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06/06/2024 | FRANCE | N°23/13371

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 06 juin 2024, 23/13371


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT

DU 06 JUIN 2024



N° 2024/63









Rôle N° RG 23/13371 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMCJ5







[Z] [P]

[D] [G] épouse [P]





C/



S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Lysa LARGERON



Me Maxime ROU

ILLOT





















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 01 Septembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/03150.





APPELANTS



Monsieur [Z] [P]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 7],

demeur...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT

DU 06 JUIN 2024

N° 2024/63

Rôle N° RG 23/13371 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMCJ5

[Z] [P]

[D] [G] épouse [P]

C/

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Lysa LARGERON

Me Maxime ROUILLOT

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 01 Septembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/03150.

APPELANTS

Monsieur [Z] [P]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Lysa LARGERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [D] [G] épouse [P]

née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Lysa LARGERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon offre du 10 décembre 2009 acceptée le 22 décembre 2009, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur a consenti aux époux [Z] [P] et [D] [G] un prêt primo différé n°0950633, destiné à l'acquisition d'un bien immobilier à usage locatif sis à [Localité 5] (Orne), d'un montant de 99.300,19 euros, amortissable en 300 mensualités, au taux d'intérêt annuel de 4,22 %, le taux effectif global mentionné dans l'acte étant de 4,80 %.

Suivant avenant du 25 mai 2018 accepté le 7 juin 2018, le taux de ce prêt a été ramené à 1,85 %, le taux effectif global indiqué étant de 2,83 %.

Selon offre du 19 mars 2010 acceptée le 2 avril 2010, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur a consenti à M. [Z] [P] et Mme [D] [G] un prêt primo différé n°0957077, destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier à usage locatif sis à [Localité 8] (Hérault), d'un montant de 241.808,35 euros, amortissable en 300 mensualités, au taux d'intérêt annuel de 4,22 %, le taux effectif global mentionné dans l'acte étant de 4,72 %.

Ce prêt a fait l'objet le 4 juillet 2018 d'un avenant accepté le 18 juillet 2018, le taux étant ramené à 1,81 %, avec un taux effectif global de 2,77 %.

Selon offre du 19 mars 2010 acceptée le 2 avril 2010, la banque a également consenti aux époux [P]-[G] deux prêts, destinés à financer l'acquisition d'un bien immobilier à usage locatif sis à [Localité 9] (Hauts-de-Seine), dont un prêt primo n°0957090, d'un montant de 131.977,90 euros, amortissable en 300 mensualités, au taux d'intérêt annuel de 4,22 %, le taux effectif global mentionné dans l'acte étant de 4,81 %.

Suivant avenant du 5 juillet 2018 accepté le 18 juillet 2018, le taux de ce prêt primo a été ramené à 1,84 %, avec un taux effectif global de 2,72 %.

Faisant valoir que les offres des 10 décembre 2009 et 19 mars 2010 comportaient des anomalies, M. [Z] [P] et Mme [D] [G] ont, par exploit du 2 août 2022, fait assigner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur, aux fins de voir prononcer la déchéance totale de son droit aux intérêts pour les trois emprunts, action fondée sur la nullité de la clause de stipulation d'intérêts et la mention d'un taux effectif global erroné, et se voir accorder des dommages et intérêts, devant le tribunal judiciaire de Nice.

Saisi par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur d'un incident, le juge de la mise en état de ce tribunal, par ordonnance du 1er septembre 2023, a :

- déclaré irrecevable car prescrite l'action initiée par M. [Z] [P] et Mme [D] [P] à l'encontre de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur sur le fondement d'offres de prêt acceptées les 22 décembre 2009 et 2 avril 2010,

- rejeté toutes les demandes de M. [Z] [P] et Mme [D] [P],

- condamné solidairement M. [Z] [P] et Mme [D] [P] à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [Z] [P] et Mme [D] [P] aux dépens de l'instance.

Suivant déclaration du 27 octobre 2023, M. [Z] [P] et Mme [D] [G] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 6 mars 2024, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les appelants demandent à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- déclarer recevables leurs demandes,

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur,

- débouter la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions,

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées et déposées le 18 décembre 2023, auxquelles il est expressément référé par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

dès lors,

- juger prescrite l'action en nullité des époux [P] et qu'il n'existe aucune clause abusive dans le contrat de prêt,

en conséquence

- juger irrecevables les époux [P] en leurs demandes,

ajoutant au jugement entrepris,

- condamner solidairement les époux [P] à lui payer une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

MOTIFS

Rappelant qu'ils sont des consommateurs et ont, en cette qualité, souscrit les prêts immobiliers contestés, les appelants soutiennent que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la prescription n'était, ni applicable, ni en tout état de cause acquise.

Ils exposent qu'en effet, les trois offres de prêt rédigées par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur aménagent une période de préfinancement de, respectivement, 4, 4 et 29 mois, que chacune de ces offres renferme une clause particulière stipulant que le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement, qu'une telle clause, qui a pour objet et pour effet d'exclure de la présentation du coût du crédit une composante importante de celui-ci, constitue une clause abusive, que, de même, lesdites offres renferment une clause prévoyant que les intérêts périodiques seront calculés d'après une année de 360 jours, que de telles stipulations, qui déterminent le calcul des intérêts et la présentation du coût du crédit, impliquent incontestablement un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs, que leur action, en ce qu'elle tend à faire échec à une clause abusive, n'est donc pas soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

M. [Z] [P] et Mme [D] [G] ajoutent que, à la supposer encourue, cette prescription n'est pas acquise, dès lors que, en leur qualité de consommateurs de crédit, ils ont légitimement ignoré les faits leur permettant d'agir en justice jusqu'à ce qu'un sachant attire leur attention sur ce point, qu'aucune faute ne saurait leur être imputée pour ne pas avoir décelé ou détecté des irrégularités, qu'il ne peut être exigé du consommateur qu'il fasse réexaminer par un tiers expert chaque offre de prêt soumise à son acceptation par un professionnel du crédit.

L'intimée réplique que le point de départ de la prescription ne peut dépendre de travaux de tiers, qu'admettre comme point de départ du délai la date du rapport dont se prévalent les appelants conduirait nécessairement à rendre ledit délai potestatif et l'action imprescriptible.

Elle précise que le point de départ de la prescription se situe au jour de la conclusion du contrat en cas d'anomalies apparentes dans l'offre de prêt, que tel est le cas en l'espèce s'agissant des irrégularités prétendues, que les époux [P] pouvaient donc à compter de l'acceptation des offres entreprendre toute démarche utile, que leur action est en conséquence irrecevable comme prescrite.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur fait valoir que, pour contourner cette difficulté, les appelants ont invoqué l'existence dans les contrats litigieux d'une clause abusive qui devrait être déclarée non écrite, que cela s'avère totalement inexact, que la clause 30/360 est une clause de rapport ou d'équivalence financière, qui a pour objet de fixer les rapports à retenir pour le calcul des échéances périodiques du prêt, et ne saurait être qualifiée d'abusive.

Sur ce, selon l'article L.132-1 du code de la consommation dans sa version applicable aux prêts litigieux, « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Mais, les appelants, qui soutiennent que la clause figurant dans chacune des offres qui leur ont été soumises aux termes de laquelle « Le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement. » serait abusive au motif qu'elle a pour objet et pour effet d'exclure de la présentation du coût du crédit une composante importante de celui-ci, n'établissent pas en quoi une information ainsi donnée pourrait être de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

En ce qui concerne la clause qui prévoit que « les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », elle ne constitue pas davantage une clause abusive.

En effet, cette clause est une clause de rapport, et, s'agissant d'un prêt dont les intérêts sont payables mensuellement, le montant des intérêts dus chaque mois est le même, que les intérêts soient calculés, par référence au mois normalisé de 30,41666 jours prévu à l'annexe de l'article R 313-1 du code de la consommation, en appliquant le rapport 30,41666/365, ou qu'ils le soient par référence à un mois de 30 jours et à l'année dite lombarde de 360 jours, en appliquant le rapport 30/360.

Or, en l'espèce, chacun des trois prêts concernés est à échéance mensuelle et d'une durée totale de trois cents mois, de sorte que, à supposer l'existence d'une première échéance inférieure à la périodicité fixée, ce qui n'est pas même allégué, il ne saurait résulter de cette clause d'équivalence financière un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Ainsi, M. [Z] [P] et Mme [D] [G] ne sont pas fondés à prétendre imprescriptible leur action au motif de la présence de clauses abusives dans les offres qu'ils ont signées les 22 décembre 2009 et 2 avril 2010.

Par ailleurs, leur argumentation selon laquelle, tant en droit interne qu'en droit de l'Union Européenne, le principe d'effectivité commande d'écarter un régime de prescription qui serait basé sur une présomption de connaissance parfaite par le consommateur des irrégularités contenues dans le contrat, et ce dès la signature de celui-ci, ne peut davantage être retenue.

En effet, le principe d'effectivité allégué ne saurait s'opposer à ce que trouvent application dans le cadre du présent litige les dispositions de 1'article 2224 du code civil, lesquelles n'instaurent aucunement un régime de prescription basé sur une telle présomption.

Et, si ledit texte prévoit, ainsi que les emprunteurs le rappellent eux-mêmes, que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer », les appelants ne sont pas pour autant fondés à en déduire que le point de départ de la prescription quinquennale de droit commun n'est pas fixé au jour de la survenance des faits qui permettent au justiciable d'intenter une action, mais se trouve par principe reporté à une date ultérieure.

Aussi, il est rappelé que le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, comme de la prescription, également quinquennale, de l'action en déchéance du droit aux intérêts fondée sur les articles L312-8 et L312-33 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au présent litige, se situe, s'agissant d'un consommateur, au jour où l'emprunteur a connu, ou aurait dû connaître, l'erreur invoquée, soit, à la date de la convention si l'examen de sa teneur permet de constater cette erreur, soit, lorsque tel n'est pas le cas, à la date à laquelle celle-ci a été révélée à l'emprunteur.

En l'espèce, les époux [P]-[G] soutiennent que le coût du crédit et le taux effectif global figurant dans les offres de prêt sont inexacts du fait du défaut d'intégration, dans l'assiette de calcul de ce taux et le coût du crédit, du coût de la phase de préfinancement, et de la pratique de l'année dite lombarde.

Mais, il ne peut qu'être constaté que les irrégularités ainsi alléguées ressortent expressément des clauses prévues dans les conditions particulières de chacun des prêts concernés, telles que précédemment rappelées au soutien de leur argumentation pour les qualifier à tort d'abusives par les emprunteurs eux-mêmes.

Dès lors, ces derniers ne peuvent valablement prétendre n'avoir pu, à la seule lecture des actes litigieux, et sans qu'il soit besoin de compétences particulières, en matière notamment de mathématiques ou de finances, personnellement se convaincre des erreurs invoquées.

En conséquence, dans la mesure où ils ont eu, ou auraient dû avoir, connaissance au moment où ils ont accepté les offres de prêt des 10 décembre 2009 et 19 mars 2010 de ces irrégularités qu'ils reprochent à la banque et sur le fondement desquelles ils ont engagé leur action, il appartenait à M. [Z] [P] et Mme [D] [G] d'agir dans le délai de prescription de cinq ans ci-dessus rappelé, lequel a commencé à courir à compter de la date de souscription respective des contrats.

L'assignation introductive d'instance ayant été délivrée le 2 août 2022, les demandes formées par les appelants à l'encontre de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur sont donc irrecevables comme prescrites, et l'ordonnance attaquée confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [Z] [P] et Mme [D] [G] à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 23/13371
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.13371 ?
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