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06/06/2024 | FRANCE | N°23/13540

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 06 juin 2024, 23/13540


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT

DU 06 JUIN 2024



N° 2024/64









Rôle N° RG 23/13540 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMC7Q







[I] [X]

[W] [X]





C/



S.A. BNP PARIBAS



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Frédéric BOUHABEN



Me Jean-Christophe STRATIGEAS




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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état d'AIX EN PROVENCE en date du 23 Octobre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/02818.





APPELANTS



Monsieur [I] [X]

né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 5] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 1]



représenté par ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT

DU 06 JUIN 2024

N° 2024/64

Rôle N° RG 23/13540 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMC7Q

[I] [X]

[W] [X]

C/

S.A. BNP PARIBAS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric BOUHABEN

Me Jean-Christophe STRATIGEAS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état d'AIX EN PROVENCE en date du 23 Octobre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/02818.

APPELANTS

Monsieur [I] [X]

né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 5] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric BOUHABEN de la SELARL FREDERIC BOUHABEN, avocat au barreau de MARSEILLE

assisté de Me Yasmine FADLI, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, substituant Me Frédéric BOUHABEN

Madame [W] [X]

née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 5] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric BOUHABEN de la SELARL FREDERIC BOUHABEN, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée de Me Yasmine FADLI, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, substituant Me Frédéric BOUHABEN

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Jean-Christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024

Signé par Madame Françoise PETEL, Conseillère, en l'empêchement du Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [I] [X] et Mme [W] [X] sont titulaires de plusieurs comptes bancaires ouverts dans les livres de la SA BNP Paribas.

Le 30 mai 2017, Mme [W] [X] a avisé le responsable de son agence de ce que, s'y étant rendue pour consulter le solde de ses comptes, elle avait constaté que ceux-ci avaient fait l'objet de débits frauduleux par virements sur la période du 9 novembre 2016 au 22 mai 2017 pour un montant total de 22.327,75 euros.

Le 2 juin 2017, M. [I] [X] et Mme [W] [X] ont, chacun, déposé plainte pour escroquerie.

Par courrier du 10 juin 2017, ils ont sollicité de la banque le remboursement des sommes débitées frauduleusement.

Après divers échanges, suivant courrier du 17 janvier 2018, le responsable des réclamations de l'établissement bancaire a rejeté leur demande.

Selon exploit du 27 mai 2022, M. [I] [X] et Mme [W] [X] ont fait assigner la SA BNP Paribas en responsabilité devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence.

Saisi d'un incident par la banque, le juge de la mise en état de ce tribunal, par ordonnance du 23 octobre 2023, a :

- constaté que M. et Mme [X] étaient irrecevables en leurs demandes à l'égard de la société BNP Paribas pour cause de forclusion,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [X] aux dépens.

Suivant déclaration du 2 novembre 2023, M. [I] [X] et Mme [W] [X] ont interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 4 mars 2024, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les appelants demandent à la cour de :

- infirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 23 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence,

statuant à nouveau :

- juger que leur action est recevable, comme n'étant pas forclose,

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la BNP Paribas, et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- les recevoir en leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner la BNP Paribas à leur verser la somme totale de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu des frais irrépétibles engagés tant dans le cadre de l'incident soulevé devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence que dans le cadre de la présente procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 11 mars 2024, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA BNP Paribas demande à la cour de :

- déclarer irrecevables M. et Mme [X] en leurs prétentions présentées à son encontre à raison de la forclusion de leur action,

- rejeter leur appel comme mal fondé,

- les débouter de leurs demandes,

- confirmer la décision entreprise,

y ajoutant,

- condamner solidairement M. et Mme [X] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

Les appelants soutiennent que le premier juge a fait une lecture erronée de l'article L.133-24 du code monétaire et financier, ainsi que des arrêts de la Cour de Justice de l'Union Européenne et de la Cour de cassation.

Ils exposent qu'il est constant qu'il n'y a pas de forclusion sans texte, que, si effectivement l'article précité impose à l'utilisateur de services de paiement de contester l'opération non autorisée auprès de son établissement bancaire dans le délai de treize mois à compter de sa réalisation, ni ce texte, ni aucun autre, ne prévoient que l'action en justice engagée à l'encontre de ce prestataire soit enfermée dans un tel délai.

Rappelant que, lorsqu'ils ont découvert, le 31 mai 2017, que des opérations non autorisées avaient été réalisées entre le 30 octobre 2016 et le 20 mai 2017, ils ont immédiatement effectué une contestation auprès de leur établissement bancaire, et qu'ils ont donc effectivement contesté lesdites opérations dans le respect des dispositions de l'article L.133-24, M. [I] [X] et Mme [W] [X] font valoir que ce n'est qu'à défaut d'avoir respecté le délai de contestation auprès du prestataire des services de paiement, que l'utilisateur se voit privé du bénéfice de l'invocation d'un autre régime de responsabilité à l'égard de la banque, qu'en l'espèce, l'action en justice qu'ils ont engagée est fondée sur la violation par la SA BNP Paribas de l'obligation de remboursement tirée de l'article L.133-18 du code monétaire et financier.

Ils ajoutent qu'en tout état de cause, le délai de contestation de treize mois ne court que si la banque a satisfait à son obligation d'information après l'exécution d'une opération de paiement telle qu'elle résulte de l'article L.312-1-5 du même code, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'intimée réplique que la Cour de Justice de l'Union Européenne, et à la suite la Cour de cassation se sont prononcées en consacrant successivement la règle selon laquelle les utilisateurs de services de paiement ne peuvent pas agir sur un autre fondement que celui du régime juridique spécial des services de paiement qui est codifié en France aux articles L.133-1 et suivants du code monétaire et financier, ce qui exclut toute possibilité pour l'utilisateur d'agir aux fins de condamnations indemnitaires sur le fondement du régime de la responsabilité civile de droit commun, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle.

Elle soutient que les prétentions judiciaires des époux [X] se heurtent à la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action, prescrite par l'article L.133-24, le délai prévu concourant à la sécurisation juridique et à la responsabilisation des utilisateurs de services de paiement, qu'en l'absence, par l'utilisateur, d'une part, d'une réclamation sans tarder, d'autre part, d'une action judiciaire, dans les treize mois qui suivent la date de débit de l'opération de paiement qu'il prétend avoir été non autorisée ou mal exécutée, la forclusion est acquise.

La SA BNP Paribas précise que les appelants ont élevé une contestation tardive dans le délai de treize mois des opérations de paiement concernées, leur première réclamation ayant été formalisée par leur lettre du 10 juin 2017 pour des opérations contestées réalisées sur la période du 31 octobre 2016 au 20 mai 2017, qu'ils l'ont réitérée par lettre du 25 juin 2017 adressée au Médiateur, qu'il s'en est suivi divers échanges, qu'elle a traité cette réclamation, lui apportant une réponse défavorable aux termes d'un courrier motivé du 17 janvier 2018, que les époux [X] ont ensuite attendu le 27 mai 2022 pour l'attraire devant le tribunal, soit plus de treize mois après avoir reçu ce dernier courrier qui formalisait très explicitement le rejet de leur contestation.

Elle fait encore valoir, au visa des articles 30, 32 et 122 du code de procédure civile, que le délai de forclusion s'entend nécessairement d'une action en justice.

Sur ce, il est constant que M. [I] [X] et Mme [W] [X] fondent leurs demandes sur les dispositions de l'article L.133-18 du code monétaire et financier, aux termes duquel « En cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L.133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, (') », l'article L.133-24 prévoyant que « L'utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n'ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III. »

Outre que, instauré par un texte spécial, le régime ainsi prévu est exclusif du régime de droit commun, il résulte d'un arrêt du 2 septembre 2021 (C337/20), dont se prévalent d'ailleurs les appelants eux-mêmes, que, saisie par la Cour de cassation d'une question préjudicielle, la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit que « L'article 58 et l'article 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'un utilisateur de services de paiement puisse engager la responsabilité du prestataire de ces services sur le fondement d'un régime de responsabilité autre que celui prévu par ces dispositions lorsque cet utilisateur a manqué à son obligation de notification prévue audit article 58. »

Et, s'agissant des moyens développés par les époux [X] tirés de ce que cette décision n'aurait vocation à s'appliquer que dans le cas où l'utilisateur aurait manqué à son obligation de contester l'opération non autorisée dans le délai de treize mois suivant sa réalisation, et de ce que par ailleurs ledit délai ne concernerait que la contestation auprès du prestataire des services de paiement mais non l'action engagée à son encontre, ils ne peuvent qu'être écartés quand il ressort, notamment, des motifs de la décision précitée que « (') De cette manière, le législateur de l'Union a établi, de la façon la plus claire possible, le lien entre la responsabilité du prestataire de services de paiement et le respect par l'utilisateur de ces services du délai maximal de treize mois pour notifier toute opération non autorisée afin de pouvoir engager la responsabilité, de ce fait, de ce prestataire. Ce faisant, il a également fait le choix univoque de ne pas permettre à cet utilisateur d'intenter une action en responsabilité dudit prestataire en cas d'opération non autorisée, à l'expiration de ce délai.»

Ainsi, étant observé que l'argumentation des appelants, selon laquelle ne leur auraient pas été fournies les informations relatives aux opérations de paiement litigieuses, est ici inopérante dès lors qu'ils indiquent avoir pris connaissance de l'ensemble des dites opérations, qu'ils ont d'ailleurs très rapidement contestées auprès de leur établissement bancaire, le 30 mai 2017, il apparaît que leur action, engagée à l'encontre de la SA BNP Paribas suivant assignation délivrée le 27 mai 2022, est forclose, et comme telle irrecevable.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Condamne in solidum M. [I] [X] et Mme [W] [X] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens.

LE GREFFIER P°/LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 23/13540
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.13540 ?
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