COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 06 JUIN 2024
N° 2024/294
Rôle N° RG 23/09457 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLUNF
S.C.I. C2A3
C/
[T] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Thomas SALAUN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de TARASCON en date du 07 Juillet 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/00011.
APPELANTE
S.C.I. C2A3
Société Civile Immobilière, immatriculée au RCS de Salon de Provence sous le numéro 840 931 448, représentée par Madame [I] [N] [S] et Monsieur [D] [L], cogérants,
siège social : [Adresse 1]
représentée et assistée par Me Thomas SALAUN de la SELARL CLERGERIE - SEMMEL - SALAUN - KAUTZMANN, avocat au barreau de TARASCON
INTIME
Monsieur [T] [P]
entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne 'REVOLT', immatriculé au SIREN sous le numéro 483 636 171
demeurant [Adresse 2]
Signification de la DA, conclusions et avis de fixation le 27 septembre 2023 PAR PV
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, prétentions des parties :
La société civile immobilière C2A3 faisait procéder à la rénovation de deux maisons et confiait à monsieur [T] [P], artisan en nom personnel, l'exécution des lots électricité, plomberie, et climatisation.
Une ordonnance de référé du 2 avril 2021 ordonnait une expertise au contradictoire notamment de la société C2A3 et de monsieur [P].
Une ordonnance du 10 janvier 2022 du juge chargé du contrôle des expertises ordonnait à monsieur [P] la remise, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du 10 février 2022, des documents suivants :
- la liste de tous les titulaires intervenus en sous-traitance, y compris les devis et factures (acte sous-traitance),
- les attestations d'assurance de l'année en cours (RC et décennale) pour ces sous-traitants,
- le DGD détaillé individuel pour les deux chantiers de chacun des sous-traitants y compris le DGD global de l'entreprise [P],
- la fiche technique du modèle VMC en place ainsi que la facture et les plans,
- le rapport des essais techniques de chantier et procès-verbal d'auto-contrôle pour les installations techniques,
- le rapport d'intervention et facture de la réparation qui devaient être transmis par [T] [P].
Le 7 février 2022, le conseil de monsieur [P] communiquait, les factures des sous-traitants, la facture de réparation, et précisait ne pas détenir les autres documents, en ce compris notamment les DGD individuels ou global.
Dans un courrier du 9 février 2022, l'expert informait le juge chargé du contrôle des expertises avoir reçu les éléments sollicités et réponses attendues et précisait que monsieur [P] n'avait pu transmettre que les éléments en sa possession.
Le 10 février 2023, la SCI C2A3 faisait assigner monsieur [P] devant le juge de l'exécution de Tarascon aux fins de liquidation de l'astreinte à hauteur de 107 100 €.
Un jugement réputé contradictoire du 7 juillet 2023 déboutait la société C2A3 de toutes ses demandes et laissait les dépens à sa charge.
Le jugement précité était notifié à la société C2A3, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception retourné au greffe avec la mention ' défaut d'accès ou d'adressage'. Par déclaration du 17 juillet 2023 au greffe de la cour, la société C2A3 formait appel du jugement précité.
Aux termes de ses dernières écritures, signifiées le 27 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société C2A3 demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- condamner monsieur [P] au paiement de la somme de 107 100 € au titre de la liquidation d'astreinte pour la période du 10 février 2022 au 2 février 2023 et de la somme de 129 900 € pour la période du 2 février 2023 au 10 avril 2024,
- condamner monsieur [P] à exécuter l'ordonnance du 10 janvier 2022 sous astreinte définitive de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir pour une période de deux années,
- condamner monsieur [P] au paiement d'une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles et aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de recouvrement de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient avoir saisi le premier juge d'une liquidation d'astreinte pour la période du 10 février 2022 au 1er février 2023 et que sa demande additionnelle de liquidation d'astreinte est recevable pour la période postérieure du 2 février 2023 au 10 avril 2024 sans qu'elle constitue une demande nouvelle irrecevable.
Elle rappelle les dispositions de l'article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution selon lesquelles le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision à exécuter et considère que l'ordonnance du 10 janvier 2022 a autorité de chose jugée sur l'existence des pièces à communiquer.
Elle soutient que le premier juge a violé l'autorité précitée et devait se contenter de vérifier l'exécution de l'obligation de faire mise à la charge de l'intimé, lequel n'a pas soutenu l'inexistence des pièces devant le juge du contrôle des expertises et n'a pas formé de recours contre l'ordonnance du 10 janvier 2022.
Il rappelle que le débiteur de l'obligation de communiquer a la charge de la preuve de la cause étrangère mais ne comparaît pas de sorte qu'elle ne peut être retenue. De plus, il n'a jamais rapporté la preuve de la destruction des pièces.
Au contraire, ces pièces sont en sa possession ou peuvent être obtenues sans difficulté comme l'attestation d'assurance de ses sous-traitants, laquelle est obligatoire, la facture VMC et les plans d'installation remis lors de l'achat de cet équipement, le rapport d'intervention sur la réparation du chauffe-eau établi par son prestataire.
Enfin, elle soutient avoir intérêt à poursuivre l'exécution de l'ordonnance du 10 février 2022 afin de lui permettre d'obtenir un complément d'expertise. Elle affirme être privée de la possibilité de poursuivre la résiliation du contrat dès lors qu'elle n'en connaît pas les conséquences financières non évaluées par l'expert.
Monsieur [P] a reçu la signification, par dépôt à l'étude de l'huissier, de la déclaration d'appel et l'avis de fixation à bref délai, mais n'a pas constitué avocat devant la cour.
L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 12 mars 2024.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
- Sur la demande de liquidation de l'astreinte provisoire,
Selon les dispositions de l'article L 131- 4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte définitive ou provisoire est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
Il appartient au débiteur de l'obligation de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation de faire.
En l'espèce, l'ordonnance du 10 janvier 2022 du juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Tarascon, signifiée le 24 janvier suivant, ordonne la remise à l'expert judiciaire [E], sous astreinte de 300 € par jour de retard, des documents suivants :
- la liste de tous les titulaires intervenus en sous-traitance, y compris les devis et factures (acte de sous-traitance),
- les attestations d'assurance de l'année en cours (RC et décennale) pour ces sous-traitants,
- le DGD détaillé individuel pour les deux chantiers de chacun des sous-traitants y compris le DGD global de l'entreprise [P],
- la fiche technique du modèle VMC en place ainsi que la facture et les plans,
- le rapport des essais techniques de chantier et procès-verbal d'auto-contrôle pour les installations techniques,
- le rapport d'intervention et la facture de réparation qui devaient être transmis par monsieur [P],
Dans le délai d'un mois, avant le 10 février 2022.
Un courriel du 7 février 2022 du conseil de monsieur [P] indique et communique à l'expert judiciaire les documents suivants :
- les factures d'intervention des deux entreprises Axolair et A&G Electricité. Il mentionne qu'il ne dispose pas de leur attestation d'assurance mais les références nécessaires sont sur les factures.
- un PV de constat d'huissier déjà communiqué aux lieu et place du DGD détaillé individuel pour les deux chantiers y compris le global entreprise [P], lesquels n'ont pas été établis,
- la notice d'installation et de maintenance du modèle installé dans les deux biens. La facture d'achat a été demandée au fournisseur et sera transmise à réception.
- absence de rapport Coprec et de PV d'auto-contrôle pour les installations techniques,
- facture de monsieur [M] et son attestation d'assurance.
Il résulte d'un courrier du 9 février 2022 de l'expert judiciaire adressé au juge chargé du contrôle des expertises qu'il lui confirme la réception des 'éléments sollicités et réponses attendues' et qu'à ce stade, ' monsieur [P] ' n'a pu transmettre que les éléments en sa possession'.
Mais, il appartient au débiteur de l'obligation de faire d'établir l'existence d'une cause étrangère constituée par une impossibilité matérielle de communiquer les autres pièces demandées, de nature à fonder le rejet de la demande de liquidation d'astreinte et sa suppression.Or, monsieur [P] ne comparaît pas, ni en appel, ni en première instance, de sorte ni le premier juge, ni la cour, ne sont saisis d'une telle demande.
Dans son courrier du 7 février 2022, le conseil de monsieur [P] se contentait d'invoquer l'impossibilité de produire certaines pièces au motif allégué qu'elles n'existent pas. Cependant, aucune pièce versée au débat ne permet d'établir qu'une demande a été faite pour obtenir des intéressés (sous-traitant et organismes ) les pièces, objet de l'injonction judiciaire et qu'elle a donné lieu à un refus ou à une réponse faisant état de leur inexistence.
De même, si le courrier de l'expert du 9 février 2022 mentionne que monsieur [P] a transmis les pièces en sa possession, il ne fait pas état de l'impossibilité d'obtenir, et donc, de communiquer les autres pièces.
Ainsi, l'impossibilité matérielle de produire les pièces manquantes, constitutive d'une cause étrangère, n'est pas établie de sorte qu'elle ne peut fonder la suppression de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 10 janvier 2022.
Par contre, il résulte du courriel du 7 février 2022 du conseil de monsieur [P] et du courrier de l'expert du 9 février suivant au juge chargé du contrôle des expertises, que l'intimé a procédé à une exécution partielle de l'injonction judiciaire, de sorte que son comportement constitue, en application de l'article L 131-4 précité, une cause légale de réduction du montant de l'astreinte liquidée.
Ainsi, l'exécution partielle précitée est de nature à fonder une réduction du montant de l'astreinte à la somme de 10 000 € pour la période du 10 février 2022 au 10 avril 2024.
- Sur la demande de fixation d'une astreinte définitive,
En application des dispositions de l'article L 131-1 et L 131-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution peut fixer une astreinte définitive après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée déterminée si les circonstances de l'affaire en font apparaître la nécessité.
Les circonstances de l'espèce ayant donné lieu à une communication partielle des pièces, objet de l'ordonnance du 10 janvier 2022, l'absence de certitude sur l'existence des autres pièces, et la détention de pièces (attestations d'assurance) par des tiers (sous-traitants), ne permettent pas de caractériser la nécessité de prononcer une astreinte définitive.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a rejeté la demande de fixation d'une astreinte définitive.
- Sur les demandes accessoires,
Monsieur [P] qui succombe pour l'essentiel supportera les dépens de première instance et d'appel dans lesquels il n'y a pas lieu d'inclure les frais, éventuels à ce jour, de recouvrement forcé de la condamnation prononcée par le présent arrêt.
L'équité commande d'allouer à la société C2A3 une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt de défaut, prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte définitive,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
CONDAMNE monsieur [T] [P] au paiement de la somme de 10 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte, prononcée par l'ordonnance du 10 janvier 2022 du juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Tarascon, pour la période du 10 février 2022 au 10 avril 2024,
Y ajoutant,
CONDAMNE monsieur [T] [P] au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SCI C2A3,
CONDAMNE monsieur [T] [P] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE