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31/05/2024 | FRANCE | N°22/14678

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 31 mai 2024, 22/14678


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/14678 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKITF







[V] [G]





C/



CAISSE D'ALLOCATION FAMILIALE DES ALPES MARITIMES











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :
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CAISSE D'ALLOCATION FAMILIALE DES ALPES MARITIMES



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NICE en

date du 05 Juillet 2022, enregistré au répertoire général sous le

n° 21/00501.





APPELANT



Monsieur [V] [G]

(bénéficie d'une aide juridict...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/14678 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKITF

[V] [G]

C/

CAISSE D'ALLOCATION FAMILIALE DES ALPES MARITIMES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Delphine BELOUCIF

CAISSE D'ALLOCATION FAMILIALE DES ALPES MARITIMES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NICE en

date du 05 Juillet 2022, enregistré au répertoire général sous le

n° 21/00501.

APPELANT

Monsieur [V] [G]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro

2022/006777 du 21/10/2022 accordée par le bureau d'aide

juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Delphine BELOUCIF, avocat au

barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

CAISSE D'ALLOCATION FAMILIALE DES ALPES

MARITIMES, demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Mme [K] [Z] (Agent audiencier)

en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Anne BARBENES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

En l'état d'une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, M. [V] [G] [l'allocataire], a saisi le 17 mai 2021 un tribunal judiciaire aux fins de condamnation de la caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes [la caisse] au paiement de dommages et intérêts en lui reprochant le retrait de l'aide personnalisée au logement et l'indu notifié, la suspension du revenu de solidarité active et de l'allocation aide personnalisée au logement, les délais pour le rétablissement de ses prestations outre des erreurs dans le versement de la prime d'activité, et en sollicitant également 'le déblocage des sommes lui étant dues au titre du revenu de solidarité active pour la période de février 2018 à avril 2019 ainsi que le calcul de ses droits au titre de la prime d'activité'.

Par jugement en date du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social :

* s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées par l'allocataire au titre du revenu de solidarité active et de la prime d'activité, et l'a renvoyé à mieux se pourvoir,

* a rejeté la demande de dommages et intérêts de l'allocataire,

* a débouté l'allocataire de sa demande sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile,

* a condamné l'allocataire aux dépens.

L'allocataire a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions remises par voie électronique le 29 février 2024, reprises oralement à l'audience du 27 mars 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'allocataire sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

* juger que le tribunal judiciaire est compétent pour connaître de son recours,

* débouter la caisse de ses demandes,

* condamner la caisse à lui verser la somme de 5 000 euros dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier,

* condamner la caisse à lui payer la somme de 1 680.84 euros à titre de rappel de ses droits au revenu de solidarité active sur la période de février 2018 à avril 2019,

* ordonner à la caisse de lui remettre le détail des calculs des droits au versement de sa prime d'activité,

* condamner 'le cas échéant' la caisse lui verser les 'éventuels rappels d'allocations en découlant',

* condamner la caisse à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier le 27 mars 2024, reprises oralement à cette audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de rejeter l'ensemble des demandes de l'allocataire.

Elle sollicite la condamnation de l'allocataire au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1- sur la compétence de la juridiction du contentieux de sécurité sociale pour connaître des litiges afférents au revenu de solidarité active et à la prime d'activité :

Pour se déclarer incompétent pour connaître de ces demandes de l'allocataire, les premiers juges, se fondant sur les dispositions de l'article L.845-2 du code de la sécurité sociale et les articles L.262-47 du code de l'action sociale et des familles et L.311-1 du code de la justice administrative, ont retenu que les demandes y afférentes relèvent de la compétence de la juridiction administrative.

Ils se sont par contre reconnus compétents pour connaître de l'action en responsabilité des organismes de sécurité sociale, y compris lorsque cette demande conduit à examiner une éventuelle faute dans le cadre de l'instruction d'une demande de versement d'une prestation relevant de la compétence du juge administratif.

Exposé des moyens des parties :

Tout en reconnaissant que depuis le 1er janvier 2020, les litiges relatifs au revenu de solidarité active, à la prime d'activité ainsi qu'à l'aide au logement relèvent de la compétence du juge administratif, l'allocataire argue avoir saisi le 7 novembre 2019 la commission de recours amiable qui n'a jamais donné suite à sa demande pour soutenir que la décision contestée est antérieure au 1er janvier 2020 et même au 7 novembre 2019, et que le tribunal judiciaire était compétent pour en connaître. Il ajoute qu'aucun des courriers de la caisse postérieurement au 1er janvier 2020 ne mentionne les voies de recours ou bien les mentionne de manière erronée en l'invitant à saisir sa commission de recours amiable. Il invoque la circulaire du 22 janvier 2020 pour soutenir que la prise d'effet de la compétence de la juridiction administrative concerne l'ensemble des décisions prononcées à compter du 1er janvier 2020.

Pour soutenir que le tribunal administratif est compétent pour connaître des litiges relatifs au revenu de solidarité active et à la prime d'activité, la caisse lui oppose les articles L.262-45, L.242-46, R.262-87, et R.262-91 du code de l'action sociale et des familles et les articles L.845-2 et L.845-3 du code de la sécurité sociale.

Elle se fonde en outre sur l'article L.825-1 du code de la construction et de l'habitation pour soutenir que depuis le 1er janvier 2020, par suite de la réforme opérée par l'ordonnance n°2019-770 du 17 juillet 2019 et le décret n°2019-772 du 24 juillet 2019, le tribunal administratif est également compétent pour connaître du contentieux concernant l'aide au logement.

Réponse de la cour :

Selon l'article L.311-1 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, juges de droit commun du contentieux administratif, sous réserve des compétences que l'objet du litige ou l'intérêt d'une bonne administration de la justice conduisent à attribuer à une autre juridiction administrative.

- concernant le revenu de solidarité active et la prime d'activité :

Selon l'article L.142-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable antérieurement au 1er janvier 2019, le contentieux général de la sécurité sociale règle les différents auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l'article L.213-1 (encaissement des cotisations sociales des travailleurs non salariés).

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dite de modernisation de la justice du XXI ème siècle, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, a modifié la répartition du contentieux relevant antérieurement de la compétence spécialisée de l'aide sociale.

Par applications combinées des articles L.134-1 et L.134-3 du code de l'action sociale et des familles relèvent de la compétence du juge judiciaire les litiges résultant de l'application des articles L.132-6, L.132-8, L.241-2, L.245-1 et L.245-2 du dit code.

Il s'ensuit que les litiges afférents au revenu de solidarité active comme à la prime d'activité, qui ne sont pas aux nombre de ceux limitativement énumérés par l'article L.134-3 du code de l'action sociale et des familles ne relèvent pas de la compétence du juge judiciaire, mais de celle de la juridiction administrative.

De plus, l'article R.847-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur et inchangée depuis le 1er janvier 2016, dispose expressément pour la prime d'activité qu'après saisine de la commission de recours amiable, 'la personne concernée peut considérer sa demande comme rejetée dans le délai prévu à l'article R.142-6, et se pourvoir, le cas échéant, devant le tribunal administratif dans le délai prévu à l'article R.421-1 du code de justice administrative'.

Il résulte en outre des articles L.262-47 et R.262-87 et suivants du code de l'action sociale et des familles que le recours préalable contre une décision relative au revenu de solidarité active est adressé au président du conseil départemental, puis adressé par ce dernier pour avis à la commission de recours amiable, et qu'à réception de cet avis, ou en l'absence d'avis sous le mois de sa saisine, le président du conseil départemental statue.

Il résulte donc de l'ensemble de ces dispositions qu'avant le 1er janvier 2020, les litiges afférents au revenu de solidarité active et la prime d'activité ne relevaient pas du champ du contentieux général de la sécurité sociale tel que défini par les dispositions de l'article L.142-1 du code de la sécurité sociale, mais des juridictions administratives.

En l'espèce, l'acte de saisine de la juridiction de première instance, du 17 mai 2021, ne fait pas référence à une décision précise de la caisse d'allocations familiales, ni à la saisine de la commission de recours amiable.

Cependant, l'allocataire justifie que la saisine judiciaire a été précédée de celle de cette commission, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception daté du 12 novembre 2019, sans que pour autant y soit fait mention d'une décision précise de la caisse, étant observé que l'allocataire demandait à cette commission 'trois choses':

'Concernant l'aide personnalisée au logement: une explication sur la non proposition d'un plan d'apurement par vos services et les raisons de la lenteur du déblocage des fonds,

concernant le revenu de solidarité active: le déblocage des sommes pour la période février 2018 à avril 2019, et qu'en est-il du mois d'octobre 2018 (aucun droit n'apparaît),

concernant la prime d'activité: le retour à un calcul des droits prenant en compte la différence des sources de revenus et la différence du mode de calcul propre à chacun de ses revenus, et bien évidemment le déblocage de ces sommes selon ce que mes revenus et le mode de calcul inscrit dans les textes de loi en donne droit'.

Il résulte donc des termes de la saisine de la commission de recours amiable que l'allocataire ne contestait pas une décision précise de la caisse.

Dans l'acte de saisine judiciaire, l'allocataire y indique relever depuis septembre 2013 de divers statuts (président de Sas jusqu'en septembre 2020, auto-entrepreneur depuis avril 2017, salarié en contrat de travail à durée déterminée du 15 août 2018 au 30 juin 2019), en avoir informé la caisse, et lui avoir demandé par lettre recommandée avec avis de réception du 7 novembre 2019 de 'régulariser' sa situation, et que celle-ci lui a répondu par courrier général daté du 15 février 2020, ce qui l'a conduit à lui adresser, par l'intermédiaire de son avocat, une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception le 17 août 2020, mais que la réponse apportée le 8 octobre 2020 ne répondait pas davantage à ses demandes.

Ainsi, bien qu'il n'y ait pas eu de décision de la commission de recours amiable suite à sa saisine du 12 novembre 2019, qui ne contestait pas une décision précise de la caisse, le courrier de réponse de la caisse daté du 15 février 2020 indiquant in fine 'si vous entendez contester votre non droit au revenu de solidarité active, merci de faire un courrier de recours accompagné de justificatifs que nous adresserons au conseil départemental' et mentionne également 'en cas de désaccord, vous disposez de deux mois pour contester cette décision. Adressez-vous à la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales à l'adresser suivante (...)' matérialise une décision de la caisse sur les droits de l'allocataire au revenu de solidarité active et à la prime d'activité.

En cause d'appel, comme du reste en première instance, l'allocataire sollicite la condamnation de la caisse au paiement d'un rappel au titre du revenu de solidarité active et formalise une demande indéterminée au titre de la prime d'activité, en demandant préalablement qu'il soit ordonné à la caisse de lui remettre le détail des calculs de ses droits.

Or, le juge judiciaire n'est effectivement pas compétent pour connaître d'un litige y afférent, qui relève de la juridiction administrative.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé sur la déclaration d'incompétence pour connaître des demandes formées au titre du revenu de solidarité active et de la prime d'activité et le renvoi de l'allocataire à mieux se pourvoir.

- concernant l'aide personnalisée au logement :

Il résulte des articles L. 142-1 et L. 142-8 du code de la sécurité sociale que le juge judiciaire connaît des litiges relatifs à l'application des législations et réglementations de sécurité sociale.

Antérieurement au 1er janvier 2020, il résultait de l'article L.835-4 du code de la sécurité sociale, que les différends avec les organismes ou services chargés de statuer sur le droit à l'allocation de logement sociale, de la liquider et d' en assurer le versement, étaient réglés conformément aux dispositions concernant le contentieux général de la sécurité sociale, prévu à l'article L.142-1 du même code.

Selon l'article L.825-1 du code de la construction et de l'habitation, créé par l'ordonnance n°2019-770 du 17 juillet 2019, entré en vigueur le 1er janvier 2020, sous réserve des dispositions de l'article L.114-17 du code de la sécurité sociale qui attribuent au tribunal de grande instance désigné en application de l'article L.211-16 du code de l'organisation judiciaire la compétence pour connaître des contestations relatives aux pénalités prononcées en cas de fraude, les recours dirigés contre les décisions prises en matière d'aides personnelles au logement et de primes de déménagement par les organismes mentionnés à l'article L.812-1 sont portés devant la juridiction administrative.

L'article 23 II de cette ordonnance dispose que, par dérogation aux dispositions du I, qui prévoient une entrée en vigueur au 1er septembre 2019 des dispositions de la partie législative du livre VIII du code de la construction et de l'habitation sous réserve de certaines exceptions:

' Entrent en vigueur le 1er janvier 2020 :

1° Les dispositions du chapitre V du titre II du livre VIII du code de la construction et de l'habitation, annexées à la présente ordonnance ; ces dispositions s'appliquent aux décisions des organismes payeurs mentionnées au 1° de l'article L.825-3 du code de la construction et de l'habitation annexé à la présente ordonnance, prises à partir du 1er janvier 2020, ainsi qu'aux décisions prises, à partir de cette même date, par le directeur de l'organisme payeur sur les demandes de remise de dettes mentionnées au 2° de ce même article. Les décisions prises avant le 1er janvier 2020 en matière d'allocation de logement demeurent soumises aux dispositions applicables en matière de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole prévues aux articles L.142-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Les décisions prises en matière d'aide personnalisée au logement avant cette même date demeurent soumises aux dispositions de l'article L.351-14 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction en vigueur à la date de publication de l'ordonnance'.

Aux termes de l'article L.825-3 du code de la construction et de l'habitation crée également par l'ordonnance précitée, le directeur de l'organisme payeur statue, dans des conditions fixées par voie réglementaire, sur:

1° les contestations des décisions prises par l'organisme payeur au titre des aides personnelles au logement ou des primes de déménagement,

2° les demandes de remise de dettes présentées à titre gracieux par les bénéficiaires des aides personnelles au logement.

Par décision n°23-04.282 du 9 octobre 2023, le Tribunal des conflits a décidé qu'il résulte de ces dispositions que les recours formés contre les décisions des organismes payeurs mentionnées au 1° de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation prises avant le 1er janvier 2020 relèvent du contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L.142-1 du code de la sécurité sociale et, dès lors, de la compétence de la juridiction judiciaire.

En l'espèce, et concernant l'aide personnalisée au logement (et en réalité l'allocation logement sociale), l'acte introductif d'instance fait uniquement grief à la caisse d'avoir tardé dans le règlement de ses droits, et la prétention émise porte exclusivement sur le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui en résulterait.

En cause d'appel, cette prétention de l'appelant est reprise, la cour étant uniquement saisie d'une demande en dommages et intérêts; il ne sollicite pas la condamnation de la caisse au paiement d'allocations logement.

Il s'ensuit que la discussion initiée par l'appelant sur la compétence judiciaire pour connaître des contestations en matière d'aide au logement est inopérante, dés lors qu'il agit en recherche de la responsabilité délictuelle de la caisse, bien qu'il omette d'en préciser le fondement juridique.

Les premiers juges ont donc avec pertinence retenu leur compétence pour connaître de son action en responsabilité dirigée contre la caisse à laquelle il reproche des lenteurs et/ou des erreurs dans l'examen de ses droits, cette caisse étant effectivement en charge de l'instruction de ses demandes au titre du revenu de solidarité active, de la prime d'activité et de l'allocation logement sociale, et les actions en responsabilité dirigées à son encontre relèvent de la compétence judiciaire.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

2- sur la faute reprochée à la caisse :

Pour débouter l'allocataire de ses demandes, les premiers juges ont retenu que la preuve de la faute de la caisse n'était pas établie, alors qu'elle :

* lui a demandé par courriers en date des 27 septembre 2016 et 6 janvier 2017 communication de son avis d'imposition sur les revenus 2015, de pièces comptables relatives à l'exercice 2015/2016, des décisions d'assemblées générales de la Sas, qu'il ne lui a communiquées partiellement que le 17 janvier 2017 en indiquant ne pas être en possession des documents comptables de la société, et que ce n'est qu'après radiation de son dossier le 9 mars 2017, en raison du caractère incomplet de la demande de revenu de solidarité active, qu'il lui a communiqué le 24 juillet 2017 les documents nécessaires à l'examen de ses droits, le revenu de solidarité active lui ayant alors été attribué ce qui a permis l'examen de ses droits à l'allocation logement et son rétablissement le 12 mars 2018,

* lui a notifié par courrier du 8 octobre 2020 avoir supprimé ses droits à la prime d'activité à compter du 1er mai 2017, pour la période de mai à juillet 2017, en l'absence de déclaration de ses revenus du trimestre précédent, alors qu'il ne justifie pas les lui avoir transmis.

Exposé des moyens des parties :

Arguant :

* d'une part que la caisse lui a notifié par lettre du 27 septembre 2018, sans explication le retrait des revenus qu'il tirait de son statut d'auto-entrepreneur de la base de calcul de sa prime d'activité en lui réclamant le remboursement d'un indu de 2 208.12 euros, et a suspendu dans le même temps le versement du revenu de solidarité active, du fait qu'il n'avait pas remis dans les délais impartis, faute de moyens financiers lui permettant de faire appel à son comptable, les bilans de la Sas dont il est le président, et que la suppression simultanée de la prime d'activité et du revenu de solidarité active l'ont placé dans une situation financière extrêmement compliquée, ne lui permettant plus d'assurer le règlement des loyers de son appartement, ce qui a généré la suspension de l'aide personnalisée au logement, puis la résiliation judiciaire de son bail avec expulsion,

* d'autre part que si la caisse a effectué en octobre 2018, après qu'il ait pu reprendre le règlement des loyers, une régularisation à hauteur de 2 690 euros, elle n'a pas repris le versement de l'aide personnalisée au logement avant le 15 octobre 2019,

l'allocataire soutient que du fait de la décision arbitraire de la caisse de suspendre le versement de la prime d'activité et des délais pris dans la gestion de son dossier, il a subi un préjudice moral et financier certain qui doit être réparé.

Il conteste avoir transmis avec retard les pièces comptables demandées pour les droits à l'aide personnalisée au logement arguant que l'année comptable prenant fin le 31 mars 2016, que ce n'est

pas l'année N-2 qui doit être utilisée pour définir ses revenus, et qu'elle était en possession du bilan 2014-215.

La caisse réplique que compte tenu de son statut professionnel de gérant non salarié et du fait qu'il avait sollicité le revenu de solidarité active, elle lui a demandé par courrier du 27 septembre 2016 les documents permettant notamment de régulariser son dossier d'aide au logement, puis par courrier du 28 décembre 2016 une pièce complémentaire nécessaire au calcul des droits à l'aide au logement pour l'exercice de paiement à servir à partir de janvier 2017.

Elle ajoute qu'il ne pouvait prétendre en 2017 et en 2018 au bénéfice de l'allocation logement social compte tenu de l'évaluation forfaitaire retenue en application de l'article R.532-8 du code de la sécurité sociale ancien, en lien avec une déclaration de revenus à zéro au titre de l'année civile de référence pour l'exercice de paiement et de son statut de gérant non salarié, et que parallèlement, par courrier du 9 mars 2017, le conseil général l'a informée avoir radié la demande de renouvellement de revenu de solidarité active de l'allocataire pour défaut de production de l'ensemble des pièces, ce qui ne lui permettait pas de réétudier son dossier d'allocation de logement social, ni l'application de l'évaluation forfaitaire.

Elle ajoute que lors de la transmission par l'allocataire le 24 juillet 2017 des pièces manquantes, il en ressortait qu'une procédure d'injonction de payer avait été engagée par son bailleur à son encontre, qu'en décembre 2017 celui-ci avait indiqué une situation d'impayé depuis mai 2017.

Elle soutient avoir régularisé le dossier de l'allocataire en mars 2018 à réception du décompte, en prenant en considération qu'étant bénéficiaire du revenu de solidarité active, il n'y avait plus lieu à évaluation forfaitaire de ses revenus, et que suite à l'impayé signalé à nouveau en octobre 2018 par le bailleur, avoir à nouveau régularisé, à réception du décompte produit par ce dernier.

Elle soutient avoir accompli toutes les diligences pour traiter le dossier de l'allocataire en fonction des documents qu'il lui a transmis et de la législation/réglementation en vigueur.

Réponse de la cour :

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et l'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Enfin l'article 9 du code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il incombe dès lors à celui qui invoque un préjudice de rapporter la preuve :

* de l'existence d'un préjudice,

* d'une faute commise par la personne à laquelle il l'impute,

* du lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Le revenu de solidarité active comme l'allocation logement sont soumis à des conditions de ressources, respectivement par les articles L.262-2 et suivants du code de l'action sociale et des familles et L.822-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation et il incombe à l'allocataire d'en justifier régulièrement auprès de la caisse.

L'article R.351-14-1 du code de la construction et de l'habitation, pris dans sa rédaction applicable issue du décret 2015-1709 du 21 décembre 2015 stipulant que lorsque la personne bénéficie du revenu de solidarité active, il n'est pas tenu compte des revenus d'activité professionnelle ni des indemnités de chômage perçues par l'intéressé pendant l'année de référence, il en résulte que lorsque l'allocataire ne le perçoit plus, son droit à allocation logement est subordonné à la justification de l'ensemble de ses revenus.

Contrairement à ce qu'allègue l'allocataire, jusqu'au 1er septembre 2019, l'article R.831-6 du code de la construction et de l'habitation disposait que l'année de référence pour les ressources

à prendre en considération pour le droit à l'allocation logement sociale étaient celles perçues durant l'avant dernière année civile précédant le période de paiement (soit l'année N-2).

Il résulte des déclarations effectuées en ligne par l'allocataire qu'il est célibataire, sans enfant, et a déclaré :

*le 14 décembre 2016, être gérant depuis le 01/09/2013, mais n'avoir perçu aucun salaire en novembre 2016,

*le 2 février 2017, être travailleur indépendant depuis le 01/09/2013, n'avoir perçu aucun bénéfice en 2015 et aucun revenu salarié ni aucune autre ressource en novembre 2016, décembre 2016 et janvier 2017.

Il est établi que :

- la caisse lui a demandé :

* le 27 septembre 2016, de justifier à la demande du Conseil départemental, de son avis d'imposition 2016 sur les revenus 2015, des pièces comptables (bilans, compte de résultat et annexes) de l'exercice 2015/2016 ainsi que de toutes décisions d'assemblées générales modificatives,

* le 28 décembre 2016, la copie du ou des bulletins de salaire pour le mois de novembre 2016, et qu'il lui a répondu le lendemain être employé mais non salarié (gérant de Sas) depuis 2013 et que cela n'a pas changé, qu'il n'a pas de salaire et pas de revenu,

* le 6 janvier 2017, de compléter et signer la demande d'information (laquelle mentionne 'veuillez fournir les documents réclamés par le Conseil départemental le 27/09/2016 (dont copie jointe) car du fait que vous êtes gérant non salarié et que votre droit au revenu de solidarité active est suspendu depuis octobre 2016, vous n'avez pas droit à l'allocation logement. Vous devez avoir un droit revenu de solidarité active valorisé pour pouvoir prétendre à l'aide au logement',

- il a transmis le 17 janvier 2017 à la caisse son avis d'imposition 2016 en lui précisant 'le bilan comptable de la Sas (...) vous sera délivré ultérieurement. Le rendement de la société n'a pas été celui escompté (...) mais je cherche une solution pour le finaliser (...),

- par décision du président du Conseil départemental en date du 9 mars 2017, l'allocataire a été radié, au titre de sa demande de revenu de solidarité active, au motif que 'les justificatifs demandés par courrier d'appel de pièces du 27/09/2016 n'ont pas ou partiellement été produits et que les revenus éventuellement retirés de la société sont impossibles à évaluer',

- il a transmis le 24 juillet 2017 à la caisse les pièces comptables demandées, en demandant un réexamen de son dossier et en faisant état d'une injonction d'expulsion de son bailleur,

- la caisse lui a ensuite écrit :

* le 12 mars 2018, avoir étudié ses droits et que le rappel de 3 255 euros au titre de l'allocation logement sociale de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 sera versé à son bailleur,

* le 27 septembre 2018, avoir modifié le montant des ressources enregistrées sur décision du Conseil départemental et procédé à une nouvelle étude de ses droits depuis le 01/05/2017, faisant ressortir qu'il a perçu pour le revenu de solidarité active et la prime d'activité 5 407.56 euros alors qu'il avait droit à 3 199.44 euros et qu'il lui est redevable de 2 208.12 euros,

* le 31 octobre 2018, avoir étudié ses droits et que le rappel de 2 690 euros au titre de l'allocation logement sociale de la période du 1er janvier au 31 octobre 2018 sera versé à son bailleur,

* le 15 octobre 2019, avoir étudié ses droits et que le rappel de 2 693.61 euros au titre de l'allocation logement sociale sera versé à son bailleur, déduction faite d'une retenue de 265.39 euros.

L'allocataire n'est pas fondé à reprocher à la caisse dans la gestion de son dossier, la suspension de ses droits au revenu de solidarité active comme la tardiveté des réexamens successifs de sa situation auxquels elle a dû procéder, alors que :

* d'une part la suspension du revenu de solidarité active puis sa radiation du bénéfice de cette prestation sociale en mars 2017 sont la conséquence de ses propres manquements, résidant dans des transmissions incomplètes des documents demandés, notamment comptables, et de la décision du Conseil départemental,

* cette radiation a également complexifié ensuite l'étude de ses droits, les conditions à remplir pour bénéficier de l'allocation logement sociale n'étant pas les mêmes selon qu'il était ou non bénéficiaire du revenu de solidarité active.

De même, alors qu'il est établi que l'allocataire a également été défaillant dans le paiement de ses loyers, et ce de façon itérative, et que la caisse prouve que son bailleur lui a adressé :

* le 4 décembre 2017 un signalement d'impayé de loyer depuis le mois de mai 2017

* le 8 octobre 2019 un signalement d'impayé de loyer depuis le 10 juin 2019,

que l'allocataire verse lui-même aux débats un arrêt de la présente cour en date du 17 octobre 2019 confirmant son expulsion de son précédent logement et sa condamnation au paiement d'un arriéré de loyers, charges et indemnité d'occupation actualisé dû au 22 juillet 2019 d'un montant de 2 172.40 euros,

il est mal fondé à reprocher à la caisse le temps rendu nécessaire par les vérifications et réexamens itératifs de sa situation auxquelles elle a été amenée à procéder pour déterminer le montant de son allocation logement sociale.

Enfin, l'appelant ne peut utilement arguer que sa situation étant inchangée en 2016 et 2017 , la caisse avait connaissance de ses revenus 2015 pour soutenir qu'elle aurait commis une faute dans l'examen de sa situation, alors que les prestations dont s'agit étant en lien avec ses ressources et/ou soumises à des conditions de ressources, la contrepartie pour l'allocataire est l'obligation de justifier régulièrement de celles-ci, y compris lorsqu'il n'y a pas eu de changement dans sa situation.

L'appelant ne rapportant pas davantage en cause d'appel la preuve de la faute reprochée à la caisse, le jugement entrepris doit être également confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et prétentions y afférentes.

Succombant en son appel, l'allocataire doit être condamné aux dépens y afférents et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la disparité de situation, il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la caisse les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

- Déboute M. [V] [G] de l'ensemble de ses prétentions et demandes,

- Dit n'y avoir lieu à application, au bénéfice de la caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [V] [G] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la réglementation en vigueur en matière d'aide juridictionnelle.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/14678
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;22.14678 ?
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