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31/05/2024 | FRANCE | N°22/05591

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 31 mai 2024, 22/05591


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/05591 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHQN







S.A.R.L. [9]

Ass de Me [K] [I] - Commisaire à l'exécution du plan

URSSAF [Localité 7]





C/





S.A.R.L. [9]

Ass de Me [K] [I] - Commisaire à l'exécution du plan

URSSAF [Localité 7]

















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Copie exécutoire délivrée

le :

à :

URSSAF [Localité 7]

Me Marie-Sophie PELLIER

Me Charles TOLLINCHI











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 22 Mars 2022,

enregistré au répertoire général sous le n° 17/01590.



...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/05591 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHQN

S.A.R.L. [9]

Ass de Me [K] [I] - Commisaire à l'exécution du plan

URSSAF [Localité 7]

C/

S.A.R.L. [9]

Ass de Me [K] [I] - Commisaire à l'exécution du plan

URSSAF [Localité 7]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

URSSAF [Localité 7]

Me Marie-Sophie PELLIER

Me Charles TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 22 Mars 2022,

enregistré au répertoire général sous le n° 17/01590.

APPELANTES et INTIMEES

URSSAF [Localité 7],

demeurant [Adresse 2]

MARSEILLE CEDEX 20

représentée par M. [T] [V] en vertu d'un pouvoir spécial

S.A.R.L. [9]

demeurant [Adresse 1]

assistée de Me PELLIER Marie-Sophie (SCP PELLIER)

Commisaire à l'exécution du plan de S.A.R.L. [9]

demeurant [Adresse 3]

représentés par Me Charles TOLLINCHI, avocat au barreau d'AIX-

EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Anne BARBENES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société [9] a saisi le 13 septembre 2017, un tribunal des affaires de sécurité sociale en l'état de décisions implicites de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF saisie de ses contestations afférents à la situation comptable de son compte.

Le tribunal de commerce de Nice a par jugements :

* en date du 5 septembre 2019, prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société [9],

* en date du 20 janvier 2021, arrêté le plan de redressement, d'une durée fixée à 10 ans, et nommé commissaire à l'exécution du plan la Scp Pellier, représentée par Me [K] Pellier.

Par jugement en date du 12 février 2021, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social a:

* déclaré recevable le recours en ce qu'il porte contre la décision de rejet implicite de:

- considérer les cotisations des années 2007 et 2008 comme payées (11 549.90 euros),

- reconnaître le paiement au titre des cotisations de l'année 2016 de la somme de 25 903 euros,

- justifier les cotisations décomptées pour les années 2013 à 2015,

* déclaré la société irrecevable à contester les cotisations visés par les mises en demeure ci-après rappelées:

période 2016

mois

cotisation

pénalité

majorat. de retard

date

mise en demeure

date réception

date contrainte

significa. contrainte

janvier

12 012

648

27/01/16

28/01/16

14/03/16

16/03/16

janvier

62

13/04/16

14/04/16

février

10 929

590

25/02/16

29/02/16

11/04/16

13/04/16

mars

15 524

165

838

13/04/16

14/04/16

mars

11 592

672

24/06/16

27/06/16

avril

1 996

107

03/05/16

09/05/16

mai

72

4

24/06/16

27/06/16

juin

10 863

586

24/06/16

27/06/16

* et avant dire droit, a ordonné la réouverture des débats et a renvoyé à une audience ultérieure en invitant l'URSSAF à conclure au fond.

Par jugement en date du 22 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, en ses dispositions décisoires, a :

* dit n'y avoir lieu à statuer sur la contestation relative aux cotisations portant sur les mois de janvier à juin 2016,

* déclaré irrecevables les demandes concernant les cotisations portant sur les années 2013 à 2015,

* 'constaté' que la société [9] s'est acquittée de la somme de 11 549.90 euros pour les cotisations dues au titre des années 2007 et 2008,

* débouté l'[Adresse 10] de sa demande de fixation au titre des années 2007 et 2008,

* débouté la société [9] de sa demande portant sur les cotisations dues 'titre du mois de décembre',

* dit que les dépens seront portés au passif de la procédure collective.

L'URSSAF a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, étant précisé que son appel a été enrôlé sous la référence RG 22/05591.

La société [9] a également interjeté régulièrement appel le 25 avril 2022, lequel a été enrôlé sous la référence RG 22/05993.

Par ordonnance du magistrat chargé d'instruire en date du 22 novembre 2023, la procédure RG 22/05993 a été jointe à celle portant la référence RG 22/5591.

Par conclusions en réplique n°2 réceptionnés par le greffe le 13 mars 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'[Adresse 10] sollicite à titre principal la réformation du jugement frappé d'appel en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société [9] sur la contestation d'un état des débits et l'affectation des paiements et subsidiairement, son infirmation en ce qu'il a constaté que la société [9] s'est acquittée de la somme de 11 549 euros pour les cotisations dues au titre des années 2007 et 2008.

Elle demande à la cour de :

* confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société portant sur les périodes de janvier à juin 2016,

* 'constater' que la créance de cotisations pour les années 2007 et 2008 reste due pour d'une part 4 562 euros et d'autre part pour 5 432 euros,

* 'constater qu'elle a annulé les majorations de retard afférentes aux année 2007 et 2008",

* 'constater la suspension des poursuites individuelles à l'ouverture de la procédure collective du 5 septembre 2019",

* déclarer opposable à la procédure collective l'arrêt qui sera rendu par la cour (sic),

* condamner la société [9] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et mettre cette somme à la charge de la procédure collective,

* condamner la société [9] aux dépens.

Par conclusions n°2 réceptionnées par le greffe le 25 mars 2024, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [9], assistée du commissaire à l'exécution du plan la Scp Pellier, représentée par Me [K] [I], demande à la cour de :

* débouter l'URSSAF de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable son action,

* écarter des débats la pièce non communiquée n°13 de l'URSSAF libellée 'état des débits et des crédits du 1er trimestre 2007 au mois de décembre 2020,

* confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'elle s'est acquittée de la somme de 11 459.90 euros et a débouté l'URSSAF de sa demande de fixation de sa créance au titre des années 2007 et 2008,

* réformer le jugement en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en sa demande de prise en compte de paiements de cotisations sur la période 2016.

* juger qu'elle s'est acquittée en 2016 de la somme de 25 903 euros au titre des cotisations URSSAF et que cette somme doit être déduite du montant des cotisations réclamées,

* condamner l'URSSAF aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1- sur le respect de la contradiction concernant la pièce n°13 de l'URSSAF :

La cotisante demande à la cour d'écarter des débats cette pièce en arguant de son défaut de communication. L'URSSAF ne s'explique pas à cet égard.

S'il résulte du bordereau de communication de pièces de l'URSSAF daté du 27 décembre 2023, que la pièce n°13 est au nombre des pièces communiquées, pour autant force est de constater que:

* d'une part, les pièces versées aux débats par l'URSSAF ne sont pas numérotées à l'exception de celles portant les numéros 14 (décision de la commission de recours amiable du 29 novembre 2017) et 15 (lettre de la société datée du 3 mars 2014 en réponse à l'avis amiable de recouvrement de l'URSSAF daté du 13 février 2014), ce qui ne permet pas à la cour de vérifier que le contradictoire a bien été respecté en ce qui concerne la pièce n°13 censée correspondre à un 'état des débits et des crédits du 1er trimestre 2007 au mois de décembre 2020",

* les autres pièces, non numérotées, présentes dans le dossier remis à la cour par l'URSSAF à l'issue des plaidoiries, sont :

- les mises en demeure datées des 27/01/2016, 25/02/2016, 13/04/2016, 03/05/2016, 24/06/2016, toutes recto/verso, le courrier sur 5 pages daté du 12 juillet 2022 adressé par la société [9] à la SCP [6], et la cour constate qu'elles correspondent aux pièces 1 à 6 du bordereau,

- un tableau sur 4 pages de déclarations de créances de l'URSSAF, non mentionné sur ce bordereau,

- copies des jugements rendus entre les parties avec notices de notification du greffe en date des 12/02/2021, 26/03/2021, 06/09/2016 (ref. 21300986 et 21301043), de la contrainte du 18/06/2013 et de sa signification, et la cour constate qu'elles correspondent aux pièces 7 à 10 du bordereau.

Le bordereau de communication de pièces du 27 décembre 2023, étant à lui seul insuffisant pour établir la communication contradictoire de l'ensemble des pièces qui y sont listées, d'autant que les pièces non numérotées ne correspondent que pour parties à celles-ci, et la pièce 13 n'étant pas davantage présente au dossier de l'URSSAF, alors que la société cotisante conteste en avoir communication, la cour juge que n'étant pas régulièrement versée aux débats, elle ne peut être prise en considération, le principe de la contradiction posé par les articles 15 et 16 n'étant pas respecté par l'URSSAF en ce qui la concerne.

2- sur fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée résultant du jugement en date du 12 février 2021 :

Pour dire n'y avoir lieu à statuer sur la contestation relative aux cotisations portant sur les mois de janvier à juin 2016, les premiers juges ont retenu que le jugement du 12 février s'est déjà prononcé à cet égard.

Pour déclarer irrecevables les demandes concernant les cotisations sur les années 2013 à 2015, les premiers juges ont retenu qu'elles font l'objet d'une procédure distincte et que par jugement du 26 mars 2021, dans le cadre d'une instance référencée RG16-02499, le tribunal judiciaire de Nice a maintenu la somme due pour l'année 2013 pour un montant de 973 euros, a annulé le redressement portant sur l'année 2014, et l'a ramené à la somme de 1 307 euros pour l'année 2015, alors qu'il n'est ni allégué ni démontré que cette décision n'est pas définitive.

Exposé des moyens des parties:

Sans reprendre dans le dispositif de ses conclusions sa prétention d'irrecevabilité du recours de la cotisante motif pris de l'incompétence de la juridiction, autrement qu'en sollicitant la réformation du jugement frappé d'appel en ce qu'il a déclaré recevable les demandes de la société [9] sur la contestation d'un état des débits et l'affectation des paiements, l'URSSAF argue que le tribunal a ignoré les règles de compétence d'attribution.

Se fondant sur les dispositions de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire et de l'article L.141-1du code de la sécurité sociale, elle soutient que les demandes portées par la société devant le pôle social du tribunal judiciaire sont de la compétence du juge de l'exécution et que le pôle social du tribunal judiciaire est seul compétent pour connaître de l'opposition à une contrainte décernée par un organisme de sécurité sociale, même si le débiteur est en redressement judiciaire et que la créance est contestée par l'administrateur judiciaire.

Elle allègue que la société n'a pas fait état devant le tribunal, dans le cadre de la saisine du 13 septembre 2017, de la procédure 'par voie d'huissier engagée à son encontre' et que ce n'est qu'après avoir obtenu de manière parfaitement critiquable une décision de recevabilité sur une procédure pour laquelle elle avait déjà obtenu deux jugements, qu'elle a communiqué un état émanant de l'huissier qui avait instrumenté sur la base des deux jugements du 6 septembre 2016 (RG 21300986 et 21301043).

Elle qualifie le jugement du 12 février 2021 rendu dans le cadre de la présente procédure d'avant dire droit et soutient que la procédure querellée concernait une contrainte décernée le 18 juin 2013 en cours d'exécution, que les questions posées à la juridiction du premier degré concernaient l'exécution de cette contrainte, raison pour laquelle la commission de recours amiable avait décliné sa compétence et rappelé les règles de forclusion, et que le différend dont a été saisi le tribunal, ne portait pas sur l'assiette des cotisations, ni sur l'assujettissement de la société à telle ou telle cotisation, ni sur une décision de commission de recours amiable ou de remise des majorations de retard, ou sur le calcul des cotisations en débat, et que la société n'a pas davantage engagé sa responsabilité civile au titre d'une faute caractérisée ayant entraîné un préjudice déterminé.

Elle soutient ainsi que le tribunal a méconnu les règles d'attribution de compétence du juge de l'exécution, seul compétent pour connaître des différends nés de l'exécution des décisions judiciaires et des difficultés rencontrées lors de l'exécution forcée, et que la question de l'affectation des paiements entre dans ce champ de compétence.

Elle argue également qu'en ouvrant une nouvelle voie de contestation à la société alors que le tribunal constatait que la commission de recours amiable avait rendu une décision portant sur la forclusion du recours, il a ignoré l'autorité de chose jugée de la décision rendue sur contestation de la décision de la commission de recours amiable, et que le tribunal ne pouvait par le biais de la décision de rejet implicite ignorer les conséquences dont est assortie sa propre décision rendue le 6 septembre 2016.

La cotisante lui oppose que le jugement du 21 février 2021 ayant déclaré son recours recevable en ce qu'il porte sur la décision implicite de rejet de la caisse n'a pas été frappé d'appel, et que l'URSSAF n'est pas recevable en sa demande de réformation du jugement du 22 mars 2022 en ce qu'il a déclaré recevable les demandes de la société [9] sur la contestation d'un état des débits et l'affectation des paiements.

Réponse de la cour :

Il résulte des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

Selon l'article 1355 du code civil l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, le tribunal judiciaire a rendu deux jugements dans le cadre de la procédure initiée sous sa référence RG 17/01590, dont le second est celui frappé du présent appel dans le cadre du présent litige soumis à la cour :

* un jugement en date du 12 février 2021, qui n'est pas qualifié d'avant dire droit comme allégué par l'URSSAF, mais de 'contradictoire à charge d'appel' (avant le prononcé de la réouverture des débats), et qui a expressément, dans la partie de son dispositif statuant sur la recevabilité, déclaré 'le recours recevable en ce qu'il porte contre la décision de rejet implicite de la caisse de :

- considérer les cotisations des années 2007 et 2008 comme payées (11 549.90 euros),

- reconnaître le paiement au titre des cotisations de l'année 2016 de la somme de 25 903 euros,

- justifier les cotisations décomptées pour les années 2013 à 2015"

et également déclaré la société irrecevable à contester les cotisations visées par les mises en demeure, précisément détaillées dans le tableau repris dans l'exposé des faits du présent arrêt,

* un jugement en date du 22 mars 2022 qui a, pour ce qui concerne les contestations dont la juridiction de première instance était saisie, dit :

- d'une part, n'y avoir lieu à statuer sur la contestation relative aux cotisations portant sur les mois de janvier à juin 2016,

- d'autre part, déclaré irrecevables les demandes concernant les cotisations portant sur les années 2013 à 2015.

Ce second jugement en date du 22 mars 2022, seul à avoir été frappé d'appel, ne statue donc pas sur la recevabilité 'des demandes de la société [9] sur la contestation d'un état des débits et l'affectation des paiements' comme prétendu par l'URSSAF.

Contrairement à ce qu'allègue l'URSSAF, la partie du dispositif du jugement en date du 12 février 2021, statuant sur la recevabilité du recours de la cotisante, consécutif à la décision implicite de rejet de sa commission de recours amiable, a acquis, en l'absence d'appel, autorité absolue de chose jugée entre les parties, en application des dispositions des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile.

L'URSSAF est donc irrecevable en sa prétention tendant à la réformation du jugement du 22 mars 2022 'en ce qu'il a déclaré recevable les demandes de la société [9] sur la contestation d'un état des débits et l'affectation des paiements'.

3- sur les cotisations des années 2007 et 2008:

Pour débouter l'URSSAF de sa demande de fixation au titre des années 2007 et 2008, après avoir 'constaté' que la société s'est acquittée du paiement de la somme de 11 549.90 euros suivant décompte d'huissier, les premiers juges, se fondant sur les dispositions des articles 1253, devenu 1342-10 du code civil, et L.133-6-4 et D.133-4 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions applicables, ont retenu que ledit décompte établit que les sommes dues sur les années 2007 et 2008 ont bien été versées, peu important que ces paiements n'aient pas eu lieu directement auprès de l'huissier, dés lors que la caisse ne rapporte pas la preuve que les sommes aient été affectées sur une période différente, et qu'ainsi elle ne rapporte pas la preuve de sa créance.

Exposé des moyens des parties :

L'URSSAF soutient qu'il incombe à celui qui s'est libéré d'une créance d'en rapporter la preuve et par conséquent que c'est à celui qui conteste l'imputation des paiements faite par le créancier de prouver le caractère libératoire de ses versements et de soumettre à l'examen du juge une autre affectation des paiements, qu'à défaut l'imputation proposée par le créancier doit être retenue.

Elle argue que le tribunal a considéré à tort que la preuve de la réaffectation du crédit sur d'autres périodes n'était pas rapportée, exposant qu'il y a eu réaffectation des paiements, et avoir procédé à la remise des majorations de retard en application des dispositions de l'article L.243-5 du code de la sécurité sociale à la date de l'ouverture du redressement judiciaire dont la société a fait l'objet.

Elle se fonde sur les dispositions de l'article 1253 devenu 1342-10 du code civil pour soutenir que l'affectation des sommes acquittées s'effectue en principe selon le choix du débiteur et qu'à défaut d'indication de sa part l'imputation est faite parmi les dettes échues sur celles que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter, et à égalité d'intérêt sur la plus ancienne.

La société lui oppose avoir payé les cotisations de cette période, soulignant que le tribunal par jugement du 6 septembre 2016 ayant validé la contrainte émise, l'huissier mandaté par l'URSSAF lui avait réclamé en décembre 2016 seulement ses frais de justice en lui indiquant que le principal avait déjà été réglé directement à l'organisme.

Elle souligne que la situation de son compte employeur que l'URSSAF lui a adressée le 29 décembre 2016 n'en faisait pas mention alors que cet organisme a reconnu que le paiement de la somme de 11 549.90 euros, relative aux cotisations 2007 et 2008, tout en prétendant les avoir imputées à d'autres créances.

Elle conteste avoir demandé à l'URSSAF d'imputer ses payements au titre des années 2007 et 2008 à d'autres dettes, soutenant lui avoir uniquement demandé dans son courrier du 3 mars 2014 de suspendre le recouvrement en l'état de l'opposition à contrainte pendante devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. Elle argue que le courrier de l'huissier du 5 décembre 2016 valant quittance démontre que ses paiements avaient bien été imputés aux années 2007 et 2008 et non pas à d'autres dettes, pour soutenir que si l'URSSAF l'a fait, cela a été sans son accord et en violation des règles d'imputation des paiements, tout en relevant que cet organisme ne prouve pas la réaffectation invoquée et que les calculs et tableaux approximatifs insérés dans les conclusions de l'URSSAF sont dépourvus de toute crédibilité pour comporter des incohérences.

Réponse de la cour :

Selon l'article 1253 devenu 1342-10 du code civil, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter.

A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit: d'abord sur les dettes échues, parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

Aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit que le créancier puisse, après avoir affecté un paiement à une de ses créances, sans que cette affectation soit contestée par le débiteur, modifier ensuite celle-ci.

La contrainte datée du 18/06/2013 d'un montant total de 11 308 euros, porte sur les cotisations afférentes aux années 2007 (pour un montant de 4 562 euros) et 2008 (pour un montant de 5 432 euros). Elle a été frappée opposition et par jugement en date du 6 septembre 2016 (référence 21301043), le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-Maritimes a rejeté cette opposition et a validé cette contrainte pour son entier montant (soit 11 308 euros).

Par courrier en date du 5 décembre 2016, l'huissier mandaté par l'URSSAF pour l'exécution de ce jugement a écrit à la société 'étant donné que vous avez visiblement réglé les principaux à l'URSSAF, je vous remercie de solder les frais engagés dans ce dossier qui ont été avancés par l'URSSAF et qui restent à votre charge pour un montant de 198.90 euros'.

Ainsi que retenu par les premiers juges, cette lettre à laquelle est joint un décompte, mentionnant au crédit huit versements directs effectués entre le 31 mai 2010 et le 15 avril 2014, dont les montants précisés totalisent la somme de 11 351 euros, prouve le paiement par la société [9] des cotisations 2007 et 2008 objets de la contrainte précitée, ce qui fait obstacle à ce que l'URSSAF qui ne justifie nullement que ces affectations de paiement auraient été contestées par la société [9] puisse désormais alléguer que les paiements précisément listés dans le décompte de son mandataire auraient été affectés, à une date qu'elle ne précise du reste pas, au paiement d'autres cotisations.

La cour constate en outre que les paiements listés dans les conclusions de l'URSSAF, page 12, s'échelonnent entre le 15 janvier 2014 et le 2 février 2016, ce qui ne correspond nullement aux paiements mentionnés sur le décompte de l'huissier qui totalisent entre le 31 mai 2010 et le 25 janvier 2013, la somme 2 816 euros (43 + 1 995 + 778) outre un paiement de la somme totale de 8 5355 (1 746 + 738 + 2 444 + 2 988 + 619) le 15 janvier 2014 ce qui ne correspond pas aux paiements que l'URSSAF mentionne avoir reçus à cette date, qui totalisent 10 638 euros (7 643 + 2 239 + 756).

La société prouve donc par le courrier de l'huissier mandaté par l'URSSAF pour l'exécution du jugement précité et son annexe détaillée, que les cotisations au titre des années 2007 et au paiement desquelles elle a été ainsi condamnée, ont été payées.

Le jugement qui a débouté l'URSSAF de sa demande en fixation de créance au titre des années 2007 et 2008 doit donc être confirmé.

4- sur les cotisations de l'année 2016 :

Pour débouter la société [9] de sa demande portant sur les cotisations dues au titre du mois de décembre 2016 et constater que son établissement secondaire n'est pas partie à la procédure, les premiers juges ont retenu d'une part que sur les contestations portant sur la période de janvier à juin 2016 ont été déclarées irrecevables par le jugement du 12 février 2021, et que concernant le mois de décembre 2016, la cotisante produit un relevé bancaire édité au 31 décembre 2016 dans lequel apparaît ce prélèvement qui aurait été affecté par l'URSSAF à son établissement secondaire alors que celui-ci n'est pas partie à la procédure, et que la partie concernant la référence du virement est illisible.

Ils ont en outre considéré, compte tenu de la discussion opposant les parties sur l'imputation de paiements effectués en février et juin 2016 au titre des cotisations dues par la société sur le compte de son second établissement que ce dernier n'était pas dans la procédure et l'ont déboutée de ses demandes, sans toutefois statuer expressément à cet égard dans le dispositif.

Exposé des moyens des parties :

La société [9] soutient d'une part que le jugement du 21 février 2021 a reconnu recevable sa demande de voir reconnaître le payement au titre des cotisations de l'année 2016 de la somme de 25 903 euros, sans avoir tranché au fond, pour avoir renvoyé à une audience ultérieure en invitant l'URSSAF à conclure au fond.

D'autre part, elle argue avoir affecté ses payements de 2016 au règlement des cotisations de son établissement principal [Localité 4], que l'URSSAF tout en reconnaissant la réalité de ces paiements prétend les avoir imputés sur le compte de son établissement secondaire de [Localité 5], pour soutenir s'être acquittée en 2016 de la somme de 25 903 euros au titre de ses cotisations.

Soulignant que son établissement secondaire n'a pas la personnalité juridique, elle argue qu'il ne peut être partie à la procédure et qu'il incombe à l'URSSAF de justifier qu'elle a véritablement comptabilisé ce payement au titre des cotisations dont elle lui est débitrice et non pas au bénéfice d'une autre entreprise.

Elle ajoute que les prélèvements étant adossés aux déclarations sociales nominatives dites déclarations sociales nominatives, dont l'émetteur était toujours son établissement principal, les prélèvements auraient dû être comptabilisés dans le compte de son établissement principal, et qu'en tant que débiteur, elle choisissait l'imputation des paiements.

Elle soutient que l'URSSAF en février 2016 a prélevé deux fois son compte (10 161 euros + 10 521 euros) pour son établissement secondaire mais n'a comptabilisé le règlement de 10 161 euros sur aucun de ses comptes, et qu'en juin 2016, elle a également prélevé deux sommes (70 euros + 10 863 euros ) pour son établissement secondaire mais n'a comptabilisé ses règlements sur aucun de ces deux comptes, et que de même en décembre 2016, elle a prélevé 4 806 euros au titre de son établissement secondaire mais n'a comptabilisé ces règlements sur aucun de ces deux comptes.

L'URSSAF, alléguant verser aux débats un état complet des débits depuis le 1er décembre 2007 jusqu'à fin 2020, sollicite confirmation du jugement ayant considéré que les contestations de la société ont fait l'objet d'une procédure distincte et que le jugement sur la recevabilité de cette question avait tranché les débats.

Réponse de la cour :

Il est exact que le jugement en date du 12 février 2021 a déclaré le recours de la société [9] recevable en ce qu'il porte 'contre la décision de rejet implicite de la caisse de (...) reconnaître le paiement au titre des cotisations de l'année 2016 de la somme de 25 903 euros'.

La cour vient par ailleurs de juger que l'état des débits, dont se prévaut l'URSSAF, n'est pas versé aux débats et que le principe de la contradiction n'est pas respecté à son égard.

En considérant que l'absence dans la cause de l'établissement secondaire de la société [9] faisait obstacle à ce qu'elle puisse contester les imputations de paiements, les premiers juges ont confondu la notion d'établissements distincts d'une société avec celle de personnalité morale, un numéro de compte URSSAF, n'impliquant pas nécessairement que l'établissement en dispose, alors que seule la personnalité morale, donne qualité pour ester en justice.

Contrairement à ce qu'allègue la société [9], les deux bordereaux de cotisations URSSAF afférents à son établissement principal pour février, mai et juin 2016 (sa pièce 5) mentionnent dans la cartouche 'versements' :

* pour celui de la période du 01/02/2016 au 29/02/2016, la somme de 10 161 euros, ce qui correspond au prélèvement SEPA effectué par l'URSSAF sur son compte bancaire à la date du 17 février 2016,

* pour celui couvrant les périodes du 01/05/2016 au 31/05/2016 et du 01/06/2016 au 30/06/2016, les sommes de 70 euros et de 10 863 euros, ce qui correspond aux deux prélèvements SEPA effectués par l'URSSAF sur son compte bancaire à la date du 16 juin 2016.

Elle doit donc être déboutée de sa demande, les paiements justifiés dont elle fait état, ayant bien, contrairement à ce qu'elle allègue, été comptabilisés par l'URSSAF sur le compte de son établissement principal.

Par contre, le bordereau de cotisations URSSAF afférent à son établissement principal pour décembre 2016 ne mentionne dans la cartouche versement que le prélèvement de 1 euro, alors que son relevé bancaire au 31 décembre 2016, met en évidence des prélèvements SEPA effectués par l'URSSAF à la date du 16 décembre 2016, pour un montant de 4 806 euros (ses pièces n°7 et 10) et pour un montant de 1 euro à deux reprises le 09/12/2016 (sa pièce n°10).

L'URSSAF ne soumettant pas à l'appréciation de la cour d'élément établissant qu'elle a pris en considération le prélèvement effectué de 4 806 euros le 16 décembre 2016, par réformation du jugement entrepris, la cour dit qu'elle doit la déduire du montant des cotisations dues au titre de l'année 2016.

Succombant principalement en cause d'appel, l'URSSAF doit être condamnée aux dépens et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société [9] les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense, ce qui justifie de condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 3 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

- Dit que la pièce n° 13 mentionnée sur le bordereau de l'URSSAF n'est pas régulièrement et contradictoirement versée aux débats et ne peut être prise en considération,

- Dit l'[Adresse 10] irrecevable en sa prétention tendant à la réformation du jugement du 22 mars 2022 'en ce qu'il a déclaré recevable les demandes de la société [9] sur la contestation d'un état des débits et l'affectation des paiements',

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'[Adresse 10] de sa demande en fixation de créance au titre des années 2007 et 2008,

- Déboute l'URSSAF [Localité 8] de l'intégralité de ses prétentions et demandes,

- Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société [9] de ses demandes portant sur les cotisations au titre de 2016,

Statuant à nouveau de ce chef, et y ajoutant,

- Dit que l'[Adresse 10] doit déduire la somme de 4 806 euros du montant des cotisations dues au titre de l'année 2016,

- Déboute la société [9] sur surplus de sa demande concernant les paiements des cotisations dues au titre de l'année 2016,

- Condamne l'[Adresse 10] à payer à la société [9] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'[Adresse 10] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/05591
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;22.05591 ?
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