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04/06/2024 | FRANCE | N°22/14974

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 04 juin 2024, 22/14974


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUIN 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/14974 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJP6







S.A. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SASU [4]





C/



URSSAF RHONE ALPES































Copie exécutoire délivrée

le : 04/06/2024

à :



- Me Olivier LANTRES,

avocat au barreau de PARIS



- URSSAF RHONE ALPES

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 07 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 16/04253.







APPELANTE



S.A. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SASU [4], deme...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUIN 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/14974 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJP6

S.A. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SASU [4]

C/

URSSAF RHONE ALPES

Copie exécutoire délivrée

le : 04/06/2024

à :

- Me Olivier LANTRES, avocat au barreau de PARIS

- URSSAF RHONE ALPES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 07 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 16/04253.

APPELANTE

S.A. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SASU [4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivier LANTRES, avocat au barreau de PARIS

ayant également pour avocat Maître Bertrand De Haut de Sigy, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

URSSAF RHONE ALPES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Mme [V] [B] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société [4], aux droits de laquelle vient la société [5], a fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF Rhône Alpes, portant sur des contributions visées aux articles L 138-1 à L 138-9, L 245-1, L 245-5-1, L 245-5-2 et L 245-6 du code de la sécurité sociale, pour la période du 1er janvier 2012 au 1er juin 2015,qui a abouti à l'envoi d'une lettre d'observations du 8 octobre 2015 et un redressement d'un montant de 478 071 euros, au titre de la contribution sur promotion des dispositifs médicaux-assiette.

Après échange entre la société et l'URSSAF, cette dernière a maintenu le redressement pour son entier montant.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 21 décembre 2015, l'URSSAF a mis la société en demeure de payer la somme de 478 071 euros.

La société a saisi la commission de recours amiable, laquelle a, le 27 mai 2016, rejeté le recours.

Le 3 mai 2016 , la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône de sa contestation de la mise en demeure.

Par 'jugement' contradictoire du 23 mars 2022, le pôle social a 'par mesure d'administration judiciaire':

- rejeté les deux exceptions de procédure tenant à l'irrégularité des opérations de contrôle pour défaut d'audition des salariés et à l'irrégularité de la mise en demeure pour défaut de motivation,

- dit que l'activité exercée sur la période écoulée du 1er janvier 2012 au 1er juin 2015 par la société relevant notamment de prestations de promotion auprès de professionnels de santé prescripteurs, entre dans le champ d'intervention de la contribution prévue à l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale,

- avant dire droit sur l'assiette et le quantum de la contribution, ordonné une reprise des débats à l'audience du 21 juin 2022 afin de recueillir de la part de la société et de l'URSSAF toutes précisions utiles permettant essentiellement d'approcher la part de l'activité de promotion auprès des professionnels de santé prescripteurs de la part des salariés de la personne morale requérante, sur la période concernée,

- réservé les dépens,

- rappelé que cette mesure d'administration judiciaire, exécutoire dès sa notification, est insusceptible de voie de recours.

Puis, par jugement contradictoire du 7 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a, au visa du 'jugement définitif du 23 mars 2022 confirmant que l'activité exercée par [la société] du 1er janvier 2012 au 1er juin 2015 entrait dans le champ d'intervention de la contribution prévue à l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale':

- confirmé l'ensemble des redressements au titre de ladite contribution sur la période considérée,

- rejeté l'ensemble des demandes de la société,

- condamné celle-ci aux dépens et à verser à l'URSSAF la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a, en effet, considéré que :

- le jugement définitif du 23 mars 2022 a mentionné que l'activité de la société entrait dans le champ d'intervention de la contribution ;

- s'agissant de l'assiette de la contribution, il appartient à la société de rapporter la preuve de la répartition des temps d'activité de ses salariés, notamment en l'espèce, lze temps utile consacré à la promotion du matériel médical ;

- la société échoue à apporter cette preuve s'agissant des délégués régionaux, des responsables développement de zone, des responsables d'agence et des délégués techniques ;

- s'agissant de l'application d'un abattement de 4 % sur l'assiette de la contribution au titre de la matériovigilance, au regard d'une jurisprudence de la Cour de cassation du 30 novembre 2017, la société n'apporte pas les éléments permettant de quantifier en temps de travail des salariés du respect de cette obligation.

Par déclaration électronique du 10 novembre 2022, la SAS [4], aux droits de laquelle vient la société [5], a relevé appel du jugement du 7 octobre 2022.

Par déclaration électronique du 4 décembre 2023, la société [5] a relevé appel du jugement du 23 mars 2022.

Les deux instances ont été jointes.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées à la partie adverse, développées au cours de l'audience auxquelles elle s'est expressément référée pour le surplus, la société [5] demande à la cour de :

- la déclarer recevable en ses deux appels,

- d'infirmer les jugements entrepris et, statuant à nouveau, de :

* à titre principal, infirmer les jugements en ce qu'ils ont retenu qu'elle était assujettie à la contribution,

- annuler la mise en demeure du 16 décembre 2015 et la décision de la commission de recours amiable du 27 mai 2016,

- la décharger de la somme de 524 236 euros et de toutes autres condamnations complémentaires d'un montant de 76 760 euros,

- condamner l'URSSAF à lui rembourser ces sommes ;

* à titre subsidiaire, infirmer les jugements en ce qu'ils ont retenu que la mise en demeure et la procédure de contrôle étaient régulières,

- déclarer la mise en demeure et la procédure de contrôle irrégulières,

- annuler la mise en demeure du 16 décembre 2015 et la décision de la commission de recours amiable du 27 mai 2016,

- la décharger de la somme de 524 236 euros et de toutes autres condamnations complémentaires d'un montant de 76 760 euros,

- condamner l'URSSAF à lui rembourser ces sommes ;

* à titre plus subsidiaire, infirmer les jugements en ce qu'ils l'ont déboutée de ses demandes relatives au quantum de la contribution,

- condamner l'URSSAF à un nouveau chiffrage,

- condamner l'URSSAF à lui rembourser les sommes versées,

- débouter l'URSSAF de ses demandes ;

* en tout état de cause,

- débouter l'URSSAF de ses autres demandes,

- condamner l'URSSAF aux dépens et à lui payer la somme de 15 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions principales, l'appelante fait valoir que :

- le premier jugement a été improprement qualifié de mesure d'administration judiciaire de sorte que le délai pour en relever appel n'a pas commencé à courir; ainsi, son appel formé contre ce jugement est recevable ;

- elle n'est pas assujettie à la contribution car les prestations qu'elle effectue n'entrent pas dans le champ d'application posé à l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale ;

- elle n'a pas l'activité d'un distributeur de dispositifs médicaux puisqu'elle ne stocke pas de dispositifs médicaux au sens de l'article R 5211-4 du code de la santé publique, ne procède pas à la distribution de dispositifs médicaux mais exerce une activité d'assistance médico-technique à domicile et qu'elle met des produits à disposition du public uniquement; son activité est celle d'un exploitant de dispositifs médicaux non soumise à la contribution ;

- les prestataires de services de santé à domicile ne sont pas formellement énumérés dans l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale ;

Au soutien de ses prétentions subsidiaires, elle expose que :

- le défaut de diligences de l'URSSAF lors du contrôle entache les opérations de contrôle d'une irrégularité ; ses salariés n'ont pas été entendus sur leurs missions ;

- la mise en demeure est irrégulière car elle n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision de la commission de recours amiable doit être annulée ;

- au regard des dispositions de l'article L 245-5-2 du code de la sécurité sociale, de l'arrêté du 4 mars 2022 concernant la Charte de la promotion des dispositifs médicaux et de la jurisprudence applicable, seules sont prises en compte les rémunérations afférentes à la promotion pour déterminer l'assiette de la contribution s'agissant des délégués régionaux de santé, des responsables développement zone, des responsables d'agence ou des délégués techniques; de même les frais de transport, repas et hébergement des salariés sont à inclure dans l'assiette de la contribution à proportion de la part d'activité de presentation ou promotion des dispositifs médicaux; il y a lieu d'appliquer un abattement pour l'activité de matériovigilance.

- cette contribution constitue un impôt excessif.

Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées à la partie adverse, développées au cours de l'audience et auxquelles elle s'est expressément référée pour le surplus, l'URSSAF Rhône-Alpes demande à la cour de :

- déclarer l'appel formé contre le jugement du 23 mars 2022 irrecevable,

- confirmer le jugement du 7 octobre 2022 en toutes ses dispositions,

- de condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle sollicite de la cour la confirmation des deux jugements et la condamnation de la société à lui verser la somme de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée réplique que :

- le jugement du 23 mars 2022 a été notifié à la société le 28 mars 2022 et l'appel date du 4 décembre 2023; cet appel est donc tardif ;

- la société est assujettie à la contribution puisqu'elle fournit des dispositifs médicaux à des patients, agissant ainsi en qualité de distributeur; distribuant exclusivement des produits et prestations mentionnés au titre 1er de la liste prévue à l'article L 165-1 du code de la sécurité sociale, aucun ratio ne peut être appliqué; la société n'est pas qu'un prestataire de service de soin mais agit comme un fournisseur de matériels visés au titre 1er afférent aux dispositifs médicaux de la liste précitée; la cour de cassation a ainsi jugé ;

- la procédure de contrôle a été régulière, l'audition des salariés n'étant qu'une faculté donnée aux inspecteurs du recouvrement et la mise en demeure comporte l'ensemble des mentions requises et est en concordance avec la lettre d'observations; la décision de la commission de recours amiable est légale ;

- sur l'assiette de la contribution, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la répartition des temps d'activité et, à défaut, les inspecteurs du recouvrement sont fondés à intégrer l'ensemble des rémunérations et frais dans l'assiette de la contribution; ainsi l'employeur doit justifier du temps consacré à l'activité de promotion envers des non-prescripteurs ; or, la société ne produit aucune pièce justificative suffisante s'agissant de l'ensemble des salariés concernés ;

- la Cour de cassation n'a pas institué un abattement forfaitaire au titre de l'activité de matériovigilance ;

- l'impôt que constitue la contribution n'est pas excessif ;

MOTIVATION

1- Sur la recevabilité de l'appel formé à l'encontre du jugement du 23 mars 2022 :

Aux termes de l'article 536 du code de procédure civile, la qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer le recours.

Selon les dispositions de l'article 537 du même code, les mesures d'administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours.

Une mesure d'administration judiciaire est une décision de gestion administrative prise par un chef de juridiction ou tout magistrat lorsque la mesure prescrite se rapporte à une procédure dont il se trouve saisit.

La décision du 23 mars 2022 a été intitulée 'jugement' mais qualifiée par les juges de 'mesure d'administration judiciaire' et il y a été spécifiquement rappelé qu'elle était insusceptible de recours.

Or, le dispositif de cette décision est ainsi rédigé :

- 'rejette les deux exceptions de procédure tenant à l'irrégularité des opérations de contrôle pour défaut d'audition des salariés et à l'irrégularité de la mise en demeure défaut de motivation ;

- dit que l'activité exercée (...) relevant notamment de prestations de promotion auprès de professionnels de santé prescripteurs entre dans le champ d'intervention de la contribution prévue à l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale (...)'

Au regard de la teneur de ces dispositions qui statuent sur une partie du litige, la décision n'est pas une mesure d'administration judiciaire mais un jugement.

Dès lors, la décision ainsi rendue est susceptible de recours.

Cependant, si le délai de recours ne court pas lorsque le jugement entrepris comporte une mention erronée sur sa qualification, c'est à la condition que l'acte de notification de ce jugement n'ait pas indiqué la voie de recours qui était effectivement ouverte.

En l'espèce, le greffe a, le 28 mars 2022, notifié la décision du 23 mars 2022 (en visant d'ailleurs par erreur une décision du 21 juin 2022) à la SAS [4], en précisant que 'cette décision n'est pas susceptible d'appel en l'état'.

Dans ces conditions, le délai pour relever appel n'a pu commencer à courir le jour où la société a reçu cette notification.

L'appel interjeté le 4 décembre 2023, par déclaration électronique, ne saurait être considéré comme tardif.

Il est donc recevable et, contrairement aux allégations de l'URSSAF Rhône Alpes, les dispositions sus rappelées du jugement du 23 mars 2022 n'ont pas autorité de la chose jugée.

2- Sur l'assujettissement de la société à la contribution de l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale :

Selon les dispositions de l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, il est institué au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés une contribution des entreprises assurant la fabrication, l'importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux à usage individuel, de tissus et cellules issus du corps humain quel qu'en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, de produits de santé autres que les médicaments mentionnés à l'article L. 162-17 ou de prestations de services et d'adaptation associées inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1.

L'appelante conteste le principe de son assujetissement à la contribution en alléguant qu'elle n'a pas pour activité la distribution de dispositifs médicaux puisqu'elle est un exploitant de dispositifs médicaux.

Aux termes d'un arrêt publié du 5 janvier 2023 (Civ 2ème 5 janvier 2023 pourvoi n° 21-14.945), la Cour de cassation a considéré que sont notamment soumis à la contribution de l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale, les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres I et III de la liste prévue par l'article L 165-1.

Cette décision concerne d'ailleurs la société [3] dont les activités sont identiques à la société en litige et qui a fait l'objet de la part de l'URSSAF Rhône Alpes d'un contrôle similaire pour la même période.

En dépit des arguments développés par l'appelante au soutien de son moyen, les termes de distributeur et de fournisseur, ce dernier au sens du paragraphe Généralités du titre I de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L 165-1 du code de la sécurité sociale, sont, en droit de la sécurité sociale, synonymes.

La société a effectivement la qualité de fournisseur puisqu'elle installe et entretient le matériel au domicile de patients sur prescriptions médicales. De plus, les activités de la société ne relèvent pas de la vente au public visée par les dispositions de l'article R 5211-4 du code de la santé publique puisqu'une prescription médicale est indispensable. La société stocke également des accessoires et des consommables qui constituent des dispositifs médicaux. Il est encore indifférent que le matériel mis à disposition des patients soit loué par la société et qu'elle n'en soit pas, pour une partie, propriétaire. Enfin, si la société n'assure pas directement la promotion des dispositifs médicaux auprès des patients, les plaquettes de publicité, les fiches de postes et les contrats de travail examinés par l'inspecteur du recouvrement ont démontré la démarche de promotion de l'entreprise auprès des prescripteurs de santé, lesquels font appel à un prestataire de santé à domicile pour la prise en charge de leurs patients.

Dès lors, les premiers juges ont, à juste titre, considéré que la société était assujettie par principe à la contribution de l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale.

Le jugement du 23 mars 2022 est confirmé de ce chef.

3- Sur la régularité de la procédure de contrôle et de la mise en demeure :

* Sur la régularité de la procédure de contrôle :

Selon les dispositions de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail. Cet avis mentionne qu'un document présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code, lui sera remis dès le début du contrôle et précise l'adresse électronique où ce document est consultable. Lorsque l'avis concerne un contrôle mentionné à l'article R. 243-59-3, il précise l'adresse électronique où ce document est consultable et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande, le modèle de ce document, intitulé "Charte du cotisant contrôlé", est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent.

Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.

Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.

A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d'absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.

L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement.

L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.

Il ressort des termes de cet article que l'audition des salariés de la société contrôlée n'est qu'une faculté donnée à l'inspecteur du recouvrement.

Dès lors, l'appelante ne saurait tirer de l'absence d'auditions de ses salariés une irrégularité de la procédure de contrôle.

A l'instar des premiers juges, la cour rejette cette exception de nullité.

* Sur la régularité de la mise en demeure :

Selon les dispositions de l'alinéa 1er de l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, L'envoi par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 155-1 de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Le défaut de motivation de la mise en demeure entraîne son annulation.

Or, en l'espèce, et comme déjà souligné par le pôle social, la mise en demeure notifiée par lettre recommandée du 21 décembre 2015 à la société précise :

- la cause des sommes réclamées, soit la procédure de contrôle ayant abouti à la lettre d'observations du 8 octobre 2015,

- la nature des sommes réclamées, soit la contribution de l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale,

- le montant des sommes réclamées, soit au 1er décembre 2012, la somme de 147 118 euros outre les majorations de retard, au 1er mars 2014, la somme de 37 836 euros outre les majorations de retard, au 1er mars 2015, la somme de 167 496 euros outre les majorations de retard soit un montant total de 524 236 euros,

- la période concernée, soit celle du contrôle, du 1er janvier 2012 au 6 juin 2015.

La mise en demeure adressée à la société est donc parfaitement motivée au sens de l'article précité. Il n'y a donc lieu de l'annuler.

Le jugement du 23 mars 2022 est donc encore confirmé s'agissant des exceptions de nullité soulevées par la société contrôlée.

4- Sur la légalité de la décision de la commission de recours amiable :

La juridiction de sécurité sociale est saisie du litige opposant les parties, soit le redressement opéré au titre de la contribution de l'article R 245-5-1 du code de la sécurité sociale. Il ne lui appartient pas d'annuler, confirmer ou infirmer la décision de la commission de recours amiable laquelle n'est qu'un préalable rendant recevable la saisine de la juridiction.

La demande de la société [5] relative à l'annulation de la décision de la commission de recours amiable est rejetée par ajout aux jugements entrepris.

5- Sur l'assiette de la contribution :

Aux termes de l'article L 245-5-2 du code de la sécurité sociale, la contribution est assise sur les charges comptabilisées au titre du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre :

1° Des rémunérations de toutes natures, y compris l'épargne salariale ainsi que les charges sociales et fiscales y afférentes, des personnes, qu'elles soient ou non salariées des entreprises redevables de la contribution, qui interviennent en France aux fins de présenter, promouvoir ou vendre les produits et prestations mentionnés à l'article L. 245-5-1 auprès des professionnels de santé régis par les dispositions du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique, auprès des masseurs-kinésithérapeutes ou auprès des établissements de santé. Seules sont prises en compte les rémunérations afférentes à la promotion, la présentation ou la vente des produits et prestations aux titres Ier et III sur la liste prévue à l'article L. 165-1 ;

2° Des remboursements de frais de transports, à l'exclusion des charges afférentes à des véhicules mis à disposition, des frais de repas et des frais d'hébergement des personnes mentionnées au 1°;

3° Des frais de publication et des achats d'espaces publicitaires quelle que soit la nature du support retenu et quelle que soit sa forme, matérielle ou immatérielle, ainsi que les frais de congrès scientifiques ou publicitaires et des manifestations de même nature, y compris les dépenses directes ou indirectes d'hébergement et de transport qui s'y rapportent.

4° Des prestations externalisées de même nature que celles mentionnées aux 1° à 3°, à hauteur du montant hors taxe facturé.

Lorsque la comptabilité de l'entreprise ne permet pas d'isoler les charges définies aux 1° à 4° parmi celles de même nature afférentes à l'ensemble des produits et prestations dont l'entreprise assure la fabrication, l'importation ou la distribution, la répartition de ces charges s'effectue forfaitairement par application du rapport entre le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au titre des produits et prestations mentionnés à l'article L. 245-5-1 et celui de l'ensemble des produits et prestations fabriqués, importés ou distribués par l'entreprise. Ce rapport est exprimé en pourcentage arrondi, le cas échéant, au centième par défaut.

Il est procédé sur l'assiette définie aux alinéas précédents à un abattement forfaitaire de 50 000 euros. Cet abattement est modulé, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, lorsque la durée du ou des exercices clos depuis la dernière échéance de la contribution est différente de douze mois. Il est procédé à un abattement de 75 % des frais de congrès mentionnés au 3°.

Le taux de la contribution est fixé à 15 %.

* sur le ratio d'activité :

L'URSSAF Rhône Alpes n'est pas contredite par l'appelante lorsqu'elle affirme que la société distribue exclusivement des produits et prestations relevant du titre I de la liste prévue à l'article L 165-1 du code de la sécurité sociale.

Dès lors, elle a raison de souligner que l'appelante ne saurait appliquer un ratio pour faire le rapport entre le chiffre d'affaire hors taxe réalisé au titre des produits et prestations mentionnés à l'article L 245-5-1 et celui de l'ensemble des produits et prestations fabriqués, importés ou distribués par elle.

* Sur la proratisation des rémunérations :

Ensuite, il est effectif que la proratisation des rémunérations en fonction du temps passé par les salariés à l'activité de présentation, promotion ou vente des produits et prestations visée par les dispositions de l'article L 245-5-1 ne peut être effectuée par l'URSSAF que si la société communique à l'inspecteur du recouvrement les éléments le permettant avant le terme de la phase contradictoire du contrôle.

Or, en l'espèce, l'URSSAF rapporte que la société ne lui a fourni aucun justificatif de la répartition entre activités promotionnelles entrant dans le champ de la contribution et les autres, sur le temps consacré à l'activité de promotion envers des non-prescripteurs, tels les EHPAD.

L'appelante ne disconvient pas de ce qu'elle n'a pas communiqué à l'inspecteur, lors du contrôle, les éléments adéquats.

Spécifiquement, et s'agissant des délégués régionaux, l'URSSAF fait valoir à juste titre, au regard des pièces founies par son adversaire, et particulièrement la fiche de poste y relative et la brochure de la société, que la mission du salarié embauché en cette qualité est la promotion de la prestation de la société aux prescripteurs, se déclinant ainsi: récupération des ordonnances, observance des patients, retour d'informations au prescripteur. L'intimée a donc intégré, à juste titre, la rémunération des délégués régionaux à l'assiette de la contribution, faute pour la société d'apporter la preuve de temps d'activité qui ne seraient pas en lien avec l'activité promotionnelle auprès des prescripteurs et établissements de santé.

S'agissant du responsable développement zone, l'URSSAF rappelle justement que si la fiche de poste démontre que l'activité de promotion n'est pas l'essentiel du travail de ce salarié, la société ne rapporte pas la preuve des temps d'activité. L'organisme fait encore valoir à bon droit que la bienveillance d'une décision ultérieure n'a pas été créatrice de droit.

S'agissant des responsables d'agence, la teneur de la fiche de poste et l'absence d'effet créateur de droit d'une décision ultérieure de l'URSSAF entrainent l'intégration des rémunérations de ces salariés à l'assiette de la contribution, la société n'apportant pas la preuve des temps d'activité en dehors de celle relative à la promotion dont s'agit.

S'agissant enfin des délégués techniques, l'URSSAF a encore pu se fonder sur la fiche de poste, selon laquelle ils ont pour mission de présenter et de promouvoir les dispositifs médicaux et prestations respiratoires associées auprès des prescripteurs actifs et prospects, pour n'appliquer aucun ratio, faute d'éléments probants contraires apportés par la société contrôlée.

La cour note enfin que l'appelante ne conteste pas le principe d'intégration à l'assiette de la contribution des frais de transport, repas et hébergement des salariés. Il ressort des développements précédents que l'ensemble de ces frais ont été justement pris en compte par l'URSSAF dans le calcul de l'assiette de la contribution.

* Sur la matériovigilance :

Les parties se fondent sur l'arrêt de la Cour de cassation (Civ 2ème 30 novembre 2017 pourvoi n° 16-25.234) selon lequel la surveillance des incidents ou des risques d'incidents résultant de l'utilisation des dispositifs médicaux, dite matériovigilance, est étrangère aux activités commerciales entrant dans le champ d'application de la contribution de l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale.

La preuve du temps passé par les salariés de la société à l'activité de matériovigilance repose sur celle-ci.

L'URSSAF Rhône Alpes conteste la position de l'appelante qui a appliqué un abattement forfaitaire de 4 % aux motifs que dans l'arrêt sus visé la cour avait retenu un tel abattement.

Il est effectif que la société contrôlée n'a pas justifié du temps consacré à la matériovigilance par ses salariés. L'URSSAF a donc à bon droit considéré qu'il n'y avait lieu à application d'un tel abattement.

* Sur l'impôt excessif :

La société [5] se fonde sur les dispositions de la convention européenne des droits de l'homme, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat pour soutenir que la contribution constitue un impôt excessif en ce qu'elle serait disproportionnée.

Selon les dispositions de l'article L 245-5-2 déjà citées, cette contribution est de 15 % avec un abattement forfaitaire de l'assiette de 50 000 euros.

La cour remarque qu'il appartient à la société de mettre en place des process en interne de manière à ce que les rémunérations de ses salariés puissent être correctement proratisées au temps passé effectivement à l'activité sur laquelle porte la contribution et que l'activité de matériovigilance soit justement évaluée.

Ensuite, le Conseil constitutionel a déclaré les dispositions de l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale conforme à la constitution ( décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012).

Dès lors, il n'est pas démontré en quoi la contribution de l'article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale serait un impôt excessif.

Les jugements du 23 mars 2022 et du 7 octobre 2022 sont donc confirmés.

6- Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

La société [5] est condamnée aux entiers dépens et à verser à l'URSSAF Rhône Alpes la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sa propre demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile est nécessairement rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare l'appel relevé par la société [5] à l'encontre du jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille recevable,

Confirme les jugements du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille des 23 mars 2022 et 7 octobre 2022 en leurs dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Déboute la société [5] de sa demande relative à l'annulation de la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF Rhône Alpes,

Condamne la société [5] aux entiers dépens,

Condamne la société [5] à payer à l'URSSAF Rhône Alpes la somme de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société [5] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/14974
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;22.14974 ?
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