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06/06/2024 | FRANCE | N°19/15608

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 06 juin 2024, 19/15608


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024



N° 2024/









Rôle N° RG 19/15608 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7VU







EURL [V] [C] ARCHITECTE





C/



SAS FIAT LUX



























Copie exécutoire délivrée



le :



à :





Me Serge LEDER





Me Delphine DURANCEAU <

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 26 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2019F00015.





APPELANTE



EURL [V] [C] ARCHITECTE, demeurant [Adresse 3] / FRANCE



représentée par Me Serge LEDER de la SCP LEDER-FERNANDEZ, avocat au ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/15608 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7VU

EURL [V] [C] ARCHITECTE

C/

SAS FIAT LUX

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Serge LEDER

Me Delphine DURANCEAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 26 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2019F00015.

APPELANTE

EURL [V] [C] ARCHITECTE, demeurant [Adresse 3] / FRANCE

représentée par Me Serge LEDER de la SCP LEDER-FERNANDEZ, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SAS FIAT LUX

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Delphine DURANCEAU de la SELARL DURANCEAU PARTENAIRES & ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Fanny DUCHESNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MÖLLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [V] [C], architecte exerçant au sein de l'EURL [V] [C] ' ARCHITECTE a conclu avec la SAS FIAT LUX un contrat en date du 3 janvier 2017 en vue de la rénovation et de l'extension d'un immeuble situé à [Adresse 5] et [Adresse 2]. Un avenant au contrat est intervenu le 21 juillet 2017. Une surélévation de l'immeuble était notamment envisagée dans le cadre de ce projet ; celui-ci n'ayant pas pu être réalisé, la SAS FIAT LUX a souhaité mettre fin à la mission de l'architecte.

Un protocole transactionnel a ainsi été conclu entre les parties le 20 juillet 2018, celui-ci mettant un terme à la mission de l'EURL [C].

En l'état d'un désaccord sur l'exécution de ce protocole, par acte d'huissier en date du 28 décembre 2018, l'EURL [V] [C] a donné assignation à la SAS FIAT LUX devant le Tribunal de commerce de NICE en vue notamment de voir dire que le protocole d'accord conclu le 20 juillet 2018 était devenu caduc, de dire que le contrat initial et son avenant ont été résiliés de façon unilatérale par la SAS FIAT LUX et d'obtenir la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 53.760,26€ correspondant au solde de sa facture en date du 5 mai 2018.

Par jugement en date du 26 septembre 2019, le Tribunal de commerce de NICE :

Constate que le protocole d'accord a été entièrement exécuté,

Déboute l'EURL [V] [C] ' ARCHITECTE de l'intégralité de ses demandes.

Condamne l'EURL [V] [C] ' ARCHITECTE à payer à la SAS FIAT LUX la somme de 1.500€ (mille cinq cents euros), au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner l'EURL [V] [C] ' ARCHITECTE aux entiers dépens.

Liquide les dépens à la somme de 63,36€ (soixante trois euros et trente six centimes).

Par déclaration en date du 9 octobre 2019, l'EURL [V] [C] ARCHITECTE a formé appel à l'encontre de la SAS FIAT LUX en ce qu'il a :

Constaté que le protocole d'accord a été entièrement exécuté

Débouté l'EURL [V] [C]-ARCHITECTE de l'intégralité de ses demandes à savoir : « CONSTATER, DIRE ET JUGER qu'en raison de son inexécution le protocole d'accord transactionnel conclu le 20 juillet 2018 est devenu caduque. CONSTATER, DIRE ET JUGER que le contrat conclu le 3 janvier 2017 ainsi que son avenant ont été résilié de manière unilatérale par la société FIAT LUX. CONDAMNER la SAS FIAT LUX à payer à l'EURL [C] la somme de 53.790,26 € (71.790,26 € TTC ' 18.000 € TTC). CONDAMNER la SAS FIAT LUX à payer à l'EURL [C] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens. »

Condamné l'EURL [V] [C]-ARCHITECTE à payer à la SAS FIAT LUX la somme de 1.500 € (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné l'EURL [V] [C]-ARCHITECTE aux entiers dépens

Liquidé les dépens à la somme de 63.36 € (soixante trois euros et trente six centimes)

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions notifiées le 6 décembre 2019, l'EURL [V] [C] demande à la Cour de :

Vu les articles 1193 et 1194 du code civil,

Vu l'article 1217 du Code civil,

Vu le contrat d'architecte conclu le 3 janvier 2017,

Vu les pièces versées aux débats,

RECEVOIR l'EURL [V] [C] ARCHITECTE en son appel et l'y déclarer bien fondé,

REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de NICE le 26 septembre 2019 en ce qu'il a :

Constaté que le protocole d'accord a été entièrement exécuté

Débouté l'EURL [V] [C]-ARCHITECTE de l'intégralité de ses demandes à savoir : « CONSTATER, DIRE ET JUGER qu'en raison de son inexécution le protocole d'accord transactionnel conclu le 20 juillet 2018 est devenu caduque. CONSTATER, DIRE ET JUGER que le contrat conclu le 3 janvier 2017 ainsi que son avenant ont été résilié de manière unilatérale par la société FIAT LUX. CONDAMNER la SAS FIAT LUX à payer à l'EURL [C] la somme de 53.790,26 € (71.790,26 € TTC ' 18.000 € TTC). CONDAMNER la SAS FIAT LUX à payer à l'EURL [C] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens. »

Condamné l'EURL [V] [C]-ARCHITECTE à payer à la SAS FIAT LUX la somme de 1.500 € (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné l'EURL [V] [C]-ARCHITECTE aux entiers dépens

Liquidé les dépens à la somme de 63.36 € (soixante trois euros et trente six centimes).

STATUANT A NOUVEAU :

CONSTATER, DIRE ET JUGER qu'en raison de son inexécution le protocole d'accord transactionnel conclu le 20 juillet 2018 est devenu caduque,

CONSTATER, DIRE ET JUGER que le contrat conclu le 3 janvier 2017 ainsi que son avenant ont été résilié de manière unilatérale par la société FIAT LUX,

CONDAMNER la SAS FIAT LUX à payer à l'EURL [V] [C] ARCHITECTE la somme de de 53.790,26 € (71.790,26 € TTC ' 18.000 € TTC) à titre de dommages et intérêts en raison de son inexécution,

CONDAMNER LA SAS FIAT LUX à payer à l'EURL [V] [C] ARCHITECTE la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens distraits au profit de Maître Serge LEDER, Avocat au Barreau de NICE sous sa due affirmation de droit.

Par ses dernières conclusions notifiées le 18 juillet 2022 l'EURL [V] [C] maintient ses prétentions initiales en modifiant sur les points suivants :

DEBOUTER la SA FIAT LUX de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER LA SAS FIAT LUX à payer à l'EURL [V] [C] ARCHITECTE la somme de 5.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens distraits au profit de la SCP LEDER-FERNANDEZ représentée par Maître Serge LEDER, Avocat au Barreau de NICE sous sa due affirmation de droit.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que dans le cadre de l'exécution du protocole, la société FIAT LUX a manqué à son obligation de solliciter auprès du service de l'urbanisme de la ville de [Localité 4] le retrait de la déclaration préalable de travaux déposée dans le cadre de l'opération, et d'envoyer à l'architecte une copie du courrier aux services de l'urbanisme et une attestation aux termes de laquelle elle s'engageait à n'utiliser aucune étude (pièces écrites et graphiques) élaborées par l'EURL [C], et également de déclarer qu'aucun dédits documents ne sera suivi d'une quelconque exécution.

Elle reproche donc à la société FIAT LUX de ne pas avoir exécuté son obligation dans le délai imparti et d'avoir utilisé les plans et études en question en les remettant à la nouvelle société d'architecte en charge de son projet ; que ces éléments ont donc été utilisé sans son autorisation, situation qui lui a été dissimulée en vue de procéder à la signature du protocole transactionnel. Ces plans ayant été utilisés, elle considère donc que le protocole transactionnel doit faire l'objet d'une résolution. Elle s'oppose au moyen de la société FIAT LUX selon lequel ce protocole contenait des obligations divisibles et considère que celle-ci ne saurait se prévaloir de dispositions du protocole dont elle n'a pas respecté les conditions.

Elle fait valoir que son préjudice correspond à la valeur de la prestation accomplie et aux honoraires qu'elle n'a pas perçus.

La SAS FIAT LUX, par conclusions notifiées le 7 avril 2021 demande à la Cour de :

Vu l'article 1103 du Code civil,

Vu l'article 1186 du Code civil,

Vu les pièces,

Dire et juger mal fondé l'appel interjeté par la société [V] [C] ARCHITECTE à l'encontre du jugement rendu le 26 septembre 2019 par le Tribunal de commerce de Nice.

En conséquence,

Le rejeter et confirmer la décision de première instance en ce que celle-ci a constaté que le protocole d'accord a été entièrement exécuté, débouté la société [V] [C] ARCHITECTE de l'intégralité de ses demandes et condamné la même au paiement d'une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

Y ajoutant,

Condamner la société [V] [C] ARCHITECTE à payer à la société FIAT LUX la somme de 5.000 euros pour procédure abusive.

Condamner la société [V] [C] ARCHITECTE à payer à la société FIAT LUX la somme supplémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens d'appel distraits au profit de la SELARL DURANCEAU PARTNEAIRES ET ASSOCIES, avocats sur offre de droit.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que le protocole conclu avec la société d'architecte a été entièrement exécuté et que ce dernier ne contenait aucune clause prévoyant une éventuelle caducité en cas d'inexécution dans un certain délai ; elle souligne le fait qu'elle a satisfait à toutes les conditions exigées par ce protocole.

S'agissant des allégation de l'appelant selon lesquelles elle aurait utilisé les plans et études dans la poursuite du projet, elle expose que ces prétentions sont sans fondement ; que la nouvelle société d'architecte a bien réalisé un travail propre fondé sur de nouvelles études et que les ressemblances troublantes invoquées par la société [C] résultent de ce que le projet concernait des travaux sur un immeuble existant datant du 19ème siècle dont les caractéristiques architecturales ont été maintenues. Elle soutient que si les plans de la société [C] ont été utilisés pour vendre le projet avant la signature du protocole transactionnel du 20 juillet 2018, ils n'ont pas été utilisé postérieurement à la signature de celui-ci. Elle insiste sur le fait que l'intervention de la société d'architecte ATELIER DU PORT a bien donné lieu à un projet différent de celui qui avait été produit par la société [C].

A titre subsidiaire, elle fait valoir que le manque à gagner ou le préjudice invoqué par la société [V] [C] n'est pas démontré, notamment en ce que la société [V] [C] a bien été payée à hauteur des prestations qu'elle a effectuées. Elle conclut enfin au caractère abusif de l'appel interjeté par la société [V] [C] et considère que cet abus doit être sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts.

L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 11 mars 2024 et appelée en dernier lieu à l'audience du 3 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale :

Sur l'exécution du protocole :

En application des dispositions de l'article 1217 du Code civil :

« La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

obtenir [ancienne rédaction: solliciter]» une réduction du prix ;

provoquer la résolution du contrat ;

demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter ».

Selon l'article 1228 du même Code :

« Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts ».

Il convient en premier lieu d'examiner le délai d'exécution de ce protocole puis, en second lieu, la question de l'utilisation des plans.

Sur le délai d'exécution :

Les parties se sont initialement liées par un contrat d'architecte pour travaux sur existants en date du 3 janvier 2017. Ce contrat portait sur la rénovation et l'extension d'un immeuble d'habitations sur commerces à partir d'une enveloppe financière d'un montant de 4.800.000€ TTC et un montant prévisionnel des honoraires de l'architecte de 400.800€. Ce projet ne s'est pas concrétisé, Monsieur [C] ayant contesté le caractère convenu de la rupture du contrat par courrier adressé à la société FIAT LUX le 24 avril 2018.

Dans ces circonstances un protocole transactionnel a été conclu entre l'EURL [C] et la société FIAT LUX le 20 juillet 2018. Il prévoyait notamment la reconnaissance par les parties de ce que le contrat initial était définitivement résilié et le versement à l'EURL [C] d'une somme forfaitaire de 18.000€ pour solde de tout compte à verser dans les huit jours à compter de la réception de la note d'honoraires. Ce protocole prévoyait en outre que :

« Dans le même délai, le maître d'ouvrage adressera :

aux services de l'urbanisme de la Ville de [Localité 4] un courrier sollicitant le retrait de la déclaration préalable de travaux déposée dans le cadre de l'opération citée en objet ;

à l'architecte une copie du courrier aux services de l'urbanisme susmentionné ainsi qu'une attestation au terme de laquelle il s'engage à n'utiliser aucune des études (pièces écrites ou graphiques) élaborées par l'architecte et déclare qu'aucun desdits documents ne sera suivi d'une quelconque exécution ».

Par courriels en date du 18 septembre et du 28 septembre 2018, Monsieur [C] a sollicité auprès de sa contractante la copie de la demande de retrait de la déclaration préalable et l'attestation confirmant qu'aucune des pièces écrites et graphiques ne sera utilisée.

Par courriel en date du 28 septembre 2018, il a été répondu :

« Pour l'engagement de ne pas utiliser vos plans pas de souci.

Pour le retrait de la dp, la décision appartient à la copropriété qui en est titulaire. Nous le mettons à l'ordre du jour de la prochaine ag du 27 novembre ».

L'EURL [C] reproche donc à la société FIAT LUX une inexécution de ce protocole en ce que la société FIAT LUX, si elle a procédé au paiement de la somme convenue, n'aurait pas satisfait à la seconde obligation qui s'imposait à elle. Elle considère que l'argument de cette société selon lequel c'était à la copropriété de prendre la décision de retrait de la déclaration préalable est inopérant et que la demande de retrait n'est intervenue que le 19 février 2019 ; que les obligations prévues par le protocole n'ont donc pas été exécutées dans les délais impartis.

En réponse la société FIAT LUX fait valoir qu'elle a effectivement versé la somme de 18.000€ dans les conditions prévues par le protocole ; que ce dernier a en tout état de cause été entièrement exécuté le 28 février 2019. Elle se prévaut du fait que ce protocole ne contient pas de clause de caducité ou résolutoire entrainant sa mise à néant en cas de non-respect d'un délai. S'agissant du retrait de la déclaration préalable, elle précise que cette demande relevait de la compétence du Syndicat des copropriétaires et qu'il a fallu attendre la tenue de l'assemblée générale des copropriétaires du 27 novembre 2018 ; elle considère que cette obligation a été exécutée dans un délai raisonnable et qu'il n'y a donc pas de raison sérieuse de faire droit à la demande de résolution du protocole.

Au vu des pièces produites, il est établi que Monsieur [C] a adressé la note d'honoraires prévue au protocole par courriel du 23 juillet 2018.

Le 25 juillet 2018, la société FIAT LUX a indiqué que le règlement avait bien été fait.

En l'état de ces éléments il est donc acquis que les termes du protocole ont bien été exécutés par la société FIAT LUX dans les délais convenus s'agissant du paiement de la somme d'argent, et de l'engagement de ne pas utiliser les plans (engagement formalisé dans le courriel du 28 septembre 2018).

S'agissant de la communication des éléments relatifs à la demande de retrait de la déclaration préalable, la société FIAT LUX verse aux débats :

Une copie du courrier en date du 6 février 2019 de la société IMMAGENCE intervenant au nom du Syndicat des copropriétaire MARCEAU/MALAUSSENA sollicitant auprès de la Ville de [Localité 4] le retrait de la déclaration préalable DP 06088 17S0066 déposée le 18 janvier 2017,

Un courrier en date du 7 février 2019 adressé à Monsieur [C] portant cette demande à sa connaissance et confirmant que les études réalisées par ses soins n'avaient pas été utilisées,

Une copie de l'arrêté d'annulation de la déclaration préalable pris par la Ville de [Localité 4] le 28 février 2019.

Au vu de ces éléments, s'il est constant que ce dernier point relatif à la demande de retrait de la déclaration préalable auprès de la Ville de [Localité 4] n'a pas été exécuté dans les 8 jours suivant la réception de la note d'honoraires, il n'est pas contestable que les diligences nécessaires en vue de la réalisation de cette obligation, sous la contrainte particulière d'avoir dû faire présenter la demande par le Syndicat des copropriétaires, ont été accomplies par la société FIAT LUX. De surcroît, au terme de ces diligences, l'ensemble des obligations prévues par le protocole était réalisé au 28 février 2019, délai qui doit être considéré comme raisonnable compte tenu de la nature des prestations à accomplir et de la nécessité d'avoir dû composer avec les contraintes rappelées ci-dessus.

En conséquence, il n'y a pas lieu de considérer que le protocole litigieux doive faire l'objet d'une résolution ou d'une caducité.

Sur l'utilisation des plans :

En second lieu, l'EURL [C] soutient donc que les plans qu'elle avait établis dans le cadre du contrat conclu avec la société FIAT LUX ont été utilisés malgré l'interdiction prévue par le protocole, cela en les remettant à la société l'ATELIER DU PORT qui a poursuivi le projet, allégation confirmée, selon elle, par la ressemblance entre ses plans et ceux utilisés par la société l'ATELIER DU PORT qui a pris sa suite. Elle se prévaut des similitudes suivantes :

Réhausse de l'immeuble d'un niveau (R+4) et de combles habitables,

Même nombre de fenêtres sur les deux projets, chien d'assis en toiture de même taille et emplacement,

Aspect général similaire,

Similarités en plan par la même répartition des logements et distribution intérieure des logements.

A l'appui de cet argument, l'EURL [C] verse aux débats les plans qu'elle a établis dans le cadre de la préparation du projet et ceux établis par Monsieur [S], Architecte ayant repris ce projet.

La société FIAT LUX oppose que le projet consistant en une réalisation sur existant, il impliquait des contraintes architecturales incontournables et donc de nécessaires similitudes entre les projets. Elle considère que la société ATELIER DU PORT a produit un travail important et qu'elle est précisément intervenue en raison de l'impossibilité de voir aboutir le projet proposé par l'EURL [C]. Elle verse aux débats le contrat conclu avec la société l'ATELIER DU PORT le 2 octobre 2018, les plans réalisés par cette dernière et le permis de construire délivré par la Mairie de [Localité 4]. 

Au vu des pièces produites (notamment des différents plans réalisés par les architectes et de la photo de l'immeuble avant travaux versée aux débats par l'intimée), il apparaît que les deux projets mis en plans par l'EURL [C] et la société ATELIER DU PORT portaient en effet sur le même existant et impliquaient nécessairement une reprise des codes architecturaux de l'immeuble ainsi qu'une extension par élévation avec alignement sur l'immeuble mitoyen dans des limites imposées par les contraintes d'urbanisme. Les plans de façade produits comportent ainsi de nécessaires similarités quant aux caractéristiques apparentes de cette surélévation sans qu'il puisse s'en déduire que les plans initiaux établis par l'EURL [C] ont été utilisés par la société qui a repris le projet. En effet, l'étage supplémentaire présente dans les deux cas une apparence conforme à la partie existante de sorte qu'il n'est pas démontré que les plans de l'ATELIER DU PORT soient issus de ceux de l'EURL [C]. De surcroît, la société FIAT LUX relève à juste titre l'existence de différences apparentes s'agissant de la forme des fenêtres, de la disposition de lucarnes ou des balcons.

Concernant l'organisation de l'espace interne, la société FIAT LUX indique que des ventes des appartements à rénover ont effectivement eu lieu sur la base des plans qui avaient été réalisés par l'EURL [C], mais uniquement avant le 20 juillet 2018, date de signature du protocole transactionnel, situation dont l'architecte était, selon elle, informé ; qu'en revanche, suite à la signature du protocole, les dispositions de ce dernier ont été respectées et aucune mesure d'exécution n'a été prise par référence aux plans de l'EURL [C] ; elle précise également que cette disposition des appartements avait été fixée avant même l'intervention de Monsieur [C], lors de l'établissement de l'état descriptif de division et de la vente des premiers lots. Elle verse notamment aux débats les attestations de vente de différents lots reçus par acte notariés au mois de décembre 2016 et aux mois de septembre et décembre 2017.

La comparaison entre les différents plans ne permet pas de caractériser une utilisation de ceux réalisés par l'EURL [C] postérieurement au protocole. En effet, les dispositions des lieux présentent également sur ce point des ressemblances compte tenu des contraintes inhérentes à l'organisation d'origine de l'espace, s'agissant de travaux sur existants. Mais des variations considérables apparaissent en plusieurs lots et cela aux différents étages dans l'affectation des espaces (notamment B13, B14, B11, B21, B24, A33, A32, B34). Il en ressort une non-correspondance entre ces deux séries de plan qui ne permet pas à l'EURL [C] de justifier de l'utilisation alléguée de son propre travail.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du Tribunal de commerce de Nice en ce qu'elle a considéré que le protocole avait été entièrement exécuté.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

La société FIAT LUX soutient que l'appel interjeté par l'EURL [C] présente un caractère abusif compte tenu du caractère totalement infondé de l'argumentation développée par l'appelant.

Cependant, il n'apparaît pas que le recours à une procédure judiciaire en vue de voir apprécier les conditions d'exécution du protocole litigieux et les éventuels manquements qui pouvaient le cas échéant être considérés comme de nature à entraîner sa résolution, notamment au vu de la prestation relative au retrait de la déclaration préalable, puisse présenter un caractère fautif. L'argumentation développée à l'appui de la procédure d'appel ne caractérise pas une malice, une intention de nuire ou une légèreté blâmable susceptible d'engager la responsabilité de l'EURL [C].

Il convient en conséquence de rejeter ce chef de demande.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner l'EURL [C] à payer à la société FIAT LUX la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'EURL [C] sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de NICE en date du 26 septembre 2019 ;

Y ajoutant,

Condamne l'EURL [V] [C] à payer à la SAS FIAT LUX la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne l'EURL [V] [C] aux entiers dépens de l'instance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et M. Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/15608
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;19.15608 ?
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