COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 07 JUIN 2024
N° 2024/164
Rôle N° RG 21/06101 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHK3W
S.A.S. DECATHLON FRANCE
C/
[G] [X]
Copie exécutoire délivrée
le :
07 JUIN 2024
à :
Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 31 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/01127.
APPELANTE
S.A.S. DECATHLON FRANCE
prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Frank WISMER, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [G] [X], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère
Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [G] [X] a été embauché le 1er octobre 2003 par la société DECATHLON en qualité de Technicien Atelier.
Il était reconnu travailleur handicapé.
La Convention Collective applicable est celle du Commerce des articles de sport et d'équipements de loisir.
Le 10 juillet 2007, la sécurité sociale lui a attribué à compter du 1er mai 2007, une pension d'invalidité 1ère catégorie puis une pension d'invalidité de 2ème catégorie en date du 9 juin 2008 à compter du 12 novembre 2007.
Le 1er juillet 2016, la CPAM a décidé du déclassement de sa pension d'invalidité en catégorie 2 en 1ère catégorie.
Suite à son recours, le tribunal du contentieux de l'incapacité a annulé la décision de la CPAM jugeant que Monsieur [X] était fondé à être placé en catégorie 2 à compter du 1er juillet 2016.
Le 8 juillet 2015, Monsieur [X] a été victime d'un accident, déclaré comme accident du travail par l'employeur.
Il a été placé en arrêt de travail, son arrêt de travail étant régulièrement renouvelé.
La CPAM a pris en charge l'accident du 8 juillet 2015 au titre de la législation sur les accidents du travail, puis, au titre de la maladie non professionnelle, à compter du 15 février 2016.
Le 6 novembre 2017, le médecin du travail a déclaré Monsieur [X] inapte à son poste, précisant 'peut occuper un emploi de type administratif sans aucun effort physique à temps partiel - ou effectuer une formation dans ce domaine"
Par courrier en date du 4 avril 2018, Monsieur [X] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement et la société DECATHLON lui a notifié, par courrier recommandé du 20 avril 2018 son "licenciement pour inaptitude physique médicalement reconnue".
Par requête reçue le 05 juin 2018, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement, sollicitant diverses sommes au titre de l'indemnisation de la rupture abusive de son contrat de travail, ainsi qu'au titre de l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement en date du 31 mars 2021, le Conseil de Prud'hommes de Marseille a :
-considéré que le licenciement Monsieur [G] [X] est sans cause réelle et sérieuse suite aux manquements de l'employeur, de l'absence de reclassement au motif de l'inaptitude de l'arrêt de travail et les erreurs de gestion de la S.A.S. DECATHLON France ;
- condamné la S.A.S. DECATHLON FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [G] [X] les sommes de :
- 3.039,47 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 303,95 euros au titre des congés payés y afférent,
- 5.360,43 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,
- 30.394,60 euros au titre des dommages et intérêts,
- 1.519,73 euros au titre des indemnités compensatrice de préavis,
- 151,97 euros au titre d'incidence congés payés pour l'indemnité précitée,
- 151,97 euros au titre de rappel de salaire pour la période du 20 au 23 avril 2018,
- 15,20 euros au titre d'incidence congés payés sur rappel précité,
- 27.742,75 euros au titre de la prévoyance (oubli de déclaration par la S.A.S DECATHLON FRANCE),
- 218.400 euros au titre des dommages et intérêts pour manquements fautifs de l'employeur à ses obligations,
- condamné la S.A.S DECATHLON FRANCE, sous astreinte de 50 euros par jour à compter du 30 ème jour dès la réception du jugement à délivrer les différents documents, rectifiés, suivants :
- Les bulletins de paie rectifiés,
- L'attestation destinée à Pôle Emploi conforme au présent jugement,
- Le certificat de travail mentionnant pour terme de la relation de travail, la date de fin du préavis non exécuté,
- condamné la S.A.S DECATHLON FRANCE à verser, à Monsieur [G] [X] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Dit que le présent jugement bénéficiera de l'exécution provisoire de droit sur les créances et dans la limite des plafonds définis par l'article R.1454-28 du code du travail,
Ordonné l'exécution provisoire, pour un total de 68.680,07 euros, des sommes suivantes :
- 3.039,47 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 303,95 euros au titre des congés payés y afférent,
- 5.360,43 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,
- 30.394,60 eros au titre des dommages et intérêts,
- 1.519,73 euros au titre des indemnités compensatrices de préavis,
- 151,97 euros au titre d'incidence congés payés pour l'indemnité précitée,
- 151,97 euros au titre de rappel de salaire pour la période du 20 au 23 avril 2018,
- 15,20 euros au titre d'incidence congés payés sur rappel précité,
- 27.742,75 euros au titre de la prévoyance (oubli de déclaration par la S.A.S DECATHLON FRANCE).
-Déboute la S.A.S DECATHLON FRANCE du reste de ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,
-Condamné le défendeur aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 23 avril 2021, la société DECATHLON a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2023, la société DECATHLON demande à la cour:
D'ANNULER ET DE REFORMER l'ensemble des dispositions du jugement du conseil des prud'hommes de Marseille du 31 mars 2021 ;
En conséquence de statuer à nouveau intégralement sur le fond et de :
JUGER que le licenciement de Monsieur [G] [X] est intervenu à la suite d'une inaptitude non professionnelle et qu'à ce titre DECATHLON a respecté les dispositions en vigueur ;
JUGER que l'accident dont a été victime Monsieur [G] [X] le 8 juillet 2015 s'est déroulé à la suite d'un déplacement pour convenance personnelle, et qu'à ce titre, il ne relève ni de « l'accident de travail », ni de « l'accident de trajet » ;
JUGER que DECATHLON a bien respecté son obligation de reclassement ;
JUGER que le licenciement pour inaptitude non professionnelle de Monsieur [G] [X] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
JUGER que les demandes d'indemnisation au titre de la rupture du contrat de travail et celle résultant de l'attestation de salaire erronée sont infondées ;
DEBOUTER Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes de condamnation à son encontre
JUGER que Monsieur [G] [X] n'apporte pas la preuve qu'il l'a informé de son classement en invalidité de 1 ère puis de 2 ème catégorie ;
JUGER que DECATHON qui ne connaissait pas l'état d'invalidité de Monsieur [X], n'a commis aucun manquement ;
JUGER que la demande d'indemnisation résultant de l'absence de versement du complément de la rente d'invalidité à l'encontre de DECATHLON est prescrite ;
JUGER que les demandes d'indemnisation au titre de l'invalidité sont infondées ;
DEBOUTER Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation au titre de la prévoyance ;
A titre subsidiaire :
JUGER que l'accident dont a été victime Monsieur [G] [X] le 8 juillet 2015 relève de la qualification d'accident de trajet laquelle n'ouvre pas le droit au bénéfice des dispositions protectrices spéciales des victimes d'accidents du travail ;
JUGER que le calcul de l'indemnisation au titre du préjudice résultant de l'absence de versement d'une rente d'invalidité est erroné ;
FIXER un montant résiduel pour la période de 2014 à 2018, laissé à l'appréciation de la cour au titre de la perte de chance résultant de l'absence de versement d'une rente d'invalidité telle que prévue contractuellement ;
En toute hypothèse :
CONDAMNER Monsieur [G] [X] à lui verser une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
RESERVER les dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.
Par conclusions d'appel incident notifiées par voie électronique le 02 mai 2023, Monsieur [G] [X] demande à la cour de :
REFORMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille sur le quantum des sommes allouées au titre de la prévoyance et au titre des dommages et intérêts pour manquements fautifs de l'employeur à ses obligations,
CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau :
LE DIRE recevable et bien fondé en son action,
A titre principal :
DIRE qu'il est en droit de solliciter l'application des règles protectrices issues des articles L.1226-10 à l.1226-15 du code du travail :
En conséquence :
CONDAMNER la société DECATHLON FRANCE au paiement des sommes suivantes
o 3 039,47 euros à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,
o 303,95 euros à titre d'incidence congés payés sur l'indemnité précitée,
o 5 360,43 euros nets à titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement.
DIRE que le licenciement pour inaptitude est intervenu en méconnaissance des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail,
DIRE que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
CONDAMNER la société DECATHLON FRANCE au paiement de la somme de 30.394,60 euros nets sur le fondement des dispositions de l'article L.1226-15 du Code du travail
A titre subsidiaire :
DIRE que le licenciement pour inaptitude est intervenu en méconnaissance de l'article L. 1226-2 du Code du travail,
DIRE que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société DECATHLON FRANCE au paiement des sommes suivantes :
o 16.717,03 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
o 4.559,20 euros à titre d'indemnité compensatrice spéciale de préavis,
o 455,92 euros à titre d'incidence congés payés sur l'indemnité précitée,
En tout état de cause :
CONDAMNER la société DECATHLON au paiement des sommes suivantes :
o 151,97 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 20 au 23 avril 2018,
o 15,20 euros à titre d'incidence congés payés sur rappel précité,
DIRE que la société DECATHLON FRANCE a causé un préjudice à Monsieur [X] en s'abstenant de déclarer à la prévoyance le placement en invalidité de son salarié,
En conséquence :
CONDAMNER la société DECATHLON FRANCE au paiement de la somme de 225.868,60 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu'il a subi en raison des manquements fautifs de l'employeur à ses obligations relatives à la prévoyance,
DIRE qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en Justice, avec capitalisation, en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil,
ENJOINDRE à l'appelante, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification du jugement à intervenir, d'avoir à établir et délivrer les documents suivants :
- Bulletins de paie rectifiés du chef des rappels de rémunérations judiciairement fixés et du chef du préavis non exécuté,
-Attestation destinée à POLE EMPLOI conforme au jugement à intervenir,
-Certificat de travail mentionnant pour terme de la relation de travail la date de fin du préavis non exécuté, LUI ENJOINDRE, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification du Jugement à intervenir, d'avoir à régulariser la situation de Monsieur [X] auprès des organismes sociaux,
CONDAMNER en outre la société DECATHLON au paiement de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la Société appelante aux dépens,
LA DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
La procédure a été clôturée suivant ordonnance du 28 mars 2024.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la demande d'annulation du jugement entrepris
La société DECATHLON demande à la cour d'annuler le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 31 mars 2021 sur le fondement de l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile, pour pour défaut de motivation.
A ce titre, l'appelante soutient que le conseil n'a fait que reprendre de manière partielle et orientée les faits de l'espèce, sans procéder à aucune analyse des arguments et des éléments de preuve qui lui étaient soumis; qu'il n'a pas non plus motivé l'évaluation des condamnations retenues, se contentant de reprendre in extenso l'ensemble des demandes de condamnation présentées par Monsieur [X].
Au soutien de sa demande d'annulation du jugement, la société DECATHLON fait également valoir que les premiers juges ont statué ultra petita, en ajoutant une condamnation de 27.742,75 euros au titre de la prévoyance (oubli de la déclaration par le SAS DECATHLON France), alors qu'aucune demande en ce sens n'a été formulée par le salarié.
Monsieur [X] n'apporte pas d'argumentation sur ce point.
***
L'exigence d'un procès équitable posée à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme oblige le juge à motiver ses décisions.
Le premier alinéa de l'article 455 du code de procédure civile dispose :'le jugement doit être motivé'.
À ce titre, le juge doit fonder sa décision en fait et en droit. Il est ainsi tenu d'analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits et ne peut statuer par des considérations générales, ni se déterminer sur la seule allégation d'une partie ou sur des pièces qu'il n'analyse pas. Il doit également expliquer clairement les raisons qui le conduisent à se déterminer en un sens plutôt que l'autre.
L'article 458 du code de procédure civile dispose, notamment, que ce qui est prescrit par l'article 455 alinéa 1 du même code, doit être observé à peine de nullité.
En outre, en application de l'article 5 du code de procédure civile, le juge doit statuer 'sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé', de sorte qu'il ne doit statuer ni ultra petita (au-delà de ce qui est demandé), ni infra petita (en deçà de ce qui est demandé).
En l'espèce, il résulte de l'examen comparatif entre le paragraphe 'motivation de la décision du conseil' figurant au jugement du 31 mars 2021 et des conclusions récapitulatives et en réplique notifiées par Monsieur [X] devant le conseil de prud'hommes, que le conseil n'a procédé qu'à une reprise partielle des éléments de faits présentés par le salarié, sans effectuer aucune analyse des pièces produites par les parties, ni répondre aux arguments présentés par la société DECATHLON, ce qui constitue une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction, de sorte que le jugement encourt l'annulation pour violation de l'article 6§1 de la CEDH et 455 du code de procédure civile.
En conséquence, la cour prononce l'annulation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 31 mars 2021 et dit, au regard de l'effet dévolutif de l'appel, qu'il convient de statuer à nouveau sur l'ensemble des chefs soumis au conseil.
Sur les demandes formées au titre de l'exécution du contrat de travail
Sur la demande de rappel de salaire
Monsieur [X] sollicite la condamation de la société DECATHLON FRANCE à lui verser la somme de 151,97 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 20 au 23 avril 2018, outre la somme de 15,19 euros à titre d'incidence congés payés.
Il fait valoir que l'employeur lui reste redevable des salaires compris entre la date d'envoi de la lettre de licenciement (20 avril 2018) et le point de départ du préavis (date de délivrance de la lettre de licenciement), soit l'équivalent de 4 jours de salaire.
La société DECATHLON soutient que le licenciement intervenant à la suite d'une inaptitude L5213-9 du code du travail, doublant la durée du préavis, n'est pas applicable et conclut au rejet de la demande de rappel de salaire.
***
L'article L1234-3 du code du travail prévoit que la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement au salarié fixe le point de départ du préavis.
Même si le salarié ne pouvait exécuter un préavis en raison de son inaptitude, le salaire est dû jusqu'à la présentation de la lettre de licenciement (Cass. soc. 12-12-2018 n° 17-20.801).
En l'espèce, il est constant que la lettre de licenciement datée du 20 avril 2018, a été présentée au domicile de Monsieur [X] le 23 avril 2018 (pièce 9 du salarié), de sorte que son salaire était dû jusqu'à cette date.
La société DECATHLON ne lui ayant versé son salaire que jusqu'au 19 avril 2018, il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire et de condamner l'employeur à payer à Monsieur [X] la somme de 151,97 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 20 au 23 avril 2018, outre la somme de 15,19 euros à titre d'incidence congés payés.
Sur la demande de dommages et intérêts en raison des manquements fautifs de l'employeur à ses obligations relatives à la Prévoyance
Monsieur [X] demande à son employeur de l'indemniser du préjudice subi du fait d'une part, de l'absence de remise de la notice d'information concernant la prévoyance l'ayant privé de connaître la possibilité de bénéficier d'une rente invalidité et d'autre part, du défaut de déclaration de son invalidité à l'organisme de prévoyance. Il estime que son préjudice est caractérisé par la perte du bénéfice d'un complément de sa rente d'invalidité (soit 553,60 euros par mois) à compter de 2014 (33 ans) jusqu'à l'âge de sa retraite (67 ans) soit égal à la somme de 225.868,60 euros. Le salarié explique que l'employeur a parfaitement été informé de son placement en invalidité tel que le démontrent les pièces versées à la procédure; que la prescription biennale prévue à l'article L1471-1 du code du travail n'est pas acquise car la société s'étant abstenue de lui remettre la notice d'information de la prévoyance, il n'a pas connu les faits lui permettant d'exercer son droit et son action n'est donc pas prescrite.
S'agissant du préjudice, il estime que celui-ci est direct et certain et ne peut s'analyser en une simple 'perte de chance'; que si la société DECATHLON a engagé des démarches auprès d'AXA pour la reprise de la couverture prévoyance, il ne perçoit toujours à ce jour aucune rente d'invalidité, seule une 'provision mathématique' ayant été effectuée par l'employeur. Il ajoute, subsidiairement, que l'employeur reconnait sa carence dans la mise en oeuvre des garanties de prévoyance et qu'il doit, à tout le moins, réparer le préjudice moral qui en est résulté.
La société DECATHLON conclut au rejet de cette demande. Elle fait valoir que conformément à l'article R341-9 du code de la sécurité sociale, l'intéressé est seul destinataire de la décision du médecin conseil de la CPAM le plaçant en invalidité et qu'en l'espèce Monsieur [X] ne justifie pas lui avoir donné cette information, les documents produits n'étant pas probants, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir déclaré l'invalidité à l'organisme de prévoyance.
La société indique que le salarié avait connaissance du régime de prévoyance car il est expressément indiqué, au sein du contrat de travail, qu'il bénéficiait des avantages sociaux résultant de l'affiliation au régime de prévoyance (incapacité décès) et qu'il résulte des pièces qu'il communique, qu'il a directement sollicité la prise en charge de son invalidité auprès de l'organisme assureur en charge du contrat de prévoyance.
La société DECATHLON soutient en tout état de cause que l'action de Monsieur [X] est prescrite en application de l'article L 1471-1 du code du travail puisqu'elle intervient plus de 10 ans après la notification de son invalidité, de sorte que, même en retenant comme point de départ, la date à laquelle il a eu connaissance du refus de prise en charge par l'organisme assureur (24 janvier 2011), l'action était prescrite depuis 2016, dans l'hypothèse la plus tardive.
Enfin, elle indique que le préjudice invoqué par le salarié est infondé dans la mesure où la société a obtenu d'AXA, une reprise de la couverture prévoyance 'invalidité/décès' de Monsieur [X] à compter de 2018 et qu'à ce titre, il peut bénéficier d'une rente invalidité complémentaire et d'une garantie décès au bénéfice de ses ayants droit telles que prévues contractuellement. Ainsi et à titre subsidiaire, le préjudice ne pourrait être caractérisé que par la perte de chance de percevoir le montant résiduel de la rente invalidité pour la période de 2014 à 2018.
***
Sur la prescription de l'action
L'article 1471-1 du code du travail issu de la loi du 14 juin 2013 prévoit que 'toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait du connaitre les faits lui permettant de l'exercer'.
Le point de départ de la prescription court au jour où le salarié constate la faute de l'employeur, c'est-à-dire, au jour où l'assureur lui notifie son refus de prise en charge par le défaut de déclaration. (Cass, 2ème civ., 17 janvier 2019, n°18-11.800).
En l'espèce, si la simple mention de l'existence d'une prévoyance figurant au contrat de travail ne permet pas d'informer suffisamment le salarié sur l'existence et l'étendue de ses droits à la Prévoyance, à défaut pour l'employeur de justifier lui avoir remis la notice informative prévue à l'article L932-6 du code de la sécurité sociale, la cour observe que la société DECATHLON verse aux débats des échanges de courriers avec le courtier GRASS SAVOYE (pièce 29) et les échanges de courriers entre Monsieur [X] et la société AXA (pièce 30) desquels il résulte que :
-Monsieur [G] [X] a, par courrier du 9 octobre 2010, informé AXA de son classement en invalidité de 1ère puis de 2 ème catégorie à compter du 12 novembre 2007,
-par courrier du 24 janvier 2011, AXA lui a répondu que la déclaration d'invalidité intervenait plus de deux ans après la date de survenance et que dès lors, en application de la prescription biennale de l'article L.114-1 du code des assurances, elle ne pouvait prendre en charge l'indemnisation au titre de son invalidité, -En réponse, Monsieur [G] [X] a adressé une demande de recours à AXA, le 15 mars 2011,
-AXA a rejeté sa demande confirmant le maintien de refus de prise en charge de la garantie « invalidité », par courrier du 18 mai 2011.
Il s'ensuit que Monsieur [X] avait connaissance, dès le 18 mai 2011, de ce que l'employeur n'avait pas déclaré son invalidité à l'organisme de Prévoyance collective AXA dans les délais prévus à cet effet, ce qui constituait la faute à l'origine du préjudice qu'il revendique dans le cadre de la présente instance.
Son action tendant à voir condamner son employeur à lui verser une indemnisation pour non déclaration à l'organisme de Prévoyance de sa situation d'invalidité ayant conduit au non versement du complément de rente invalidité était donc prescrite au 16 juin 2015, soit deux ans après l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013.
Dès lors, Monsieur [X] qui n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 5 juin 2018, se heurte à la fin de non recevoir tirée de la prescription de son action.
Sur les demandes formées au titre de la rupture du contrat de travail
Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude
Monsieur [X] soutient que les règles protectrices issues des articles L1226-10 à L1226-15 du code du travail doivent s'appliquer car son inaptitude a, au moins pour partie, une origine professionnelle. Il fait valoir à ce titre qu'il a été victime d'un accident du travail le 8 juillet 2015, que la société DECATHLON n'a jamais contesté auprès de la juridiction compétente, et que s'il n'a plus été pris en charge qu'au titre de la maladie à compter du 15 février 2016, cela procède d'une décision administrative de la CPAM qui l'a considéré comme consolidé, alors même que les courriers du docteur [T] font apparaître qu'il présentait une récidive douloureuse du côté gauche (avec un trajet évoquant une névralgie en C7). Il rappelle que les juridictions prud'homales ne sont pas compétentes pour statuer sur la prise en charge ou non d'un accident du travail au titre de la législation professionnelle et que la reconnaissance par les juridictions prud'homales d'une inaptitude d'origine professionnelle n'est, en tout état de cause, pas subordonnée à une prise en charge
par la CPAM.
Il ajoute également, pour répondre aux arguments de l'employeur, que l'accident du 8 juillet 2015 est bien un accident du travail et non un accident de trajet car il existe une présomption d'imputabilité dès lors que l'accident du travail est survenu sur le lieu de travail et durant les horaires de travail du salarié, ce qui est le cas en l'espèce.
La société DECATHLON réplique que les règles protectrices issues des articles L1226-10 à L1226-15 du code du travail ne doivent pas s'appliquer dans la mesure où l'inaptitude de Monsieur [X] fait suite à une maladie non professionnelle et que l'accident du 8 juillet 2015 à l'origine de l'arrêt de travail, n'est pas un accident du travail, ayant été déclaré comme tel par erreur. Elle fait valoir que la déclaration de l'accident indique '[G] venant de se garer en allant jusqu'au magasin à pied est tombé sur une chaussure qui était au sol', que le salarié ne se trouvait donc pas à son poste de travail habituel (les ateliers) durant ses horaires de travail mais en déplacement pour convenance personnelle et qu'il s'agit subsidiairement d'un accident de trajet, pour lesquels les règles protectrices visées ci dessus, ne s'appliquent pas. Elle ajoute en tout état de cause que la CPAM n'a plus indemnisé Monsieur [X] au titre de l'arrêt de travail à compter du 15 février 2016 mais au titre d'un arrêt maladie 'classique' et que l'avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 6 novembre 2017 le déclare inapte pour motif 'non professionnel'. Enfin, elle indique que le salarié avait déjà des problèmes médicaux avant l'accident du 8 juillet 2015, tel que le démontre son statut de travailleur handicapé.
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La cour de cassation a jugé que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (les articles L.1226-10 à L.1226-15 du Code du travail) s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, que cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre la maladie professionnelle ou l'accident du travail et l'inaptitude. (Cass.Soc. 24 juin 2015, n°13-28.460).
Alors que la société DECATHLON soutient que l'accident subi par le salarié le 8 juillet 2015 n'était pas un accident du travail, mais éventuellement un accident de trajet, la cour observe que l'accident à l'origine de l'arrêt de travail de Monsieur [X] a pourtant été déclaré, sans réserves, par la société DECATHLON en tant qu'accident du travail et n'a ensuite, pas fait l'objet d'une contestation quant à sa qualification d'accident du travail.
En outre, les dispositions de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale prévoient qu'est considéré comme accident du travail, qu'elle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chef d'entreprise
Or en l'espèce, alors que l'employeur a précisé dans sa déclaration d'accident du travail que les horaires de Monsieur [X] étaient de 9h à 13h et que sa chute a été constatée à 11h40, soit au temps du travail, en se rendant au magasin alors qu'il venait de se garer, soit dans l'enceinte de son lieu de travail (pièce 13 de l'employeur), la présomption d'imputabilité d'accident du travail institué à l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, s'applique, sans que la société DECATHLON n'apporte d'élément permettant de la renverser.
Ainsi, il y a bien lieu de considérer que l'accident subi par Monsieur [X] le 8 juillet 2015 est un accident du travail et non un accident de trajet.
De même, le fait que la sécurité sociale ait décidé de ne plus le prendre en charge au titre de la législation professionnelle le 15 février 2016, n'empêche pas la juridiction prud'homale de rechercher s'il existe un lien de causalité, au moins partiel, entre l'accident du travail survenu le 8 juillet 2015 et l'inaptitude prononcée par le médecin du travail le 6 novembre 2017, étant précisé que l'avis ne porte aucune mention sur le caractère 'non professionnel' de l'inaptitude, contrairement aux dires de l'employeur.
En l'espèce, la cour relève que si Monsieur [X] présentait des problèmes de santé ayant abouti à la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé, ceux ci étaient antérieurs à son embauche puisqu'il n'est pas contesté qu'il était d'ores et déjà reconnu travailleur handicapé à cette date. Or ces problèmes de santé ont toutefois permis au salarié d'exécuter normalement son travail pour la société DECATHLON d'octobre 2003 au 8 juillet 2015, date de l'accident du travail.
Il est constant que l'arrêt de travail pour cause de maladie à l'issue duquel l'inaptitude de Monsieur [X] a été constatée, a directement suivi l'arrêt de travail pour accident du travail, sans qu'aucune nouvelle pathologie ne soit évoquée ni constatée, de sorte qu'il s'en déduit que l'inaptitude trouve au moins partiellement sa cause dans l'accident du travail survenu le 9 juillet 2015.
L'employeur, destinataire des avis d'arrêts de travail qui se sont succédés de manière continus depuis le 8 juillet 2015, date de la déclaration d'accident du travail qu'il a établie au bénéfice du salarié, avait nécessairement connaissance de l'origine professionnelle de cette inaptitude.
Il s'ensuit que les règles protectrices prévues aux articles L.1226-10 à L.1226-15 du code du travail sont applicables à la rupture du contrat de travail de Monsieur [X].
Sur les conséquences financières
Sur le solde d'indemnité spéciale de licenciement
L'inaptitude de Monsieur [X] étant d'origine professionnelle, la société appelante aurait dû s'acquitter du paiement de l'indemnité spéciale de licenciement en application des dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail "qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9". S'en étant abstenu, le salarié est en droit de prétendre à un rappel au titre de l'indemnité de licenciement.
Il a perçu une indemnité légale de licenciement de 5. 360,43 euros (pièce 10). La société reste donc redevable de la somme de 5.360,43 euros qu'elle sera condamnée à lui payer au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Dès lors que l'inaptitude de Monsieur [X] a pour cause, au moins partiellement, l'accident du travail dont il a été victime, il est en droit de solliciter l'allocation de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1226-14 du code du travail.
Aussi, en application des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail, le salarié est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois en raison de son ancienneté, soit la somme de 3.039,47 euros (1 519,73 euros x 2 mois).
En revanche, cette indemnité n'ayant pas la nature de créance salariale, aucune incidence congés payés sur cette indemnité n'est due.
Sur la validité du licenciement
-sur l'absence de consultation du CSE
Rappelant les dispositions de l'article L1226-10 du code du travail, Monsieur [X] soutient qu'alors que la consultation du Comité Social et Economique est obligatoire et ouvre droit, en cas d'omission, à son indemnisation pour licenciement illégal à 12 mois de salaires en application de l'article L1226-15 du code du travail, la société DECATHLON ne justifie pas avoir accompli cette formalité. Le salarié estime que le document versé aux débats par l'employeur ne suffit pas à rapporter la preuve de la consultation régulière des délégués du personnel, dès lors que le 'procès verbal de consultation' ne mentionne pas de nom et que la signature y figurant ne correspond pas à celle de Mme [N] [M], seule élue au titre des délégués du personnel.
La société DECATHLON indique que le licenciement a été prononcé le 20 avril 2018 pendant la période transitoire postérieure à l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 créant le CSE courant jusqu'au 1er janvier 2020 et que la proposition de reclassement pouvait dès lors être effectuée après avis des délégués du personnel. Elle indique verser aux débats les pièces justifiant de la consultation de la seule déléguée du personnel élue suivant procès verbal d'élection du mois de septembre 2016, préalablement au licenciement de Monsieur [X] et conclut au rejet de la demande formée par le salarié, au titre de l'article L1226-15 du code du travail.
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L'article 9 de l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 créant le Comité Social et Economique institue une période transitoire au plus tard jusqu'au 31 décembre 2019 durant laquelle les dispositions anciennes restent applicables.
Il en résulte que la société DECATHLON peut valablement justifier avoir satisfait à l'obligation prévue à l'article L1226-10 du code du travail, de consulter les institutions représentatives du personnel en démontrant avoir consulté les délégués du personnel de l'entreprise, si leur mandat n'était pas encore parvenus à leur terme.
En l'espèce, la société appelante verse aux débats le procès verbal d'élection des délégués du personnel de l'établissement DECATHLON [Localité 3] en date du 24 septembre 2016 mentionnant Mme [M] [N] comme seule élue titulaire (pièce 32).
Elle produit également le procès verbal de consultation des membres délégués du personnel de l'établissement DECATHLON [Localité 3] en date du 23 mars 2018 précisant 'Ce jour après consultation du dossier d'inaptitude et de reclassement de Monsieur [G] [X], nous votons la procédure'.
La cour constate, contrairement aux affirmations du salarié que la signature portée sur le procès verbal de consultation correspond en tout point à celle de Mme [N] figurant sur la procès verbal d'élection des délégués du personnel en date du 24 septembre 2016.
En conséquence, il y a lieu de considérer que l'employeur justifie avoir consulté les institutions représentatives du personnel, préalablement au licenciement pour inaptitude de Monsieur [X], de sorte que le licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse pour ce motif.
-sur le respect de l'obligation de reclassement
Monsieur [X] soutient que la société DECATHLON n'a pas respecté son obligation de reclassement en ce qu'elle s'est bornée à énoncer que son reclassement était impossible au motif qu'il n'existait pas de poste de type administratif vacant dans le département des bouches du rhône, sans rechercher la possibilité de modifier l'organisation des postes de travail pour le conserver, en tant que travailleur handicapé, dans ses effectifs, conformément aux dispositions de l'article L5213-6 du code du travail et sans lui proposer une formation adaptée dans le domaine administratif comme le préconisait le médecin du travail.
Le salarié ajoute qu'alors que l'employeur fait partie d'un groupe présent dans toute la france, elle ne produit aucun élément de nature à justifier le périmètre appliqué pour ses recherches de reclassement,et ne démontre pas l'absence de postes disponibles.
La société DECATHLON fait valoir qu'elle a bien respecté l'obligation de reclassement de Monsieur [X] lui incombant. Elle indique à ce titre avoir adressé au salarié un courrier lui demandant son curriculum vitae actualisé, ainsi que ses possibilités de mobilité, ce dernier lui ayant répondu qu'il ne disposait d'aucune mobilité en dehors des Bouches du Rhône et des régions voisines. Elle indique avoir ensuite adressé un courriel très détaillé le 27 décembre 2017, à l'ensemble des responsables des ressources humaines du groupe (distribution, logistique, siège, direction des marques internationales, direction ingénierie industriel etc) avec en pièces jointes le CV, l'avis d'inaptitude et les préconisations du médecin du travail et précise que ce courriel a été étendu à l'ensemble des RH du groupe toutes régions confondues, les responsables RH lui ayant répondu qu'ils ne disposaient pas de postes compatibles. Elle ajoute que l'article L12226-10 du code du travail ne contraint pas l'employeur à proposer au salarié une formation de base différente de la sienne et relevant d'un autre métier et que, s'agissant du statut de travailleur handicapé, elle a sollicité, dès le 18 mars 2015, l'intervention d'un cabinet conseil HADIEXPERH en vue de s'assurer que le poste occupé par Monsieur [X] était bien conforme à son handicap.
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Aux termes des dispositions de l'article L1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Lorsqu'un travailleur handicapé est déclaré inapte, l'exigence générale de recherche d'un reclassement est renforcée et doit être combinée à l'obligation spécifique d'adaptation du poste de travail prévue à l'article L5213-6 du code du travail.
Il appartient à l'employeur de justifier du périmètre de reclassement et de l'impossibilité, à la date du licenciement, de reclasser le salarié dans l'entreprise et, le cas échéant, dans le groupe auquel il appartient.
En l'espèce, suivant avis du 6 novembre 2017, le médecin du travail a déclaré Monsieur [X] inapte à son poste, précisant 'peut occuper un emploi de type administratif sans aucun effort physique à temps partiel - ou effectuer une formation dans ce domaine"
Par courrier du 16 novembre 2017, le médecin du travail a précisé ' ses capacités physiques restantes pourraient lui permettre d'effectuer un travail administratif (sans contraintes physiques autre que le travail sur écran) ou une formation dans ce domaine pour 10h à 15h par semaine (agent comptable, gestionnaire paie etc...)'
La cour relève que si la société DECATHLON justifie avoir adressé un courriel de recherche de reclassement à différents responsables des ressources humaines du groupe sur le territoire Français, elle ne justifie pas du périmètre de reclassement en produisant par exemple l'organigramme du groupe, de sorte qu'il ne peut être déterminé si les recherches ont ainsi été complètes.
De même, si Monsieur [X] a répondu à l'employeur qu'il n'était mobile que sur la région des Bouches du Rhône et les régions voisines, la cour observe que la société DECATHLON n'est pas en mesure de justifier qu'il n'existait aucun poste administratif disponible sur ce périmètre géographique, étant précisé qu'elle ne produit pas aux débats le registre du personnel des entreprises concernées.
Alors qu'il est constant que Monsieur [X] est travailleur handicapé, l'employeur ne justifie aucunement avoir tenté d'aménager ou de transformer un poste existant afin de tenter de le conserver dans ses effectifs, au besoin avec l'aide d'un d'un organisme spécialisé.
Il convient de noter à ce titre que si la société DECATHLON a demandé l'intervention du cabinet conseil HANDIEXPERTH, sa demande est datée du 18 mars 2015 et que les études jointes à la demande ont été réalisées en mars 2012 et juillet 2011 et ne s'inscrivent nullement dans le cadre de l'obligation renforcée de reclassement de Monsieur [X] incombant à l'employeur entre le 6 novembre 2017 et le 20 avril 2018, date du licenciement.
Enfin et surtout, alors que le médecin du travail a préconisé la possibilité de faire bénéficier Monsieur [X] d'une formation le préparant à occuper un poste adapté à ses capacités, soit 10h à 15h par semaine afin de le former notamment à l'emploi d'agent comptable ou de gestionnaire paie, la société DECATHLON ne démontre, ni ne soutient lui avoir proposé une telle formation.
Il s'ensuit que la société DECATHLON ne justifie pas avoir respecté l'obligation de reclassement lui incombant, de sorte que le licenciement pour inaptitude se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.
sur les indemnités subséquentes
Monsieur [X] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 30.394,60 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice en application de l'article L1226-15 du code du travail expliquant qu'il a très mal vécu son licenciement alors qu'il était dans un état de fragilité du fait de son placement en invalidité catégorie 2 et de son statut de travailleur handicapé et que son licenciement a eu des répercussions sur son état de santé ainsi que sur sa vie quotidienne.
La société DECATHLON estime que les dispositions de l'article L1226-15 ne sont pas applicables s'agissant d'une inaptitude d'origine non professionnelle et son obligation de reclassement ayant été en tout état de cause respectée.
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Il résulte des développements précédents que Monsieur [X] a été licencié pour inaptitude d'origine professionnelle et en méconnaissance de l'obligation de reclassement incombant à l'employeur, de sorte que les dispositions de l'article L1226-15 du code du travail lui sont applicables.
L'article L1226-15 du code du travail prévoit que lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12, en cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1, soit correspondant à 6 mois de salaire minimum. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14.
Monsieur [X] produit le certificat du Docteur [K] qui indique l'avoir examiné le 20 septembre 2018 et précise qu'il présente une perte de poids importante (20 kgs en 6 mois) associée à un état d'anxiété, un bilan somatique négatif, qui nécessite un complément nutritionnel oral, ce qui est confirmé par le certificat du Docteur [O] versé aux débats qui rapporte que le salarié a présenté 'une décompensation anxio-dépressive conséquence de son licenciement en avril 2018. Son état s'est dégradé progressivement par la suite, perte de poids, asthénie, anxiété jusqu'à son hospitalisation du 19/02/2019 au 30/04/2019 en clinique [4] pour traitement. Poursuite du suivi en ambulatoire depuis'.
Bénéficiant d'un accompagnement dans le cadre de la convention avec l'Agefiph pour un projet de création d'entreprise depuis le mois de juillet 2018 (cf attestation d'accompagnement), il justifie être toujours à la recherche d'un emploi en février 2020 (cf attestation Pôle emploi du 20 février 2020 justifiant du versement de l'ARE).
Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (36 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (14 ans et 6 mois), de sa qualification, de sa rémunération mensuelle moyenne (1.519,73 euros bruts), des répercussions de la rupture sur son état de santé et de la justification de sa situation de chômage, il convient de lui accorder la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la remise des documents de fin de contrat
La remise d'un bulletin de salaire rectificatif, d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail mentionnant pour terme de la relation, la date de fin de préavis non exécuté, conformes à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de l'employeur n'étant versé au débat.
Il convient également d'enjoindre à la société DECATHLON FRANCE de régulariser la situation de Monsieur [G] [X] auprès des organismes sociaux.
Sur les intérêts
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La capitalisation des intérêts demandée par le salarié sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil à condition qu'ils soient dus pour une année entière.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de condamner la société DECATHLON FRANCE à payer à Monsieur [G] [X] une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
L'employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Annule le jugement déféré,
Statuant à nouveau :
Condamne la société DECATHLON FRANCE à payer à Monsieur [G] [X] la somme de 151,97 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 20 au 23 avril 2018, outre la somme de 15,19 euros à titre d'incidence congés payés.
Dit que son action en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison des manquements fautifs de l'employeur à ses obligations relatives à la prévoyance, est prescrite.
Dit que les règles protectrices prévues aux articles L.1226-10 à L.1226-15 du code du travail sont applicables à la rupture du contrat de travail de Monsieur [X].
Condamne la société DECATHLON FRANCE à payer à Monsieur [G] [X] les sommes suivantes :
-3039,47 euros à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,
-5.360,43 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement.
Déboute Monsieur [G] [X] de sa demande de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis.
Dit que le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la société DECATHLON FRANCE à payer à Monsieur [G] [X] la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L1226-15 du code du travail.
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu'ils soient dus pour une année entière.
Ordonne la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail mentionnant pour terme de la relation la date de fin de préavis non exécuté, conformes à la teneur du présent arrêt.
Enjoint à la société DECATHLON de régulariser la situation de Monsieur [G] [X] auprès des organismes sociaux.
Rejette la demande d'astreinte.
Condamne la société DECATHLON FRANCE à payer à Monsieur [G] [X] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société DECATHLON FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE