COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 06 JUIN 2024
N° 2024/293
Rôle N° RG 22/03077 N° Portalis DBVB-V-B7G-BI6PJ
[T] [W]
C/
[R] [M]
[I] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pierre-Yves IMPERATORE
Me Frédéric CHOLLET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de DIGNE LES BAINS en date du 10 Février 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00837.
APPELANT
Monsieur [T] [W]
né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 7] (Royaume-Uni),
demeurant [Adresse 5])
représenté par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Richard RYDE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVECE
INTIMÉES
Madame [R] [M]
née le [Date naissance 3] 1959 ,
demeurant [Adresse 9]
Madame [I] [J]
née le [Date naissance 2] 1948,
demeurant [Adresse 9]
Toutes deux représentées et plaidant par Me Frédéric CHOLLET de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, substitué par Me Caroline SALAVERT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Monsieur [T] [W] a été condamné par la juridiction de Digne les Bains, le 7 septembre 2020, sous astreinte, à procéder à des travaux afin d'éviter que les eaux pluviales de son terrain ne se déversent sur la propriété de ses voisines, située à [Localité 8] (04), madame [J] et madame [M].
La signification de la décision prononçant l'astreinte est intervenue le 25 septembre 2020 à l'étude de l'huissier de justice.
Le juge de l'exécution de Digne les Bains, le 10 février 2022 a :
- liquidé l'astreinte à 3050 euros pour la période du 26 octobre 2020 au 26 août 2021,
- condamné monsieur [W] à payer cette somme,
- fixé une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, ce pendant 12 mois,
- rejeté la demande de dommages et intérêts et de médiation,
- condamné monsieur [W] à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.
Il retenait que monsieur [T] [W] ne justifie pas d'un domicile en Angleterre alors qu'il est propriétaire de l'immeuble de [Localité 8], que son nom figure sur la boîte aux lettres, qu'il y séjourne régulièrement et y est connu des services de la mairie et des voisins. Cette adresse étant en outre, celle mentionnée au jugement. A défaut de preuve de l'exécution des travaux préconisés par expert, il liquidait l'astreinte ainsi que rappelé. Il écartait la demande de dommages et intérêts les éléments visuels produits, photographies et vidéos n'étant pas datées et ne permettant pas d'admettre de nouveaux préjudices.
Monsieur [W] a fait appel de la décision par déclaration au greffe de la cour le 28 février 2022, se disant retraité et domicilié à [Localité 7].
Les intimées ont constitué avocat le 7 mars 2022.
Un avis de fixation de la procédure à bref délai, a été adressé à monsieur [T] [W] le 12 avril 2022, avec rappel de ses obligations procédurales à savoir signification de la déclaration d'appel dans les 10 jours et dépôt de ses conclusions au greffe dans le mois de l'avis.
Monsieur [W] a déposé ses conclusions sur le RPVA le 12 juillet 2022 auxquelles il a été répliqué par les intimées le 22 juillet 2022 avec également des conclusions d'incident aux fins de radiation sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile et de caducité de l'appel.
Par ordonnance d'incident du 2 mai 2023, le président de cette chambre a rejeté une demande de caducité de l'appel, en admettant le domicile au Royaume Uni de monsieur [W]. Il n'a pas été fait de recours contre cette décision.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 5 janvier 2024 auxquelles il est ici renvoyé, monsieur [W] demande à la cour de :
- Le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
- Infirmer ou annuler le jugement entrepris en ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Dire que monsieur [W] est domicilié, et a été domicilié tout au long des procédures intentées par les intimées en Angleterre, au 3 Bacon's Lane, [Localité 7] N6 6BL; que le jugement du tribunal judiciaire de Dignes-les-Bains ne lui a pas été régulièrement signifié ; que par conséquent l'astreinte prononcée n'avait pas commencé à courir, et ne pouvait donc pas être liquidée, et que le juge de l'exécution ne pouvait pas non plus fixer une nouvelle astreinte,
- Débouter mesdames [R] [M] et [I] [J] de l'ensemble de leurs prétentions
A titre subsidiaire :
- Dire qu'il n'a pas lieu de prononcer nouvelle astreinte, en raison des difficultés d'exécuter des travaux qui n'ont pas été définis par le jugement du 7 septembre 2020 et de la configuration actuelle des propriétés des parties,
En tout état de cause :
- Débouter mesdames [M] et [J] de leur demande à titre d'appel incident de condamnation de monsieur [W] au paiement de la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamner mesdames [R] [M] et [I] [J] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner mesdames [R] [M] et [I] [J] aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats, aux offres de droit,
- Débouter mesdames [M] et [J] de leurs demandes formulées à titre d'appel incident.
Il expose que la résidence de [Localité 8] est une résidence secondaire où retraité, il ne vient habiter avec sa femme que quelques mois par an, environ 5 mois par an, et qu'il n'y est pas venu depuis l'année 2019. Tous les courriers lui sont adressés en Angleterre où il est fiscalement domicilié. Il y a eu une expertise réalisée par monsieur [O] le 29 novembre 2018, mais la condamnation à faire cesser le déversement des eaux pluviales est trop imprécise, la nature des travaux reste ignorée, ce pourquoi à titre subsidiaire il soutient qu'il n'y pas lieu de prononcer une nouvelle astreinte. Lors de la procédure de fond, il a attiré par ses conclusions, l'attention de la juridiction sur son domicile fixé en Grande Bretagne, de sorte que la signification de la décision ne peut être validée car faite en France, lieu de villégiature pour lui. C'est à tort que le premier juge a motivé sa décision sur l'existence d'un domicile apparent. L'ordonnance d'incident n'a pas été contestée. La situation des lieux a été modifiée par les intimées qui ont construit un mur en parpaings et il ne reste à ce jour que peu d'éléments sur les travaux antérieurement réalisés du fait d'un effacement naturel de leurs traces.
Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 24 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé, mesdames [M] et [J] demandent à la cour de :
Vu les articles 640 et 641 du Code Civil,
Vu l'article 1382 du Code Civil,
Vu les articles 35 et 36 de la loi du 9 juillet 1991 n°91-650,
- confirmer le jugement du 10 février 2022 en ce qu'il a :
* Condamné monsieur [T] [W] à leur payer la somme de 3 050 € au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du tribunal judiciaire de Dignes Les Bains du 7 septembre 2020, pour la période du 26 octobre 2020 au 26 août 2021,
* Fixé une nouvelle astreinte provisoire à 100 euros par jour de retard à compter de la
notification de la décision, pendant 12 mois, afin d'assortir l'obligation de monsieur [T] [W] de réaliser les travaux de nature à faire cesser le déversement des eaux pluviales provenant de son terrain sur le fonds de mesdames [R] [M] et [I] [J],
* Rejeté la demande en médiation de M. [W] et ses autres demandes.
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il rejeté la demande de condamnation de M.[W] à des dommages et intérêts et en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
Et statuant à nouveau,
- condamner M. [T] [W] au paiement de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner M. [W] à payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, et la somme de 4 000 € au titre de la procédure d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me [X] qui y a pourvu,
- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, en principal, intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens.
Elles rappellent que monsieur [W] a comblé en 2012, par de la terre et des pierres, un fossé sur sa parcelle [Cadastre 1] qui servait jusqu'alors à l'écoulement des eaux ce qui depuis inonde leur parcelle [Cadastre 6] en cascade, lors des épisodes pluvieux et a dénudé les racines de chênes sur leur parcelle lesquels risquent de s'abattre sur leur maison. Monsieur [W] passe 6 mois de l'année en France, il n'a jamais demandé la rectification du jugement de septembre 2020 quant à son adresse, la signification de la décision ne doit pas être contestée. Monsieur [W], de mauvaise foi, prétend ignorer les travaux à entreprendre, mais l'expert judiciaire a fait plusieurs propositions, et il lui appartient de consulter tel professionnel de la construction qu'il lui plaira pour résoudre la difficulté. Il n'a pas exécuté la décision et il est à craindre un nouveau sinistre aux prochaines pluies. Il n'y a pas eu de travaux modificatifs sur leur parcelle, sauf le réhaussement d'un muret qui existait déjà pour s'opposer au passage de sangliers. Elles vivent dans l'angoisse d'un nouveau dommage.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
* sur le domicile de monsieur [W] :
L'assignation à comparaître devant le tribunal d'instance de Digne les Bains, a été délivrée en période estivale, le 30 juillet 2019, à la personne de monsieur [T] [W] qui se trouvait alors à [Localité 8], mais qui après avoir constitué avocat, par conclusions prises pour l'audience du 5 novembre 2019 se domiciliait empressément à [Localité 7] (pièce 2).
Et l'appelant fait à juste titre observer qu'un débat contradictoire, au stade d'un incident de procédure a été instauré, à la suite duquel la décision prononcée le 2 mai 2023 n'a pas été contestée. En effet, elle n'a pas été déférée à la cour d'appel, pour nouvel examen et dès lors, elle s'impose aux parties et ne peut plus être discutée. Sa motivation concernant alors l'allongement des délais de procédure est la suivante : ' Monsieur [W] qui est un citoyen britannique, sur sa déclaration d'appel s'était domicilié, comme rappelé ci dessus, à [Localité 7].
Il ne conteste pas séjourner régulièrement en France, à [Localité 8], où il dispose d'une résidence secondaire et où il peut lorsqu'il est présent, réceptionner certains courriers et notifications. Le fait de disposer d'une résidence secondaire, ne modifie pas la notion de domicile, entendue comme le lieu de son principal établissement au sens personnel, administratif et fiscal, qui pour lui est en Grande Bretagne ainsi que l'établissent l'avis de taxe foncière, l'avis d'imposition, la facture d'eau de sa propriété en France ainsi que l'attestation de monsieur [H] [G], son expert comptable...'
Cette contestation du domicile est donc devenue sans fondement, elle a déjà été tranchée.
* sur la mise en oeuvre de l'astreinte :
Aux termes de l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.
En cas d'exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification.
Compte tenu du lieu de domicile de monsieur [W], en Angleterre, l'acte de signification du jugement délivré le 25 septembre 2020, toujours à l'adresse de [Localité 8] mais cette fois par remise à l'étude, au motif d'une absence momentanée du destinataire ne saurait être admis par la présente juridiction comme ayant fait courir valablement l'astreinte provisoire fixée, au demeurant après la pandémie de Covid.
En conséquence de quoi, le jugement sera infirmé sur la liquidation de l'astreinte, laquelle n'a pas valablement couru de sorte que la demande en liquidation de son montant est irrecevable.
* sur le prononcé d'une nouvelle astreinte :
Pour des motifs similaires tirés des dispositions de l'article 503 du code de procédure civile, la cour ne peut admettre l'aggravation du montant de l'astreinte sur la condamnation à réaliser les travaux, et il appartiendra aux intimées qui se heurtent à un comportement assez incompréhensible et négatif de leur voisin, de faire à nouveau diligence. En effet, les photographies communiquées aux débats démontrent une véritable inondation de la parcelle de mesdames [M] et [J], par des eaux pluviales déferlant en cascades, et le rapport d'expertise rédigé par monsieur [O], le 29 novembre 2018 retient la mise en place d'un bloc de pierres et de bourrelets de terre comme autant d'obstacles à l'écoulement naturel de l'eau alors qu'ils se trouvent sur la propriété [W], en amont.
Le jugement ne peut qu'être infirmé de ce chef pour non signification valable du jugement qui constitue le titre.
* sur les autres demandes :
La particularité du dossier et la motivation qui précède ne font pas apparaître comme inéquitable que chacune des parties supporte ses frais irrépétibles d'instance et que les dépens soient partagés entre elles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
Vu l'article 503 du code de procédure civile,
INFIRME la décision déférée,
Statuant à nouveau,
DIT irrecevables les demandes présentées par mesdames [M] et [J],
DIT n'y avoir lieu à frais irrépétibles,
LAISSE à la charge de chacune des parties les frais et dépens par elle exposés.
GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE