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06/06/2024 | FRANCE | N°23/16004

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 06 juin 2024, 23/16004


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024



N° 2024/300









Rôle N° RG 23/16004 N° Portalis DBVB-V-B7H-BMLFY







[L] [N]





C/



[M], [K] [V]









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Dorothée NAKACHE



Me Caroline BREMOND













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Jug

e de l'exécution d'AIX-EN-PROVENCE en date du 14 Décembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/03808.





APPELANTE



Madame [L] [N]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-13001-2023-9028 du 13/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

N° 2024/300

Rôle N° RG 23/16004 N° Portalis DBVB-V-B7H-BMLFY

[L] [N]

C/

[M], [K] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Dorothée NAKACHE

Me Caroline BREMOND

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution d'AIX-EN-PROVENCE en date du 14 Décembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/03808.

APPELANTE

Madame [L] [N]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-13001-2023-9028 du 13/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

représentée et plaidant par Me Dorothée NAKACHE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉ

Monsieur [M], [K] [V]

né le [Date naissance 6] 1970 à [Localité 12],

demeurant [Adresse 4],

assigné à jour fixe le 15/01/24 à domicile

représenté et plaidant par Me Caroline BREMOND, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Madame [N] et monsieur [V] se sont mariés le [Date mariage 3] 2002. De leur union, est né [Z] le [Date naissance 2] 2004.

Un jugement du 8 mars 2022 du tribunal judiciaire d'Aix en Provence prononce le divorce des époux [V] aux torts exclusifs du mari et le condamne à payer une prestation compensatoire en capital d'un montant de 1 200 000 € et une contribution mensuelle à l'entretien de l'enfant commun d'un montant de 875 € outre ses frais de scolarité.

L'appel formé par monsieur [V] limité aux dispositions relatives à la prestation compensatoire et aux frais de scolarité de l'enfant commun, et l'appel incident sur le principe du divorce et le rejet de la demande de dommages et intérêts, sont pendants devant la cour.

Un jugement du 13 juillet 2023 du juge de l'exécution d'Aix en Provence déboutait madame [N] de ses demandes de fixation d'une astreinte afférente, à l'obligation du père de prendre en charge les frais de scolarité de l'enfant commun pour ' l'international business school' [9] de [Localité 10], quelque soient les modalités de financement, et au remboursement de la somme de 1196 € au titre de l'avance des frais de pré-inscription.

Le 21 juillet 2023, madame [N] faisait délivrer à la Banque Palatine, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de monsieur [V] aux fins de paiement de la somme de 42 842,06 € (36 250 € GBP). La saisie produisait son effet à hauteur de 2 651,61 €. Elle était dénoncée, le 26 juillet 2023 à monsieur [V].

Le 28 août 2023, monsieur [V] faisait assigner madame [N] devant le juge de l'exécution d'Aix en Provence aux fins de contester la saisie-attribution.

Un jugement du 14 décembre 2023 du juge de l'exécution :

- déclarait recevable la contestation de monsieur [V],

- déboutait monsieur [V] de sa demande tendant à faire déclarer nulle et de nul effet la mesure de saisie-attribution fondée sur l'absence de mention du compte bancaire et du taux de change,

- disait que madame [N] ne justifie pas d'une créance liquide et exigible à l'encontre de monsieur [V] au titre des frais scolaires de l'enfant,

- ordonnait la mainlevée de la saisie-attribution du 21 juillet 2023,

- laissait les frais d'exécution à la charge de madame [N],

- disait n'y avoir lieu à restitution des sommes saisies,

- condamnait madame [N] au paiement d'une somme de 500 € de dommages et intérêts pour abus de saisie,

- déboutait chacune des parties de leur demande de dommages et intérêts,

- disait n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboutait les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

- condamnait madame [N] aux entiers dépens de l'instance incluant les frais de la saisie-attribution, avec distraction au profit de maître Bremond, avocat.

Le jugement précité était notifié à madame [N] par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 18 décembre 2023.

Par déclaration du 28 décembre 2023 au greffe de la cour, madame [N] formait appel du jugement précité.

Une ordonnance du 8 janvier 2024 de la présidente de chambre autorisait madame [N] à assigner à jour fixe. Le 15 janvier 2024, madame [N] faisait assigner monsieur [V] d'avoir à comparaître. L'assignation était déposée au greffe, le 2 février 2024.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, madame [N] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que monsieur [V] n'était pas tenu au paiement des frais de scolarité de son fils et que la mère ne justifie pas d'une créance liquide et exigible, et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 500 € de dommages et intérêts,

- statuant à nouveau, valider la saisie-attribution du 21 juillet 2023,

- débouter monsieur [V] de toutes ses demandes,

- condamner monsieur [V] au paiement d'une amende civile de 3 000 €, d'une somme de 2 500 € de dommages et intérêts, d'une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles et des dépens.

Elle conteste l'irrecevabilité de son appel aux motifs que la requête aux fins d'autorisation à assigner à jour fixe et l'assignation devant la cour mentionnent une demande d'infirmation et les chefs critiqués du jugement déféré ainsi qu'une demande de validation de la saisie contestée.

Elle soutient que le critère du péril a été apprécié souverainement par la présidente de chambre saisie de la requête et qu'il ne peut plus être contesté.

Elle affirme que la demande de radiation relève, à défaut de désignation d'un conseiller de la mise en état, de la seule compétence du premier président saisi sur assignation.

A titre subsidiaire, elle invoque ses faibles ressources et le blocage récent de son compte par une nouvelle saisie de monsieur [V] alors qu'elle avait ouvert un sous-compte Carpa pour payer les 500 € de dommages et intérêts.

Elle invoque un péril de nature à fonder le jour fixe aux motifs qu'elle dispose d'un titre exécutoire sur les frais de scolarité, que le père a été prévenu en avril 2023 mais a refusé de payer les frais de scolarité à l'école de [Localité 10]. Elle a été déboutée de sa demande d'astreinte et a été contrainte de vendre les bijoux de sa mère pour payer la première échéance et assurer la rentrée de septembre 2023 mais les frais de l'année devaient être payés avant décembre 2023.

Elle conteste la nullité de la saisie-attribution aux motifs qu'il n'existe aucune obligation légale de mentionner le taux de conversion de la livre sterling en € et qu'en tout état de cause, l'intimé ne justifie d'aucun grief puisqu'il mentionne la somme de 41 925,48 €, dont il ne peut prétendre ignorer le montant, dans sa demande d'autorisation de consigner le montant des frais de scolarité.

Elle soutient que la créance constituée par les frais de l'école de [Localité 10] est exigible dès lors qu'ils auraient pu être payés en une seule échéance en mai 2023 avec une réduction de 3 % et qu'en tout état de cause, l'article L 112-1 du code des procédures civiles d'exécution permet de recouvrer une créance à terme.

Elle affirme que la saisie contestée est fondée sur un titre exécutoire constitué par le jugement de divorce lequel met les frais de scolarité à la charge du père. Son fils a obtenu son diplôme en février 2023 et a été admis en mai suivant dans une école [9] de [Localité 10]. Le père en a été informé en temps utile et le calendrier scolaire et les frais de scolarité lui ont été transmis le 19 juillet 2023. Il était parfaitement informé du suivi d'études supérieures à l'étranger puisqu'il a payé, les frais de collège et de lycée international depuis l'âge de 10 ans et ne peut refuser de payer les frais d'études de son fils devenu majeur le 10 septembre 2022 au motif que l'orientation qu'il a choisie ne lui conviendrait pas et qu'il préférerait une école de commerce française.

Elle rappelle que le jugement de divorce mentionne un projet d'études supérieures aux Etats Unis qui aurait été plus onéreux. Elle soutient qu'elle a payé la première échéance d'un montant de 7 420,76 € des frais de scolarité selon facture acquittée du 17 août 2023 alors qu'elle n'était pas tenue d'en faire l'avance peu importe qu'elle ait été aidée financièrement par des tiers pour procéder à ces paiements. Elle précise que la somme restant due est de 34 504,72 € et qu'un prêt étudiant a été souscrit pour financer les frais d'hébergement. Elle rappelle que le père n'a pas contesté devoir les frais de scolarité mais a soutenu que la mère ou l'enfant sera remboursé sur présentation de factures acquittées, et qu'il a consigné le montant des frais de scolarité.

Elle fonde sa demande de dommages et intérêts sur le caractère abusif et dilatoire de la contestation, ce dans l'intention de lui nuire.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, monsieur [V] demande à la cour de :

In limine litis

Vus les articles 917 à 920 du code de procédure civile,

Vus les pièces et conclusions communiquées par la requérante le 06 avril à 21 h 12,

Sur l'irrecevabilité de l'appel :

- Juger que madame [N] n'a pas saisi la cour de céans d'une demande de réformation ou d'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a ordonné la mainlevée immédiate de la mesure de saisie-attribution pratiquée le 21 juillet 2023 dans l'assignation à jour fixe notifiée le 15 janvier 2023.

Partant,

- juger l'appel interjeté le 28 décembre 2023 par madame [N] irrecevable et par conséquent caduc,

Sur la radiation de l'affaire en cours,

- Juger que madame [N] n'a pas exécuté la décision de première instance et en conséquence, ordonner la radiation de l'affaire jusqu'à complète exécution,

Sur l'absence de conclusions :

- Juger que madame [N] a omis de signifier des conclusions à l'intimé au soutien de la requête et de l'appel, suivant PV de signification du 15 janvier 2024,

- Juger que l'absence de conclusions vicie irrémédiablement la procédure à jour fixe initiée par madame [N] au soutien de sa déclaration d'appel du 28 décembre 2023,

Par conséquent,

- Juger nulle et de nul effet la procédure initiée par Madame [N] au soutien de son appel,

- Débouter madame [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Rejeter toutes pièces et conclusions que madame [N] pourrait signifier postérieurement (pièces 61 à 94),

- Juger que la nullité cause assurément un grief à monsieur [V],

Sur l'absence de péril imminent,

- Juger que madame [N] ne rapporte pas la preuve d'un péril imminent,

- Juger l'appel interjeté par madame [N] irrecevable et par conséquent caduc,

- Rejeter toutes pièces et conclusions que madame [N] pourrait signifier postérieurement (pièces 61 à 94'),

- Juger que la nullité lui cause assurément un grief,

Sur la compétence :

- Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a retenu la compétence du juge de l'exécution,

Au fond,

A titre principal :

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que madame [N] ne justifie pas d'une créance liquide et exigible à son encontre au titre des frais scolaires de l'enfant,

- Juger que madame [N] n'a pas interjeté appel de la disposition du jugement déféré en ce qu'il a ordonné la mainlevée immédiate de la mesure de saisie-attribution pratiquée le 21 juillet 2023, pour paiement de la somme en principal de 41 925,48 euros outre frais, soit la somme totale 42 842,06 euros (paiement de la somme de 36.250 GBP),

- Juger que le jugement querellé est définitif faute d'appel quant à la main-levée immédiate de la mesure de saisie attribution,

- Confirmer le jugement du 14 décembre 2023 en ce qu'il a laissé les frais d'exécution forcée à la charge de madame [N],

- Confirmer le jugement du 14 décembre 2023 en ce qu'il a condamné madame [N] à lui payer la somme -de cinq cents euros (500 euros) à titre de dommage et intérêts pour abus de saisie,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté madame [N] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour le préjudice causé et de condamnation à une amende civile,

En conséquence,

- Débouter madame [N] de sa demande de validation de la saisie-attribution ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ainsi que des demandes « reconventionnelles »,

A titre subsidiaire :

- Ordonner, en tant que de besoin, toute mesure de garantie au lieu et place de la consignation de la somme de 41 925, 48 euros auprès de la caisse des dépôts et consignation,

- Juger que les sommes dues reportées porteront intérêt au taux légal,

En tout état de cause :

- Condamner madame [N] à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner madame [N] aux entiers dépens d'instance et d'appel, en ceux-ci compris les frais d'exécution et de séquestre de la décision à intervenir, en application de l'article 699 code de procédure civile et ordonner la distraction de ceux-ci au profit de Me Bremond, avocat aux offres de droit.

Il soutient que l'appel est irrecevable au motif de l'absence de demande d'infirmation du jugement déféré formulée dans la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe signifiée le 15 janvier 2024. Il fonde sa demande de radiation de l'affaire sur le non-paiement par l'appelante de la somme de 500 € de dommages et intérêts allouée par le jugement déféré. En outre, il invoque l'absence de conclusions signifiées, en application des articles 917 et suivants du code de procédure civile, avec l'assignation, la requête et l'ordonnance.

Il conteste l'existence d'un péril imminent aux motifs que son fils est toujours scolarisé et que les frais ont été payés par des proches de sorte que le risque d'exclusion allégué n'est pas établi. De plus, le péril financier n'existe pas puisque celle-ci invoque des ressources de 756 € mais estime ses charges à 3003 € dans une autre procédure.

Il fonde sa demande de nullité sur l'absence de créance liquide et exigible au motif de la mention d'une somme en monnaie étrangère sans le taux de conversion.

Il soutient que la saisie du 21 juillet 2023 a pour objet de recouvrer une créance à termes non échus en l'état d'un paiement semestriel exigible au 31 juillet 2023. De plus, il n'est pas tenu de faire l'avance des frais et madame [N] ne rapporte pas la preuve, ni d'un paiement à partir de ses relevés de compte, ni d'une facture acquittée, (celle du 17 août 2023 étant une facture postérieure et à acquitter) ni de la souscription d'un prêt étudiant. Malgré une sommation du 23 janvier 2024 de communiquer le diplôme, les factures et leur paiement, ces pièces n'ont pas été communiquées.

En outre, il invoque l'imprécision du titre exécutoire constitué du jugement de divorce du 8 mars 2022 relatif aux frais de scolarité mis à sa charge dès lors qu'au jour de l'audience en novembre 2021, son fils était en classe de terminale ledit jugement ne mentionne aucun accord du père pour prendre en charge des études à l'étranger. Son accord pour payer les frais de la scolarité amorcée pendant la vie commune ne peut s'étendre aux études à l'étranger après le divorce. Il rappelle que son fils a fait son choix avant sa majorité sans le consulter sur son orientation universitaire.

Il fonde aussi sa demande de nullité sur un abus de saisie aux motifs que l'appelante ne justifie pas de la validité de l'inscription (dossier, note, diplôme) et du paiement des frais de scolarité mais l'a seulement avisé le 18 avril 2023 d'une admission à l'école [9] pour un coût de 66 200 € à l'année.

Il fonde sa demande subsidiaire de constitution d'une garantie sur l'ordonnance du 18 août 2023 l'autorisant à consigner la somme de 41 151, 46 € suite à une candidature finalisée le 22 octobre 2022 et d'une information transmise le 18 avril 2023 et d'un coût exorbitant de 331 210 € sur 5 ans. En outre, une bourse d'étude n'a pas été obtenue au motif que son fils n'a pas eu le temps de rédiger un écrit de 400 à 500 mots, condition d'étude de sa demande.

Il conteste tout abus de procédure en l'état, de l'absence d'accord parental préalable et de demande de bourse, du choix fait par la mère, d'un établissement privé anglais très onéreux, d'une absence de diplôme établi et de l'absence de justification du paiement des factures.

Il invoque le caractère abusif de la saisie dont chacune dégrade son compte bancaire et obère sa faculté d'obtenir un crédit.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

- Sur les demandes d'irrecevabilité et de caducité de l'appel,

L'article 905-2 du code de procédure civile dispose notamment qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L'article 910-1 du code précité dispose que les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige.

L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

L'article 918 du code de procédure civile dispose que la requête doit exposer la nature du péril, contenir les conclusions sur le fond, et viser les pièces justificatives.

En l'espèce, la procédure à jour fixe n'est pas soumise aux dispositions des articles 905-2 et 910-4 de sorte que monsieur [V] ne peut se prévaloir que du défaut de conclusions au fond intégrées dans la requête.

Or, l'article 562 du code de procédure civile mentionne que l'appel a pour objet la nullité ou l'infirmation du jugement déféré. La requête de l'appelante aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe mentionne bien sa demande d'infirmation du jugement déféré. Sa prétention est donc clairement exprimée.

Il importe peu que l'infirmation soit demandée en ce que le jugement a retenu l'absence de créance certaine, liquide et exigible et non en ce qu'il a ordonné mainlevée de la saisie-attribution du 21 juillet 2023.

De plus, à la suite de la demande d'infirmation, la requête sollicite, en conséquence, la cour afin qu'elle valide la saisie-attribution du 21 juillet 2023. Les prétentions sur le fond afférentes à l'infirmation du jugement déféré et à la validation de la saisie du 21 juillet 2023 sont donc formulées de façon explicite de sorte que la finalité de l'article 918 précité a bien été respectée.

Par conséquent, la caducité de l'appel n'est pas établie et sera écartée.

- Sur la demande de radiation de la procédure,

L'article 524 du code de procédure civile dispose que lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Il résulte de cette disposition qu'en l'absence de désignation d'un conseiller de la mise en état dans le cadre de la procédure à jour fixe, le premier président est compétent pour statuer sur une demande de radiation de l'appel.

En l'espèce, monsieur [V] ne justifie pas avoir saisi le premier président de la cour ou son délégué et la cour statuant au fond n'a pas compétence, en application de l'article 524 précité, pour statuer sur sa demande de radiation. Le défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie a pour effet l'irrecevabilité de la demande.

Par conséquent, la demande de radiation de l'appel sera déclarée irrecevable.

- Sur le défaut de conclusions signifiées à l'intimé,

L'article 920 du code de procédure civile dispose que l'appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé. Copies de la requête, de l'ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au 3ème alinéa de l'article 919 sont joints à l'assignation.

Il en résulte que les pièces à annexer à la signification de l'assignation à comparaître à jour fixe devant la cour sont : la requête, l'ordonnance du président de chambre, et la déclaration d'appel, et non les conclusions d'appelant.

En l'espèce, madame [N] justifie avoir fait signifier, le 15 janvier 2024, à monsieur [V], une assignation à comparaître devant la cour à laquelle étaient annexés la requête aux fins d'autorisation à assigner à jour fixe qui se compose de 42 pages et contient tout l'argumentaire et les prétentions de l'intéressée, l'ordonnance du président de chambre, et la déclaration d'appel. Les prescriptions de l'article 920 précité ont donc été respectées.

Par conséquent, l'exception de nullité de la procédure d'appel doit être rejetée.

- Sur la demande de caducité de l'appel fondée sur l'absence de péril imminent,

L'article 917 du code de procédure civile dispose que si les droits d'une partie sont en péril, le premier président peut, sur requête, fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité.

En l'espèce, la requête déposée par madame [N] aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe mentionnait l'existence d'un péril constitué par le risque d'abandon des études de son fils dans son école à [Localité 10].

L'ordonnance du 8 janvier 2024 de la présidente de chambre retenait l'existence d'un péril et autorisait l'appelante à assigner à jour fixe. Cette décision est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours (Civ 2ème 17 mars 2016 n°15-10.865) de sorte que la décision de la présidente de chambre ne peut être contestée devant la cour d'appel statuant au fond.

Par conséquent, la demande de caducité de l'appel fondée sur le défaut de péril sera rejetée.

- Sur la demande de nullité du procès-verbal de saisie-attribution,

L'article 1343-3 du code civil dispose que le paiement, en France, d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l'obligation ainsi libellée procède d'une opération à caractère international ou d'un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devises s'il intervient entre professionnels, lorsque l'usage d'une monnaie étrangère est communément admis pour l'opération concernée.

En l'espèce, les mentions obligatoires de l'acte de saisie, imposées à peine de nullité, sont limitativement énumérées par l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, lequel n'impose pas la mention du taux de change mais seulement le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus.

Monsieur [V] n'établit donc pas l'existence d'une irrégularité de ce chef. En tout état de cause, si le procès-verbal de saisie-attribution mentionne un décompte de la créance de 36 250 GBP détaillé comme suit, Programm free 35 600 GBP, New Student Free 700 GBP, Insurance 1000 GBP, Confirmation Deposit 1050 GBP, il mentionne aussi un principal de 41 925,48 € de sorte que monsieur [V] était informé de la somme due en principal, formulée en euros. Il était donc en mesure de vérifier la pertinence du taux de conversion au jour de la saisie et ne peut se prévaloir d'un quelconque grief.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal de saisie-attribution.

- Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 21 juillet 2023,

Selon les dispositions de l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

En l'espèce, la saisie-attribution est fondée sur le jugement de divorce du 8 mars 2022, lequel mentionne dans son dispositif : ' dit que les frais de scolarité de l'enfant resteront à la charge de monsieur [M] [V]'. Si ce jugement signifié le 1er avril 2022 à monsieur [V] constitue un titre exécutoire, madame [N] doit établir qu'il lui confère une créance liquide et exigible au jour de la saisie du 21 juillet 2023.

* Sur l'existence d'une créance liquide,

En application de l'article L 111-6 du code des procédures civiles d'exécution, une créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation. Le montant de la créance doit donc être déterminé ou déterminable.

Par contre, lorsque le titre ne contient pas tous les éléments d'évaluation de la créance dont le paiement est ordonné, il ne peut fonder une mesure d'exécution forcée et il appartient au créancier de ressaisir le juge compétent.

En l'espèce, la seule condamnation prononcée par le dispositif du jugement de divorce du 8 mars 2022 selon laquelle les frais de scolarité resteront à la charge de monsieur [V] ne permet pas d'évaluer la créance en argent.

De plus, la seule référence dans les motifs du jugement, à un projet d'études supérieures aux Etats Unis, non documenté sur le budget prévisionnel au titre des frais d'études et d'hébergement, ne constitue pas un élément de nature à établir le caractère déterminable de frais de première année d'études supérieures d'un montant de 41 924,48 €, hors charges courantes.

En effet, si monsieur [V] était informé du projet de son fils de faire des études supérieures aux Etats Unis, ces dernières ne nécessitent pas nécessairement un tel budget et la motivation du jugement de divorce ne contient pas d'éléments plus précis de nature à lui imposer d'anticiper un tel niveau de dépenses. Ainsi, le jugement de divorce ne contient aucun élément de nature à permettre la liquidation de frais de première année d'études supérieures d'un montant de 41 924,48 €.

Par conséquent, madame [N] ne justifie pas du caractère liquide de la créance précitée, condition de validité de la saisie-attribution contestée imposée par l'article L 211-1 précité.

* Sur l'existence d'une créance exigible à la date de la saisie contestée,

La créance soumise à une condition non réalisée ou la créance affectée d'un terme non échu ne constitue pas une créance exigible, condition imposée par l'article L 211-1 précité, et ne peut donc être recouvrée par voie de saisie-attribution.

De plus, le montant des frais exposés pose la question de l'existence d'une créance conditionnelle soumise à l'accord préalable du père.

Le droit positif considère au titre des dépenses exceptionnelles non comprises dans la contribution à l'entretien que si le juge de l'exécution ne peut, sous le prétexte d'interpréter la décision dont l'exécution est poursuivie, en modifier les dispositions précises, il lui appartient d'en fixer le sens. Ainsi, il a été jugé que c'est par une interprétation nécessaire de la précédente décision que le juge d'appel apprécie souverainement que la prise en charge des frais de scolarité de l'enfant commun était subordonné à l'accord des parents. ( Civ 2ème 22 mars 2012 n°11-13915 ).

En l'espèce, la saisie-attribution contestée délivrée pour le montant précité de 41 925,18 € impose à madame [N] d'établir que l'intégralité des frais de scolarité à l'International Buisiness School de [Localité 10] de première année d'études supérieures de l'enfant commun, [Z], était due au 21 juillet 2023, date de la saisie contestée.

Or, d'une part, madame [N] ne justifie pas avoir procédé au moindre paiement à cette date puisqu'elle reconnaît qu'au jour de la saisie, monsieur [D], grand-père de l'enfant commun, avait fait l'avance de la somme de 1 262 € payée le 25 mai 2023. Il en est de même du paiement du 21 juillet 2023 de 1044 € dont l'antériorité par rapport à la saisie n'est au surplus pas établie. Elle reconnaît n'avoir acquitté à titre personnel qu'une facture de 7 420,76 € mais postérieurement au 21 juillet 2023.

De plus, il résulte du courrier officiel du 18 avril 2023 (cf pièce n°21 ) que le paiement des frais de première année de 41 925,18 € pouvait intervenir selon trois modalités : paiement unique ou en deux échéances ou en six échéances. Madame [N] a fait le choix de procéder en six échéances mensuelles de 6 125 GPD à compter du 1er juillet 2023, selon échéancier produit (cf pièce n°23 ) de sorte que les échéances du 1er août au 1er décembre 2023 n'étaient pas exigibles au jour de la saisie du 21 juillet 2023. En outre, elle ne justifie pas avoir payé, au 21 juillet 2023, l'échéance du 1er juillet 2023.

Ainsi, madame [N] ne justifie pas que la somme de 41 925,18 € était intégralement exigible au 21 juillet 2023 et ne conteste pas le défaut de paiement, à titre personnel, de la moindre somme au 21 juillet 2023.

De plus, le jugement de divorce ne subordonne pas le paiement par le père des frais de scolarité de l'enfant commun à l'unique condition qu'ils aient été exposés. L'état de fortune du père établi par le jugement de divorce ne saurait fonder une prise en charge de scolarité très coûteuse en établissement privé londonien, sans son accord préalable. Ainsi, la prise en charge de frais très importants, d'environ 200 000 € sur trois ans ou de 330 000 € sur cinq ans pose la question du caractère nécessaire de l'autorisation préalable du père.

Or, ce dernier a formé appel des dispositions du jugement de divorce du 8 mars 2022 relatives à la prise en charge des frais de scolarité et a notifié par courrier officiel du 15 avril 2022 de son conseil son désaccord pour que son fils parte étudier à l'étranger au motif que la France dispose de nombreux établissements de renommée internationale.

Si monsieur [V] ne pouvait s'opposer utilement à la volonté de son fils, devenu majeur en septembre 2022, d'étudier à l'étranger, son inscription en avril 2023 (pièce n°48) dans un établissement privé londonien parmi les plus coûteux au monde (cf pièce n°10-C intimé) pour suivre un cursus non justifié (nature et niveau du diplôme délivré et lieu d'études en l'état d'établissements à [Localité 7], [Localité 13] et [Localité 8] ), et donc sans certitude sur la qualité de la qualification obtenue, nécessitait l'accord préalable du père pour en payer les frais d'un montant très important sur plusieurs années.

A défaut d'accord préalable du père pour assumer un montant de frais exceptionnels non intégrés dans la contribution à l'entretien, madame [N] ne peut justifier d'une créance exigible d'un montant de 41 925,48 € de nature à fonder la saisie-attribution contestée du 21 juillet 2023. Ainsi, la mainlevée ordonnée par le jugement déféré sera confirmée.

De plus, le caractère abusif de la saisie est établi dès lors qu'un jugement du 13 juillet 2023 a rejeté la demande d'astreinte afférente à la prise en charge des frais d'études secondaires en l'absence d'éléments sérieux sur la scolarité de l'enfant et en l'état d'un projet au coût élevé non adapté au profil de l'enfant. Or, la saisie contestée a été délivrée 8 jours après la décision de rejet précitée de sorte que madame [N] a agi en toute connaissance du caractère contestable de la saisie. De plus, cette dernière a pu porter atteinte à la réputation de monsieur [V], lequel s'est vu notifier un refus de crédit du 20 juillet 2023 de la société Cofidis ( cf pièce 13-A intimé).

En application de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, les frais de la saisie dont la mainlevée est ordonnée sont à la charge du créancier poursuivant.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé dans toutes ses dispositions.

Dès lors qu'il est fait droit à sa demande principale de confirmation, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de monsieur [V] devenue sans objet.

- Sur les demandes accessoires,

En l'état de la confirmation, les demandes de madame [N] aux fins de condamnation à l'amende civile et à des dommages et intérêts pour contestation abusive ne sont pas fondées et seront donc rejetées.

Madame [N], partie perdante, supportera les dépens d'appel, lesquels se limitent aux frais d'instance et ne peuvent inclure les frais de séquestre, lequel a été opéré sur la seule initiative de l'intimé qui doit en supporter les éventuels frais.

L'équité commande d'allouer à monsieur [V] une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE irrecevable la demande de radiation de l'appel,

REJETTE les demandes, d'irrecevabilité, de caducité, de nullité de l'appel,

CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes de dommages et intérêts et d'amende civile de madame [L] [N],

CONDAMNE madame [L] [N] au paiement d'une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE madame [L] [N] aux entiers dépens d'appel avec droit de recouvrement direct des frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision au profit de maître Bremond, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile étant rappelé qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 23/16004
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.16004 ?
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