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31/05/2024 | FRANCE | N°20/03402

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 31 mai 2024, 20/03402


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 31 MAI 2024



N° 2024/ 89



RG 20/03402

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFWS5







[N] [U]





C/



Association ARCADE ASSISTANCE SERVICES













Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :



- Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON









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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02332.





APPELANTE



Madame [N] [U], demeurant [Adresse 1]



repr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024

N° 2024/ 89

RG 20/03402

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFWS5

[N] [U]

C/

Association ARCADE ASSISTANCE SERVICES

Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :

- Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02332.

APPELANTE

Madame [N] [U], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Association ARCADE ASSISTANCE SERVICES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

L'association Arcade assistance service dont le siège social est à [Localité 3], propose divers services d'aide de soins et accompagnement dans les Bouches du Rhône et applique la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et services à domicile du 21 mai 2010 (IDCC 2941).

Mme [N] [U] a été embauchée par cette association, en qualité d'agent à domicile A1, en contrat à durée déterminée du 21 juillet 2014 au 31 août 2014, pour effectuer le remplacement de salariées, à raison de 140 heures par mois.

Elle a ensuite été engagée du 1er septembre 2014 au 31 août 2015, en qualité d'auxiliaire de vie sociale C1, dans le cadre d'un contrat unique d'insertion CAE, pour effectuer un temps partiel de 86,67 heures par mois, porté selon avenant du 1er octobre 2014 à 130 heures, puis à compter du 1er juin 2015 à 151,67 heures.

La relation contractuelle s'est pérennisée par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er septembre 2015.

A la demande de la salariée, une rupture conventionnelle est intervenue mettant un terme au contrat de travail le 18 janvier 2018.

Par requête du 13 novembre 2018, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de solliciter un rappel de salaire sur les temps de déplacement, des dommages et intérêts et une indemnité pour travail dissimulé.

Selon jugement du 5 février 2020, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

Condamne l'Association ARCADE ASSISTANCES SERVICES à payer à Madame [N] [U] les sommes suivantes :

- 2 892,31 € au titre de rappel de salaire sur les temps de déplacement,

- 289,23 € au titre des congés payés afférents,

- 500 € de dommages et intérêts pour non-paiement de salaire,

- 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Il a débouté la salariée du surplus de ses demandes et condamné l'association aux dépens.

Le conseil de Mme [U] a interjeté appel par déclaration du 5 mars 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 15 juin 2020, la salariée demande à la cour de :

«CONFIRMER le Jugement déféré sur le principe de la condamnation sur temps de déplacement, à dommages-intérêts et sur l'article 700 du code de procédure civile,

L'INFIRMER pour le surplus,

Ce faisant, statuant à nouveau

CONDAMNER l'association ARCADE ASSISTANCE à verser à Madame [U] les sommes de:

' 4 387,02 euros bruts à titre de rappel de salaire sur temps de déplacement

' 438,70 euros bruts à titre de congés payés afférents

' 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-paiement de salaire

' 9 909,26 euros nets à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé

CONDAMNER l'association à verser à la somme de 1 600 euros sur le fondement des

dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

LA CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance. »

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 6 octobre 2023, l'association demande à la cour de :

«Recevoir l'association ARCADE ASSISTANCES SERVICES en son appel incident,

Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille le 5 février 2020, en ce qu'il a condamné l'association ARCADE ASSISTANCES SERVICES à payer à Madame [N] [U] les sommes suivantes :

2 892,31 € au titre de rappel de salaire sur les temps de déplacement,

289,23 € au titre des congés payés aff érents,

500 € de dommages et intérêts pour non-paiement de salaire,

1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Le confirmer pour le surplus,

Débouter Madame [N] [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,

La condamner à payer à l'association ARCADE ASSISTANCES SERVICES la somme de 2 400 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

La condamner aux dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le temps de travail

La salariée rappelle les dispositions conventionnelles concernant le temps de déplacement et explique qu'elle a effectué ces temps devant donner lieu à paiement à taux normal ou majoré, détaillés dans un tableau page 8 & 9 de ses conclusions.

Elle reproche aux premiers juges d'avoir imputé la somme versée en février 2017, alors que la régularisation intervenue ne pouvait porter que sur l'année 2014, faute de décompte fourni par l'association.

Elle fait observer les contradictions de celle-ci, qui fait figurer sur les plannings un temps de déplacement de 15 minutes alors même que d'une part, elle admet que certains temps doivent être fixés au moins à 30 minutes et d'autre part, elle prétend se baser sur un temps de déplacement réel et non la durée de la coupure prévue entre deux interventions.

L'association invoque une impossibilité de paramétrer le logiciel planning qui ne peut pas gérer les temps de déplacement de façon automatique.

Elle indique que la régularisation intervenue a permis de couvrir les dysfonctionnements du logiciel et porte sur la période de juillet 2014 à décembre 2016, à raison de 158 heures 25, rémunérées à 10,89 € de l'heure dont le détail est le suivant :

- Déplacements 2014 (21 heures)

- Déplacements 2015 (51 heures 25)

- Déplacements 2016 (86 heures).

Elle fait état du fait que Mme [U] a été surpayée de 201,95 euros de 2015 à 2017.

Elle précise que les bulletins de salaire font ressortir qu'au minimum, une heure de temps de déplacement a été payée.

Elle explique qu'au dos de chaque bulletin de paye, la salariée avait tous les mois un récapitulatif des heures contractuelles, des heures faites et de la modulation.

L'article 2 de la convention collective applicable donne une définition du temps de travail effectif, qui est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Sont donc notamment des temps de travail effectif :

- les temps de soutien ;

- les temps de concertation ou coordination interne ;

- les temps de concertation et de synthèse avec des professionnels externes à l'entreprise ;

- les temps de rédaction des évaluations ;

- les « temps morts » en cas d'absence de l'usager pour la durée de l'intervention prévue chaque fois que l'absence n'est pas signalée ;

- les temps de déplacement entre deux séquences consécutives de travail effectif ;

- les temps d'organisation et de répartition du travail ;

- les temps de formation continue professionnelle dans le cadre du plan de formation, à l'exception des formations réalisées hors du temps de travail, notamment dans le cadre du droit individuel à la formation;

- les temps passés à la visite de la médecine du travail ainsi que les examens complémentaires;

- les temps de repas lorsque le salarié reste à la disposition de l'employeur et ne peut vaquer à des occupations personnelles ;

- le temps passé en droit d'expression dans le cadre des dispositions conventionnelles ;

- le temps de délégation des institutions représentatives du personnel.

La cour constate que :

- le suivi de la modulation concerne le contingent d'heures par trimestre et par année, sans que l'association ne fasse figurer de façon distincte, le temps de déplacement,

- il en est de même des tableaux figurant pages 7 & 8 des conclusions de l'employeur, lesquels ne peuvent au demeurant induire un solde négatif, à raison d'une absence pour maladie ou pour congés, comme l'indique à juste titre la salariée,

- aucun dysfonctionnement technique ne peut être utilement invoqué, en l'absence de document probant,

- les heures de déplacement figurant sur les bulletins de salaire correspondent manifestement à des réunions, du fait de leur libellé même,

- l'exemple donné par l'association concernant le mois de mai 2016, est inopérant, les 2 heures comptées correspondant non à du déplacement mais à une erreur de planning.

Il résulte des documents produits aux débats qu'en réalité, l'association n'a pas comptabilisé les heures d'inter-vacation, justifiant la réclamation faite par Mme [U], fin janvier 2017 (pièce 6), sur l'année 2014 notamment.

L'association a procédé à une régularisation figurant sur le bulletin de salaire de février 2017, sous le libellé général «regul temps trajet 2014-2016» à raison de 1 723,40 euros, sans aucun détail, alors que dans le même temps, elle faisait figurer pour la première fois, 2,75 h de temps de trajet sur les bulletins de salaire de janvier et février 2017.

Dans le cadre de la procédure, elle donne le détail des heures qu'elle a régularisées au titre du déplacement, mais la cour constate que celui-ci ne correspond pas aux indications de son propre tableau (pièce 5) tant pour l'année 2015 que pour l'année 2016.

Dans ces conditions, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a cru pouvoir déduire la somme de 1 494,71 euros, sur la période de 2015-2017.

Sur le rappel de salaire

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Outre le tableau des sommes réclamées figurant dans ses conclusions, la salariée produit aux débats:

- ses bulletins de salaire à compter de mai 2015,

- les plannings édités par l'association sur la période de mai 2015 à février 2017,

- ses feuilles d'agenda avec indications manuscrites des noms des bénéficiaires, des heures de trajet, et des jours de repos, maladie et congés.

L'association présente de son côté les éléments suivants :

- les plannings de la salariée, avec diverses annotations manuscrites,

- les bulletins de salaire,

- un tableau (pièce 5) année par année et mois par mois où figurent les heures supplémentaires payées et le temps de déplacement payé ainsi que les demandes faites par Mme [U].

En considération de l'ensemble de ces éléments, la cour relève d'une part que l'association a fourni un tableau peu exploitable au regard de l'absence d'explications sur la régularisation opérée, minimise le trajet réel lequel dépasse régulièrement 15 minutes mais d'autre part que, la salariée a opéré un calcul de la créance sur la base d'un taux horaire normal uniforme de 10,89 € (majoré à 25 et 50% sur certains mois), alors qu'il s'agit du taux d'avril 2017.

En conséquence, la cour a la conviction que la salariée n'a pas été rémunérée de la totalité

des heures effectuées mais pas dans la proportion affichée ne tenant pas compte notamment des déplacements réglés sur 2017, ni du taux horaire applicable.

Dès lors, la créance doit être fixée ainsi :

- année 2015 : 55 h au taux horaire de10,451 € et à partir d'août de 10,733 € et 10 h au taux majoré de 13,06 €, soit 717,84 euros

- année 2016 : 96 h au taux horaire de 10,733 € et à partir d'août de 10,839 € et 12h au taux majoré de 13,42 € outre 6 h au taux majoré de 13,55 €, soit 1 277,48 euros

- année 2017 : 8h au taux horaire de 10,839 € et 4h au taux majoré de 13,55€, soit 140,91 €

soit un total de 2 136,23 euros outre l'incidence de congés payés.

Sur le manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Il est certain que l'absence de calcul des heures de trajet sur les années concernées a causé à Mme [U] un préjudice distinct du simple retard de paiement, notamment en période de maladie puisque les indemnités journalières qu'elle a reçues étaient moindres que celles auxquelles elle aurait pu prétendre, comme les indemnités chômage après la rupture ; par ailleurs, il existe également un préjudice moral dans le fait d'avoir été dans l'obligation de multiplier les demandes, sans réel dialogue et sans explications sur les sommes réglées en retard.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande à ce titre à hauteur de 1 500 euros.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, si l'employeur a démontré sa négligence au regard d'un outil informatique ne permettant pas le calcul des temps de trajet, et en en procédant pas à une régularisation systématique des temps de déplacement planifiés, lesquels ne correspondaient pas à la réalité, il ne peut en être déduit qu'il a entendu dissimuler l'activité de la salariée, ayant accédé à partie de la demande de Mme [U] avant la procédure, ce qui exclut toute intention frauduleuse.

Dès lors, Mme [U] doit être déboutée de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail.

Sur les autres demandes

L'employeur succombant même partiellement, doit s'acquitter des dépens de la procédure, être débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à Mme [U] la somme supplémentaire de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré SAUF en ce qu'il a rejeté la demande au titre du travail dissimulé, et dans ses dispositions relatives aux frais et dépens.

Condamne l'association Arcade assistance services à payer à Mme [N] [U] les sommes suivantes :

- 2 136,23 euros au titre du rappel de salaires de mai 2015 à février 2017

- 213,62 euros au titre des congés payés afférents

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne l'association Arcade assistance services aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/03402
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;20.03402 ?
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