La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2024 | FRANCE | N°21/15484

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 07 juin 2024, 21/15484


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2024



N°2024/













Rôle N° RG 21/15484 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKQB







URSSAF [Localité 10]



C/



[I] [E]

[A] [Y]



[G] [O]









































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

UR

SSAF [Localité 10]

Madame [I] [E]

Me Stéphane MÖLLER













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en

date du 27 Septembre 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 17/00031.





APPELANT



URSSAF [Localité 10], demeurant [Adresse 1]



représenté par Mme [F] [C] (Autre) en...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 21/15484 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKQB

URSSAF [Localité 10]

C/

[I] [E]

[A] [Y]

[G] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

URSSAF [Localité 10]

Madame [I] [E]

Me Stéphane MÖLLER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en

date du 27 Septembre 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 17/00031.

APPELANT

URSSAF [Localité 10], demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [F] [C] (Autre) en vertu

d'un pouvoir spécial

INTIMES

Madame [I] [E], demeurant [Adresse 11]

[Adresse 5]

non comparante

Monsieur [A] [Y], demeurant [Adresse 3]

[Adresse 8]

représenté par Me Stéphane MÖLLER, avocat au barreau d'ALPES

DE HAUTE-PROVENCE substitué par Me Guillaume GARCIN,

avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Monsieur [G] [O], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Stéphane MÖLLER, avocat au barreau d'ALPES

DE HAUTE-PROVENCE substitué par Me Guillaume GARCIN,

avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Anne BARBENES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d'un contrôle au sein de la société [12] portant sur la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé sur la période du 1er juin 2011 au 31 décembre 2014, Mme [I] [E] (ci-après la cotisante), sa gérante, s'est vu notifier par l'Urssaf des [Localité 4] une lettre d'observations du 20 juin 2016 portant sur les chefs de redressement 'travail dissimulé avec verbalisation- dissimulation d'emploi salarié' et 'travail dissimulé sans verbalisation', d'un montant de 23 642 euros, ainsi que la somme de 5 911 euros de majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé.

Suite aux observations de la cotisante, l'Urssaf a maintenu l'entier redressement par courrier du 7 septembre 2016.

L'Urssaf a notifié à la cotisante une mise en demeure du 26 septembre 2016 au visa de ladite lettre d'observations, d'un montant de 23 642 euros de cotisations et contributions sociales en principal, 5 911 euros de majorations de redressement et 4 660 euros de majorations de retard, soit 34 213 euros, que la cotisante a contestée devant la commission de recours amiable.

En présence d'une décision implicite de rejet de son recours, la cotisante a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale par requête expédiée par lettre recommandée avec avis de réception le 1er décembre 2016, étant précisé que la commission de recours amiable a explicitement rejeté son recours par décision du 29 mars 2017.

Par jugement du 27 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Digne les Bains, pôle social, ayant repris l'instance, a:

- infirmé la décision de la commission de recours amiable du 29 mars 2017 et en conséquence annulé la mise en demeure du 26 septembre 2016,

- rejeté l'ensemble des demandes de l'Urssaf [Adresse 9]

- débouté Mme [E] du surplus de ses demandes

- condamné l'Urssaf [Localité 10] à payer à Mme [E] la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné l'Urssaf aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

L'[Adresse 13] a interjeté appel du dit jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Suite à l'ordonnance de radiation en date du 19 février 2020 pour défaut de diligence des parties, l'affaire a fait l'objet d'un réenrôlement à la demande de l'appelante par voie de conclusions reçues au greffe le 28 octobre 2021.

Par arrêt avant dire droit du 8 septembre 2023, la cour de céans a ordonné la réouverture des débats aux fins que les parties s'expliquent sur l'absence de mise en cause de Mme [G] [O], fille de la cotisante, et de M. [A] [Y], son compagnon, dans la mesure où l'Urssaf a considéré que ces derniers avaient un lien de subordination avec l'intimée, cet élément avait nécessairement une conséquence sur la qualification juridique de la relation les liant, alors qu'en première instance le litige n'a opposé que la cotisante à l'Urssaf, qui poursuit le recouvrement de cotisations et contributions en arguant d'une relation de travail entre la cotisante et des tiers, non reconnue en tant que telle entre eux.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°3 déposées au greffe le 21 septembre 2023, oralement soutenues et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, l'appelante sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de:

- confirmer le redressement en cause,

- ordonner la mise en cause de M. [Y],

- condamner Mme [E] au paiement en deniers ou quittance de la somme de 34 213 euros soit 23 462

euros de cotisations, 5 911 euros de majorations de redressement et 4 660 euros de majorations de retard,

- la condamner à lui payer la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par voie de conclusions récapitulatives parvenues au greffe le 21 novembre 2023, oralement développées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la cotisante, d'une part et M. [Y] et Mme [O], d'autre part, volontairement intervenus à l'instance, sollicitent la confirmation du jugement déféré et demandent à la cour de:

- prendre acte des interventions volontaires,

- débouter l'Urssaf [Localité 10] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à payer à Mme [E] la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de Me Stéphane Moller.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate que M. [A] [Y] est volontairement intervenu à l'instance de sorte que la prétention de l'Urssaf tendant à ordonner sa mise en cause doit être rejetée comme sans objet.

La cour constate par ailleurs que malgré les observations de l'inspecteur du recouvrement tendant à la dissimulation, par la cotisante, d'emploi salarié s'agissant de Mme [G] [O], aucune cotisation n'a fait l'objet de redressement la concernant et qu'aucune demande n'est formée à ce titre, les cotisations relatives au redressement contesté portant seulement sur le chef de redressement n°1: 'travail dissimulé avec verbalisation- dissimulation d'emploi salarié : taxation forfaitaire' (M. [A] [Y]).

Pour rejeter l'ensemble des demandes de l'Urssaf, les premiers juges ont retenu que malgré l'unique procès-verbal, non versé aux débats, sur lequel s'appuie l'Urssaf pour affirmer que la présence de M. [Y] était indispensable au fonctionnement de l'entreprise de la cotisante, il est constant que celui-ci était son concubin, en poste de policier municipal au moment des faits, que Mme [O], scolarisée, est la fille de la cotisante, de telle sorte que ces deux personnes en situation de travail au moment du contrôle faisaient bien partie de l'entourage familial de celle-ci, qu'elle justifie que son compagnon souffre d'un état anxiodépressif chronicisé et que ces conditions peuvent expliquer sa présence régulière aux côtés de sa concubine. Ils ont également retenu que le jugement du tribunal correctionnel de Digne-Les-Bains du 9 mars 2017 relaxant la cotisante de l'infraction de travail dissimulé indique qu'il résulte du dossier que la preuve d'un lien de subordination de nature à caractériser un contrat de travail n'est pas rapportée car, bien que M. [Y] soit présent sur les marchés depuis le 31 août 2014, date de la prévention, aucun des éléments essentiels du contrat de travail n'a été mis en évidence: ni le lien de subordination, ni l'existence d'un salaire, ni un contrat. Ils ont également retenu que l'embauche de M. [Y] à compter de juin 2015, postérieurement au contrôle, ne suffit pas à renverser à elle seule la présomption d'entraide familiale. Ils en ont déduit qu'il demeurait impossible de caractériser l'existence d'un contrat de travail entre la cotisante et sa fille, et la cotisante et son compagnon.

L'Urssaf fait le grief au tribunal d'avoir fondé sa décision sur le jugement de relaxe du chef de travail dissimulé alors qu'il en ressort au contraire que ces faits étaient matériellement établis, la relaxe n'ayant été prononcée que du fait de l'absence d'élément intentionnel de l'infraction.

Elle objecte en outre que la procédure de recouvrement peut être engagée en-dehors de poursuites pénales et que n'a pas l'autorité de chose jugée, la relaxe au motif que l'infraction de travail dissimulé n'est pas démontrée, alors que le juge pénal n'a pas statué sur la qualité d'employeur de l'intéressé ni sur la déclaration des rémunérations, ce qui est le cas en l'espèce.

Elle ajoute que la prévention pénale ne couvre pas 'la période de prescription' retenue par l'inspecteur du redressemnent, que le préjudice causé par le délit est distinct des cotisations réclamées devant la juridiction sociale, et précise à cet égard que la lettre d'observations vise la période du 1er juin 2011 au 31 décembre 2014, tandis que la prévention visait la période du 31 août 2014 au 1er mai 2015.

Elle fait observer qu'elle n'était pas présente à la procédure pénale de sorte qu'il n'y a pas identité de parties.

Elle déduit de l'ensemble de ces éléments qu'au contraire de ce que soutiennent les intimées, le jugement du tribunal correctionnel du 9 mars 2017 n'a pas autorité de chose jugée.

Elle rappelle qu'un procès-verbal de travail dissimulé a été adressé au procureur de la République par la gendarmerie de [Localité 7], qui a constaté que M. [Y] avait travaillé pour l'entreprise de sa compagne de 2011 à 2015 sans avoir fait l'objet de déclaration préalable à l'embauche ni bulletin de salaire, et que la cotisante n'était pas inscrite au régime général en tant qu'employeur.

Elle souligne que le lien de subordination entre eux est établi au regard de la durée de la relation de travail entre eux dans le temps, que le bénévolat est exclu dans le cadre d'une entreprise commerciale et que l'activité de M. [Y] s'est poursuivie après le contrôle sous le statut de salarié, ce qui exclut l'entraide familiale.

Elle ajoute que si l'élément intentionnel conditionne l'existence de l'infraction pénale, pour la juridiction sociale la situation d'emploi ou d'activité suffit à conditionner l'obligation au paiement des cotisations sociales de l'employeur sans que l'élément intentionnel n'ait à être caractérisé et qu'en l'espèce, le juge pénal ne s'est pas prononcé sur l'activité de M. [Y] alors que les éléments relevés par le jugement sont accablants, que l'activité a perduré, et que tant la procédure de gendarmerie que d'autres éléments tels que le rapport de la police municipale de [Localité 6] du 3 septembre 2014, faisant ressortir l'activité de M. [Y] en action de vente depuis décembre 2012 et une attestation du chef de la police municipale, démontrent la situation d'activité ou d'emploi.

Les intimés répondent essentiellement, d'une part, que le procès-verbal de travail dissimulé dont se prévaut l'Urssaf est devenu caduc en l'état de la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de ce chef aux motifs que 'la preuve d'un lien de subordination de nature à caractériser un contrat de travail [avec M. [Y]] n'est pas rapportée', que cette décision revêt l'autorité de chose jugée et que dès lors, le recouvrement des cotisations à son encontre est exclu.

Ils font observer que la solution du juge civil ne saurait varier par la seule circonstance que l'Urssaf n'ait pas été partie au procès pénal mais partie au procès dans le cadre de la procédure de recouvrement, mise en oeuvre illégitimement.

Ils précisent que la période de prévention porte sur l'intervalle de temps entre le 31 août 2014 et le 1er mai 2015, correspondant à la période de contrôle effectué par l'Urssaf, mais avec un examen de leur situation personnelle et professionnelle depuis le 9 novembre 2011, date de l'arrêt maladie de M. [Y], et ajoutent que le redressement a été effectué sur la base du procès-verbal d'enquête, des indications données aux enquêteurs par les agents du contrôle et des explications des prévenus lors de l'audience, qui ont donné lieu au jugement de relaxe.

Ils objectent d'autre part que la cotisante n'a jamais employé son compagnon ni sa fille dans le cadre de son activité commerciale, et que ceux-ci ont pu seulement l'aider dans le cadre de l'entraide familiale.

Ils précisent à cet égard que la signature d'un contrat de travail le 1er juin 2015 avec M. [Y], qui auparavant n'a jamais travaillé à son service et ne s'est jamais retrouvé en position de subordination, mais était en arrêt maladie pour dépression et l'accompagnait lors de ses déplacements pour rendre visite à des connaissances ou l'attendait dans des bars proches, n'établit aucune intentionnalité de Mme [E].

Ils ajoutent que l'activité de la cotisante ne nécessitait pas, au contraire de ce qu'a affirmé l'inspecteur du recouvrement, l'emploi d'une personne supplémentaire, celle-ci consistant dans la surveillance de la cuisson des poulets et leur vente, et précisent qu'elle n'a d'ailleurs jamais employé quiconque depuis la reprise de cette activité commerciale, auparavant exercée par son ex-époux, après leur divorce.

Ils relèvent qu'au contraire de ce qu'a indiqué l'inspecteur du recouvrement en son courrier du 7 septembre 2016, il n'a pu effectuer de vérification le 23 février 2016 à 13h28 car la cotisante ne faisait pas les marchés les mardis.

Ils affirment que la présence de M. [Y] sur les marchés était anecdotique et que l'entraide familiale est caractérisée.

Sur quoi:

La lettre d'observations du 20 juin 2016 porte sur un seul chef de redressement (le second point examiné ayant donné lieu à une observation), à savoir le travail dissimulé avec verbalisation- dissimulation d'emploi salarié: taxation forfaitaire, concernant M. [A] [Y], d'un montant total de 23 642 euros dont 3834 au titre de l'année 2011, 7840 euros pour l'année 2012, 5 938 euros pour l'année 2013 et 6030 euros pour l'année 2014 et une majoration de redressement de 5 911 euros.

Les intimées opposent en réalité à l'appelante deux moyens : l'un, tiré de l'autorité de chose jugée s'attachant à la décision du tribunal correctionnel de Digne-Les-Bains du 9 mars 2017, étant précisé que la prévention portait sur la période du 31 août 2014 au 1er mai 2015; l'autre, tiré de l'absence de constatations de l'inspecteur du recouvrement quant au travail dissimulé au titre des périodes du 1er juin 2011 au 30 août 2014, et du 31 août 2014 au 31 décembre 2014.

1- sur le travail dissimulé sur la période du 31 août 2014 au 1er mai 2015

L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

S'agissant de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, lorsqu'une juriction pénale statuant sur le fond de l'action publique relaxe une société du chef de travail dissimulé par une décision définitive, l'Urssaf ne peut plus poursuivre un redressement ayant le même objet (Cour de Cassation, Chambre civile 2, 18 mars 2021, 20-15.279). Les décisions pénales devenues irrévocables ont au civil l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne la qualité du fait incriminé et ce, bien que la matérialité de l'infraction pénale supposant une dimension intentionnelle ne soit pas requise devant le juge civil s'agissant du paiement des cotisations sociales.

Une décision définitive de relaxe de ce chef s'impose ainsi aux organismes de recouvrement, peu important qu'ils aient été ou non parties à l'instance pénale.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations du 20 juin 2016 que l'objet du contrôle est la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L.8221-1 du code du travail et que la période vérifiée s'étend du 1er juin 2011 au 31 décembre 2014.

Elle fait expressément référence à'des infractions de travail dissimulé qui ont été constatées et qui font l'objet d'un procès-verbal établi par la brigade de gendarmerie de [Localité 7] en date du 19 octobre 2015 adressé au procureur de la République de [Localité 6]'.

Il en résulte que l'inspecteur du recouvrement a mentionné les constatations suivantes :

'Un procès-verbal constatant l'infraction de travail dissimulé par dissimulation de salarié a été dressé par la gendarmerie de [Localité 7] sous le n° 14452/02515/2014 et transmis à au procureur de la République de [Localité 6].

Nous nous appuyons sur l'article 11 du code de procédure pénale qui précise que sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous peine des articles226-13 et 226-14 du code pénal. Vous avez la possibilité de vous rapprocher du parquet de [Localité 6] pour prendre l'ensemble de ces documents'.

L'inspecteur du recouvrement tire de ce procès-verbal l'affirmation que :

'M. [Y] né le 06/01/1975 a travaillé pour votre entreprise de 2011 à 2015 sans avoir fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche et sans que vous lui ayez remis des bulletins de salaires. La matérialisation de l'infraction repose sur la mise en évidence des faits suivants :

absence d'établissement d'une déclaration préalable à l'embauche [...]

absence de remise d'un bulletin de salaire ou la minoration d'un nombre d'heures figurant sur le bulletin de salaires [...]

absence des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations [...]

Nous procédons à la régularisation des cotisations dues pour l'emploi de ce salarié non déclaré sur les bases suivantes [...] d'un montant de 23 642 euros décliné comme suit [...] de 3834 euros pour 2011, 7840 euros pour 2012, 5 938 euros pour 2013, 6030 euros pour 2014".

Le procès-verbal de travail dissimulé précité sur lequel s'appuie l'Urssaf, annoncé en pièce n°4, n'est pas produit aux débats. La pièce n°4 comporte en réalité plusieurs pièces constituées de: un procès-verbal d'audition de M. [W] [B], premier adjoint au maire de [Localité 6] en date du 7 octobre 2014 faisant état de faits de fraude au préjudice de la mairie commis par M. [A] [Y] ; un rapport établi le 3 septembre 2014 par la police municipale de [Localité 6] faisant état de la présence en action de vente de M. [Y] sur le stand de Mme [E] ; un procès-verbal de contravention de 3ème classe (activité commerciale non déclarée) établi à l'encontre de M. [A] [Y] le 25 janvier 2014 par un policier municipal de [Localité 6] ; un courrier émanant de Mme [P], mairesse de [Localité 6] à l'intention du directeur de l'Urssaf en date du 28 juillet 2014, lui demandant de procéder au contrôle de M. [A] [Y] (produit par l'Urssaf en triple exemplaire) ; un courriel émanant d'un officier de police judiciaire de la brigade territoriale de gendarmerie de [Localité 7] du 7 octobre 2014 à l'intention de M. [D] [H].

Il résulte du jugement du tribunal correctionnel du 9 mars 2017 que Mme [I] [E] était poursuivie 'pour avoir à Reillanne, du 31 août 2014 au 1er mai 2015, étant employeur de M. [Y], omis intentionnellement de procéder à la déclaration préalable à l'embauche' et que le tribunal, après avoir pris connaissance notamment du procès-verbal de travail dissimulé susmentionné et du rapport établi par la police municipale le 3 septembre 2014, et entendu les parties, a renvoyé Mme [E] du chef de la poursuite, aux motifs qu' 'il résulte du dossier que la preuve d'un lien de subordination de nature à caractériser un contrat de travail n'est pas rapportée. En effet, bien que M. [Y] soit présent sur les marchés depuis le 31 août 2014, date de la prévention, aucun des éléments essentiels du contrat de travail n'a été mis en évidence: ni le lien de subordination, ni l'existence d'un salaire, ni l'existence d'un contrat. Il en résulte que faute de preuve de cet élément dont la charge appartient au ministère public, il y a lieu de relaxer Mme [E] des faits qui lui sont reprochés'.

Ainsi, au contraire de ce qu'affirme l'Urssaf, non seulement le juge pénal s'est prononcé tant sur la qualité d'employeur de la cotisante que sur l'absence de lien de subordination démontré avec son compagnon, de rémunération versée et de contrat de travail, mais en outre, la relaxe n'a pas été prononcée faute d'intentionnalité mais parce que ces faits n'étaient pas matériellement établis.

La décision de relaxe de la cotisante du chef de travail dissimulé à l'égard de son compagnon étant définitive, elle a autorité de chose jugée au civil, ce qui fait obstacle à la poursuite du recouvrement de cotisations fondées sur le travail dissimulé de M. [Y] au titre de la période du 31 août 2014 au 1er mai 2015.

2- sur la période du 1er janvier 2011 au 30 août 2014.

Il résulte de ce qui précède que les constatations de l'inspecteur en charge du redressement sont exclusivement fondées sur le procès-verbal de travail dissimulé du 19 octobre 2015 non versé aux débats.

En conséquence le redressement du chef de travail dissimulé sur la période du 1er janvier 2011 au 30 août 2014 n'est pas établi.

Dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a annulé la mise en demeure en litige et débouté l'Urssaf de l'ensemble de ses demandes.

Succombant, l'Urssaf doit supporter les dépens et ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de condamner l'Urssaf à payer à Mme [I] [E] la somme de 3500 euros code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Déboute l'Urssaf [Adresse 9] de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

Condamne l'Urssaf [Localité 10] aux dépens,

Condamne l'Urssaf [Adresse 9] à verser à Mme [I] [E] la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 21/15484
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;21.15484 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award