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03/06/2024 | FRANCE | N°20/06474

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 03 juin 2024, 20/06474


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 03 JUIN 2024



N° 2024/ 225









Rôle N° RG 20/06474 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGA5C







[U] [C]

S.C.P. [C] [T] [B] ALPINI BUCCERI CAFLERS SAUVAGE





C/



[F] [S]

S.A.R.L. IMMOFRANCE

S.C.P. LOUIS-[G]

















Copie exécutoire délivrée

le :





à :

- Me Maud DAVAL-GUEDJ

- Me Florent VERGER

- Me Gilbert ALLEMAND

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 29 Mai 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02200.





APPELANTS



Maître [U] [C] notaire associée membre de la SCP DOMENGE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUIN 2024

N° 2024/ 225

Rôle N° RG 20/06474 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGA5C

[U] [C]

S.C.P. [C] [T] [B] ALPINI BUCCERI CAFLERS SAUVAGE

C/

[F] [S]

S.A.R.L. IMMOFRANCE

S.C.P. LOUIS-[G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Maud DAVAL-GUEDJ

- Me Florent VERGER

- Me Gilbert ALLEMAND

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 29 Mai 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02200.

APPELANTS

Maître [U] [C] notaire associée membre de la SCP DOMENGE PUJOL THURET ALPINI BUCCERI CAFLERS SAUVAGE et domicilié es qualité au siège social,

demeurant [Adresse 5]

S.C.P. [C] PUJOL THURET ALPINI BUCCERI CAFLERS SAUVAGE prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 5]

tous deux représentés par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Me Hélène BERLINER de la SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE, avocat au barreau de NICE, substituée par Me Stéphano CARNAZZA, avocat au barreau de NICE,

INTIMES

Monsieur [F] [S]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 4]

S.A.R.L. IMMO FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

demeurant [Adresse 7]

tous deux représentés par Me Florent VERGER de la SCP SCP PETIT-BOULARD-VERGER, avocat au barreau de NICE, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Me Stéphane ANDREO de la SELARL QUADRATUR, avocat au barreau de LYON

S.C.P. LOUIS & [G], pris en la personne de Maître [E] [G], ès qualité de liquidateur de la SARL IMMO FRANCE,

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Gilbert ALLEMAND de la SELARL ALLEMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Me Florent VERGER de la SCP SCP PETIT-BOULARD-VERGER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne Allard, Conseillére a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2024,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société civile immobilière de construction vente Impérial parc (SCCV Impérial parc), dont l'objet social est l'acquisition d'un terrain [Adresse 2] à [Localité 8], la construction sur ce terrain d'un bâtiment à usage d'habitation, la vente en totalité ou par fractions de l'immeuble construit, avant ou après son achèvement et toutes opérations susceptibles de faciliter la réalisation de l'opération, a pour associés la société à responsabilité limitée Immo France (SARL Immo France) et M. [F] [S]. Ce dernier est le gérant des deux sociétés.

Par acte notarié, reçu le 3 avril 2010 par M. [U] [C], notaire au sein de la société civile professionnelle Postillon Domenge Pujol Thuret Alipini Bucceri Cafflers Sauvage (SCP [C] et associés), la SCCV Impérial parc a vendu à la SARL Immo France une villa en cours d'édification, constituant le lot n°14 du lotissement Parc impérial, moyennant le prix de 1 280 000 € payable à terme et, au plus tard, le 10 août 2015.

L'acte notarié mentionne que la vente n'est assujettie, ni à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ni à l'impôt sur la plus-value.

Le 4 février 2011, M. [S] a interrogé l'administration fiscale sur sa position en matière de TVA et de plus value en cas de mutation d'une villa en cours d'édification au stade 'gros oeuvre achevé', avec transfert du permis de construire à l'acquéreur.

Par courrier 12 juillet 2011, la direction générale des finances publiques (DGFP) l'a avisé que, contrairement aux énonciations de l'acte notarié, la SCCV Impérial parc était assujettie à la TVA, dès lors que la vente portait sur un immeuble inachevé et que la plus value immobilière était imposable selon les règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux. La DGFP l'a, en conséquence, invité à régulariser la situation fiscale de la SCCV Impérial parc.

M. [S], à titre personnel et en qualité de gérant de la SCCV Impérial parc et de la SARL Immo France, a demandé au notaire de procéder à toutes vérifications utiles et, le cas échéant, à procéder à une régularisation de l'acte avant le mois de janvier 2012, soulignant par ailleurs que la désignation du bien et le prix mentionnés dans l'acte de vente étaient erronés, s'agissant d'un terrain à bâtir.

Le 27 mars 2012, la DGFP a notifié à la SARL Immo France, en sa qualité d'associé de la SCCV Impérial parc, une proposition de redressement entrainant un impôt supplémentaire de 276 794 € en principal, outre 12 179 € d'intérêts.

Après avoir sollicité le conseil d'un cabinet d'expertise comptable, ainsi que des documents complémentaires, M. [C] a établi le 23 mai 2012 un acte rectificatif indiquant qu'à la suite d'une erreur matérielle, l'acte du 3 septembre 2010 mentionnait à tort une villa en cours d'édification, alors qu'il existait tout au plus une dalle en béton destinée à être démolie, de sorte que la vente portait en réalité sur un terrain à bâtir au prix de 400 000 €, TVA de 65 551,84 € incluse et qu'une erreur affectait également le régime fiscal applicable aux plus values, la SCI Impérial parc étant soumise aux bénéfices industriels et commerciaux.

L'administration fiscale a cependant refusé de prendre en considération cet acte rectificatif et maintenu la rectification.

Les différents recours intentés par M. [S] ont été vains et, par avis de mise en recouvrement du 31 mars 2014, rendu exécutoire par le comptable public le 9 avril 2014 et reçu le 22 avril 2014, l'administration a réclamé à la SARL Immo France, en sa qualité d'associé de la SCCV Impérial parc, au titre de l'exercice fiscal 2010, les sommes de 276 794 € au titre des droits éludés et 12 179 € au titre des pénalités.

Parallèlement, elle a réclamé aux époux [S], en leur qualité d'associés de la SCCV Impérial parc, au titre d'une rectification pour la même année, les sommes de 62 849 € au titre des droits éludés et 9 805 € au titre de majorations. À la faveur d'une réclamation contentieuse, la DGFP leur a, cependant, accordé un dégrèvement de 8 583 € au titre des droits, 481 € au titre des intérêts de retard et 4 569 € au titre de la majoration, soit un redressement effectif de 59 021 €.

Le 13 octobre 2015, le tribunal de commerce de Manosque a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Immo France.

Par actes du 3 mai 2016, la SARL Immo France et M. [S] ont assigné M. [C], notaire, et la SCP [C] et associés devant le tribunal de grande instance de Nice en responsabilité civile professionnelle afin d'être indemnisés de leurs préjudices.

La procédure de redressement judiciaire affectant la SARL Immo France a été transformée en liquidation judiciaire par jugement du 19 juillet 2016, confirmé par la cour d'appel d'Aix en Provence par arrêt du 14 septembre 2017, qui a désigné en qualité de liquidateur la SCP Louis & [G].

Cette dernière est intervenue volontairement à la procédure en qualité de liquidateur de la SARL Immo France.

Par jugement du 29 mai 2020, le tribunal judiciaire de Nice a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SCP Louis & [G], prise en sa qualité de liquidateur de la SARL Immo France ;

- déclaré M. [C] et la SCP [C] et associés responsables des préjudices subis par la SARL Immo France et M. [S] du fait des redressements fiscaux consécutifs à l'erreur du notaire quant au régime fiscal applicable à la vente et à son manque de diligence pour rectifier l'acte ;

- condamné solidairement M. [C] et la SCP [C] et associés à payer :

* à la SARL Immo-France : 288 973 € représentant le montant du redressement fiscal mis à sa charge et 20 783,48 € au titre des frais d'avocat fiscaliste exposés dans le cadre du redressement ;

* à M. [S] : 59 021 € représentant le montant du redressement fiscal mis à sa charge et 17 463,30 € au titre des frais d'avocat fiscaliste exposés dans le cadre du redressement ;

- assorti les condamnations d'intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière ;

- condamné solidairement M. [C] et la SCP [C] et associés à payer à M. [S] une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la moitié des condamnations ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné solidairement M. [C] et la SCP [C] et associés aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que :

- aucune faute ne peut être reprochée au notaire en ce qui concerne les énonciations de l'acte notarié relatives à la consistance du bien et au prix, au motif qu'il s'est fié aux déclarations des parties, n'avait pas l'obligation de se déplacer sur le terrain pour s'assurer de l'état de la construction et qu'en tout état de cause il n'est démontré par aucune pièce contemporaine de la vente que le bien vendu ne portait pas sur une villa en cours de construction ;

- l'acte de vente contient deux erreurs de droit fiscal puisque, d'une part la SCCV Impérial parc, en tant que société de construction vente, est assujettie à la TVA dès lors que la cession d'un immeuble inachevé est considérée comme portant sur un terrain à bâtir, d'autre part les profits de construction revêtant un caractère habituel et spéculatif constituent des bénéfices industriels et commerciaux ;

- à cette erreur de droit fiscal s'ajoute un manque de diligences, le notaire n'ayant interrogé un cabinet spécialisé que le 17 mai 2022 et attendu près de deux ans pour dresser un acte rectificatif ;

- les redressements fiscaux subis par M. [S] et la SARL Immo France sont la conséquence de l'erreur et du manque de diligence du notaire puisque l'administration fiscale, considérant l'acte rectificatif comme tardif, a refusé de le prendre en considération ;

- les propositions de rectification reçues par M. [S] et la SARL Immo France, en leur qualités d'associés de la SCCV Impérial parc, sont afférentes à la situation fiscale de cette dernière au titre de l'année au cours de laquelle la vente est intervenue, de sorte que les sommes à régler à l'administration fiscale sont entièrement imputables aux manquements fautifs du notaire et il convient d'y ajouter les frais de consultation en droit fiscal qu'ils ont été contraints de supporter.

Par actes du 15 et 16 juillet 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [C] et la SCP [C] et associés ont relevé appel de cette décision en visant tous les chefs de son dispositif, hormis ceux ayant débouté la société Immo-France et son mandataire de leurs demandes de dommages et intérêts à hauteur de 100 000 €, au titre de la réparation d'une perte de chance de ne pas réaliser l'opération et de 33 169,48 €, au titre des frais d'actes notariés.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 19 mars 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions, régulièrement notifiées le 6 avril 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [C] et la SCP [C] et associés demandent à la cour de :

' déclarer irrecevables les demandes de la SARL Immo France ;

' confirmer le jugement du 29 mai 2020 du tribunal judiciaire de Nice en ce qu'il n'a pas retenu de faute quant à la désignation du bien et du prix et en ce qu'il a débouté la société Immo-France et son mandataire de leurs demandes de dommages et intérêts au titre de la réparation d'une perte de chance de ne pas réaliser l'opération et de des frais d'actes notariés engagés ;

' infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés solidairement à payer à titre de dommages-intérêts les sommes de 288 973 € et 20 783,48 € à la SARL Immo France et de 59 021 € et 17 463,30 € à M. [S], avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision et anatocisme, 1 500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

' débouter M. [S], la SARL Immo France et la SCP Louis & [G], prise en sa qualité de liquidateur de la SARL Immo France, de l'ensemble de leurs demandes dirigées à leur encontre ;

' condamner M. [S], la SARL Immo France et la SCP Louis & [G], prise en sa qualité de liquidateur de la SARL Immo France, à leur payer la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de leur appel et de leurs prétentions, ils font valoir que :

- la SARL Immo-France a été placée en liquidation judiciaire, de sorte qu'en application de l'article L. 641-9 I du code de commerce, ses droits et actions ne peuvent être exercés, pendant toute la durée de la liquidation judiciaire, que par son liquidateur, la SCP Louis & [G] ;

- le notaire n'a commis aucun manquement fautif à l'origine des préjudices allégués puisque :

' les mentions de l'acte concernant la désignation du bien (une villa en cours de construction) et le prix lui ont été fournies par les parties ; la villa, dont le gros 'uvre était achevé quelle que soit l'origine du financement, était bien la propriété de la SCCV Imperial parc et le notaire n'est pas tenu de se déplacer pour vérifier l'état d'avancement d'une construction ;

' aucune des parties n'a sollicité de conseil fiscal sur le régime applicable à la vente et la SCCV Impérial parc n'ignorait pas son assujettissement à la TVA et à l'impôt sur les plus-values ;

' le notaire n'a pas failli à son devoir de diligences en dressant en mai 2012 un acte rectificatif en réponse à une demande formalisée par courrier du 10 janvier 2012 ;

' le redressement fiscal consécutif à un manquement du notaire à son obligation d'information ou à une erreur quant aux règles fiscales applicables n'est indemnisable que si le contribuable démontre qu'il aurait pu échapper à l'impôt finalement payé sans la faute du notaire, or en l'espèce, même en l'absence des fautes alléguées, les impositions redressées n'auraient pu être éludées en ce qu'elles portent sur l'imposition légalement applicable en fonction de la nature du bien vendu et de l'activité du vendeur, étant rappelé que le prix dont dépend le montant de l'impôt sur la plus value, a été déterminé par les parties elles-mêmes et que, si celles-ci avaient mentionné un prix de 400 000 €, l'administration fiscale n'aurait pas manqué de procéder à un redressement pour dissimulation, puisque le terrain avait pris de la valeur depuis 2005 et que les travaux d'édification étaient avancés ;

- les frais d'acte notarié ne constituent pas un préjudice indemnisable en ce qu'ils sont la contrepartie de la vente qui n'est pas remise en question ;

- la perte de chance de ne pas réaliser l'opération est inexistante au motif que la SARL Immo France ne démontre pas qu'avisée de la législation fiscale applicable, elle n'aurait pas tout de même acheté ;

- les frais de consultation d'un avocat fiscaliste ont été engagés dans l'unique but de se soustraire à un impôt légalement dû et sont la contrepartie d'une prestation réalisée.

Dans leurs dernières conclusions d'intimés et d'appel incident, régulièrement notifiées le 6 juillet 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [S] et la SARL Immo France demandent à la cour de :

' confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [C] et la SCP [C] et associés responsables de leurs préjudices et les a condamnés à payer à la SARL Immo France les sommes de 288 973 € et 20 783,48 € et à M. [S] les sommes de 59 021 € et 17 463,30 €, avec intérêts au taux légal et anatocisme, ainsi qu'une indemnité de 1 500 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SARL Immo France de ses demandes au titre de la perte d'une chance de ne pas réaliser l'opération et des frais d'acte notarié ;

Statuant à nouveau,

' condamner solidairement M. [C] et la SCP [C] et associés à payer à la SARL Immo France une somme de 100 000 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas réaliser l'opération et 33 169,48 € au titre des frais d'acte notariés ;

' condamner M. [C] et la SCP [C] et associés à payer à M. [S] une indemnité de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de leur avocat.

Ils font valoir que :

- en dépit de l'ouverture de la liquidation judiciaire, la SARL Immo-France n'a pas perdu son représentant légal, dont le mandat n'a pas pris fin, de sorte qu'il continue à la représenter en application de l'article L 641-9 paragraphe II du code de commerce ;

- le notaire a commis plusieurs erreurs fautives afférentes à la désignation du bien et du prix dans l'acte du 3 septembre 2010 et au régime fiscal applicable à la cession puisque :

' l'acte mentionne une villa en cours d'édification alors qu'en application de l'article 257-1 du code général des impôts, la cession d'un immeuble inachevé au cours d'une opération de construction nouvelle est considérée comme portant sur un terrain à bâtir et le notaire a, au demeurant reconnu cette erreur dans un courrier du 22 mars 2012 ;

' le notaire savait que les travaux avaient en réalité été financés par la SARL Immo France, de sorte que la SCCV Impérial Parc lui devait à ce titre une somme de 295 439,31 € qui devait impérativement être déduite du prix de vente ;

' le notaire a commis deux erreurs de droit fiscal et aurait dû, s'il n'était pas au fait de la loi fiscale, solliciter des pièces complémentaires afin de déterminer le régime fiscal applicable et/ou s'enquérir de la réglementation auprès d'un spécialiste ; ces erreurs leur causent un préjudice puisque, s'ils avaient été informé des incidences fiscales de l'opération, ils n'auraient pas engagé celle-ci ;

- à ces erreurs s'ajoute un manque de diligence pour procéder aux rectifications puisque, bien que sollicité à plusieurs reprises, le notaire n'a fait diligence pour rectifier l'acte que tardivement, après le redressement, de sorte que l'administration fiscale a refusé de tenir compte de l'acte rectificatif ;

- les redressements fiscaux sont la conséquence directe de l'acte reçu par le notaire et auraient pu être évités si ce dernier n'avait pas commis d'erreur sur la désignation du bien, le prix et le régime fiscal ou si l'acte rectificatif était intervenu plus tôt ;

- si le prix avait été fixé à 400 000 €, le résultat de la SCI Impérial parc n'aurait été que de 29 106 €, représentant pour son associé la SARL Immo France, une quote part bien inférieure aux 907 590 € retenus par l'administration fiscale, de sorte que le redressement est intégralement imputable à l'erreur commise par le notaire, et à son retard pour la rectifier et il en va de même pour M. [S], même s'il a obtenu un dégrèvement partiel.

Dans ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident, régulièrement notifiées le 12 janvier 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la SCP Louis & [G], agissant en qualité de liquidateur de la SARL Immo France demande à la cour de :

' confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [C] et la SCP [C] et associés à payer les sommes de 288 973 € et 20 783,48 € en réparation des préjudices subis du fait des redressements fiscaux et des frais d'avocat fiscaliste ;

' l'infirmer en ce qu'il a rejeté les demandes au titre d'une perte de chance de ne pas réaliser l'opération, et des frais notariés ;

Statuant à nouveau,

' condamner solidairement M. [C] et la SCP [C] et associés à payer à la SARL Immo France une somme de 100 000 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas réaliser l'opération et 33 169,48 € au titre des frais d'acte notariés ;

' lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice concernant les prétentions de M. [S] ;

' condamner M. [C] et la SCP [C] et associés à lui payer une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de leur avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de la SARL Immo-France

En application de l'article L 641-9 du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

La principale conséquence du jugement de liquidation judiciaire à l'égard du débiteur réside dans son dessaisissement. Il en résulte que, sans être privé de ses droits, il ne peut pas les exercer lui-même, le liquidateur ayant seul qualité pour le faire.

La seule exception afférente aux actions en justice concerne la possibilité laissée au débiteur de se constituer partie civile afin d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.

En l'espèce, dans le cadre de l'action engagée à l'encontre du notaire par la SARL Immo France, afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices, le liquidateur a seul qualité pour exercer les droits de cette dernière et poursuivre l'action engagée.

Les demandes formulées par la SARL Immo-France doivent, en conséquence, être déclarées irrecevables et seules les demandes formulées par la SCP Louis & [G], prise en sa qualité de liquidateur de la SARL Immo-France, seront examinées au fond.

Sur les manquements fautifs du notaire

Il est reproché au notaire d'avoir commis plusieurs erreurs dans l'acte reçu le 3 avril 2010, d'une part quant à la désignation du bien et au prix de vente, d'autre part quant au régime fiscal applicable à l'opération. Il lui est également reproché un manque de diligence pour rectifier ces erreurs.

Les notaires, institués pour donner aux conventions des parties les formes légales et l'authenticité, doivent mettre en 'uvre tous les moyens adéquats et nécessaires afin d'assurer l'efficacité de leurs actes.

Un acte efficace s'entend d'un acte conforme à la volonté des parties et, à ce titre, les notaires ont le devoir d'éclairer les parties sur le contenu et les effets des engagements afin qu'elles puissent y consentir en toute connaissance de cause.

En sa qualité d'officier public chargé d'assurer la sécurité des actes juridiques, le notaire doit aux parties son aide technique et ne peut se retrancher derrière la complexité de la réglementation applicable. Pour ce faire, il a le devoir de solliciter des parties toutes les informations et documents lui permettant de déterminer le régime juridique, notamment fiscal, de l'acte qu'il reçoit.

Il résulte de ces principes que le notaire est responsable de tout manquement aux devoirs que lui impose sa charge et que la faute, même très légère, analysée par comparaison avec la conduite qu'aurait dû avoir un notaire avisé, juriste compétent et méfiant, peut être source de responsabilité.

Il appartient cependant à celui qui agit en responsabilité civile à l'encontre d'un notaire sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de démontrer la faute commise par celui-ci mais également le lien de causalité qui existe entre le préjudice dont il se plaint et cette faute.

En l'espèce, s'agissant, en premier lieu, des erreurs affectant l'acte quant à la désignation du bien et le prix de vente, l'acte du 3 avril 2010 stipule que le bien vendu est 'une villa en cours d'édification' et que le prix s'élève à 1 280 000 €.

L'acte rectificatif reçu par le notaire le 23 mai 2012, après avoir qualifié ces mentions d'erronées, indique que la vente porte en réalité sur un terrain comportant tout au plus une dalle en béton destinée à être démolie, et que le prix de vente s'élève à 400 000 €, TVA de 65 551,84 € incluse.

Si cet acte confirme qu'une erreur a été commise, il ne démontre pas pour autant que l'erreur provient du notaire ou que celui-ci a méconnu l'intention des parties.

M. [S] et la SARL Immo-France ne produisent aucun document antérieur à l'acte du 3 avril 2010, démontrant qu'ils ont avisé le notaire que le bien immobilier consistait, non en une villa en cours d'édification, mais en un terrain sur laquelle était tout au plus édifiée une dalle de béton.

Ils n'établissent pas davantage lui avoir fait part de leurs interrogations quant à la désignation du bien ou du prix.

Bien plus, l'acte notarié stipule une garantie du vendeur en qualité de maître d'ouvrage ou de constructeur, le vendeur cite les entreprises ayant participé à la construction et transfère à l'acquéreur le permis de construire. Enfin, ce dernier indique dans l'acte vouloir poursuivre l'édification de l'immeuble et sollicite la cession par le vendeur de son rang hypothécaire.

Ces éléments justifient de considérer que les parties entendaient bien vendre une villa en cours d'édification et non un terrain nu et les termes du courrier adressé le 4 février 2011 par M. [S] à l'administration le confirment, qui évoquent également la vente d'une villa en cours d'édification avec transfert du permis de construire à l'acquéreur.

Il n'est donc démontré par aucune pièce qu'au 3 avril 2010, le terrain ne contenait qu'une dalle en béton. Les éléments précités établissent au contraire qu'au jour où l'acte de vente a été reçu par le notaire, l'opération portait bien sur une villa en cours d'édification et non sur un terrain nu et que la rectification opérée par le notaire sur demande de M. [S] relève, comme l'a retenu l'administration fiscale, d'une fiction voulue par les parties. Si le notaire a accepté de procéder à cette rectification, il n'est pas pour autant démontré qu'il est responsable d'une quelconque erreur.

Par ailleurs, M. [S] ne produit aucune pièce démontrant avoir informé le notaire, avant la rédaction de l'acte du 3 avril 2010, que la SARL Immo France avait en réalité financé elle-même les travaux de construction sur le terrain et l'expertise réalisée par M. [K] en 2005, à laquelle il est fait référence dans l'acte rectificatif, est à elle seule insuffisante pour démontrer que cinq ans plus tard, aucune construction, même inachevée, n'avait été édifiée sur le terrain.

L'état d'avancement des travaux au 3 avril 2010 est invérifiable a posteriori.

Enfin, comme le relève la DGFP, le prix, tel que rectifié, revient à évaluer une simple dalle en béton à 880 000 € (1 280 000 - 400 000 €).

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si le notaire a accepté de recevoir un acte rectificatif, aucun élément probant ne démontre que l'erreur ainsi rectifiée correspond réellement à la situation du bien au jour de la vente, ni surtout qu'elle procède du notaire.

Celui-ci s'en est tenu à la volonté exprimée par les parties et aux éléments que celles-ci lui ont communiqués, étant rappelé qu'il n'était pas tenu de se déplacer sur les lieux pour s'assurer que la désignation du bien par les parties était correcte, ni d'effectuer des investigations complémentaires dès lors que son attention n'a pas, alors, été attirée par les parties sur une incertitude liée à l'inachèvement des travaux ou au financement des travaux par la SARL Immo France.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge n'a retenu sur ce point aucun manquement fautif du notaire.

S'agissant des erreurs de droit fiscal, il résulte des énonciations de l'acte du 3 avril 2010 que la vente n'est assujettie, ni à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ni à l'impôt sur la plus-value.

Or, ces mentions procèdent d'une erreur d'appréciation en ce que la SCCV Impérial parc était assujettie à la TVA. Par ailleurs, s'agissant de l'impôt sur la plus value, en application de l'article 35 I-I° du code général des impôts, les profits de construction, en ce qu'ils revêtent un caractère habituel et spéculatif, constituent des bénéfices industriels et commerciaux. S'agissant d'une société civile de construction vente, ce caractère résulte de l'objet même de la société. Il en résulte que la plus value réalisée par la SCCV Impérial parc était imposable selon les règles gouvernant les bénéfices industriels et commerciaux et qu'il ne peut y avoir, comme indiqué dans l'acte notarié du 3 avril 2010, d'exonération sur la base de l'article 150 VC I du CGI (abattement au profit des particuliers).

Le notaire a le devoir d'anticiper les conséquences fiscales d'une opération, ce qui lui impose d'informer les parties sur le régime fiscal applicable et, afin de garantir l'efficacité de son acte, de s'assurer de la fiabilité des informations mentionnées dans son acte.

Il lui appartient, s'il ne maîtrise pas la complexité de la réglementation fiscale, de procéder à des recherches, de solliciter des parties tout document utile à la détermination du régime fiscal applicable à l'opération à laquelle il prête son concours et, au besoin, de consulter un spécialiste.

En l'espèce, le notaire n'a ni sollicité des parties les documents d'information de nature à lui permettre de soumettre l'opération au régime fiscal applicable ni consulté, avant le 3 avril 2010, un spécialiste de droit fiscal. Il ne démontre pas davantage avoir été induit en erreur par la SARL Immo France ou M. [S] sur ce point.

L'erreur n'est donc pas contestable et, au demeurant, dans l'acte rectificatif du 23 mai 2012, M. [C] la mentionne expressément. Dès lors que la détermination du régime fiscal applicable à l'opération relève de la compétence du notaire, cette erreur est fautive et engage sa responsabilité.

A cette erreur, s'ajoute un manque de diligences pour établir l'acte rectificatif, puisqu'il résulte des pièces produites aux débats que M. [S] a écrit au notaire dès le 23 septembre 2011, afin de lui faire part du rapport qu'il qualifie de 'désastreux' de l'administration fiscale, que le 26 septembre 2011, il lui a transmis ce rapport et que le 3 octobre 2011, dans un pli qualifié d'urgent, son conseil a écrit au notaire en lui indiquant qu'une régularisation devait intervenir avant le 15 octobre 2011. Dans ce courrier, l'avocat demande à M. [C] de procéder à 'toutes vérifications qui s'imposent' et de 'faire dans les plus brefs délais un acte de régularisation'.

Or l'acte rectificatif n'a été signé que le 23 mai 2012, soit sept mois plus tard, sans que le notaire démontre que ce retard procède d'un défaut de diligence des parties.

La DGFP a refusé de prendre en considération ce rectificatif, notamment parce qu'il est intervenu deux mois après la date des conclusions de l'administration et après clôture de l'exercice 2010, qui correspond à l'exercice au cours duquel la cession est intervenue. Or, un acte rectificatif peut affecter l'impôt dû pour la période au cours de laquelle il est passé mais demeure sans incidence sur l'impôt dû au titre des exercices précédents.

En conséquence, la SARL Immo-France et M. [S] avaient intérêt à ce que l'acte rectificatif soit établi, signé et publié rapidement.

En attendant le mois de mai 2012 pour l'établir, le notaire a manqué à son devoir de diligence et ne peut utilement se retrancher derrière les investigations accomplies auprès d'un expert comptable et les demandes de documents comptables adressés à la SARL Immo France, puisque ces diligences auraient dû être accomplies avant le 3 avril 2010.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que le premier juge a imputé au notaire une faute en ce qui concerne la régime fiscal appliqué à l'opération dans l'acte notarié du 3 avril 2010 mais également, postérieurement, par un manque de diligence caractérisé pour rectifier cette erreur.

Sur les préjudices

Le propre de la responsabilité civile est de réparer l'entier dommage subi par la victime.

En application de ce principe, le préjudice réparable s'entend sans perte ni profit pour la victime.

En l'espèce, il est reproché au notaire d'avoir commis une erreur dans les mentions relatives au régime fiscal applicable à l'opération de vente et un manque de diligences pour rectifier cette erreur.

Seuls les préjudices en lien avec ces fautes sont indemnisables, ce qui exclut les préjudices allégués au titre d'un manquement, non retenu, du notaire en ce qui concerne les mentions de l'acte relatives à la désignation du bien et au prix.

Le notaire a exposé les acquéreurs au paiement d'un redressement et d'intérêts de retard et pénalités, de sorte que le préjudice doit être considéré comme consommé. En revanche, il est tout au plus égal à la différence entre les redressements et frais supportés et ce qui aurait été payé si l'acte avait d'emblée soumis l'opération aux données fiscales applicables.

Par ailleurs, la victime est fondée, si elle démontre que le notaire, en ne la conseillant pas sur le plan fiscal, lui a fait perdre une chance de ne pas conclure et d'échapper au paiement de l'impôt, à obtenir réparation à hauteur de la chance perdue.

En l'espèce, aucun préjudice ne s'évince des fautes commises par le notaire en ce qui concerne les erreurs afférentes à la TVA dans la mesure où, selon les termes de la rectification, si l'opération était bien soumise à cette taxe, en l'absence d'encaissement du prix, aucune taxe n'était exigible.

S'agissant de la taxation des plus-values, celle-ci est fonction du prix de vente de l'immeuble.

En conséquence, l'administration fiscale, après avoir refusé de prendre en considération l'acte rectificatif compte tenu de sa tardiveté, a réintégré le produit de la cession au résultat imposable de la SCCV Impérial parc à hauteur de 1 070 234, soit 85 % à charge de la SARL Immo France (907 590 €), et 72 654 €, ramené à 59 021 € à charge de M. [S], détenteur de 15 % de parts sociales.

Cependant, aucune erreur fautive n'est imputée au notaire quant à la désignation du bien et fixation du prix à 1 280 000 €. Par ailleurs, il n'est pas démontré que si l'acte rectificatif avait été plus précoce, l'administration fiscale aurait accepté d'en tenir compte, puisque dans sa réponse, elle motive son refus, au delà de la tardiveté de l'acte, par le caractère fictif de la rectification. Selon elle, au delà des termes désignant le bien dans l'acte notarié du 3 avril 2010, plusieurs éléments permettent de considérer que la vente portait bien sur une villa en cours d'édification.

Au regard de ces éléments, le préjudice causé à la SARL Immo France et à M. [S] par les fautes imputées au notaire correspond tout au plus à la différence entre les redressements et frais supportés et ce qui aurait été payé si l'acte avait d'emblée soumis l'opération aux données fiscales applicables.

L'erreur afférente à la fiscalité et le retard du notaire à la rectifier correspondent donc aux seuls pénalités et intérêts de retard.

Ceux-ci correspondent à une somme de 12 179 € pour la SARL Immo France.

S'agissant de M. [S], après acceptation partielle de sa réclamation contentieuse, le montant définitif de la majoration s'élève à 5 236 € (9 805 € - 4 569 €).

Les frais d'avocat fiscaliste exposés par la SARL Immo France et M. [S] sont également la conséquence de l'erreur commise par le notaire et de la tardiveté avec laquelle il a procédé à la rectification puisque, sans ces manquements fautifs, ils n'auraient pas été nécessaires.

Dans ces conditions, ils font pleinement partie du préjudice indemnisable.

Certes, une partie de la réflexion juridique de ces professionnels de droit fiscal concerne les conséquences de la rectification des mentions de l'acte notarié relatives à la désignation du bien et au prix, dont la cour considère qu'elles ne procèdent d'aucun manquement fautif du notaire.

Pour autant, les consultations fiscales ont été rendues nécessaires par l'erreur de droit commise par le notaire et son manque de diligences pour la rectifier. Sans cette erreur, la SARL Immo France et M. [S] n'auraient pas été contraints d'avoir recours à ces spécialistes.

En conséquence, le notaire doit également indemniser la SARL Immo France et M. [S] de ces frais qui s'élèvent à 20 783,48 € pour la première, et 17 463,30 € pour le second.

En revanche, les frais d'acte notarié ne constituent pas un préjudice indemnisable, en ce qu'ils sont la contrepartie d'un acte qui a été reçu et publié aux termes duquel la SARL Immo France est devenu propriétaire du bien immobilier. Elle ne saurait donc être déchargée du paiement des frais de l'acte, qui sont dûs en dépit de l'erreur commise par le notaire, puisque celle-ci n'affecte pas la réalité de l'opération, mais seulement son régime fiscal.

S'agissant enfin de la perte de chance d'échapper à l'impôt, la SCI Immo France et M. [S] ne démontrent par aucune pièce que, mieux informés des incidences fiscales de l'opération, ils auraient renoncé à celle-ci. En effet, il n'est pas contesté que la SCCV Impérial parc est en liquidation amiable depuis 2007 et qu'elle ne pouvait réaliser l'opération de construction. En conséquence, seule la SARL Immo France pouvait, en rachetant le terrain, la mener à son terme et ne pas perdre le bénéfice des sommes dont elle avait fait l'avance en finançant à sa place le début des travaux de construction. Par ailleurs, le tribunal a relevé, à juste titre, l'absence de justificatif de paiement du prix de vente qui était payable à terme. Or, à ce jour, il n'en est pas davantage justifié.

Le notaire n'est pas responsable des errements relatifs à la désignation du bien et au prix mais seulement d'erreurs concernant la TVA et l'impôt sur les plus values. Ces seules erreurs, si elles ont causé un préjudice financier à la SARL Immo France et à M. [S] en les exposant à des pénalités et majorations, sont sans incidence sur le redressement consécutif au refus de l'administration de prendre en compte l'acte rectifiant la désignation du bien et son prix.

La chance perdue d'échapper aux conséquences fiscales en renonçant à l'opération ne procède pas de l'erreur sur la TVA, qui n'a eu aucune conséquence financière, ni de celle afférente à la plus value, mais des errements concernant le montage initial de l'opération, dont le notaire n'est pas responsable.

En conséquence, cette perte de chance n'est pas indemnisable par le notaire.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

M. [C] et la SCP [C] et associés, qui succombent partiellement dans leurs prétentions, supporteront la charge des entiers dépens d'appel et ne sont pas fondés à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie de dire n'y avoir lieu à indemnité de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [S] et de la SCP Louis & [G], prise en qualité de liquidateur de la SARL Immo France, au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

DÉCLARE irrecevables les demandes de la SARL Immo France, représentée par M. [F] [S] ;

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [C] et la SCP [C] et associés à payer à la SARL Immo-France la somme de 288 973 € représentant le montant du redressement fiscal mis à sa charge et à M. [S] la somme de 59 021 € représentant le montant du redressement fiscal mis à sa charge ;

Le confirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE M. [U] [C] et la SCP [C] et associés à payer à la SCP Louis & [G], prise en sa qualité de liquidateur de la SARL Immo France, la somme de 12 179 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice fiscal que lui ont causé l'erreur sur le régime fiscal applicable à l'opération et le manque de diligence du notaire ;

CONDAMNE M. [U] [C] et la SCP [C] et associés à payer à M. [F] [S] la somme de 5 236 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice fiscal que lui ont causé l'erreur sur le régime fiscal applicable à l'opération et le manque de diligence ;

DÉBOUTE M. [U] [C] et la SCP [C] et associés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [F] [S] et de la SCP Louis & [G], prise en sa qualité de liquidateur de la SARL Immo France, au titre des frais exposés en appel ;

CONDAMNE M. [U] [C] et la SCP [C] et associés in solidum aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 20/06474
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;20.06474 ?
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