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06/06/2024 | FRANCE | N°19/16969

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 06 juin 2024, 19/16969


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024



N° 2024/









Rôle N° RG 19/16969 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFDTT







S.A.R.L. [P] ETANCHEITE





C/



[U] [N] épouse [L]

[R] [L]

[I] [L]



























Copie exécutoire délivrée



le :



à :





Me Maud DAVAL-GUEDJ
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Me Laurent LAZZARINI

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 22 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/09599.





APPELANTE



S.A.R.L. [P] ETANCHEITE

représentée par Monsieur [S] [P] es qualité de mandataire ad hoc...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/16969 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFDTT

S.A.R.L. [P] ETANCHEITE

C/

[U] [N] épouse [L]

[R] [L]

[I] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Laurent LAZZARINI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 22 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/09599.

APPELANTE

S.A.R.L. [P] ETANCHEITE

représentée par Monsieur [S] [P] es qualité de mandataire ad hoc, désigné à ces fonctions par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE du 31 Octobre 2019 domicilié

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Jean-philippe MONTERO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [U] [N] épouse [L], née le 26 Avril 1943 à [Localité 5] (Algérie), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laurent LAZZARINI de la SELARL CONVERGENCES AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [R] [L]

es qualité d'héritier de feu Monsieur [G] [L] décédé le 30 juillet 2016, né le 11 Août 1964 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Laurent LAZZARINI de la SELARL CONVERGENCES AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [I] [L]

Es qualité d'héritière de feu Monsieur [G] [L] décédé le 30 juillet 2016,

née le 10 Janvier 1966 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laurent LAZZARINI de la SELARL CONVERGENCES AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MÖLLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [G] [L] et Madame [U] [N] ép. [L] sont propriétaires d'une villa située à [Adresse 2]. En raison d'un problème de moisissure et d'humidité, ils ont recouru aux services de la SARL [P] ETANCHEITE en vue de la réfection d'un chéneau maçonné sur la façade sud de leur villa.

Un devis a ainsi été établi le 6 mars 2009 ; les travaux ont été réalisés le 12 août 2009 pour un montant de 1.072,51€.

En raison de la persistance de désordres d'infiltrations, les époux [L] ont procédé à une déclaration de sinistre auprès de leur assureur et une expertise amiable a été réalisée par le cabinet TEXA le 5 mai 2011.

Par ordonnance en date du 24 mai 2013, le juge des référés du Tribunal de grande instance de MARSEILLE a été ordonné une mesure d'expertise. L'expert a déposé son rapport le 4 mai 2015.

Par acte d'huissier en date du 10 août 2015, les époux [L] ont donné assignation à la SARL [P] ETANCHEITE devant le Tribunal de grande instance de MARSEILLE en vue d'obtenir sa condamnation à réparer les préjudices subis sur le fondement de la responsabilité décennale.

Monsieur [G] [L] est décédé le 30 juillet 2016. Ses héritiers, Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] sont intervenus volontairement à l'instance.

Le 16 novembre 2016, la SARL [P] a fait l'objet d'une dissolution amiable, Monsieur [S] [P] ayant été désigné liquidateur. La société a été radiée du Registre du commerce et des sociétés le 17 février 2017 après clôture des opérations de liquidation amiable.

Par jugement en date du 22 novembre 2018, le Tribunal de grande instance de MARSEILLE :

DECLARE recevable l'intervention volontaire de Monsieur [R] [L] et de Madame [I] [L] ;

CONDAMNE la SARL [P] ETANCHEITE à payer à Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] la somme de 1839€ au titre de leur préjudice matériel ;

CONDAMNE la SARL [P] ETANCHEITE à payer à Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] la somme de 10580€ au titre de leur préjudice de jouissance ;

DEBOUTE Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] du surplus de leurs demande ;

CONDAMNE la SARL [P] ETANCHEITE à payer à Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL [P] ETANCHEITE aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire ;

DIT que les dépens seront distraits conformément à l'article 699 du Code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

Par déclaration en date du 5 novembre 2019, la SARL [P] ETANCHEITE a formé appel de cette décision à l'encontre de Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] en l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] du surplus de leurs demande.

***

Par jugement définitif en date du 3 juin 2019, le Tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE a notamment condamné Monsieur [S] [P] à payer à Madame [U] [L] née [N], Monsieur [L] [R] [O] et Madame [I] [L] la somme de 14.419€ au motif que :

Le fait de clôturer la liquidation amiable sans attendre la fin de l'instance ou provisionner les sommes pouvant faire l'objet d'une condamnation constitue une faute ;

L'article L237-12 du Code de commerce dispose : « le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions » ;

Le 22 novembre 2018, le Tribunal de grande instance de MARSEILLE a condamné la SARL [P] ETANCHEITE à payer aux demandeurs la somme de 14.419€ ;

La responsabilité personnelle de Monsieur [S] [P] étant engagée, il convient de le condamner à payer la somme de 14.419€.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions notifiées le 31 janvier 2020, la SARL [P] demande à la Cour de :

Vu les articles 1792, 1147 ancien du Code Civil

Vu le rapport d'Expertise de Madame [Y],

Vu le jugement du Tribunal de grande instance de MARSEILLE du 22 Novembre 2018

CONFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 22 Novembre 2018 en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de Madame [I] [L] et Monsieur [R] [L] et en ce qu'il a rejeté la responsabilité décennale de la SARL [P] ETANCHEITE,

Le REFORMER pour le surplus,

Statuant à nouveau,

A TITRE PRINCIPAL,

DIRE ET JUGER que la SARL [P] ETANCHEITE n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat s'agissant de la réfection de l'étanchéité du chéneau maçonné,

DEBOUTER les consorts [L] de leurs demandes, fins et conclusions,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

DIRE ET JUGER que la SARL [P] ETANCHEITE ne saurait être tenue que du paiement des sommes suivantes, dans la limite de 5% du montant des travaux d'embellissement et du préjudice de jouissance :

1.072,51 Euros au titre du préjudice matériel correspondant au montant de sa facture

83,90 Euros au titre des travaux d'embellissement

1.058 Euros au titre du préjudice de jouissance

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONDAMNER les Consorts [L] solidairement à payer à Monsieur [S] [P] es qualité de mandataire ad hoc de la SARL [P] ETANCHEITE la somme de 3.000 Euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, sur son offre de droit.

Par conclusions notifiées le 22 avril 2020, la SARL [P] maintient ses prétentions.

Elle fait valoir que compte tenu du caractère modeste des travaux réalisés, la réparation ne pouvait pas être considérée comme un élément constitutif de l'ouvrage et donner lieu à application de l'article 1792 du Code civil. Elle reproche au premier juge d'avoir procédé à une mauvaise interprétation du rapport d'expertise et rappelle qu'elle n'est intervenue que pour la réfection de l'étanchéité d'un chéneau maçonné et qu'elle n'est pas à l'origine des désordres dénoncés par les consorts [L] ; que selon le rapport, ces désordres sont la conséquence d'un cumul de plusieurs raisons et que sa propre intervention ne constitue qu'une cause minime de ces désordres ; que même si la reprise d'étanchéité qu'elle a effectuée n'a pas résisté au niveau du joint de dilatation, le défaut d'étanchéité qui en résulté n'est pas la cause des désordres dénoncés.

Subsidiairement, elle soutient que le quantum des indemnités allouées doit être revu en ce que sur les différents postes de travaux préconisés par l'expert pour remédier aux désordres, un seul concerne la réfection de l'étanchéité à l'intérieur du chéneau en lien avec son intervention ; que le coût des travaux d'embellissement et l'indemnisation du préjudice de jouissance ne sauraient, même partiellement, être mis à sa charge dès lors que la cause des désordres ne lui sont pas imputables puisqu'ils relèvent de causes antérieures et étrangères à son intervention. Elle conclut également au rejet de la demande de dommages et intérêts formulée par les consorts [L].

Madame [U] [L] née [N], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L], par conclusions notifiées le 14 mai 2020 demandent à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article 1231-1 du code civil

Vu le rapport d'expertise de Madame [Y],

Vu le rapport d'intervention du Cabinet TEXA du 29 Juillet 2016,

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille du 22 novembre 2018

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile

A titre principal :

Réformer le jugement entrepris et :

DECLARER la SARL [P] ETANCHEITE responsable envers les concluants des dommages constatés par Madame [Y] dans son rapport d'expertise ;

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE à verser aux concluants la somme de 4200€ au titre des travaux qui ont permis à Madame [L] de mettre un terme aux désordres et de réparer leurs conséquences.

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE à verser aux concluants la somme de 21160,00€ au titre de la réparation du préjudice de jouissance subi.

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE à verser aux concluants la somme de 2500,00€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE aux dépens, en ce compris les frais et honoraires d'expertise

A titre subsidiaire :

Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et :

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE à payer aux consorts [L] la somme de 1.839 € au titre de leur préjudice matériel

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE à payer aux consorts [L] ; la somme de 10.580 € au titre de leur préjudice de jouissance

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE à payer aux consorts [L] ; la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE aux dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire

En tout état de cause :

CONDAMNER Monsieur [P] à payer la somme de 5.000 € aux consorts [L] à titre de dommages et intérêts consécutifs à un abus du droit d'agir en justice

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE à payer aux consorts [L] ; la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER la SARL [P] ETANCHEITE aux dépens de la première et de la seconde instance.

A l'appui de leurs demandes, les consorts [L] font valoir que selon l'expertise judiciaire, le procédé d'étanchéité mis en 'uvre par l'entreprise [P] n'était pas adapté au profil du chéneau et qu'il constitue une des causes principales à l'origine du sinistre ; qu'un défaut de conseil peut en conséquence lui être reproché et qu'elle doit en conséquence être condamnée au paiement du coût des travaux nécessaires. Ils reprochent à l'expert d'avoir considéré que les dommages étaient dus pour une large part à un phénomène de condensation mais sans préciser les proportions imputables ; qu'en revanche il ressort du premier rapport établi par le Cabinet TEXA que l'origine des désordres découle intégralement de la défectuosité des travaux réalisés par la société [P] ETANCHEITE ; que cette dernière doit en conséquence être condamnée au coût de réparation des entiers dommages.

A titre subsidiaire, ils concluent à la confirmation de la première décision. Compte tenu de ce que Monsieur [P] ne les a pas informés de la procédure de dissolution amiable de sa société et des circonstances dans lesquelles Monsieur [P] a formé appel contre la décision de première instance, ils considèrent être fondés à solliciter sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour abus du droit d'ester en justice.

L'affaire a été clôturée à la date du 11 mars 2024 et appelée en dernier lieu à l'audience du 3 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure de dissolution amiable :

Il est versé aux débats un extrait d'immatriculation de la SARL [P] au registre du commerce et des sociétés.

Il en ressort que la dissolution amiable de cette société a été décidée le 16 novembre 2016 et que la clôture de opérations de liquidation amiable est intervenue le 17 février 2017. La société a donc été radiée du RCS le 17 février 2017 avec effet au 31 décembre 2016.

Selon le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 16 novembre 2016 de la SARL [P] ETANCHEITE la dissolution anticipée a été décidée par les associés Monsieur [S] [P] et Madame [X] [K] [P] née [A]

Or, par application des dispositions des articles 1844-8 du Code civile et L237-2 du Code de commerce, la dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis dans les cas où la dissolution anticipée est décidée par les associés. De surcroît, « la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci » et en matière de sociétés commerciales, « la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci »

 

En tout état de cause, en matière de liquidation amiable, la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés.

En l'espèce, il est constant que les droits et obligations nés du contrat litigieux étaient susceptibles de ne pas avoir été intégralement liquidés, et il en est résulté la survie de la personnalité morale de la SARL [P] pour les besoins de leur liquidation, en dépit de sa radiation du registre du commerce et des sociétés.

Sur l'application de la garantie décennale :

La SARL [P] conclut en premier lieu, et sans formuler de demande à ce titre, à la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle a considéré que les travaux de réparation accomplis ne pouvaient pas être considérés comme un élément constitutif de l'ouvrage et qu'en conséquence, il n'y avait pas lieu à l'application des dispositions de l'article 1792 du Code civil.

En effet, le premier juge a considéré que « si les travaux effectués par la SARL [P] sont intégrés dans l'ouvrage existant, c'est-à-dire le chéneau d'origine, en revanche, il apparaît qu'ils sont relativement modestes et sans apport de matériaux nouveaux à l'ouvrage, ceux-ci consistant seulement en l'application d'un produit d'étanchéité sur le chéneau d'origine. Il s'agit donc d'une réparation limitée qui ne peut être considérée comme un élément constitutif de l'ouvrage.

Dans ces conditions, il n'apparaît pas pertinent de qualifier l'intervention de la SARL [P] sur le cheneau existant d'« ouvrage » et il ne saurait être fait application des dispositions de l'article 1792 du Code civil ».

Cependant, il convient de relever que les intimés ne fondent aucune de leurs prétentions sur le régime de la garantie décennale et qu'ils invoquent les dispositions de l'article 1231-1 du Code civil. D'autre part, il n'est repris dans le dispositif de la décision contestée aucune mention relative à l'application ou la non-application de la garantie décennale.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire :

La SARL [P] demande à la Cour de confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de MARSEILLE en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de Madame [I] [L] et Monsieur [R] [L].

Aucune contestation n'est élevée à ce titre, la décision attaquée sera en conséquence confirmée sur ce point.

Sur la responsabilité de la SARL [P] :

Selon l'article 1147 du Code civil, dans sa version applicable à l'espèce, « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

La SARL [P] soutient que sa responsabilité a été retenue par le premier juge au terme d'une mauvaise interprétation des faits de l'espèce et expose que ce n'est pas sa défaillance éventuelle qui est à l'origine des désordres constatés sur la maison des consorts [L]. Elle relève que selon le rapport d'expertise, plusieurs raisons sont à l'origine des désordres allégués et que sa propre intervention n'a eu qu'une influence minime.

Elle oppose aux arguments des consorts [L] et notamment à leur invocation de la note d'information du cabinet TEXA, que cette note n'est pas contradictoire et qu'elle ne remet pas en cause le défaut global d'isolation qui affectait le bien.

Les consorts [L] considèrent en défense qu'un manquement à son obligation de conseil peut bien être reproché à la société [P] en ce que celle-ci n'a pas eu recours à un procédé approprié et qu'elle s'est rendue fautive d'un défaut de mise en 'uvre dans l'exécution de ces travaux. Ils se fondent sur les conclusions de l'experte judiciaire. Cependant, ils reprochent à celle-ci de ne pas avoir précisé dans quelles proportions les désordres sont imputables à la SARL [P] et de s'être limitée à dire qu'ils ne constituaient pas la cause principale des désordres alors qu'elle avait considéré dans ses pré-conclusions que ces travaux étaient bien entièrement la cause des désordres. Ils considèrent que les conclusions du rapport du cabinet TEXA permettent entièrement d'imputer les désordres aux travaux réalisés par la SARL [P].

L'experte judiciaire, Madame [T] [Y] rappelle en introduction de son rapport que la SARL [P] est intervenue en vue de réaliser une étanchéité à l'intérieur d'un chéneau maçonné qui avait été créé dans le prolongement d'un chenal existant il y a plusieurs années et ayant donné lieu à l'apparition d'infiltrations ; que cependant les infiltrations ont continué après l'intervention de la SARL [P].

Il ressort du rapport que le phénomène de condensation qui affecte la villa des époux [L] tient effectivement à différentes causes relevant de la présence de ponts thermiques (liée à la qualité des baies vitrées) et de défauts d'isolation sur les murs et plafonds de la véranda. En effet, il est rappelé que les désordres allégués consistent en la « présence de moisissures noirâtres de condensation localisées sur les baies vitrées et autour des baies vitrées du coin repas et dégradant principalement, le papier peint posés sur les murs ». Les causes à l'origines des désordres allégués sont présentées par l'experte de la façon suivante :

« Des raisons conceptuelles :

du manque d'isolation sur les murs et plafonds de cet espace habitable,

du type de baies vitrées en aluminium double-vitrage (1ère génération de conception) dotées de trop peu de joints à rupture thermique à l'intérieur des profilés et sans entrée d'air frais,

du débord trop court du chéneau maçonné,

de l'absence de guidage des eaux de pluie qui se déversent en cascade sur la terrasse du rez-de-chaussée et mouillent par éclaboussement le pied de façade avec le bas des menuiseries,

de la présence de surfaces horizontales maçonnées et enduites sans protection contre la pluie.

Des raisons de mauvaise mise en 'uvre :

du mauvais état des reprises du solin autour de la souche de cheminée du barbecue,

de la fissuration de l'étanchéité à l'intérieur du chéneau prolongé, au droit du joint de dilatation.

Des raisons de vétusté :

de la présence de plusieurs fissures dans l'enduit de façade du coin repas, côté est et sud-est ».

L'experte indique également que « en conséquence c'est principalement le manque d'isolation qui entraîne un problème de « parois froides » et qui génère ces désordres à chaque saison de l'année, lors des différences de température entre l'intérieur et l'extérieur ».

L'experte rattache effectivement les désordres à une pluralité de causes sans déterminer la part de responsabilité imputable à la SARL [P]. Il en ressort en tout état de cause que si l'intervention de la SARL n'a pas permis de remédier aux difficultés rencontrées, elle n'est pas à leur origine.

Le compte rendu de la réunion d'expertise judiciaire du 18 juillet 2013 décrit de façon plus précise l'état du chéneau maçonné sur lequel est intervenue la société appelante. Il est constaté à l'intérieur l'existence d'une « fissure transversale en fond de chéneau. Cette rupture de l'étanchéité apparaît au droit de la dilatation entre les deux portions de chéneau ». Il est précisé en p.11 de ce compte rendu que « cette fissure transversale est une des principales causes du sinistre. Le choix d'un produit étanche à froid par l'entreprise [P] a cédé sous la dilatation des deux chéneaux ».

Compte tenu de ces éléments et de la diversité des causes que le rapport met en évidence suite au compte-rendu de réunion du 18 juillet 2013, le premier juge a justement considéré que la responsabilité de la société [P] dans les désordres subis par les consorts [L] devait être retenue à hauteur de 50%. Il y a lieu de préciser qu'aucun manquement à l'obligation de conseil n'est susceptible de venir étendre la responsabilité de la SARL [P], un tel manquement ne pouvant se déduire de la seule insuffisance de la prestation réalisée en vue de mettre un terme aux infiltrations au titre desquelles cette société intervenait.

S'agissant du rapport réalisé par la société TEXA, celui-ci impute en effet les désordres de façon exclusive aux infiltrations à travers le chéneau en raison d'une absence d'un complexe d'étanchéité sérieux et donc consécutif à « la mise en 'uvre d'un procédé d'étanchéité qui est visiblement en totale inadéquation avec le profil de chêneau ». Il conclut ainsi à la responsabilité de l'entreprise [P] en considérant que celle-ci est tenue à une obligation de réparation complète dans le cadre de la garantie décennale.

Toutefois, ce rapport qui n'a en effet pas la valeur contradictoire d'une expertise judiciaire ne suffit pas à remettre en cause les conclusions circonstanciées et documentées de Madame [Y].

Concernant la position de la SARL [P], si celle-ci soutient que les manquements qui lui sont imputés ne justifient pas que sa responsabilité soit engagée à hauteur de 50% des dommages subis, elle ne verse aux débats aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de l'experte alors que cette dernière souligne dans son compte-rendu de réunion du 18 juillet 2013 l'importance de la fissure transversale affectant le chéneau dans la réalisation du sinistre.

Il convient en conséquence de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a imputé à la SARL [P] une responsabilité de 50% dans les dommages subis par les consorts [L].

Sur l'indemnisation des préjudices :

Les consorts [L] demandent à titre subsidiaire la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il les a indemnisés de leur préjudice matériel et de leur préjudice de jouissance à hauteur de 1.839€ et de 10.580€. En effet, au vu des éléments du dossier, la SARL [P] ne peut être tenu qu'au paiement du coût de reprise du chéneau et des conséquences des désordres qui sont liés à l'insuffisance de l'étanchéité dans la mesure de la responsabilité qui lui est imputée. Les autres causes qui ont contribué aux désordres, lesquels sont chiffrés par l'experte quant aux travaux pour y remédier ne relèvent pas de la responsabilité de l'appelante.

Sur le préjudice matériel :

Ce préjudice implique d'une part la reprise des travaux d'étanchéité dans le chéneau et, d'autre part, la réalisation des travaux d'embellissement.

Concernant les travaux d'étanchéité, il convient mettre à la charge de la SARL [P] une somme de 911,64€. En effet, ce poste d'intervention n'est pas chiffré dans le rapport d'expertise de sorte qu'il convient de retenir la somme définitivement facturée par la SARL lors de la réalisation des travaux (facture du 12 août 2009).

S'agissant des travaux d'embellissement, ceux-ci ont été évalués par Madame [Y] sur la base des devis produits dans le cadre des opérations d'expertise à 1.678€. La somme de 839€ (1.678/2) doit en conséquence être mise à la charge de la SARL, soit un total de 1.750,64€ au titre du préjudice matériel.

La décision du Tribunal de grande instance de MARSEILLE sera donc infirmée en ce qu'elle a fixé le montant de cette indemnité à 1.839€.

Sur le préjudice de jouissance :

Les consorts [L] évaluent ce préjudice à 21.160€ par référence à la valeur locative de la maison telle qu'elle a été admise par l'experte dans son rapport à hauteur de 2.300€ par mois. Ils considèrent en effet qu'il est raisonnable, au vu de l'ampleur des désordres d'évaluer ce trouble de jouissance à 20% de la valeur locative, soit 21.160€ pour une période de 46 mois (2300x20% = 460x46 = 21.160€).

La SARL [P] ne conteste pas les valeurs appliquées à ce poste de préjudice mais soutient que sa responsabilité ne peut être engagée que dans la limite de 5% du total.

Il convient en conséquence d'évaluer ce préjudice sur une période de 46 mois non contestée par les parties correspondant au temps écoulé entre la déclaration de sinistre et la réalisation des travaux préconisés par l'expert pour mettre un terme aux infiltrations. Il convient également de retenir la valeur locative de la maison à 2.300€, montant admis dans le cadre de l'expertise.

Cependant, il doit être relevé que selon le rapport, « les désordres résident dans le coin repas situé au rez-de-chaussée et sous la terrasse de l'étage ('). Sa superficie est d'environ 9m² ». Il est constaté que ces désordres « se traduisent par la dégradation des embellissements d'une pièce de vie principale » et se manifestent sous la forme de traces de moisissures et d'humidité sur le papier peint sans que des problèmes d'odeur n'aient été objectivés le jour de l'expertise.

Il en résulte que ces désordres n'ont eu un retentissement qu'esthétique et cela de façon très localisée, sans porter atteinte à la possibilité d'utiliser l'espace dans lequel ils sont intervenus. Au vu de sa nature et de son ampleur, il convient d'évaluer le préjudice de jouissance en résultant à la somme de 100€ par mois, soit un total de 4.600€.

LA SARL [P] étant déclarée responsable à hauteur de 50% de ce désordre, elle sera condamnée à payer de ce chef une somme de 2.300€.

Il convient en conséquence de réformer la décision attaquée en ce qu'elle a condamné la SARL au paiement d'une somme de 10.580€ au titre du préjudice de jouissance et de la condamner au paiement de la somme de 2.300€ du même chef.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Les consorts [L] concluent à la condamnation de la SARL [P] à leur payer une somme de 5.000€ au titre d'un abus de droit d'exercer une action en justice imputable à Monsieur [P] ; ils reprochent à ce dernier de ne pas les avoir informés de la procédure de dissolution amiable engagée pour sa société de sorte qu'ils n'ont pas pu déclarer leur créance et qu'ils ont dû saisir le Tribunal de commerce pour obtenir une condamnation de Monsieur [P] à titre personnel à leur payer les sommes dues ; que ce dernier a formé appel de la décision du Tribunal de MARSEILLE lorsqu'ils ont tenté de faire exécuter leur titre à son encontre.

Monsieur [P] oppose que la liquidation de sa société est intervenue dans un contexte de divorce d'avec son épouse qui était également associée de la SARL [P] ; que dans ces circonstances, il n'a pas eu connaissance de l'ensemble des aspects du volet administratif et juridique de la SARL ; qu'en tout état de cause les consorts [L] ont été remplis de leurs droits en l'état des décisions qui ont été prononcées et que leur demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée.

Il doit être constaté que la présente instance oppose d'une part Madame [U] [L], Monsieur [R] [F] et Madame [I] [L] et d'autre part la SARL [P] ETANCHEITE représentée par Monsieur [S] [P] en qualité de mandataire ad hoc.

La demande de dommages et intérêts est en l'espèce présentée à l'encontre de Monsieur [P] à titre personnel alors que l'appel a été interjeté par la SARL prise en la personne de ce dernier en qualité de mandataire ad hoc.

La demande de dommages et intérêts présentée à l'encontre de Monsieur [P] lui-même doit en conséquence être déclarée irrecevable.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner les consorts [L] à payer à la SARL [P] ETANCHEITE prise en la personne de Monsieur [S] [P] en qualité de mandataire ad hoc la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les consorts [L] seront également condamnés aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée à l'encontre de Monsieur [S] [P] en son nom personnel ;

Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 22 novembre 2018, sauf en ce qu'il a condamné la SARL [P] ETANCHEITE à payer à Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] la somme de 1839€ au titre de leur préjudice matériel et la somme de 10580€ au titre de leur préjudice de jouissance ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL [P] ETANCHEITE prise en la personne de Monsieur [S] [P] en qualité de mandataire ad hoc à payer à Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] la somme de 1.750,64€ au titre de leur préjudice matériel ;

Condamne la SARL [P] ETANCHEITE prise en la personne de Monsieur [S] [P] en qualité de mandataire ad hoc à payer à Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] la somme de 2.300€ au titre de leur préjudice de jouissance ;

Condamne Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] à payer à la SARL [P] ETANCHEITE prise en la personne de Monsieur [S] [P] en qualité de mandataire ad hoc la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Madame [U] [N] veuve [L], Monsieur [R] [L] et Madame [I] [L] aux entiers dépens de l'instance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et M. Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/16969
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;19.16969 ?
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