du 9 novembre 2021, le tribunal a :

- déclaré le docteur [C] [V] entièrement responsable des préjudices subis par Mme [M] [F] à la suite des interventions qu'il a pratiquées les 4, 13 et 23 juillet 2012 ;

- dit que le docteur [C] [V] a commis une faute en délivrant à Mme [M] [F] une information pré-opératoire sur une technique ne correspondant pas à celle pratiquée lors de l'intervention du 4 juillet 2012 ;

Avant dire droit sur le préjudice subi par Mme [M] [F] :

- réservé les demandes d'indemnisation formées par Mme [M] [F] ct la CPAM du Var, intervenant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes ;

- fait injonction à Mme [M] [F] de formuler ses demandes d'indemnisation poste par poste, en tenant notamment compte de l'évaluation de ces divers postes proposées par les docteurs [O] et [K] ;

- réservé la demande reconventionnelle du docteur [W] [V] et la SA Médicale de France tendant au remboursement par Mme [M] [F] des provisions d'un montant total de 9 000 euros d'ores et déjà perçues ;

- ordonné la révocation de l'ordonnance ayant fixé la clôture de la procédure au 3 août 2021 et la réouverture des débats ;

- renvoyé l'affaire et les parties à l'audience de plaidoiries collégiale et réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement du 14 juin 2022 le tribunal judiciaire de Grasse a :

- débouté Mme [M] [F] de sa demande au titre de 1'aide permanente par tierce personne ;

- condamné docteur [C] [V] et la SA Médicale de France in solidum à payer à Mme [M] [F] les sommes suivantes :

- au titre des frais divers, la somme de 22 952,80 euros,

- au titre de la perte de gains professionnels actuels, la somme de 1 770,06 euros,

- au titre des dépenses de santé futures, la somme de 6 438,00 euros,

- au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme de 5727,00 euros,

- au titre des souffrances endurées, la somme de 20 000,00 euros,

- au titre du préjudice esthétique temporaire, la somme de 1000,00 euros,

- au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de 27 600,00 euros,

- au titre du préjudice esthétique permanent, la somme 2 000,00 euros,

- au titre du préjudice d'agrément la somme de 10 000 euros,

- an titre du préjudice sexuel la somme de 15 000 euros,

- au titre du préjudice d'impréparation la somme de 2 000 euros,

soit une somme totale de 115 487,86 euros en réparation de son entier préjudice, étant précisé qu'il conviendra de déduire de cette somme la provision d'un montant de 9 000 euros d'ores et déjà allouée, soit une somme restant due de 106 487, 86 euros ;

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM du Var, agissant pour le compte de la CPAM des A1pes-Maritimes ;

- condamné le docteur [C] [V] et la SA médicale de France in solidum à payer à la CPAM du Var, agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, les sommes suivantes :

- au titre des dépenses de santé actuelles, la somme de 24 240,61 euros,

- au titre de la perte de gains professionnels actuels, la somme de 4 458,44 euros,

soit une somme totale de 28 699,05 euros ;

- dit que les sommes allouées à la CPAM du Var, agissant pour le compte de la CPAM des Alpes- Maritimes, seront productives d'intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2019 ;

- réservé la créance de la CPAM au titre des dépenses de santé futures et dit qu'il lui appartiendra de faire valoir son recours auprès du docteur [C] [V] et la SA médicale de France au fur et à mesure de l'engagement effectif de ses dépenses de santé futures ;

- condamné le docteur [C] [V] et la SA médicale de France in solidum à payer à la CPAM du Var, agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, la somme de 1114 euros au titre de l'indemnité de gestion ;

- condamné le docteur [C] [V] et la SA médicale de France in solidum à payer à Mme

Nathalie Sacristan la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné le docteur [C] [V] et la SA médicale de France in solidum à payer à la CPAM du Var agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, la somme de 1200 euros an titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné le docteur [C] [V] et la SA médicale de France in solidum aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise, et qui seront distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 26 août 2022, Mme [F] a interjeté un appel limité de la décision rendue le 14 juin 2022.

La déclaration d'appel mentionne que : 'l'appel tend à l'annulation, la réformation et/ou l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme [M] [F] de sa demande au titre de l'aide permanente par une tierce- personne'.

La clôture de l'instruction est en date du 6 février 2024.

EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS

Aux termes de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 25 novembre 2022, Mme [F] demande à la cour de réformer le jugement déféré concernant le poste d'assistance par tierce personne et en conséquence de condamner le docteur [V] et la compagnie d'assurances Médicale de France à lui verser la somme de 171 247,608 euros ; enfin de les condamner aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir en substance que la perte d'autonomie relevée dans l'expertise du docteur [O] missionné par la CCI est bien en lien avec les interventions chirurgicales fautives du docteur [V] qui ont eu pour conséquence une plaie urétrale, une large fistule accrue jusqu'au col de la vessie qui a totalement compromis le mécanisme sphinctérien de la vessie (incontinence alors sévère) puis qui a justifié in fine la pose d'un sphincter artificiel et ce à l'âge de 42 ans.

Elle a ainsi besoin, au regard de sa situation personnelle de façon hebdomadaire d'une tierce personne au minimum 4 heures par semaine car le sphincter artificiel ne lui permet pas de longs déplacements, les charges lourdes et de nombreuses tâches ménagères lui sont proscrites de sorte qu'elle doit faire intervenir systématiquement des tiers.

Elle rappelle que l'appréciation de ce poste de préjudice doit se faire in concreto avec application d'une valeur du point (gaz pal au 15 septembre 2020) de 41.727 pour une femme de 44 ans ; soit 228 heures par an (52 semaines en sus de 5 semaines de congés payés soit 57 semaines) qui représentent la somme de 4 104 euros/ an à 18 euros de l'heure X 41.727 : 171 247,60 euros.

Dans leurs conclusions notifiées par la voie électronique le 27 février 2023, le docteur [V] et la SA Médicale de France demandent à la cour de ne pas admettre l'appel partiel interjeté par Mme [F], à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse, de rejeter intégralement cet appel principal et de confirmer la partie du jugement déféré à la censure de la cour, par Mme [F].

Ils demandent en outre à la cour de condamner Mme [F] à payer :

' la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au docteur [V] ;

' la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la SA Médicale de France ;

' condamner Mme [F], aux entiers dépens d'appel ; ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen-Guedj, sous sa due affirmation.

Ils soutiennent en résumé qu'aucun expert n'a retenu ce poste de préjudice à titre permanent et que Mme [F] feint de perdre de vue l'état antérieur qui était le sien et qui l'avait conduit à consulter le docteur [V].

Ils ajoutent que l'expert [O] a considéré qu'à supposer que le docteur [V] ait pu engager sa responsabilité, il n'avait pu le faire que pour une fraction des postes de réclamations pouvant être admis, puisqu'il précise bien, à la page 12 de son rapport que l'état antérieur est à prendre en compte à hauteur de 30 % dans l'aggravation.

Ils rappellent enfin qu'elle a toujours été en capacité de travailler et que le médecin qui l'a assistée n'a jamais fait état d'un besoin en tierce personne.

La CPAM du Var n'a pas constitué avocat mais a fait parvenir un courrier reçu le 23 novmebre 2023 faisant état de ses débours pour une somme de 75 717,72 euros au titre des frais médicaux et des indemnités journalières versées.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1-Sur l'assistance par tierce personne permanente

Mme [F] fait grief aux premiers juges d'avoir écarté sa demande d'indemnisation au titre de l'assistance par tierce personne post-consolidation alors qu'elle conserve une limitation substantielle de ses activités au quotidien.

Elle explique qu'elle a besoin d'une aide extérieure pour le port de charges lourdes, les courses et les tâches ménagères pénibles (ne peut s'agenouiller voire s'accroupir) deux heures deux fois par semaine.

Le docteur [V] et la Médicale de France son assureur, sollicitent pour leur part, la confirmation du jugement qui a rejeté cetted emande. Ils précisent que la prétention de Mme [F] est présentée en-dehors de tous éléments médicaux avérés et probants et que le docteur [T] médecin conseil de la victime qui a présenté un dire aux opérations d'expertise [O], n'a pas mentionné ce besoin. Enfin, ils rappellent l'état antérieur de Mme [F].

Pour débouter Mme [F] de sa demande au titre de l'aide humaine, le tribunal a retenu qu'elle ne démontrait pas la nécessité d'assistance par tierce personne en l'état des rapports d'expertises produit qui l'ont exclue.

L'expert [O] missionné par la CCI a en effet conclu à l'absence de nécessité d'une tierce personne à titre permanent en mentionnant : sans objet.

Il a par ailleurs noté un déficit fonctionnel permanent de 10% s'agissant comme justement retenu par le tribunal d'un déficit fonctionnel purement physiologique, la composante psychologique retenue par l'expert [Y] portant le déficit fonctionnel permanent à 18% . Il a également noté une reprise du travail post -consolidation ainsi que la repise du sport notamment du vélo avec une adaptation de la selle.

Le docteur [T] médecin qui a assisté Mme [F] pendant les opérations d'expertise, a précisé certes, dans son certificat du 22 novembre 2022 que la demande de Mme [F] est largement justifiée dans la mesure où elle est en difficulté dans la marche prolongée et le port de charges lourdes ainsi que par l'impossibilité de s'agenouiller et a ainsi conclu à un besoin en aide humaine de 2 fois 2h par semaine.

Toutefois, il est surprenant qu'il n'ait à aucun moment et alors qu'il assistait Mme [F] aux opérations d'expertise fait état de ce besoin en aide humaine (Cf. pièce 47-pièce 40 dire à expert).

Par ailleurs, son certificat médical est succint et n'est corroboré par aucune autre pièce versée aux débats, les attestations de la famille et des proches de Mme [F] évoquant seulement son besoin d'aide avant consolidation c'est-à-dire pendant les soins, et ses difficultés psychologiques liées aux conséquences de l'erreur médicale mais non le besoin en aide humaine permanente.

Ainsi la cour ne peut sur la base d'un déficit fonctionnel permanent fut-il au final de 18%, en déduire que ce besoin d'assistance post-consolidation est établi. Il appartenait à Mme [F] d'étayer sa demande et d'expliquer en quoi les experts qui n'avaient toutefois pas été contredits par le médecin [T] qui l'assistait, avait mal apprécié sa perte d'autonomie.

Il sera par ailleurs rappelé que si son état de santé venait à évoluer dans le sens d'une aggravation rien ne l'empêcherait de solliciter la constatation de cette aggravation.

Par voie de conséquence, le jugement déféré mérite confirmation en ce qu'il a débouté Mme [F] de cette demande.

2-Sur les mesures accessoires

Partie perdante, Mme [F] supportera la charge des dépens d'appel et sera nécessairement déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Recouvrement direct sera ordonné au profit du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de de l'article 699 du code de procédure civile.

Aucun motif d'équité enfin ne justifie qu'il soit fait droit à une quelconque demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [M] [F] à supporter la charge des dépens d'appel et recouvrement direct sera ordonné au profit du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 22/11885
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;22.11885 ?
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