COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 11 JUIN 2024
N° 2024/239
Rôle N° RG 20/08134 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGGLC
[E] [Y]
[B] [Z] épouse [Y]
C/
[F] [A]
S.C.P. JEAN CHRETIEN ALBAN BINDELLILAURENCE VINAI TE [W]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-Me Thierry BLANCHE
-Me Catherine BECRET CHRISTOPHE
- Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de GRASSE en date du 07 Juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02566.
APPELANTS
Monsieur [E] [R] [D] [U] [Y]
né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 8]
Madame [B] [Z] épouse [Y]
née le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 8]
Tous deux représentés par Me Thierry BLANCHE de la SELAS COMPAGNIE FIDUCIAIRE ANTIBOISE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE
Madame [F] [A]
née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Catherine BECRET CHRISTOPHE de la SCP LEXARGOS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
S.C.P. Jean CHRETIEN Alban BINDELLI Laurence VINAI [M] [W], notaires associés
demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Jean-christophe GARRY de la SELARL GARRY ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Mai 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2024,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [F] [A] et M. [C] [Y] ont vécu ensemble jusqu'en juillet 2009.
Par acte notarié reçu le 3 avril 2009 par Mme [M] [W], notaire à [Localité 11], les parents de M. [C] [Y], M. [E] [Y] et son épouse Mme [B] [Z] épouse [Y] (les époux [Y]), se sont engagés en qualité de cautions hypothécaires, afin de garantir le remboursement d'un prêt de 100 000 €, consenti par les époux [L] le 13 février 2009 à la compagne de leur fils, Mme [F] [A] et remboursable au plus tard le 30 septembre 2009, sans intérêts jusqu'à cette date, puis avec intérêts de 3,7 % l'an.
Le bien immobilier donné en garantie constituait leur résidence principale.
En l'absence de remboursement du prêt à la date convenue, les époux [L] ont délivré aux époux [Y], le 23 octobre 2009, un commandement aux fins de saisie vente de leur bien immobilier.
Le 8 décembre 2010, les époux [Y] ont vendu aux époux [L] leur bien immobilier contre la somme de 130 000 € et, par protocole d'accord du même jour, ont donné ordre au notaire de leur régler la somme de 104 606,46 €, au titre du remboursement du capital et des intérêts du prêt.
Les époux [L] ont ensuite donné le bien immobilier en location aux époux [Y] contre un loyer de 800 € par mois.
Par actes des 16 et 18 septembre 2014, les époux [Y] ont assigné Mme [A] et la société civile professionnelle (SCP) Jean Chretien, Alban Bindelli, Laurence Vinai, [M] [W],
notaires, devant le tribunal de grande instance de Grasse, afin d'obtenir la condamnation de Mme [A] à leur rembourser les sommes réglées en leur qualité de caution et du notaire à les indemniser de leurs préjudices.
Par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a :
- condamné Mme [A] à payer aux époux [Y] la somme de 104 506,46 €, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2014 ;
- débouté les époux [Y] de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de Mme [A] ;
- débouté les époux [Y] de leurs demandes à l'encontre de la SCP Jean Chretien, Alban Bindelli, Laurence Vinai, [M] [W], aux droits de laquelle vient la SCP Bindelli-Vinai-
[W]-Janet ;
- débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre des époux [Y] ;
- condamné Mme [A] à payer aux époux [Y] une somme de 2 500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les époux [Y] à payer à la SCP Jean Chretien, Alban Bindelli, Laurence Vinai, [M] [W], aux droits de laquelle vient la SCP Bindelli-Vinai-[W]-Janet une somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [A] aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, il a considéré que :
- Mme [A] ne rapporte pas la preuve, contre les énonciations de l'acte notarié du 3 avril 2009, qui fait foi jusqu'à inscription de faux, qu'elle n'est pas le bénéficiaire du prêt de 100 000 € garanti par la caution hypothécaire des époux [Y] ;
- dès lors qu'elle est débitrice principale, les cautions sont fondées à recouvrer les sommes réglées à sa place en exécution de leur engagement de caution ;
- le notaire n'a commis aucun manquement à ses devoirs au motif que l'acte reçu correspond à un engagement de caution hypothécaire, et non de caution personnelle, de sorte qu'il n'avait pas à s'assurer de la solvabilité de l'emprunteur principal, mais seulement à vérifier la situation du bien immobilier gagé.
Par acte du 24 août 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, les époux [Y] ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de Mme [A], de l'ensemble de leurs demandes contre le notaire, et les a condamnés à payer à ce dernier la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 9 avril 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions, régulièrement notifiées le 20 novembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [Y] demandent à la cour de :
' confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [A] à leur payer la somme de 104 506,46 €, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2014 ;
' infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau,
' condamner Mme [A] à leur payer 84 000 € à titre de dommages-intérêts ;
' dire et juger que Mme [W], notaire, a commis une faute en s'abstenant de vérifier la solvabilité et le patrimoine de Mme [A] et a manqué à son devoir de conseil à leur égard ;
' condamner la SCP Bindelli Vinai [W] Janet à leur payer 104 506,46 € et 84 000 € à titre de dommages-intérêts ;
' condamner solidairement Mme [A] et la SCP Bindelli Vinai [W] Janet à leur payer 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de leur avocat.
Au soutien de leur appel et de leurs prétentions, ils font valoir que :
Sur les sommes dues par Mme [A] :
- l'acte notarié du 3 avril 2009 fait expressément état de l'emprunt contracté personnellement par Mme [A] qui, pour prouver contre cet écrit, ne peut se contenter d'attestations faisant état de la main mise de son compagnon sur son fonds de commerce et d'une emprise sur sa personne ;
- le courrier par lequel M. [Y] a demandé au notaire de porter la somme cautionnée à 100 000 € et qui précise que le bénéficiaire du prêt est leur fils, n'est pas suffisant pour prouver contre les énonciations de l'acte authentique dans lequel Mme [A], qui a seule comparu, à l'exclusion de son compagnon, reconnaît avoir elle même emprunté la somme litigieuse ;
- la mauvaise foi de Mme [A] et sa résistance les ont contraints à vendre leur domicile et à s'acquitter depuis la vente d'un loyer de 800 € par mois ;
Sur les manquements fautifs du notaire :
- le notaire a omis de s'assurer de la solvabilité de Mme [A] et le fait que l'engagement soit simplement hypothécaire est inopérant ;
- à ce manquement, s'ajoute un défaut de conseil en ce que le notaire n'a pas attiré leur attention sur le risque de perte de leur bien immobilier compte tenu de la brièveté du terme fixé par le contrat de prêt ;
- les manquements du notaire sont directement à l'origine de leurs préjudices puisque Mme [A] étant insolvable, ils ne pourront recouvrer la somme réglée en leur qualité de caution et qu'ils ont été contraints de vendre leur domicile et de s'acquitter, depuis la vente, d'un loyer de 800 € par mois.
Dans ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident, régulièrement notifiées le 25 février 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, Mme [A] demande à la cour de :
' infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
' débouter les époux [Y] de toutes leurs demandes ;
' condamner les époux [Y] à lui payer une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de son avocat ;
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que
- elle n'a jamais été le bénéficiaire du prêt consenti par les époux [L], puisque la somme était en réalité destinée à son compagnon, fils des époux [Y] ;
- elle justifie par plusieurs attestations qu'à l'époque, elle était gérante de droit d'une société exploitant un fonds de commerce de restaurant et que son compagnon, qui la harcelait et la menaçait, gérait de fait le restaurant et n'hésitait pas à s'approprier les recettes de celui-ci ;
- les énonciations d'un acte authentique ne valent que pour celles que le notaire a personnellement constatées, de sorte que les mentions relatives à l'emprunt ne valent que jusqu'à preuve du contraire ;
- elle a été contrainte d'engager des frais pour assurer sa défense et éviter une condamnation alors qu'elle n'a jamais bénéficié de la somme de 100 000 €.
Dans ses dernières conclusions d'intimée, régulièrement notifiées le 18 mai 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la SCP Jean Chretien Alban Bindelli Laurence Vinai [M] [W] demande à la cour de :
' confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [Y] de leurs demandes à son égard ;
' débouter les époux [Y] de leurs demandes et la déclarer hors de cause ;
' débouter Mme [A] de toutes ses demandes ;
' condamner les époux [Y] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de son avocat.
Elle fait valoir que :
- avant de recevoir l'acte de caution, elle s'est assurée auprès du tribunal de commerce de l'absence de toute procédure collective concernant Mme [A], mais, en tout état de cause, l'engagement étant essntiellement hypothécaire, elle devait seulement procéder à des vérifications concernant le bien immobilier donné en garantie, sans être tenue de s'assurer de la solvabilité du débiteur principal ;
- aucun manquement au devoir de conseil ne peut davantage lui être imputée, en ce qu'aucune anomalie ne justifiait d'attirer l'attention des époux [Y] qui, étant les beaux-parents de Mme [A], savaient précisément à quoi ils s'engageaient en se portant cautions hypothécaires et le savaient d'autant mieux qu'ils lui ont écrit en demandant la rectification d'une erreur afin que la somme cautionnée soit fixée portée à 100 000 € ;
- à supposer le manquement au devoir de conseil démontré, les époux [Y] ne rapportent pas la preuve que, mieux informés, ils aurait renoncé à cet engagement, s'agissant de leur belle-fille, mère de leur petit fils.
Elle ajoute que le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a condamné Mme [A] à payer aux époux [Y] la somme due en exécution du contrat de prêt, au motif que l'intéressée a reconnu, en signant l'acte authentique, être la bénéficiaire de l'engagement principal que la caution hypothécaire avait pour vocation de garantir et que le courrier de M. [Y], dans lequel il évoque un prêt au bénéfice de son fils, est insuffisant pour combattre les énonciations de l'acte.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes à l'encontre de Mme [A]
En application de l'article 2305 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable à l'acte de caution litigieux, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.
L'article 2306 du même code subroge la caution qui a payé à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur.
En l'espèce, les époux [Y] soutiennent que la somme de 104 506,46 €, qu'ils ont été contraints de payer aux époux [L] en exécution de leur engagement de caution hypothécaire, garantissait une dette de Mme [A] à l'égard des époux [L].
Mme [A] conteste avoir reçu quelque somme que ce soit de la part des époux [L] au titre d'un prêt.
En application de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'acte litigieux, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
En l'espèce, Mme [A] ne conteste pas l'existence d'un prêt consenti par les époux [L], dont le remboursement était garanti par la caution hypothécaire des époux [Y], mais l'identité du bénéficiaire de ce prêt.
Elle conteste ainsi être débitrice du remboursement de l'emprunt, soutenant qu'il a, en réalité, bénéficié à son ancien compagnon, fils des époux [Y].
L'acte notarié de caution hypothécaire reçu le 3 avril 2009, auquel Mme [A] est intervenue, expose que 'madame et M. [L] ont prêté le 13 février 2009 à Mademoiselle [F] [A] (...), qui le reconnaît expressément, la somme de 100 000 €, remboursable en une seule fois au plus tard le 30 septembre 2009, sans intérêt jusqu'à cette date et après cette date au taux légal de 3,79 % l'an'.
Selon les énonciations de cet acte, les époux [Y] acceptent de se porter caution simplement hypothécaire de Mme [A] en garantie du remboursement de la somme due en principal et intérêts.
En application de l'article 1319 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause.
L'article 1320, qui suit, dispose que l'acte, soit authentique, soit sous seing privé, fait foi entre les parties, même de ce qui n'y est exprimé qu'en termes énonciatifs, pourvu que l'énonciation ait un rapport direct à la disposition. Les énonciations étrangères à la disposition ne peuvent servir que d'un commencement de preuve.
Il résulte de ces dispositions que l'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux des faits que l'officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s'étant passés en sa présence dans l'exercice de ses fonctions.
A l'inverse, les énonciations ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l'officier public font foi jusqu'à la preuve contraire.
En l'espèce, le notaire n'a pas reçu l'acte de prêt. Il n'a donc pas personnellement constaté que le prêt avait été consenti à Mme [A].
En conséquence, ses énonciations font foi jusqu'à preuve du contraire et leur remise en cause n'exige pas de celui qui les conteste la mise en oeuvre d'une procédure d'inscription de faux.
En revanche, le notaire a recueilli les déclarations de Mme [F] [A], qui est intervenue à l'acte et l'a signé. Or, dans ses déclarations, elle reconnaît expressément que les époux [L] lui ont prêté le 13 février 2009 la somme de 100 000 € et son obligation de la rembourser.
En application de l'article 1341 ancien du code civil, il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.
La dispense de présenter une preuve littérale pour contredire le contenu d'un instrumentum ne vaut que lorsque l'écrit est ambigu, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En revanche, selon l'article 1347 du même code, la règle reçoit exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.
En l'espèce, Mme [A] est intervenue à l'acte et a explicitement reconnu être la bénéficiaire du prêt consenti par les époux [L], qui fonde l'engagement de caution hypothécaire que l'acte notarié avait pour objet de formaliser. Elle ne peut prouver contre cet écrit que par un autre écrit ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.
Elle ne produit aucun écrit démontrant que le bénéficiaire du prêt de 100 000 €, consenti par les époux [L], est son ancien compagnon, M. [C] [Y].
Elle peut utilement se prévaloir du courrier que M. [Y] père a adressé au notaire le 19 mars 2008, dans lequel il mentionne 'la somme prêtée par M. [L] à [C] [Y]'.
En effet, le commencement de preuve par écrit se définit comme tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.
Or, le courrier n'émane pas de M. [C] [Y], de sorte qu'il est inopérant pour démontrer, contrairement aux énonciations de l'acte signé par Mme [A], que ce dernier est en réalité l'emprunteur.
Par ailleurs, et surtout, ce courrier est antérieur de onze mois à la date à laquelle le contrat de prêt a été conclu, et de plus d'un an à la date de l'acte de caution. S'il est possible qu'en mars 2008, M. [C] [Y] ait envisagé d'emprunter lui même la somme, les actes juridiques rédigés en février et mai 2009 établissent que tel n'a finalement pas été le cas.
Ce courrier ne rend donc pas vraisemblable le fait allégué et ne peut, dès lors, valoir commencement de preuve par écrit.
Les témoignages produits par Mme [A], outre qu'ils ne sont pas relatifs à l'opération de prêt litigieuse, ne sont pas recevables pour prouver contre les énonciations de l'acte notarié dans lequel elle reconnaît expressément être la bénéficiaire du prêt.
En conséquence, la somme payée par les époux [Y], en exécution de leur engagement de caution hypothécaire, les fonde à recourir contre Mme [A], débiteur principal, à hauteur des sommes réglées, soit en l'espèce, la somme de 104 506,46 €.
S'agissant de la demande de dommages-intérêts, en application de l'article 1305 du code civil, la caution a aussi recours pour les dommages et intérêts, s'il y a lieu.
Les dommages-intérêts permettent à la caution d'obtenir réparation du préjudice qu'elle a pu subir, à condition que celui-ci soit distinct du seul fait d'avoir eu à payer et du retard dans le paiement des sommes.
En l'espèce, les époux [Y] allèguent un préjudice financier correspondant à la mise en vente de leur logement et la nécessité de payer un loyer de 800 € par mois, soit au total 84 000 €.
Cependant, ils se sont engagés en qualité de caution hypothécaire. Celle-ci constitue un sûreté réelle. En conséquence, ils ont expressément donné le bien immobilier, qui constituait leur résidence principale, en garantie du remboursement de l'emprunt.
Il en résulte que la mesure d'exécution forcée pratiquée par les créanciers sur leur bien immobilier était l'essence même de leur engagement.
Par conséquent, la nécessité dans laquelle ils se sont trouvés de vendre leur bien, puis de le louer, ne constitue pas un préjudice distinct de leur engagement de mobiliser ce bien immobilier en cas de non remboursement de l'emprunt par le débiteur principal.
Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés en leur demande de dommages-intérêts.
Sur la responsabilité du notaire
Les notaires, institués pour donner aux conventions des parties les formes légales et l'authenticité, doivent mettre en 'uvre tous les moyens adéquats et nécessaires afin d'assurer l'efficacité de leurs actes.
Un acte efficace s'entend d'un acte conforme à la volonté des parties.
A ce titre, les notaires ont le devoir d'éclairer les parties sur le contenu et les effets des engagements afin qu'elles puissent y consentir en toute connaissance de cause.
Il résulte de ces principes que le notaire est responsable de tout manquement aux devoirs que lui impose sa charge et que la faute, même très légère, analysée par comparaison avec la conduite qu'aurait dû avoir un notaire avisé, juriste compétent et méfiant, peut être source de responsabilité.
Il appartient cependant à celui qui agit en responsabilité civile à l'encontre d'un notaire sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de démontrer la faute commise par celui-ci mais également le préjudice qui en résulte.
En l'espèce, les époux [Y] reprochent au notaire une absence de diligences, afin de vérifier la solvabilité de l'emprunteur principal et la violation de son devoir de conseil quant au risque de perte de leur logement compte tenu du délai très court stipulé pour le remboursement de l'emprunt.
Sur le premier point, le notaire n'est pas tenu de procéder à des vérifications sur la consistance du patrimoine du débiteur principal, ce quand bien même l'acte auquel il prête son concours stipule un paiement à terme.
En l'espèce, en tout état de cause, le notaire justifie avoir sollicité et obtenu, le 31 mars 2009, du tribunal de commerce un certificat de non faillite au nom de [F] [A].
Les époux [Y] ne démontrent par aucune pièce probante que le notaire avait des raisons sérieuses de douter de la solvabilité de Mme [A] et aurait dû procéder à des vérifications complémentaires sur sa capacité à rembourser l'emprunt.
Le courrier que M. [Y] a adressé au notaire le 19 mars 2008 démontre que le montage financier a fait l'objet de discussions pendant plus d'un an et qu'initialement le prêt devait être consenti à leur fils. Le choix de Mme [A], qui n'était autre que la compagne de leur fils, comme bénéficiaire de l'emprunt, a donc été réfléchi.
Ils ne peuvent utilement se plaindre, alors qu'ils ne justifient pas avoir alerté le notaire sur un risque d'insolvabilité de leur belle-fille, de l'absence de diligences complémentaires du notaire sur ce point.
S'agissant du devoir de conseil, l'acte de caution hypothécaire, par lequel les époux [Y] ont expressément donné en gage du remboursement de l'emprunt le bien immobilier dont ils étaient propriétaires, est explicite quant au risque induit par l'engagement.
L'acte de caution rappelle les conditions de l'emprunt garanti, à savoir 100 000 €, étant rappelé que M. [Y] a lui-même demandé au notaire de porter la somme de 80 000 € à 100 0000 €.
L'échéance de remboursement du prêt que la sûreté réelle avait pour vocation de garantir, est expressément mentionné comme étant fixée au 30 septembre 2009, soit un peu plus de trois mois après la signature de l'engagement de caution.
Il stipule, tout aussi explicitement, que les époux [Y] 'à la sûreté et garantie du remboursement de la somme principale de 100 000 € et du paiement de toutes indemnités et de tous frais accessoires (évalués à 20 % de la somme principale) déclarent se rendre et se constituer caution simplement hypothécaire de Mme [A] envers le créancier qui l'accepte, pour raison de l'obligation sus visée ; en conséquence, à la garantie de l'obligation ainsi cautionnée en principal, indemnités, intérêts, frais et accessoires, la caution hypothèque au profit du créancier qui l'accepte le bien immobilier suis [Adresse 4] dans un immeuble dénommé [Adresse 7] à [Localité 12]'.
Ils ne peuvent donc reprocher au notaire de ne pas les avoir informés de ce risque.
Quant à l'opportunité économique de l'opération, le devoir de conseil du notaire porte sur la prévention des risques juridiques attachés à l'opération, et non sur le risque économique induit lorsque, comme en l'espèce, celui-ci est explicitement énoncé par les termes même de l'engagement souscrit.
En s'assurant de l'absence de toute procédure collective visant Mme [A], le notaire a implicitement souligné le risque financier attaché à l'opération, de sorte que les époux [Y] ne peuvent se plaindre d'avoir ignoré celui-ci.
Enfin, à supposer que le notaire ait commis une faute, les époux [Y] ne démontrent pas le préjudice dont ils demandent réparation, puisqu'ils se contentent, sans le démontrer, d'affirmer que Mme [A] est insolvable et qu'ils sont dans l'impossibilité de recouvrer leur créance.
Au regard de ces éléments, c'est à juste titre que le premier juge les a déboutés de leurs demandes à l'encontre du notaire.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.
Mme [A], qui succombe, supportera la charge des entiers dépens d'appel et n'est pas fondée à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité justifie d'allouer aux époux [Y] une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
S'agissant du notaire, il a été appelé en cause à tort par les époux [Y]. Ceux-ci, qui succombent dans leurs demandes à son encontre, seront, en conséquence, condamnés à lui payer une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort
CONFIRME en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse le 7 juillet 2020 ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [F] [A] de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour ;
CONDAMNE Mme [F] [A] à payer à M. [E] [Y] et Mme [B] [Z] épouse [Y], ensemble, une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés par ceux-ci devant la cour ;
CONDAMNE M. [E] [Y] et Mme [B] [Z] épouse [Y] à payer à la SCP Jean Chretien Alban Bindelli Laurence Vinai une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés par celle-ci devant la cour ;
Condamne Mme [F] [A] aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président