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06/06/2024 | FRANCE | N°19/15673

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 06 juin 2024, 19/15673


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024



N° 2024/









Rôle N° RG 19/15673 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE74I







SAS ART DECO





C/



SASU PVT



























Copie exécutoire délivrée



le :



à :



Me Danièle PRIEUR



Me Ségolène TULOUP






>













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 08 Août 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F01583.





APPELANTE



SAS ART DECO Représentée par son Président en exercice,, demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]



représentée par Me Danièle PRIEUR de la SELARL ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/15673 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE74I

SAS ART DECO

C/

SASU PVT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Danièle PRIEUR

Me Ségolène TULOUP

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 08 Août 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F01583.

APPELANTE

SAS ART DECO Représentée par son Président en exercice,, demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représentée par Me Danièle PRIEUR de la SELARL ONE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Noëllie VEDEL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SASU PVT, demeurant [Adresse 4] - ce - [Localité 2]

représentée par Me Ségolène TULOUP, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Jacques GONZALEZ-LOPEZ, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MÖLLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société PVT est intervenue en qualité de sous-traitant de la société ART DECO sur un chantier de rénovation du collège de [5] sur la commune de [Localité 6] pour le compte de la société EIFFAGE. La société ART DECO était titulaire du lot « Cloisons/doublage/faux-plafonds-logements ».

Dans le cadre de ce chantier la société PVT a invoqué l'existence de factures non payées par la société ART DECO. Cette dernière, de son côté, a opposé le fait que la société PVT n'avait pas satisfait à ses obligations contractuelles et a contesté la réalisation certaines prestations facturées par la Société PVT.

Par acte d'huissier en date du 6 juin 2018, la SASU PVT a donné assignation à la société ART DECO devant le Tribunal de commerce de MARSEILLE en vue notamment d'obtenir la condamnation de celle-ci au paiement de la somme de 32.227,53€ au titre des factures impayées, augmentée des intérêts au taux légal.

Par jugement en date du 8 août 2019, le Tribunal de commerce de MARSEILLE :

Donne acte à la Société PVT S.A.S.U de ce qu'elle a réalisé l'intégralité des prestations commandées par devis signés et acceptés par la Société ART DECO, pour les chantiers « cloisons », « enduits » et « faux plafonds » ;

Condamne la Société ART DECO S.A.S. à payer à la Société PVT S.A.S.U. la somme de 20 099,86 € (vingt mille quatre-vingt-dix-neuf Euros quatre-vingt-six Centimes) au titre du montant des factures restées impayées sur les chantiers « cloisons » et enduits, avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2018, date de réception de la mise en demeure ;

Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil (ancien article 1154 du Code Civil), dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux ;

Déboute la Société ART DECO S.A.S. des fins de sa demande reconventionnelle en remboursement de sommes trop versées ;

Conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile,

Condamne la Société ART DECO S.A.S. aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de procédure Civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 74,18 € (soixante-quatorze Euros dix-huit Centimes TTC) ;

Conformément aux dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile, ordonne pour le tout l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 10 octobre 2019, la SAS ART DECO a formé appel contre cette décision à l'encontre de la SARL PVT pour l'ensemble de ses dispositions à l'exception de celle relative à l'exécution provisoire de la décision.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions notifiées le 19 décembre 2019, la société ART DECO demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille le 08 aout 2019 (RG n°2018F01583) en ce qu'il :

Déboute la société PVT de sa demande en condamnation de la société ART DECO au paiement de la somme de 5.625,67 € au titre du solde de sa facture pour le marché « faux plafonds »,

Déboute la société PVT de sa demande en condamnation de la société ART DECO au paiement de la somme de 6.500 € au titre du solde de sa facture pour le marché «Logements »,

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille le 08 aout 2019 (RG n°2018F01583) en ce qu'il :

Donne acte à la société PVT de ce qu'elle a réalisé l'intégralité des prestations commandées par devis signés et acceptés par la société ART DECO, pour les chantiers « cloisons », « enduits » et « faux-plafonds »,

Condamne la Société ART DECO S.A.S. à payer à la Société PVT S.A.S.U. la somme de 20 099,86 € (vingt mille quatre-vingt-dix-neuf Euros quatre-vingt-six Centimes) au titre du montant des factures restées impayées sur les chantiers « cloisons » et « enduits», avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2018, date de réception de la mise en demeure ;

Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil (ancien article 1154 du Code Civil), dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux ;

Déboute la Société ART DECO S.A.S. des fins de sa demande reconventionnelle en remboursement de sommes trop versées ;

Condamne la Société ART DECO S.A.S. aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de procédure Civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 74,18 € (soixante-quatorze Euros dix huit Centimes TTC) ;

Par conséquent,

DIRE ET JUGER recevables et fondées les demandes de la société ART DECO,

DIRE ET JUGER que la société PVT n'a pas respecté ses engagements contractuels en s'abstenant de réaliser l'intégralité des prestations commandées par la société ART DECO et ce dans les délais impartis, cette dernière n'apportant pas la preuve du contraire,

DIRE ET JUGER que la société PVT sollicite à tort le paiement de prestations qu'elle n'a pas réalisées puisqu'elles n'ont pas été commandées par la société ART DECO, par contrat ou par bon de commande, la preuve du contraire n'étant pas apportée,

DIRE ET JUGER que la société PVT a donc commis des fautes ayant causé un préjudice à la société ART DECO,

CONDAMNER la société PVT au paiement à la société ART DECO de la somme de 5.579,48 euros HT au titre du remboursement des sommes trop versées par ses soins pour ce chantier (tout lots confondus, plus et moins-values incluses), à titre de solde tout-compte entre les parties, en ce compris la somme de 2.617,54 euros HT due par la société PVT à la société ART DECO au titre du marché « Enduit », la somme de 1.633,46 euros HT due par la société ART DECO à la société PVT au titre du marché « Cloisons ' Doublages » et en ce compris la somme de 4.596, 70 € HT due par la société PVT à la société ART DECO au titre du marché « Faux Plafonds »,

En tout état de cause,

CONDAMNER la société PVT à payer à la société ART DECO la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

LA CONDAMNER enfin aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 15 avril 2020, la société ART DECO maintient ses prétentions et, y ajoutant, demande à la Cour de :

Sur l'appel incident formé par la société PVT :

DEBOUTER la société PVT de sa demande incidente tendant à faire condamner la société ART DECO à lui régler la somme de 12.125,67 euros outre intérêts au taux légal commençant à courir depuis la première mise en demeure du 31 Janvier 2018 capitalisés lorsqu'ils seront dus pour une année entière et se décomposant comme suit :

5.625,67 euros au titre de la facture émise pour le marché « FAUX PLAFONDS »;

6.500 euros au titre de la facture émise pour le marché « LOGEMENTS ».

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille le 08 aout 2019 (RG n°2018F01583) en ce qu'il :

Déboute la société PVT de sa demande en condamnation de la société ART DECO au paiement de la somme de 5.625,67 € au titre du solde de sa facture pour le marché « faux plafonds »,

Déboute la société PVT de sa demande en condamnation de la société ART DECO au paiement de la somme de 6.500 € au titre du solde de sa facture pour le marché « Logements »

A l'appui de ses prétentions, la société ART DECO fait valoir que la société PVT n'a pas respecté ses engagements contractuels tant s'agissant des délais d'exécution que de la qualité des prestations fournies et qu'elle a à plusieurs reprises attiré son attention sur ces manquements ; que ces carences l'ont conduite à faire appel à des entreprises tierces en vue de la réalisation de travaux de reprise ou de l'exécution de travaux qui devaient être accomplis par la société PVT.

Elle considère que la société PVT n'apporte pas la preuve de la réalisation des prestations dont elle sollicite le paiement. Que s'agissant de la facture de 18.660,84€ admise par le Tribunal de commerce de MARSEILLE, cette facture a été émise sur la base d'un montant erroné et qu'elle correspond à une prestation non commandée et non réalisée par la société PVT et que des erreurs de facturation ont également été commises par la société PVT. Elle se prévaut également d'un défaut de réalisation intégrale et dans les règles de l'art de cette prestation.

S'agissant de la facture d'un montant de 1.439,02€ au titre du marché « enduits » la société ART DECO fait valoir que la société PVT n'a pas apporté la preuve d'avoir réalisé l'intégralité des prestations commandées et que des moins-values ont dû être imputées compte tenu de la nécessité d'avoir fait intervenir des sociétés tierces pour effectuer des travaux de reprise ; que c'est bien la société PVT qui est redevable envers la société ART DECO de la somme de 2.617,54€ HT au titre de ce marché.

Sur le marché « faux plafonds », elle fait valoir que le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation en paiement formulée par la société PVT ; elle expose que des moins-values ont été appliquées au montant initial du marché et demande qu'il soit dit que c'est à tort qu'elle a versé la somme de 4.596,70€ HT à la société PVT et que cette somme doit lui être restituée.

Concernant le marché « logements », elle conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société PVT de sa demande formulée à ce titre compte tenu de ce que celle-ci n'a apporté aucun élément probant justifiant d'un impayé.

S'agissant du solde de tout compte, elle fait valoir que sa demande de condamnation de la société PVT au paiement de la somme de 5.579,48€ est fondée compte tenu des pièces qu'elle produit et qui, selon elle, caractérisent l'existence d'un trop-perçu de la part de la société PVT.

Par conclusions notifiées le 24 février 2020, la SASU PVT demande à la Cour de :

Vu les articles 1103,1104 et 1353 du code civil,

DEBOUTER la société ART DECO des fins de son appel ;

CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en ce qu'il a jugé que :

« Donner acte à la société PVT de ce qu'elle a réalisé l'intégralité des prestations commandés par devis signés et acceptés par la société ART DECO ;

Condamner la société ART DECO à payer à la société PVT la somme de 20.099,86 euros au titre du montant des factures impayées sur les chantiers cloisons, et enduits avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2018, date de réception de la mise en demeure ;

Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du code civil) dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux ;

Débouté la société ART DECO des fins de sa demande reconventionnelle »

REFORMER le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en ce qu'il a jugé que les demande des paiements des factures des marchés FAUX PLAFONDS et LOGEMENT émises par PVT n'étaient pas dues ;

STATUANT A NOUVEAU :

DIRE ET JUGER que la société PVT a réalisé l'intégralité des prestations commandées par devis signés et acceptés par la société ART DECO ;

CONDAMNER la société ART DECO à payer à la société PVT la somme de 12.125,67 euros outre intérêts au taux légal commençant à courir depuis la première mise en demeure du 31 Janvier 2018 capitalisés lorsqu'ils seront dus pour une année entière et se décomposant comme suit :

5.625,67 euros au titre de la facture émise pour le marché « FAUX PLAFONDS »;

6.500 euros au titre de la facture émise pour le marché « LOGEMENTS ».

CONDAMNER la société ART DECO à payer à la société PVT la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société ART DECO aux entiers dépens de la procédure ;

La SASU PVT fait valoir que la société ART DECO échoue à démontrer qu'elle n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles ; qu'elle ne démontre pas avoir porté à sa connaissance des courriers qu'elle invoque à l'appui de ses demandes et l'ayant mise en demeure de venir reprendre des malfaçons ni qu'elle rencontrait des difficultés avec la société EIFFAGE. Elle indique qu'elle n'a pas reconnu que des entreprises tierces seraient intervenues en ses lieux et places et considère que les attestations produites à ce titre par la société ART DECO ont été établies pour les seuls besoins de la cause. Elle indique que les moins-values réalisées doivent faire l'objet d'un accord préalable et qu'en l'espèce, celles dont se prévaut la société ART DECO ne sont pas justifiées. Elle considère ainsi que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société ART DECO à lui payer la somme de 18.660,84€.

Concernant le marché « enduits », elle reproche à la société ART DECO de ne pas expliquer les manquements dont elle se prévaut et qu'elle impute à la société PVT et que les interventions de sociétés tierces sur lesquelles elle fonde ses demandes de moins-values ont eu lieu sans qu'elle ait été préalablement mise en demeure d'intervenir préalablement ; que cette prétention n'est donc pas justifiée et que la demande de la société ART DECO à ce titre doit être rejetée.

Par ordonnance en date du 2 mars 2023, le magistrat de la mise en état de cette Cour a constaté le désistement de la société PVT des conclusions d'incident de péremption qui avaient été notifiée le 27 mai 2022.

L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 11 mars 2024 et appelée en dernier lieu à l'audience du 3 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bienfondé des demandes en paiement :

Les parties s'opposent donc sur l'existence de factures non payées par la société ART DECO à la société PVT et sur les conditions dans lesquelles cette dernière a réalisé les prestations convenues entre elles. Quatre postes de marché ont été concernés par les émissions de bons de commande et de factures : enduits, cloisons, faux-plafonds et logement. Il convient de les examiner successivement.

Sur le chantier « enduits » :

La société ART DECO verse aux débats trois bons de commande relatifs à ce marché :

Un bon de commande daté du 2 mai 2017 d'un montant de 15.245,20€ HT (pièce n°30) comprenant des prestations relatives à la pose de cloisons,

Un bon de commande non daté d'un montant de 11.315,20€ HT (pièce n°32) portant la mention manuscrite « bon de commande rectificatif après pris en compte de la première moins-value »,

Un troisième bon de commande d'un montant de 7.361,70€ non daté (pièce n°33) portant la mention « 3ème bon de commande avec ajout des autres moins-values ».

Le litige porte sur une somme de 1.439,02€ correspondant à la facture n°201700078 émise par la société PVT le 29 novembre 2017 au titre « chantier [Localité 6] enduits ».

La société ART DECO fait valoir qu'elle a réglé au titre de ce poste de travaux une somme de 9.979,24€ HT correspondant aux premières factures d'acompte émises par la société PVT et que cette dernière ne justifie pas de la réalisation de l'intégralité des prestations prévues par le lot « enduits » ; que le recours à des entreprises tierces a été nécessaire pour terminer ou reprendre les travaux qui avaient été commandés, raison pour laquelle elle a émis des bons de commande rectificatifs pour imputer les moins-values à la SASU PVT.

La SASU PVT reproche à ART DECO de se prévaloir de la nécessité d'avoir fait intervenir des sociétés tierces dans le cadre de ce marché sans préciser les manquements qui en sont à l'origine et qu'elle doit en conséquence s'acquitter de cette facture.

Ainsi, le bon de commande initial envisageait la réalisation de travaux pour ce poste d'intervention à hauteur de 15.245,20€ HT, somme qui a par la suite été rectifiée en application de moins-value dont le bien fondé n'est en effet pas vérifiable. La société ART DECO justifie de ces moins-values par le fait que la société PVT n'a pas réalisé l'intégralité des prestations prévues et que des sociétés tierces ont dû en conséquence intervenir pour terminer ou reprendre les travaux réalisés.

Elle verse à ce titre en pièce n°34 des factures émises par la société TECHNI-JOINTS en août, septembre et octobre 2017 pour des prestations de fournitures et pose de bandes à joints sur placoplâtre.

En premier lieu, il convient de relever qu'aucun élément ne permet de dire que les prestations facturées par la société TECHNI-JOINTS concernent des tâches qui incombaient à la société PVT aux termes des bons de commande qui lui avaient été adressés. Si l'une de ces factures est admise comme motif de moins-value (facture n°138/17 du 31 août 2017 d'un montant de 3.930€), il n'est pas démontré que les autres factures émises par cette société correspondent à des travaux rendus nécessaires par une mauvaise exécution ou une inexécution des travaux réalisés par la société PVT.

Ensuite, la facture du 29 novembre 2017 concerne bien des prestations prévues par le bon de commande initial à l'exception du dernier poste « pose contre cloisons 1BA13 de 103,50€ ». Cette facture mentionne également l'application de la moins-value non contestée de 3.930€ (facture TECHNI-JOINTS).

La société ART DECO ne démontre pas que les prestations réalisées par la société PVT n'aient pas été exécutées dans une mesure dépassant l'intervention de la société TECHNI-JOINTS à hauteur de 3.930€. Les autres factures émises par TECHNI-JOINTS ne peuvent donc pas être imputées en tant que moins-values.

Il en résulte que la société PVT est fondée à réclamer le paiement de cette facture qui doit toutefois être déduite de la somme de 103,50€ non prévue par le bon de commande.

Il convient en conséquence de condamner la société ART DECO à payer à la société PVT la somme de 1.335,52€ au titre de la facture n°201700078 émise au titre des enduits.

Il y a donc lieu d'infirmer la décision contestée en ce qu'elle a considéré que la société ART DECO devait payer la somme de 1.439,02€ au titre de cette facture.

Sur le chantier « cloisons » :

La société ART DECO verse aux débats trois bons de commande relatifs à ce marché :

Le premier daté du 2 mai 2017 (pièce n°21) d'un montant total HT de 51.566,30€,

Le deuxième non daté d'un montant total de 40.344,88€ HT (pièce n°22) mentionnant par ajout manuscrit « après prise en compte des moins-values »,

Le troisième non daté d'un montant de 37.618,42€ HT (pièce n°23) mentionnant par ajout manuscrit « dernier bon avec dernières moins-values ».

Seul le deuxième devis comporte le cachet et la signature de la SAS PVT.

Selon la société ART DECO, ces différents bons de commande résultent de l'application des moins-values qui ont été imputables à la société PVT. Elle précise que les factures émises par PVT à hauteur de 35.984,66€ HT ont été payées pour ce poste de marché.

La société PVT a cependant émis le 8 novembre 2017 une facture supplémentaire n° 201700073 « chantier [Localité 6] » d'un montant de 18.660,84€ (pièce PVT n°7) relative à la pose de cloisons.

La société ART DECO conteste le bien fondé de cette facture qu'elle qualifie d'erronée en ce qu'elle mentionne un montant HT du marché de 54.645,80 alors qu'il est en réalité de 51.566,30€ selon le bon de commande initial (soit un écart de 3.079,50€) et qu'en outre, plusieurs des prestations mentionnées dans cette dernière facture n'ont pas été réalisées, cela à hauteur de 14.395,59€ HT et qu'elles ne sont pas ailleurs pas visées dans les bons de commande mentionnés ci-dessus (pièces n°21 à 23). Elle expose en outre que des erreurs de facturation ont été commises par la société PVT et que les prestations accomplies n'ont pas été réalisées dans les règles de l'art.

La SASU PVT confirme que cette dernière facture d'un montant de 18.660,34€ est restée impayée. Elle considère toutefois qu'elle est due et que la société ART DECO ne justifie pas des arguments qu'elle invoque pour appliquer des moins-values ou soutenir que des prestations n'auraient pas été réalisées ou mal réalisées.

Est donc en litige pour ce poste de marché cette facture d'un montant de 18.660,84€. Les autres factures liées au même marché « cloisons » ont bien été payées et s'élèvent à la somme totale de 35.984,96€. Il en ressort que le montant total de la facturation émise par la société SASU PVT au titre de ce poste de marché (35.984,96€ + 18.660,84€ = 54.645,80€) excède le montant initial des travaux tel qu'il était indiqué dans le bon de commande initial s'élevant à 51.566,30€.

Cette différence entre le montant de la facturation et celui prévu lors de la commande doit être analysée en l'absence de support contractuel précis à la relation des parties et compte tenu du fait que la facture de la société PVT d'un montant de 18.660,84€ mentionne des prestations réalisées qui n'apparaissent pas dans le bon de commande initial. Cette différence de présentation rend malaisée la distinction entre les prestations qui étaient prévues par le bon de commande et celles qui ont été effectivement accomplies.

La comparaison de la facture et des bons de commandes actualisés permet, comme le fait valoir la société ART DECO, de relever plusieurs incohérences et notamment, des facturations non concordantes (moins-value renfort triangle (+134,28€) et pose ROCKFEU en 140mm (-228,95€) ou bien des postes de facturation qui ne sont pas mentionnés dans le bon de commande. Ces ajouts et les moins-values reportés dans sa facture par la société SASU PVT donnent effectivement lieu à un excès de facturation de 14.395,59€ HT. En effet, la société SASU PVT n'est pas fondée à procéder à la facturation de travaux qui n'ont pas été demandés ou acceptés par la société ART DECO et elle ne démontre pas que ces prestations, dont les intitulés n'apparaissent pas dans le bon de commande, correspondent effectivement aux travaux qui ont été convenus.

A cette somme s'ajoute la différence qui concerne la moins-value renfort triangle (134.28€), soit un total de 14.529,87€. Il en résulte que la facture litigieuse ne peut être admise dans son montant qu'à hauteur de 4.130,97€ (18.660,84€ - 14.529,87€).

S'agissant des moins-values dont se prévaut la société ART DECO dans le dernier bon de commande actualisé, ils ne peuvent pas être pris en compte dans le calcul des sommes dues au titre de ce poste de chantier dès lors que les sommes retenues à ce titre ne sont pas vérifiables. Concernant les malfaçons alléguées par la société ART DECO, celles-ci sont évoquées dans des échanges de courriels intervenus entre Monsieur [P] [R] (société ART DECO) et Monsieur [E] [C] au cours des mois d'octobre et de novembre 2017. Toutefois, ces échanges ne suffisent pas à caractériser les malfaçons alléguées dans leur principe et leur portée, ni à définir les responsabilités éventuelles. De la même façon, les factures que la société ART DECO produit pour justifier du fait que des sociétés tierces ont dû intervenir sur ce même poste compte tenu des défaillances de la société SASU PVT, et les attestations des employés de ces sociétés tierces, insuffisamment circonstanciées, ne constituent pas des éléments suffisants pour objectiver les manquements de celle-ci dans l'accomplissement des prestations qui lui étaient confiées. Ces moyens ne seront donc pas retenus dans la détermination des sommes dues au titre du poste « cloisons ».

Ainsi, il convient d'infirmer le jugement du Tribunal de commerce de MARSEILLE en ce qu'il a considéré que la société ART DECO devait régler la facture n°201700073 à hauteur de 18.660,84€ et de dire que la somme à payer au titre de cette facture n'est que de 4.130,97€.

Sur le chantier faux-plafonds :

Ce poste de travaux est concerné par l'appel incident de la SASU PVT. Celle-ci reproche en effet à la décision contestée de ne pas avoir fait droit à ses demandes relatives au marché « faux plafonds » et « logements ». Elle soutient que la réalisation de ces travaux était pourtant convenue dans le devis du 19 juin 2017, que plusieurs factures ont été émises et payes à ce titre mais que la n°20170077 d'un montant de 5.625,67€ est restée impayée.

Elle reproche également à la société ART DECO de se prévaloir de moins-values qui ne sont pas justifiées et qui ont été décidées de façon unilatérale.

Elle verse aux débats le devis n°201700033 en date du 19 juin 2017 intitulé « chantier [Localité 6] faux plafond » relatif pour l'essentiel à des prestations de pose de faux plafond d'un montant total de 26.777€. Il n'est pas contesté que quatre factures d'un montant total de 21.151,34€ relatives à ce poste de marché ont été émises par PVT et payées par ART DECO. Cette dernière soutient en effet que le prix de ce marché a été ramené à 21.113€ par un bon de commande actualisé du 23 octobre 2017 et qu'elle ne doit plus aucune somme à ce titre.

Son ainsi versées aux débats :

Le bon de commande initial « lot faux plafond » daté du 2 mai 2017 faisant état d'un montant de 58.731,38€ HT (pièce n°36). Ce bon est produit en deux exemplaires dont un est porteur du cachet et de la signature de la SAS PVT.

Un bon de commande pour ce même lot qualifié de « rectifié », daté du 23 octobre 2017 et d'un montant de 21.113€ (pièce n°37) est également versé aux débats. Celui-ci accompagne un courriel indiquant qu'il annule et remplace le précédent d'un montant de 58.371,38€.

Un dernier bon de commande relatif à ce lot daté également du 23 octobre 2017 portant la mention manuscrite « dernier bon de commande avec moins-value » (pièce n°38). Il mentionne un total HT de 16.551€.

Ces différents éléments établissent donc l'existence d'une contradiction entre le bon de commande initial, le devis dont se prévaut la société ART DECO et les bon de commandes rectifiés émis postérieurement par la société ART DECO.

Toutefois, il convient de relever que le bon de commande rectifié portant le coût de travaux relatifs à ce lot à 21.113€ a fait l'objet d'un envoi par courriel qui n'a pas donné lieu contestation et qu'il comporte en outre le cachet et la signature de la société PVT.

Cet élément sera donc retenu pour fixer le montant des sommes dues au titre de ce lot du marché. Compte tenu des paiements non contestés qui sont intervenus, il convient en conséquence de débouter la société PVT de la demande présentée de ce chef.

Il convient donc de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a débouté la société PVT de ce chef de demande.

Sur le chantier logement :

La société PVT conclut également à l'infirmation de la décision attaquée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 6.500€ au titre de factures n°201700081 impayée pour la réalisation de travaux supplémentaires ; elle expose que la société ART DEO a reconnu être sa débitrice et qu'elle lui a notamment écrit dans un courriel du 14 décembre 2017 (pièce n°19) « si j'obtiens un peu d'argent, je suis d'accord pour te voir et en parler ».

La société PVT ne verse pas aux débats la facture n°201700081 dont elle se prévaut. S'agissant du courriel du 14 décembre 2017, il ne permet de retenir aucune reconnaissance de dette de la société ART DECO à son égard. Au contraire, il est mentionné dans ce courriel par Monsieur [D] [R] qui fait état des difficultés et des pertes d'argent survenues sur ce chantier « j'ai tout de même payé toutes tes factures afin d'honorer nos engagements sans te retenir la moindre somme ».

C'est donc à juste titre que la société ART DECO conclut à la confirmation du jugement contesté en ce qu'il a rejeté cette prétention.

Sur la demande présentée au titre du solde de tout compte :

La société ART DECO considère qu'elle est fondée à solliciter la condamnation de la SAS PVT au titre d'un solde de tout compte à réaliser entre elles. Elle expose que sa demande est justifiée par les bons de commande qu'elle a émis pour chaque marché, par les factures des entreprises tierces qui sont intervenus pour reprendre ou achever les travaux qui relevaient des prestations dues par la SAS PVT, ainsi que par les récapitulatifs dressés pour chaque marché. Elle excipe de l'existence d'un trop payé de 5.579,48€.

Cependant, il résulte des solutions adoptées ci-dessus que la société ART DECO ne peut pas prétendre à l'établissement d'un tel solde de tout compte. En effet, il y a lieu de rappeler que les bons de commande qu'elle a émis intègrent des moins-values qui ne sont pas justifiées par les éléments produits. Elle ne justifie pas davantage du fait que l'ensemble des prestations accomplies par des sociétés tierces soit imputable à des défaillances de la SAS PVT.

En l'état des imprécisions qui affectent tant la base contractuelle de la relation entre ces deux sociétés que les factures et bon de commandes qui ont été successivement émis par chacune d'elle en comportant des inexactitudes et des postes non justifiés, les pièces dont se prévaut la société ART DECO au titre de cette demande ne permettent pas l'établissement d'un solde de tout compte ni de justifier l'existence d'une créance à ce titre.

Il convient en conséquence de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a débouté la société ART DECO de cette demande.

***

Ainsi, au terme des éléments ci-dessus, la société ART DECO doit être condamnée à payer à la société PVT la somme de 5.466,49€ (1.335,52€ + 4.130,97€) au titre du montant des factures restées impayées sur les chantiers « cloisons » et « enduits », somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 février 2018, date de la mise en demeure de paiement délivrée à la société ART DECO.

Le jugement du Tribunal de commerce de MARSEILLE sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société ART DECO au paiement de la somme de 20.099,86€ au titre de ces mêmes factures. Il sera confirmé pour le surplus.

Sur les demandes annexes :

Au vu de la solution du litige, il convient de condamner la SASU PVT à payer à la SAS ART DECO la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SASU PVT Sera en outre condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du Tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 8 août 2019, sauf en ce qu'il a condamné la Société ART DECO S.A.S. à payer à la Société PVT S.A.S.U. la somme de 20 099,86 € au titre du montant des factures restées impayées sur les chantiers «cloisons » et enduits, avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2018, date de réception de la mise en demeure ;

Statuant à nouveau,

Condamne la Société ART DECO S.A.S. à payer à la Société PVT S.A.S.U. la somme de 5.466,49€ au titre du montant des factures restées impayées sur les chantiers « cloisons » et enduits, avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2018, date de réception de la mise en demeure ;

Y ajoutant,

Condamne la Société PVT S.A.S.U. à payer à la Société ART DECO S.A.S. la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la Société PVT S.A.S.U. aux dépens de l'instance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et M. Achille TAMPREAU, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/15673
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;19.15673 ?
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