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06/06/2024 | FRANCE | N°19/16372

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 06 juin 2024, 19/16372


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024



N° 2024/













N° RG 19/16372 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFB2T







[Z] [O]

SAS [V] [O]





C/



SAS VELARIUM ET FERMETURES



























Copie exécutoire délivrée



le :



à :





Me [D] [G]





M

e Aurelie BERENGER

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 19 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018J00293.



APPELANTES



Madame [Z] [O]

née le 27 Mai 1967 à [Localité 4] (71), demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Patrick LOPASSO de la S...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

N° 2024/

N° RG 19/16372 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFB2T

[Z] [O]

SAS [V] [O]

C/

SAS VELARIUM ET FERMETURES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me [D] [G]

Me Aurelie BERENGER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 19 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018J00293.

APPELANTES

Madame [Z] [O]

née le 27 Mai 1967 à [Localité 4] (71), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Patrick LOPASSO de la SELARL MAUDUIT-LOPASSO-GOIRAND & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

SAS [V] [O], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Patrick LOPASSO de la SELARL MAUDUIT-LOPASSO-GOIRAND & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SAS VELARIUM ET FERMETURES Prie en la personne de son représentant légal domicilié audit siège sis [Adresse 2], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Aurelie BERENGER de la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MÖLLER, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [Z] [O] exploite une pâtisserie chocolaterie sur la commune du LAVANDOU ; au cours de l'année 2017, elle a fait appel à la SAS VELARIUM STORES ET FERMETURES en vue de la réalisation d'une terrasse couverte. Les travaux ont été acceptés par devis signé le 9 février 2017. Ces travaux ont été interrompus le 27 mars 2017 sur décision de la commune au motif que le projet n'était pas conforme à la réglementation d'urbanisme applicable.

Par acte d'huissier en date du 20 juillet 2018, Madame [Z] [O] et la SAS [V] [O] ont donné assignation à la SAS VELARIUM STORES ET FERMETURE devant le Tribunal de commerce de TOULON.

Par jugement en date du 19 septembre 2019, le Tribunal de commerce de TOULON :

DEBOUTE Madame [O] [Z] et la SAS [V]-[O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

DIT que la SAS VELARIUM STORES ET FERMETURES n'a commis aucune faute et n'a pas manqué à son devoir de conseil ;

CONDAMNE Madame [O] [Z] à verser à la SAS VELARIUM STORES ET FERMETURES la somme de 5.000euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;

CONDAMNE Madame [O] [Z] à payer la somme de 500.00 euros à la SAS VELARIUM STORES ET FERMETURES à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à la charge de Madame [O] [Z] et de la SAS [V]-[O] les entiers dépens liquidés à la somme de 94,34 euros TTC dont TVA 15,72 (non compris les frais de citation).

Par déclaration en date du 22 octobre 2019, Madame [Z] [O] et la SAS [V] [O] ont formé appel contre cette décision en toutes ses dispositions.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions notifiées 21 janvier 2020, Madame [Z] [O] et la SAS [V] [O] demandent à la Cour de :

Vu les articles 1104, 1217, 1222, 1224 et 1227, 1231-1, 1792 et 1792-6 du code civil ;

Vu l'article L480-4 du code de l'urbanisme ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre principal :

CONSTATER le défaut de motivation du jugement du tribunal de commerce de TOULON en date du 19 septembre 2019.

PRONONCER la nullité du jugement du tribunal de commerce de TOULON en date du 19 septembre 2019.

A titre subsidiaire :

REFORMER le jugement du tribunal de commerce de TOULON en date du 19 septembre 2019 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que la SAS VELARIUM a manqué à son obligation de conseil, d'information et d'exécution, et plus généralement à ses obligations contractuelles.

En conséquence :

ORDONNER à la SAS VELARIUM de restituer le trop-perçu d'un montant de 12 000 euros à la SAS [V] [O] en raison de la non-exécution de la totalité du contrat conclu le 9 février 2017.

CONDAMNER la SAS VELARIUM à verser à la SAS [V] [O] la somme de 20 000 euros correspondant au préjudice subi du fait de l'inexécution de l'ensemble des prestations prévues au contrat et de la perte de surface commerciale.

CONDAMNER la SAS VELARIUM à verser la somme de 5000 euros à Madame [O] en réparation du préjudice qu'elle subit du fait des manquements contractuels ayant conduits à la composition pénale du 27 mars 2018.

CONDAMNER la SAS VELARIUM à verser à la SAS [V] [O] la somme de 10 140 euros afin de procéder aux réparations des malfaçons constatées sur le fondement de sa garantie légale, ou à mieux qu'il ne plaise au titre de sa responsabilité contractuelle.

DIRE ET JUGER que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal sur le fondement de l'article 1231-7 du code civil et capitalisation annuelle dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

CONDAMNER la société VELARIUM, outre aux entiers dépens, en ce y compris aux frais du constat d'huissier du 6 mars 2018, au paiement d'une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUTORISER Maître [D] [G], associé de la SELARL MAUDUIT [G] GOIRAND & Associés à recouvrer ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision,

Par conclusions notifiées 21 avril 2022, Madame [Z] [O] et la SAS [V] [O] maintiennent leurs prétentions.

Elles font valoir que selon le devis accepté, le montant des travaux devait s'élever à 87.194,70€ ; que sur demande de la SAS VELARIUM, elles ont déposé une déclaration préalable devant le service de la Mairie qui a donné lieu à une décision de rejet par décision du 3 février 2017 du service de l'Urbanisme ; que malgré cette décision, la SAS VELARIUM a souhaité conclure le contrat et a procédé à l'installation de la structure.

En premier lieu, les appelantes considèrent que le jugement attaqué doit être annulé pour défaut de motivation en ce qu'il n'est pas possible de saisir le raisonnement juridique qui a conduit à écarter le moyen fondé sur le manquement au devoir de conseil de la SAS VELARIUM.

Subsidiairement, elles soutiennent que la responsabilité de la SAS VELARIUM doit être reconnue en ce qu'elle n'a pas attendu l'obtention de l'autorisation d'urbanisme pour la réalisation des travaux alors qu'elle ne pouvait ignorer que celle-ci était nécessaire ; que l'obligation d'information s'applique à une telle situation et qu'il appartient à l'entrepreneur de réaliser des travaux en conformité avec la réglementation urbanistique, notamment lorsque le maître d'ouvrage est profane en matière de construction. Elles soutiennent qu'aucune carence ne peut leur être reprochée s'agissant de la communication de l'arrêté refusant les travaux.

Concernant l'inachèvement de l'ouvrage, les appelantes font valoir que celui-ci ne résulte pas uniquement de l'arrêté interruptif des travaux et que c'est essentiellement du fait des manquements de la société VELARIUM à ses obligations contractuelles que le contrat n'a pas été achevé ; qu'elles sont fondées à solliciter la restitution des sommes qui ont été versées et qui correspondent à des prestations qui n'ont pas été réalisées, notamment les équipements de climatisation, facturé 12.000€ et qui n'ont pas été fournis.

Elles exposent également avoir subi un préjudice du fait des poursuites pénales qui ont été engagées suite à la réalisation d'une construction irrégulière et du fait de la perte d'une surface commerciale qu'elles espéraient pouvoir exploiter.

Elles font en outre valoir que la partie de la construction qui a été réalisée est affectée de désordres notamment compte tenu de l'existence de fuites qui affectent la structure en aluminium et qui inondent la terrasse qui devait être couverte lesquelles peuvent également être affectées comme une faute contractuelle. Elles concluent enfin qu'aucune faute ne peut leur être reprochée au titre de l'engagement de la procédure et qu'elles ne sauraient être condamnées au paiement de dommages et intérêt pour procédure abusive.

Par conclusions notifiées le 17 avril 2020, la société VELARIUM Stores et pergolas demande à la Cour de :

Vu les articles 1231-1 ; 1792 ; 1104 du code civil

Vu les pièces versées aux débats

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulon le 19 septembre 2019 dans toutes ses dispositions

DIRE ET JUGER que la société VELARIUM n'a commis aucune faute et n'a nullement manqué à ses obligations notamment à son devoir de conseils et d'informations

DEBOUTER Madame [O] [Z] et la SAS [V]-[O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions

CONDAMNER Madame [Z] [O] et la société [V]-[O] à payer la somme de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

LES CONDAMNER aux entiers dépens.

Elle soutient en premier lieu que le jugement attaqué n'a pas lieu d'être déclaré nul en ce que celui-ci est particulièrement clair quant à sa motivation. Elle soutient que l'argumentation des appelantes est fondée sur un postulat de départ inexact ; elle expose qu'elle a bien informé sa contractante de la nécessité d'obtenir une autorisation préalable en vue de la réalisation des travaux ; que l'opposition de la Mairie ne lui a pas été communiquée et qu'au contraire, seul un avis favorable du directeur technique du 30 janvier 2017 lui a été remis ; que c'est Monsieur [V] lui-même qui a souhaité poursuivre l'exécution du contrat nonobstant l'avis contraire qui avait été rendu par le service de l'urbanisme ; qu'elle a cessé les travaux suite à l'intervention de la police municipale de la ville sans jamais pouvoir les reprendre de sorte que la véranda est restée inachevée et qu'elle n'a pas été sollicitée par Monsieur [V] et Madame [O] en vue de régulariser la construction dans des conditions admises par la commune. Elle soutient en conséquence qu'aucun manquement à son obligation de conseil et d'information n'est établi et qu'au contraire, Mme [O] a fait preuve d'une absence de loyauté et de bonne foi dans la conclusion du contrat en dissimulant l'arrêté faisant obstacle à la réalisation des travaux dont elle était la seule à avoir connaissance.

Elle considère également qu'elle ne peut être obligée à aucun remboursement compte tenu du fait qu'elle avait acheté auprès de ses fournisseurs le matériel nécessaire à la réalisation des travaux, matériel qu'elle a proposé à la société [V]-[O] de lui remettre.

L'affaire a été clôturée à la date du 11 mars 2024 et appelée en dernier lieu à l'audience du 3 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de nullité du jugement :

Madame [O] fonde cette demande sur les dispositions des articles 455 et 458 du Code de procédure civile selon lesquels à peine « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Il énonce la décision sous forme de dispositif ».

Elle fait en effet valoir que le Tribunal de commerce n'a pas motivé les raisons pour lesquelles les moyens qu'elle soulevait, pourtant qualifiés de « justes », ne s'appliquaient pas dans le cas d'espèce ; qu'en conséquence, il n'est pas possible de comprendre les motifs qui ont gouverné à la prise de cette décision et les raisons pour lesquelles le manquement à l'obligation de conseil de la société VELARIUM n'a pas été retenu.

La société VELARIUM oppose que le jugement du Tribunal de commerce est clair dans sa motivation en ce qu'il a retenu que l'obligation de conseil du constructeur ne s'appliquait pas dans le cas d'espèce ; qu'il ne souffre donc d'aucun défaut de motivation.

Au sens de l'article précité, la motivation d'une décision suppose l'existence de motifs intelligibles répondant aux moyens développés par les parties. En l'espèce, le jugement contesté mentionne en effet dans le cadre de sa motivation, s'agissant de la prétention de Mme [O] quant au manquement de la société VEARIUM à son devoir de conseil :

« ATTENDU que la demanderesse indique « que cette obligation est d'autant plus forte lorsque le Maître d'Ouvrage n'est pas un professionnel dans le domaine dans lequel l'entreprise intervient » ;

ATTENDU que même si ces arguments sont justes ils ne s'appliquent pas dans cette affaire ; ».

Cependant, dans la suite de cette motivation formulée sous forme « d'attendus », le Tribunal reprend les circonstances dans lesquelles le projet de construction de Mme [O] a été invalidé par la Mairie pour des raisons de non-conformité aux prescriptions d'urbanisme et que la pièce relative à cette position de la Mairie, que les premiers juges qualifient d'une « importance capitale », n'avait pas été communiquée à la société VELARIUM « qui aurait pu à ce moment là, jouer son rôle de conseil ».

Il en ressort que la motivation adoptée par le Tribunal de commerce permet de comprendre les raisons qui ont conduit au rejet de la demande de Mme [O] et, notamment, celles pour lesquelles le manquement à l'obligation de conseil de la société VELARIUM n'a pas été retenue.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de l'appelante visant à voir prononcer la nullité de la décision contestée pour défaut de motivation.

Sur les demandes indemnitaires :

Sur le manquement au devoir de Conseil :

Afin de soutenir sa demande de réformation de la décision du Tribunal de commerce, Mme [O] et la SAS [V] font valoir que dans un premier temps, le 30 janvier 2017, les services de technique de la ville avaient donné un avis favorable à son projet ; qu'ils ont alors estimé que la construction était autorisée. Ils expliquent que si un arrêté d'opposition a été pris par la commune le 3 février suivant, n'étant pas experts en matière de construction, ils n'ont pas su que l'avis favorable des services techniques ne valait pas autorisation. Les appelantes reprochent donc à la société VELARIUM de ne pas s'être renseignée sur l'existence d'une autorisation d'urbanisme opérationnelle, de ne pas les avoir informées des conséquences probables d'un refus d'autorisation et de la nécessité de revoir le projet pour se mettre en conformité avec les dispositions d'urbanisme.

Ils reprochent ainsi à la société VELARIUM, en sa qualité de professionnel dans la matière construction, de ne pas avoir attendu l'obtention de l'autorisation pour conclure le contrat et commencer les travaux alors qu'elle savait que cette autorisation était nécessaire ; selon les appelantes, par cette attitude, la société VELARIUM a donc manqué à ses obligations contractuelles et à son devoir d'information.

La société VELARIUM oppose avoir bien informé les appelantes de leur obligation d'obtenir une autorisation préalable ; que si le 3 février 2017, la société [V]-[O] a reçu seule l'opposition de la Mairie du LAVANDOU, elle n'a pas communiqué cette information et a au contraire remis l'avis favorable des services techniques du 30 janvier 2017. Elle reproche donc à la société [V]-[O] de ne pas avoir fait état de cette opposition de la commune à la réalisation des travaux et d'avoir accepté le devis alors qu'elle avait connaissance de la position de la Mairie ; qu'en revanche, elle a été contrainte d'interrompre le chantier lorsqu'elle a eu connaissance de l'interdiction de poursuivre les travaux.

Il est constant, compte tenu de la qualification dont il dispose dans son domaine, qu'une obligation générale d'information et de conseil pèse sur le constructeur au bénéfice du Maître d'Ouvrage ; à ce titre, il appartient à l'entrepreneur d'avertir le Maître d'Ouvrage de tous les aspects de l'opération et notamment de la réglementation applicable et de la nécessité d'obtenir les autorisations induites par le projet de construction.

Or, en l'espèce, les parties ne contestent pas le fait que la société VELARIUM avait bien informé la société [V]-[O] de la nécessité de solliciter une autorisation administrative en vue de la réalisation du projet de construction de la véranda. En effet, les devis n°2017-01.10831, n°2017-01.10832 et n°2017-01.10833 émis le 9 janvier 2017 indiquaient : « la présente prestation peut nécessiter une autorisation de travaux communale. Cette demande reste à votre entière responsabilité ».

Le 30 janvier 2017, la Direction des Services Techniques de la commune du LAVANDOU a émis un courrier, adressé au Maire de la commune, faisant état d'un avis favorable à la déclaration préalable déposée par Mme [Z] [O].

Le 3 février 2017, le Service de l'Urbanisme, au nom du Maire de la commune du LAVANDOU et au vu notamment de l'avis favorable de la Direction des Services Techniques du 30 janvier 2017, a pris un arrêt d'opposition à une déclaration préalable au motif d'un non-respect du recul d'implantation par rapport aux voies et aux emprises publiques.

Nonobstant la réception de cet avis, le 9 février 2017 la société [V]-[O] a accepté le devis du 9 janvier 2017 en apposant sur celui-ci la mention « bon pour accord ».

Au vu de ces éléments, il est établi de ce que la société VELARIUM avait expressément attiré l'attention de la société [V]-[O] sur la nécessité de d'obtenir une autorisation préalable pour pouvoir procéder aux travaux. La société [V]-[O] ne conteste pas avoir été informée de cette obligation et a effectivement formulé la demande d'autorisation nécessaire. Ce faisant, elle a, malgré la délivrance d'une opposition dont le sens et la portée étaient dépourvus d'ambiguïté, accepté le devis de la société VELARIUM sans informer celle-ci du refus de sa demande administrative. De surcroît, nonobstant la qualité de profane des appelants dans le domaine de la construction et de ses aspects juridiques, il ne saurait être soutenu de bonne foi qu'ils n'ont pas su appréhender le sens de la décision d'opposition et qu'ils avaient été induits en erreur par l'avis favorable de la Direction des Services Techniques. En effet, d'une part l'avis de ce dernier service ne leur était pas adressé et constituait manifestement une transmission interne dans le cadre de l'instruction de la déclaration préalable. D'autre part, la décision explicite de refus intervenue quelques jour après se réfère directement à cet avis favorable qui n'a donc pas été suivi.

Il en résulte que Mme [O] et la société [V]-[O] disposaient de toutes les informations nécessaires quant à la faisabilité juridique de leur projet et qu'elles ont délibérément sollicité la société VELARIUM en vue de la réalisation des travaux en l'état d'une opposition de la Mairie dont elles avaient connaissance et qu'elles se sont abstenues de communiquer à leur contractant.

Quant aux ajustements que la société VELARIUM aurait pu proposer pour obtenir la conformité du projet, cette considération est dépourvue de pertinence dès lors que celle-ci n'avait pas été informée de la décision d'opposition. La charge de l'obtention des autorisations d'urbanisme ayant été expressément confiée au Maître d'Ouvrage, la société VELARIUM a pu légitimement déduire de l'acceptation du devis et de l'absence de signalement d'une difficulté que le Maître d'Ouvrage disposait de l'autorisation nécessaire à la réalisation du projet.

Aucun manquement à son obligation de conseil et d'information ne peut donc être reproché à la société VELARIUM. La décision attaquée sera confirmée en ce sens.

Sur l'inachèvement et la restitution de la somme de 12.000€ :

La société [V]-[O] et Madame [O] indiquent que les manquements de la société VELARIUM à ses obligations contractuelles, notamment son obligation d'information, ont donné lieu à un inachèvement des travaux. Elles considèrent ainsi que la société VELARIUM doit être condamnée à la restitution des sommes qui lui ont été versées et qui correspondent à des prestations qui n'ont pas été réalisées. Elles reprochent donc à l'entrepreneur d'avoir encaissé la somme de 83.192€ en sachant que le contrat ne pourrait pas être exécuté. Elles exposent que le contrat prévoyait notamment l'installation d'une climatisation et de stores pour un montant totale de 12.000€ ; que ces équipements n'ont pas été installés en raison des fautes de la société VELARIUM.

Cette dernière soutient qu'elle ne peut pas être condamnée au remboursement des sommes demandées dès lors que les équipements en question ont été commandés auprès d'un fournisseur après acceptation du devis ; elle précise qu'elle est toujours en possession de ces équipements qu'elle tient à la disposition de la société [V]-[O], mais que cette dernière n'a pas souhaité, à ce stade, le récupérer.

Le devis n°2017-01.10831 d'un montant HT de 12 .745€ concerne en effet l'installation d'une climatisation et de stores et les frais d'installation correspondant (4.250€).

Il est constant que les prestations relatives à l'installation des stores et de la climatisation prévus par ce devis n'ont pas été exécutées. Si la société VELARIUM indique qu'elle a payé les équipements concernés par ce devis n°2017-01.10831, elle n'apporte aucun justificatif en ce sens. Il en résulte qu'il n'est justifié de l'exécution d'aucun des postes de ce devis (fourniture de matériel et frais d'installation). En l'état de l'inexécution non contestée des travaux mentionnés à ce devis et indépendamment de toute faute retenue à l'encontre de la société VELARIUM, il convient de condamner cette dernière au paiement de la somme de 12.000€ au titre de cette inexécution.

Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur l'indemnisation du préjudice causé à la SAS SAIF [O] :

La société [V]-[O] et Mme [O] soutiennent qu'en raison du caractère inachevé de l'ouvrage, elles ne peuvent pas bénéficier de la surface commerciale envisagée dans le cadre de ce projet ; que le fait de ne pas pouvoir bénéficier de cette surface leur occasionne une perte financière qu'elles évaluent à 20.000€.

Cependant, compte tenu de ce qu'aucun élément ne permet d'imputer à la société VELARIUM la non-réalisation de cette surface commerciale, il convient de rejeter cette demande.

Sur l'indemnisation du préjudice de Madame [O] :

Madame [O] conclut à la condamnation de la société VELARIUM à lui payer la somme de 5.000€ en réparation des préjudices occasionnés par la procédure pénale dont elle a fait l'objet du fait de la réalisation d'une construction illicite. Elle explique qu'en effet, en raison de l'édification d'une construction partiellement irrégulière, elle à été soumise à une procédure de composition pénale au terme de laquelle elle a été condamnée au paiement de la somme de 3.000€. Elle impute cette composition aux fautes commises par la société VELARIUM.

Toutefois, il convient d'une part de rappeler qu'aucune faute n'a été retenue à l'encontre de la société VELARIUM et que, d'autre part, l'article 121-1 du Code pénal prévoir que « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ».

Il en résulte que c'est vainement que Madame [O] conclut à une condamnation de la société VELARIUM à l'indemniser des conséquences de la procédure de composition pénale dont elle a fait l'objet.

Sur l'indemnisation des malfaçons :

Les appelants soutiennent que l'interruption des travaux ne justifiait pas que ceux qui ont été réalisés soient défectueux ; que la partie de la véranda qui été réalisée comporte des désordres qui affectent sa solidité. Elles considèrent donc que la responsabilité de la société VELARIUM doit être engagée sur le fondement de l'article 1792 du Code civil et notamment au titre de la garantie de parfait achèvement prévue par l'article 1792-6 de ce Code. Elles estiment qu'une véranda constitue bien un ouvrage au sens de ces dispositions et qu'il n'est pas nécessaire qu'un ouvrage soit achevé pour que la réception intervienne. Subsidiairement, elles soutiennent que la responsabilité peut être retenue sur le fondement contractuel.

Compte tenu de ce que les appelantes n'apportent aucune précision sur l'existence de la réception dont elles se prévalent, sans indiquer si celle-ci devrait être constatée comme étant expresse ou tacite ou prononcée judiciairement et qu'elles n'indiquent aucune date à laquelle cet évènement doit être fixé, il convient de les débouter des prétentions formulées sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil.

S'agissant de la responsabilité contractuelle invoquée, les appelantes versent aux débats un procès-verbal de constat d'huissier établi le 28 février 2018 par Me [L]. Cet acte fait état de la présente de flaques d'eau dans l'entrée du local en provenance de la terrasse extérieure ; de l'existence d'écoulements d'eau en provenance de la structure en aluminium et de flaques d'eau sur la terrasse. Cependant, ce seul constat établi de façon non contradictoire et qui n'apporte aucune connaissance certaine quant à l'origine des désordres allégués ne permet pas de démontrer l'existence de malfaçons imputables à la société VELARIUM.

Il convient en conséquence de débouter les appelantes de ce chef de demande.

Sur la condamnation pour procédure abusive :

Les appelantes concluent à la réformation de la décision attaquée en ce qu'elle les a condamnées au paiement d'une somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société VELARIUM conclut à la confirmation de la décision également en ce qu'elle a condamné les demanderesses au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il convient de rappeler que l'action en justice est un droit dont l'usage ne peut dégénérer en faute que s'il est inspiré par la malice, la mauvaise foi, une erreur grossière ou à tout le moins une légèreté blâmable.

En l'espèce, il est établi, aux termes de la décision retenue, que les appelantes échouent à démontrer l'existence d'une faute contractuelle commise par la société VELARIUM, cette prétention apparaissant manifestement infondée dès lors que l'interruption des travaux et la non-réalisation du projet sont imputables aux propres défaillances des appelantes dans la réalisation des démarches relatives à l'obtention des autorisations d'urbanisme.

Cependant, la société [V]-[O] et Madame [O] ont pu légitiment prétendre à la restitution d'une partie des sommes versées à la société défenderesse au titre de la non-réalisation d'une partie des prestations préalablement réglées.

Ainsi, en l'état du désaccord des parties sur l'imputabilité de l'interruption des travaux et sur les conséquences en découlant et au vu de la nécessité d'avoir dû agi en justice afin de parvenir à la détermination de leurs droits il n'apparaît pas que l'action engagée par la société [V]-[O] et Madame [O] puisse être qualifié d'abusive.

Le jugement du Tribunal de commerce sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné Madame [O] à payer à la SAS VELARIUM STORES ET FERMETURES la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts et cette demande de la SAS sera rejetée.

Sur les demandes annexes :

Il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts échus par application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil.

Au vu de la solution du litige, il convient de condamner la SAS VELARIUM à payer à la société [V]-[O] et Madame [O] la somme totale de 2.500€ par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS VELARIUM sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du Tribunal de commerce de TOULON en date du 19 septembre 2019 sauf en ce qu'il a débouté la société [V]-[O] et Madame [O] de leur demande restitution de la somme de 12.000€ et en ce qu'il les a condamnées au paiement de la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS VELARIUM STORE ET FERMETURES à payer à la SAS [V]-[O] la somme de 12.000€ au titre de la restitution des sommes perçues pour les prestations, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Dit que cette somme portera intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil ;

Déboute la SAS VELARIUM STORE ET FERMETURES de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS VELARIUM STORE ET FERMETURES à payer à la SAS [V]-[O] la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SAS VELARIUM STORE ET FERMETURES aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et M. Achille TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/16372
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;19.16372 ?
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