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06/06/2024 | FRANCE | N°22/13062

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Délég.premier président, 06 juin 2024, 22/13062


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Délég.Premier Président





ORDONNANCE DE PERQUISITIONS FISCALES

du 06 Juin 2024



N° 2024/





Rôle N° RG 22/13062 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDE6

Rôle N° RG 22/13063 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDFC

Rôle N° RG 22/13064 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDFH

Rôle N° RG 22/13065 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDFP





C/



DIRECTION NATIONALE D ENQUETES FISCALES











Copie exécutoire délivrée

le

:

à :

Me Laurent ROUSTOUIL

Me Jean DI FRANCESCO



Prononcée à la suite de la déclaration d'appel en date du 30 septembre 2022 contre les ordonnances du Juge des Libertés et de la détention de MARSEILLE et de AIX-...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Délég.Premier Président

ORDONNANCE DE PERQUISITIONS FISCALES

du 06 Juin 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 22/13062 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDE6

Rôle N° RG 22/13063 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDFC

Rôle N° RG 22/13064 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDFH

Rôle N° RG 22/13065 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDFP

C/

DIRECTION NATIONALE D ENQUETES FISCALES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laurent ROUSTOUIL

Me Jean DI FRANCESCO

Prononcée à la suite de la déclaration d'appel en date du 30 septembre 2022 contre les ordonnances du Juge des Libertés et de la détention de MARSEILLE et de AIX-EN-PROVENCE rendues le 21 septembre 2022.

DEMANDEURS

S.A.R.L. VAMTAJ, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laurent ROUSTOUIL de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [S] [J], demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Laurent ROUSTOUIL de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEUR

DIRECTION NATIONALE D ENQUETES FISCALES, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2024 en audience publique devant

Laurent SEBAG, Conseiller,

délégué par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Cécilia AOUADI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024..

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

Signée par Laurent SEBAG, Conseiller et Cécilia AOUADI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

La société VAMTAJ est une société de droit luxembourgeois immatriculée depuis le 14 décembre 2016 au RCS de Luxembourg. Elle a pour objet social « la prise de participations, sous quelque forme que ce soit, dans d'autres sociétés luxembourgeoises ou étrangères, ainsi que la gestion, le contrôle et la mise en valeur de ces participations. Elle peut réaliser toutes opérations commerciales, techniques et financières en relation directe ou indirecte avec tous les secteurs pré-décrits de manière à en faciliter l'accomplissement. L'énumération qui précède est à comprendre au sens large et est purement énonciative et non limitative. »

La société VAMTAJ dispose d'un capital de 30 millions d'euros, réparti en 1 000 parts sociales libérées intégralement par un apport en nature de 870 parts sociales de la société JAV INVESTISSEMENT.

M. [S] [J] est l'associé unique de la société VAMTAJ. Il est résident fiscal français domicilié [Adresse 8].

A l'adresse initiale du siège social de la société VAMTAJ sont référencées 322 autres sociétés et notamment la société FIGED, société luxembourgeoise spécialisée dans le conseil et la création de sociétés. VAMTAJ est désormais sise au sein d'une entreprise offrant des services administratifs et d'assistance secrétariale. Elle dispose d'une ligne téléphonique à son nom mais de peu de moyens matériels au regard des immobilisations corporelles qu'elle déclare.

La société VAMTAJ est, selon sa propre description, un « family office », c'est à dire un bureau de gestion de patrimoine. Elle est présumée détenir et gérer le patrimoine de M. [S] [J], unique bénéficiaire économique, associé et principal dirigeant.

M. [S] [J] est également gérant de la SARL JAV INVESTISSEMENT dont le siège social est situé à [Adresse 9].

Entre 2019 et 2021, la société VAMTAJ a réalisé des prestations de services à destination de plusieurs de ses filiales, comme la SAS PBM GROUPE, détenue et dirigée par la société JAV INVESTISSEMENT, mais aussi la société JAV INVESTISSEMENT, ainsi que d'autres entités du groupe.

Les informations collectées par l'administration fiscale lui ont permis de conclure que :

le siège social de la société est situé à une adresse de domiciliation,

les moyens matériels de la société sont faibles,

les moyens humains sont composés de citoyens et résidents français,

sa détention capitalistique par M. [S] [J] est localisée en France,

le dirigeant principal, M. [S] [J], est citoyen et résident fiscal français,

de sorte que la société VAMTAJ dispose en France de son centre décisionnel.

M. [S] [J] dispose d'une grande partie de ses centres d'intérêts personnels et professionnels en France.

Dès lors, l'administration fiscale a estimé que la société VAMTAJ a exercé une activité professionnelle en France, étant présumée s'être soustraite et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le CGI (articles 54 et 209-I pour l'I.S. et 286 pour la T.V.A.).

C'est dans ces circonstances que l'administration fiscale a déposé deux requêtes, l'une auprès du Juge des libertés et de la détention d'Aix-en-Provence en date du 14 septembre 2022, puis une seconde auprès du juge des libertés et de la détention de Marseille le 15 septembre 2022, et ce afin d'être autorisée à procéder aux visites et saisies prévues par l'article L. 16B du Livre des procédures fiscales.

Par deux ordonnances rendues le 21 septembre 2022, les juges des libertés et de la détention d'Aix-en-Provence et de Marseille ont autorisé qu'il soit procédé à des opérations de visite et saisies dans les locaux et dépendances de [Localité 7], ainsi qu'au domicile présumé de M. [S] [J] sis [Adresse 8].

En date du 22 septembre 2022, les agents des Finances Publiques se sont rendus à [Localité 6] dans les locaux de la villa Calliope et ont saisi, notamment :

un courrier American Express adressé à [S] [J] et la SARL VAMTAJ,

des factures adressées à la société VAMTAJ,

le testament de [S] [J] du 16 septembre 2022,

des contrats de mandat entre la SARL VAMTAJ/[G] [J] et Me Olivier CHERPILLOD,

des pactes d'actionnaires entre la SARL VAMTAJ et [G] [J] concernant les sociétés AERIS SA et INOBIAN SA.

Un procès-verbal de visite et de saisie a été dressé le même jour.

En date du 22 septembre 2022, les agents des Finances Publiques se sont aussi rendus à [Localité 7] et ont saisi, notamment :

divers documents juridiques, comptables et fiscaux relatifs à la société VAMTAJ,

des factures adressées à la société VAMTAJ par les sociétés JAV AVIATION, JAV YACHTING, JAV INVESTISSEMENT,

Les grand-livres clients et fournisseurs des sociétés JAV INVESTISSEMENT, JAV AVIATION et VB SPORT relatifs aux comptes clients et fournisseurs VAMTAJ et VAMTAJ AVIATION,

Divers fichiers informatiques entrant dans le champ de l'ordonnance.

Un procès-verbal de visite et de saisie a été dressé le même jour.

Suivant quatre déclarations au greffe du 3 octobre 2022, la société VAMTAJ, la société JAV INVESTISSEMENT et M. [S] [J] ont interjeté appel aux fins d'annulation :

-de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Marseille du 21 septembre 2022 (RG n°22/13062) ;

-du procès-verbal portant sur la visite et les saisies réalisées le 22 septembre 2022 dans les locaux et dépendances de la villa Calliope susceptible d'être occupée par M. [S] [J] et son épouse ou par la société VAMTAJ (RG n°22/13063) ;

-de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention d'Aix-en-Provence du 21 septembre 2022 (RG n°22/13064) ;

-du procès-verbal portant sur la visite et les saisies réalisées le 22 septembre 2022 dans les locaux sis à la [Adresse 9] dans toutes leurs déclinaisons d'adresses (RG n°22/13065).

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 29 août 2023 soutenues oralement lors des débats du 4 avril 2024 devant la cour, la société VAMTAJ et M. [S] [J] sollicitent devant le premier président l'annulation de l'ordonnance rendue le 21 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention d'Aix en Provence, avec mise à l'écart de la procédure et l'ensemble des pièces saisies se rapportant à la société VAMTAJ, avec débouté des demandes de l'administration fiscale et condamnation de celle-ci à lui régler la somme de 4 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2024 soutenues oralement lors des débats du 4 avril 2024, la société VAMTAJ et M. [S] [J] sollicitent devant le premier président l'annulation de l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention rendue le 21 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Marseille, avec mise à l'écart de la procédure et l'ensemble des pièces saisies se rapportant à la société VAMTAJ, avec débouté des demandes de l'administration fiscale et condamnation de celle-ci à lui régler la somme de 4 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que les deux ordonnances sont irrégulières dès lors que les juges des libertés et de la détention se sont fondés sur des indices insusceptibles de caractériser une présomption de fraude et notamment une présentation des faits, par l'administration, qu'ils qualifient de déloyale.

Les appelants sollicitent en outre que soit écarté de la procédure l'ensemble des pièces saisies se rapportant à la société VAMTAJ, et notamment un courriel adressé par M. [C] [M] à M. [S] [J] en date du 7 juillet 2020 qui comporte une pièce jointe intitulée « Analyse fiscale Groupe VAMTAJ ' Enjeux et recommandations » qui serait couvert par le secret professionnel.

En défense, par conclusions soutenues oralement lors des débats devant la cour, la DGFIP conclut au rejet des demandes d'annulation des ordonnances formulées par la société VAMTAJ et par M. [J], les estimant mal fondée.

La DGFIP fait notamment valoir que l'argumentation développée par les appelants ne remet pas en cause le bien-fondé des présomptions retenues par les juges des libertés et de la détention, et rappelle que la société VAMTAJ a réalisé un chiffre d'affaires de 148 730 € entre 2019 et 2021 auprès de sociétés françaises ayant pour dirigeant M. [S] [J].

Par ailleurs, la DGFIP demande qu'il lui soit donné acte qu'elle accepte l'annulation de la saisie du fichier intitulé « Analyse fiscale du groupe VAMTAJ ' enjeux et recommandations », formulée par les appelants.

Elle sollicite la confirmation des ordonnances des juges des libertés et de la détention dans toutes leurs dispositions, ainsi que la condamnation des appelants à lui régler la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Par quatre avis écrits distincts du 22 mars 2024, lus à l'audience, madame l'avocate générale indique :

-être d'avis que l'ordonnance d'autorisation des visites domiciliaires et de saisies marseillaise soit confirmée, dès lors que les présomptions suffisent à justifier cette mesure et que le juge des libertés et de la détention, qui n'est pas le juge de l'impôt, n'a pas à rechercher si les infractions sont caractérisées, ajoutant qu'il ressort de la structuration des recherches faites par l'administration fiscale et présentées au soutien des requêtes des éléments concrets permettant de présumer une fraude (RG 22/13062) ;

-qu'il soit donné acte à l'administration de ce qu'elle accepte l'annulation de la saisie du fichier dénommé « Analyse fiscale du groupe VAMTAJ ' enjeux et recommandations », s'agissant d'un courriel adressé par M. [C] [M] à M. [S] [J] le 7 juillet 2020 (RG 22/13063) ;

-être d'avis que l'ordonnance d'autorisation des visites domiciliaires et de saisies aixoise soit confirmée, dès lors que les présomptions suffisent à justifier cette mesure et que le juge des libertés et de la détention, qui n'est pas le juge de l'impôt, n'a pas à rechercher si les infractions sont caractérisées, ajoutant qu'il ressort de la structuration des recherches faites par l'administration fiscale et présentées au soutien des requêtes des éléments concrets permettant de présumer une fraude (RG 22/13064) ;

-être d'avis qu'il n'y a pas lieu à annulation du procès-verbal de visite et saisie dressé le 22 septembre 2022 sur le site de [Localité 7] et occupé par la SARL JAV INVESTISSEMENT (RG 22/13065).

Les débats clos, la décision a été mise en délibéré au 6 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Les recevabilités des appels contre les ordonnances d'autorisation des juges des libertés et de la détention des tribunaux judiciaires d'Aix-en-Provence et de Marseille ne sont pas contestées et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Les appels sont ainsi recevables.

1 - Sur la jonction des procédures :

Il y a lieu en application de l'article 367 du code de procédure civile d'ordonner la jonction des instances enregistrées sous les numéros 22/13062 ,22/13063, 22/13064 et 22/13065 qui seront désormais suivies sous le numéro 22/13062 alors qu'elles concernent les mêmes parties et des demandes liées et complémentaires, soit pour tendre à l'annulation des deux ordonnances autorisant les mesures attaquées, soit à l'annulation des procès-verbaux de visite et de saisie consécutifs.

2 - Sur le caractère erroné et déloyal de la présentation des informations communiquées par l'administration fiscale aux premiers juges :

Il est clair que l'administration fiscale est tenue au cours de ses investigations à un devoir de loyauté envers le contribuable, tout particulièrement en cas de demande d'autorisation de visite domiciliaire alors que cette procédure n'est pas contradictoire.

Il est reproché par les appelants à l'administration fiscale d'avoir présentés des éléments de manière désordonnée afin de créer une confusion dans l'esprit des premiers juges saisis et ainsi, influer sur leurs décisions.

Or, la cour constate en l'espèce :

-que la simple production d'une vue Google maps d'un bâtiment au [Adresse 2] n'a pas une portée probatoire suffisante pour écarter la présomption d'implantation du siège social de la SARL VAMTAJ à une adresse de domiciliation, alors que les éléments recensés par l'administration fiscale mettent en évidence que son siège social était dans un premier temps à l'adresse d'une société spécialisée dans le conseil et la création de la société (société FIGED, domiciliée au [Adresse 3]), un salarié de celle-ci représentant d'ailleurs M. [J] lors de la création de la SARL VAMTAJ, avant transfert du siège dans des locaux d'habitation ([Adresse 1]) quand bien même ils prendraient place dans un quartier d'affaires, et en dernier lieu, à l'adresse d'une entreprise offrant des services administratifs et d'assistance secrétariale ;

-que l'administration n'a pas mésestimé les rôles des gérants respectifs ni ne les a passé sous silence auprès des premiers juges puisqu'elle a produit en pièce n°1 la consultation de l'acte d'immatriculation de la société VAMTAJ laquelle contient les pouvoirs d'engagement par la signature conjointe des gérants de classe A et B, ainsi que la modification statutaire de la SARL VAMTAJ en page 27 ; que sa conclusion présentée aux juges aux termes de laquelle le pouvoir de gouvernance capitalistique appartenait à M. [J], résident fiscal français et associé unique de la SARL VAMTAJ n'était donc pas déloyale, mais la possible conséquence que les gérants de catégorie B et C occupaient des fonctions au sein d'une ou plusieurs structures luxembourgeoises spécialisées dans le conseil économique, la fiscalité et la comptabilité ;

-que l'administration fiscale n'a pas minoré sciemment les effectifs salariés de la SARL VAMTAJ puisqu'il apparait dans les comptes annuels produits aux juges que la SARL VAMTAJ n'a déclaré qu'un salarié non-cadre pour les années 2017 et 2018 et deux pour les années 2019 à 2021, la seule souscription des bilans simplifiés ne permettant pas de connaître le montant des frais de personnels au titre des exercices 2018 à 2021 ; qu'au surplus, l'administration fiscale a bien produit les profils LinkedIn de MM. [M], [Y] et [U] (pièces 28, 30 et 31), dont les contenus ne mettaient pas en évidence de surcroît des activités particulièrement compatibles avec celles réservées à la société VAMTAJ, ainsi que ceux de MM. [W] et [R], qui, à l'époque, étaient étudiants en école de commerce à [Localité 5] ;

-que l'administration fiscale n'a opéré de confusion volontaire entre les patrimoines de la société VAMTAJ et de M. [J] pour donner une lecture erronée de l'activité sociale, alors qu'elle a utilisé dans le cadre de ses requêtes la présentation publique de la SARL VAMTAJ issue de son site internet (pièce n°15), qu'elle y a indiqué que la personnalité morale divergeait de celle de son associé unique, M. [J] ; qu'elle a aussi fait référence au chiffre d'affaires des filiales françaises et européennes de cette dernière, permettant de présumer que la société VAMTAJ disposerait de son centre décisionnel en France par le truchement de [S] [J], unique bénéficiaire économique de celle-ci.

Ce moyen n'a donc pas vocation à prospérer.

3- Sur la présomption de fraude :

Aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire peut autoriser l'administration à effectuer une visite domiciliaire lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la TVA pour rechercher la preuve de ces agissements.

Il convient de rappeler en préambule que cet article n'exige que de simples présomptions, le juge de l'autorisation n'étant pas le juge de l'impôt et n'ayant pas à rechercher si les infractions sont caractérisées. Il appartient en effet au juge judiciaire de s'assurer que l'administration apporte des éléments concrets laissant présumer l'existence d'une fraude et il n'a pas à se substituer au juge de l'impôt dans l'appréciation de la réalité de la fraude alléguée ou des droits éludés.

Il résulte des pièces produites par l'administration que :

-dans les termes précités, la SARL VAMTAJ a été successivement installée à des adresses de domiciliation dont certaines ne font pas le lien avec son activité, permettant de présumer des sièges sociaux fictifs au Luxembourg ;

-dans les termes précités, la SARL VAMTAJ a officiellement fonctionné avec très peu de salariés au Luxembourg, ne paraissant pas disposer de moyens matériels et humains suffisants;

-dans les termes précités, la SARL VAMTAJ est entièrement détenue par [S] [J], son associé unique et gérant de la SARL JAV INVESTISSEMENT située à [Localité 7], lequel dispose seul du pouvoir décisionnel, nonobstant les quelques pouvoirs résiduels des gérants de catégorie B et C, lui même résident fiscal français à [Localité 6] ;

-la consultation du fichier FICOBA fait apparaître que la SARL VAMTAJ est titulaire d'un compte courant ouvert depuis le 5 décembre 2019 auprès de la Lyonnaise de Banque, dans une agence marseillaise et en a détenu un autre dans les livres d'une agence niçoise, permettant de présumer aussi de la disposition de moyens financiers sur le territoire français ;

-la SARL VAMTAJ développe une activité économique à destination de ses filiales françaises telles que la SASU PBM DISTRIBUTION et la SARL JAV INVESTISSEMENT pour un chiffre d'affaires de 148 730 euros, lesquelles ont comme dirigeant commun [S] [J] au titre des années 2019 à 2021.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et en se fondant sur la méthode du 'faisceau d'indices' les juges des libertés et de la détention ont pu considérer que la sociétéVAMTAJ exerçait en France une activité commerciale sans moyens humain et matériels propres et suffisants, par l'intermédiaire de ses filiales au moins françaises que sont les sociétés JAV INVESTISSEMENT et SASU PBM DISTRIBUTION, alors même que ces deux sociétés connaissaient un gérant commun en la personne de [S] [J], résident fiscal français.

Dans ces conditions il a pu être présumé qu'elle exerçait une activité commerciale, en omettant ainsi de passer en France les écritures comptables et souscrire les déclarations fiscales y afférentes.

Il convient en conséquence de confirmer les ordonnances aixoise et marseillaise entreprises.

Compte tenu de l'accord des parties il convient d'annuler la saisie du fichier dénommé « Analyse fiscale du groupe VAMTAJ ' enjeux et recommandations ».

En revanche, compte tenu de la validation des ordonnances des juges des libertés et de la détention aixois et marseillais et faute de moyens propres à obtenir la nullité des procès-verbaux de visite et de saisie, il convient de rejeter les demandes des appelants de ce chef.

4- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société de droit luxembourgeois VAMTAJ SARL et M. [S] [J] qui succombent au litige seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'administration fiscale les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour la présente procédure. Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 1 800 €.

Les appelants supporteront en outre les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement,

Déclarons recevables les appels formés par la société de droit luxembourgeois VAMTAJ SARL et M. [S] [J] contre les ordonnances d'autorisation des juge des libertés et de la détention des tribunaux judiciaires de Marseille et d'Aix-en-Provence en date du 21 septembre 2022 et des procès-verbaux de visite et de saisie du 22 septembre 2022 ;

Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros 22/13062, 22/13063, 22/13064 et 22/13065 qui seront désormais suivies sous le numéro 22/13062 ;

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Marseille en date du 21 septembre 2022 ;

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention d'Aix-en-Provence en date du 21 septembre 2022 ;

Constatons l'accord des parties en vue de l'annulation de la saisie du fichier dénommé « Analyse fiscale du groupe VAMTAJ ' enjeux et recommandations » ;

Déboutons la société de droit luxembourgeois VAMTAJ SARL et M. [S] [J] de toutes leurs autres demandes ;

Condamnons la société de droit luxembourgeois VAMTAJ SARL et M. [S] [J] à payer au directeur général des finances publiques la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société de droit luxembourgeois VAMTAJ SARL et M. [S] [J] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Délég.premier président
Numéro d'arrêt : 22/13062
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.13062 ?
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