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31/05/2024 | FRANCE | N°22/13151

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 31 mai 2024, 22/13151


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/13151 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDPV







MSA PROVENCE AZUR





C/



[R] [G]



Organisme MSA PROVENCE AZUR





























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Emmanuelle JALLIFFIER-VERNE<

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- Me Ariane COURREGES



- Me Stéphane CECCALDI















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 14 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/00374.





APPELANT



MSA PROVENCE AZUR, demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Emmanuelle ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/13151 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDPV

MSA PROVENCE AZUR

C/

[R] [G]

Organisme MSA PROVENCE AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Emmanuelle JALLIFFIER-VERNE

- Me Ariane COURREGES

- Me Stéphane CECCALDI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 14 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/00374.

APPELANT

MSA PROVENCE AZUR, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Emmanuelle JALLIFFIER-VERNE, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

Madame [R] [G], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Ariane COURREGES, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE INTERVENANTE

MSA PROVENCE AZUR, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [G] a été employée par la Mutualité Sociale Agricole (MSA) Provence Azur à compter du 1er août 1990 en qualité d'agent administratif, nommée responsable du service contentieux niveau 7 1er degré le 1er avril 2007 et responsable du contentieux de la MSA sur le site des Bouches-du-Rhône degré 2 à compter du 1er mai 2010.

Le 1er avril 2013, elle a été classée en invalidité de 1ère catégorie et son contrat de travail a été modifié, le 1er mai 2013, pour réduire la durée de son temps de travail à 21 heures par semaine, réparti du lundi matin au mercredi soir.

Suite à une réorganisation d'ampleur du service contentieux de la MSA Provence Azur pour mettre fin à la segmentation par département et qu'il n'existe plus que deux entités pour l'ensemble de la circonscription, Mme [G] a été affectée, à compter du 1er mars 2017, au poste de responsable du service des affaires juridiques sur le site des Bouches-du-Rhône.

Le 9 janvier 2018, à midi trente, alors que Mme [G] déjeunait à la cafétéria de l'entreprise, elle a été victime d'un malaise avec perte de connaissance. Transportée au service des urgences du centre hospitalier de [7] à [Localité 8], le certificat médical initial, établi le 10 janvier 2018, a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 19 janvier 2018.

L'accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle et son état de santé a été déclaré consolidé au 25 avril 2019, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 2%.

Le médecin du travail effectuant une visite de reprise a conclu à l'inaptitude de la salariée le 17 juin 2019 et le 5 juillet 2019, la MSA Provence Azur lui a notifié son licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement.

Le 5 février 2021, Mme [G] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur à l'origine de son accident du travail.

Par jugement rendu le 14 septembre 2022, le tribunal a :

- dit que l'accident du travail dont Mme [G] a été victime le 9 janvier 2018 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la MSA Provence Azur,

- ordonné la majoration de l'indemnité en capital attribuée à Mme [G] à son taux maximum,

- dit que la majoration du capital servi en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité attribué,

- avant-dire droit, ordonné une expertise aux fins d'évaluer les préjudices de Mme [G],

- fixé à 2.500 euros la provision versée par la MSA Provence Azur, en sa qualité d'organisme de sécurité sociale, à Mme [G],

- dit que la MSA Provence Azur, en sa qualité d'organisme de sécurité social récupèrera auprès de la MSA Provence Azur, en sa qualité d'employeur de Mme [G], les sommes qui seront allouées à la victime en réparation de son préjudice, en ce compris la provision précitée,

- condamné la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur, à verser à Mme [G] la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamné la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur de Mme [G], au paiement des dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration enregistrée sur RPVA le 4 octobre 2022, la MSA Provence Azur, prise en qualité d'employeur de Mme [G], a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 11 avril 2024, l'appelante reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- débouter Mme [G] de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'elle ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel était exposée sa salariée dès lors que cette dernière n'était pas exposée au moindre danger. Elle conteste d'abord le caractère contraint des déplacements de Mme [G] en indiquant que cette dernière avait choisi le poste de responsable juridique auquel elle a été affectée en mars 2017 et qu'elle n'a pas fait part de difficulté lors de son entretien annuel d'évaluation d'août 2017, ainsi qu'en faisant valoir que la salariée avait toute latitude pour se rendre ou non aux réunions et que la Direction avait proposé de nombreux aménagements pour permettre à sa salariée de ne pas se déplacer aux réunions.

Elle conteste ensuite l'importance des déplacements de la salariée en indiquant que de 2013 à 2017, elle n'a effectué que quelques déplacements par an, que la majorité des déplacements effectués en 2017 étaient à [Localité 4] dont la distance avec le lieu d'activité habituel de la salariée était réduite (59 minutes).

Elle ajoute que la salariée n'a jamais fait part de la moindre difficulté en termes de charge de travail à sa hiérarchie et qu'elle a avoué dans un mail du 16 mars 2019, que ce n'était pas le travail qui l'avait rendue malade, mais le fait d'être en arrêt de travail.

Elle en conclut qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une quelconque faute de sa part à l'origine de l'accident du travail.

Mme [G] reprend les conclusions notifiées par RPVA le 30 juin 2023. Elle demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de condamner la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur, à lui verser la somme de 2.500 euros à titre de frais irrépétibles et de la condamner au paiement des dépens.

Au soutien de ses prétentions, Mme [G] explique qu'elle a été classée en invalidité de 1ère catégorie à compter du 1er avril 2013 et qu'à compter du 1er mai suivant, sa durée du travail a été réduite à 21 heures par semaine du lundi matin au mercredi soir et que le médecin du travail l'a déclarée apte avec réserves et n'a émis aucun contre-indication à son emploi au poste aménagé le 15 mai 2013, l'avis d'aptitude avec réserve étant communiqué à son employeur. Elle indique qu'elle s'est vue reconnaître le statut de travailleur handicapé les 22 juillet 2015 et 24 mai 2018 et que les décisions ont été communiquées à son employeur.

Pour autant, elle fait valoir que dans le cadre de ses fonctions de responsable du service contentieux recouvrement amiable, puis de responsable de service PSSP au service Affaires juridiques, elle a été contrainte d'effectuer des déplacements sur [Localité 3] et sur [Localité 4] et de participer à des réunions sur ses jours de repos des jeudi et vendredi. Elle indique que la fréquence de ces déplacements s'est accrue à compter du 1er mars 2017.

Elle fait valoir qu'alors qu'elle avait sollicité auprès de la Direction des ressources humaines un poste sédentaire sur le site des Bouches-du-Rhône, elle a été nommée au poste de responsable de service PSSP au service Affaires juridiques, dans le cadre duquel elle avait sous sa responsabilité trois équipes de rédacteurs juridiques situés sur trois départements différents (Bouches-du-Rhône, Var et Alpes-Maritimes) sans avoir plus d'adjoint, alors que dans son précédent poste de responsable du service contentieux des Bouches-du-Rhône, elle avait deux homologues chargés des services contentieux sur les sites du Var et des Alpes-Maritimes et avait une adjointe.

Elle ajoute qu'en sa qualité de responsable du service des Affaires juridiques elle était tenue d'assister à des réunions avec les membres du service, aux séances de la commission de recours amiable, aux réunions et Comités avec les autres repsonsables de service et la Direction, ainsi qu'à des séminaires et des formations, se déroulant pour la plupart à [Localité 4] et à [Localité 6].

Elle fait remarquer que son dernier poste n'a jamais été soumis à l'avis du médecin du travail alors que l'article R.4624-18 du code du travail prévoit une surveillance médicale renforcée pour les travailleurs handicapés.

Elle considère que la répétition des déplacements et la charge de travail ont entraîné un état de stress important et une grande fatigue ayant provoqué son malaise, le 9 janvier 2018.

Elle conclut à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l'origine de son accident du travail et la majoration consécutive du capital qui lui a été attribué. Elle produit des documents médicaux pour démontrer la réalité de ses préjudices ayant justifié l'organisation d'une expertise en première instance. Elle explique que l'expert a déposé son rapport et sollicite d'être renvoyée devant la première juridiction pour faire liquider ses préjudices.

La MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'organisme de sécurité sociale, reprend les conclusions communiquées aux parties adverses par mail du 15 janvier 2024. Elle demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour sur l'existence d'une faute inexcusable et les conséquences de celles-ci,

- dans l'hypothèse d'une confirmation de l'existence d'une faute inexcusable, confirmer qu'elle pourra récupérer auprès de la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur, les sommes allouées à la victime en réparation de son préjudice, en ce compris la provision et les frais liés à la mesure d'expertise,

- le cas échéant, confirmer la mesure d'expertise ordonnée avant-dire-droit,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises à l'audience par les parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la reconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident de travail du 9 janvier 2018

Aux termes de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié qui l'invoque.

En l'espèce, il résulte de la déclaration d'accident du travail établie par la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur de Mme [G], que cette dernière a été victime d'un malaise avec perte de connaissance le 9 janvier 2018, à 12h30, alors qu'elle déjeunait à la cafétéria de l'entreprise. Il ressort du certificat médical initial établi le 10 janvier 2018, qu'il a été prescrit un arrêt de travail jusqu'au 19 janvier suivant.

Il est constant que compte tenu de la mise en invalidité de 1ère catégorie de la salariée à compter du 1er avril 2013, par la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'organisme de sécurité sociale, il a été fait droit à la demande de travail à temps partiel de la salariée, par la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur, selon décision du 22 avril 2013 prévoyant que Mme [G] soit absente les jeudi et vendredi à compter du 1er mai 2013 pour une durée indéterminée.

En outre, il ressort de la fiche d'aptitude destinée à l'employeur, remplie par le médecin du travail le 15 mai 2013 que Mme [G] a été déclarée apte à l'emploi de responsable du service contentieux avec la réserve suivante : 'un poste allégé, sans port de charge, ni déplacement, avec pauses toutes les 2 heures'.

Par courrier de la doctoresse [D] [H], médecin du travail, au service RH de la MSA Provence Azur, en date du 15 mai 2013, il a été confirmé à la société employeur, que l'état de santé de sa salariée nécessitait une reprise à un poste allégé : ' poste sédentaire sans déplacement, sans station debout statique prolongée, sans port de charge supérieur à 8 kgs, avec pauses toutes les 2 heures.'

Le 16 septembre 2013, la médecin du travail indique que la salariée est apte à l'emploi au poste aménagé de responsable du service contentieux.

Comme l'ont fait pertinnemment remarqué les premiers juges, bien que la MSA Provence Azur ait effectivement procédé à un aménagement du temps de travail de la salariée et que la médecin du travail ait estimé, en son temps, que l'emploi aménagé ne présentait aucune contre-indication médicale, il convient d'observer que les conditions de travail de Mme [G] n'étaient pas les mêmes à compter du 1er mars 2017, dans la mesure où cette dernière a été affectée au poste de responsable du service des Affaires juridiques, selon courrier du 1er février 2017.

Ce dernier courrier indique que ' cette modification s'inscrit dans le cadre du projet d'entreprise. Elle se justifie par les exigences de performance figurant dans la Convention d'objectifs et de gestion ainsi que par les suppressions de postes imposés par la MSA Provence Azur dans le cadre de son Contrat pluriannuel de gestion'.

Cette mention est corroborée par les organigrammes produits par la salariée et dont il résulte que tant qu'elle était responsable du service contentieux du site des Bouches-du-Rhône, Mme [G] partageait la charge de travail avec Mme [S], responsable adjointe, et avait deux homologues : M. [B], responsable du service contentieux du site des Alpes-Maritimes, et Mme [Z], responsable du service contentieux du site du Var. En revanche, à compter du 1er mars 2017, il résulte des organigrammes, qu'elle a été affectée au poste de responsable des Affaires juridiques chargé des trois départements (Bouches-du-Rhône, Alpes-Maritimes et Var) sans aucun adjoint.

La charge de travail prévue lors de la réduction du temps de travail de la salariée en 2013 s'est vue, de fait, augmentée. Il ressort des relevés d'heures produits par la salariée qu'alors qu'elle doit avoir une durée de travail hebdomadaire de 21 heures, elle a effectué 27,51 heures la dernière semaine de décembre 2016, et des heures supplémentaires sur dix semaines au cours de l'année 2017.

En outre, comme il l'a également été relevé par les premiers juges, Mme [G] a été contrainte d'effectuer à plusieurs reprises des déplacements à [Localité 3] et à [Localité 4], et de participer à des réunions lors de ses jours de repos fixés les jeudis et vendredis.

En effet, il ressort de la liste des déplacements de la salariée, tenue par la MSA Provence Azur elle-même, que si Mme [G] a effectué un seul déplacement en 2013, trois en 2014, deux en 2015 et trois en 2016, en revanche, elle a dû en effectuer 18 au cours de l'année 2017, de [Localité 8] à [Localité 4].

De même, il résulte des procès-verbaux de réunions de la commission de recours amiable sur le site de [Localité 4] en dates des 11 mai, 12 octobre et 30 novembre 2017, d'une convocation par mail à la réunion de la commission de recours amiable à [Localité 4] le 24 novembre 2017, et d'une convocation par mail à la tenue d'un CODIREL le 21 septembre 2017 à [Localité 4], que Mme [G] a dû occuper ses fonctions y compris les jeudis et vendredis, jours pendant lesquels elle ne doit pas travailler au regard de la décision de son employeur prise pour une durée indéterminée le 22 avril 2013.

Il s'en suit que, comme l'ont indiqué les premiers juges, au regard des avis d'inaptitude rendus par la médecine du travail en 2013, la MSA Provence Azur ne pouvait ignorer que l'accroissement de la charge de travail de la salariée, et les déplacements professionnels effectués par celle-ci dans le cadre de ses fonctions l'exposaient inévitablement à un risque pour sa santé.

Malgré ces modifications dans les conditions de travail de Mme [G], et alors même que celle-ci a adressé, par mail du 10 janvier 2017 au service des ressources humaines de la MSA Provence Azur, moins de deux mois avant d'être affectée à son nouveau poste de responsable du service des Affaires juridiques, la décision de la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Bouches-du-Rhône en date du 22 juillet 2015, selon laquelle elle est reconnue comme ayant qualité de travailleur handicapé, bénéficiant d'une surveillance médicale renforcée aux termes de l'article R.4624-18 du code du travail modifié par décret du 11 juillet 2014, sur la période du 22 juillet 2015 au 22 juillet 2018, la MSA, prise en sa qualité d'employeur, ne justifie, ni n'invoque, avoir soumis le nouvel emploi de sa salariée à l'avis de la médecine du travail.

En outre, contrairement à ce qui est indiqué dans les conclusions de l'appelante, il ressort de la fiche de voeux de la salariée communiquée au service des ressources humaines par mail du 28 décembre 2016, que Mme [G], avait émis le souhait d'un poste sédentaire sur le site 13 au sein du service des ressources humaines, de sorte que la MSA Provence Azur, en l'employant à un poste la contraignant à multiplier les déplacements et à participer à des réunions les jours pendant lesquels elle ne devait pas travailler, sans aucun avis médical préalable, n'a pas pris de mesure pour la préserver du risque psycho-social.

C'est en vain que la société fait valoir que la salariée n'était pas obligée de se déplacer aux réunions prévues, dès lors qu'elle ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires pour que la salariée ne se déplace pas. Ainsi, il résulte des comptes-rendus de réunions de la commission de recours amiable à [Localité 4] les jeudis et vendredis pendant lesquels Mme [G] ne devaient pas travailler, que celle-ci était, à chaque fois, accompagnée de Mme [W], sous-directrice, dont il n'est pas justifié qu'elle ait oeuvré pour que la salariée ne se présente pas à ses côtés.

De même, la MSA ne peut valablement arguer de l'absence de difficulté soulevée par la salariée lors de son entretien annuel d'évaluation le 23 août 2017, pour démontrer qu'elle ne pouvait pas avoir conscience du risque psycho-social encouru par sa salariée. En effet,il ressort des commentaires de l'évaluée qu'elle fait mention de 'la scission du service et la réduction importante des effectifs (qui) sont encore trés prégnantes' et de 'tous (leurs) efforts (qui) sont concentrés sur la réussite de ce nouveau service'. Si la salariée choisit ainsi à dessein les mots pour montrer sa motivation au supérieur hiérarchique qui l'évalue, il n'en demeure pas moins qu'elle évoque les difficultés qu'elle rencontre, même si l'évaluateur ne se borne à y voir que des 'défis' à relever, selon son propre commentaire.

Par conséquent, il est suffisamment rapporté la preuve que bien que la MSA Provence azur,prise en sa qualité d'employeur, avait ou aurait dû avoir conscience du risque psycho-social auquel sa salariée, Mme [G], était exposée, elle n'a pris aucune mesure de nature à l'en préserver.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont reconnu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail dont a été victime Mme [G] le 9 janvier 2018.

La majoration du capital à son maximum, la mission d'expertise ordonnée, la provision allouée sur l'indemnisation des préjudices de la salariée, ainsi que les mentions sur l'action récursoire de la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'organisme social, n'étant pas discutées, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Mme [G] sera renvoyée devant les premiers juges pour faire liquider ses préjudices.

Sur les frais et dépens

La MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, elle sera également condamnée à payer à Mme [G] la somme de 2.500 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Renvoie les parties devant la juridiction de première instance aux fins de liquidation des préjudices de Mme [G],

Condamne la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur, à payer à Mme [G] la somme de 2.500 euros à titre de frais irrépétibles,

Déboute la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur, de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne la MSA Provence Azur, prise en sa qualité d'employeur, au paiement des dépens de l'appel,

Dit que l'arrêt sera adressé au pôle social par les soins du greffe.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/13151
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;22.13151 ?
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