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31/05/2024 | FRANCE | N°20/00434

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 31 mai 2024, 20/00434


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 31 MAI 2024



N° 2024/ 87



RG 20/00434

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNID







[L] [G] [N]





C/



SAS METAL 2000

















Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :



- Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V145



- Me Nathalie OLMER, avocat au barreau de MARSEILLE




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 12 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F19/01036.





APPELANT



Monsieur [L] [G] [N], demeurant [Adresse 1]
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024

N° 2024/ 87

RG 20/00434

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNID

[L] [G] [N]

C/

SAS METAL 2000

Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :

- Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V145

- Me Nathalie OLMER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 12 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F19/01036.

APPELANT

Monsieur [L] [G] [N], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS METAL 2000, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nathalie OLMER de la SELARL PIOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Alexis CAUGNE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

La société Metal 2000 a embauché à compter du 20 mars 2006, selon contrat à durée indéterminée, M.[L] [G] [N] en qualité de serrurier monteur, ouvrier d'exécution niveau 2, conformément à la convention collective du bâtiment ouvrier des entreprises occupant jusqu'à 10 salariés (IDCC 1596).

La durée du travail était de 39 heures par semaine dont 4 heures payées au taux majoré de 25 % et le salaire horaire brut fixé à 9 euros.

Convoqué pour le 12 mai 2016 à un entretien préalable au licenciement et mis à pied à titre conservatoire, le salarié a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 17 mai 2016.

Contestant ce licenciement, M.[N] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 26 juin 2017, procédure radiée puis réinscrite le 10 avril 2019.

Selon jugement du 12 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M.[N] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil du salarié a interjeté appel par déclaration du 10 janvier 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 9 mars 2020, M.[N] demande à la cour de :

«INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de PRUD'HOMMES de MARSEILLE le 12 décembre 2019.

DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [N] est sans cause réelle et sérieuse,

DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [N] est abusif,

CONDAMNER la SAS METAL 2000 au paiement de la somme de 20.150 euros au titre de l'indemnité de licenciement abusif,

CONDAMNER la SAS METAL 2000 au paiement de la somme de 5.037 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

CONDAMNER la SAS METAL au paiement de la somme de 4.030 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

CONDAMNER la SAS METAL 2000 au paiement de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral subi par Monsieur [N],

CONDAMNER la SAS METAL 2000 au paiement de la somme de 12.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement vexatoire.

CONDAMNER la SAS METAL 2000 au paiement, conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, de la somme de 3.000 euros au titre de la première instance et de la somme de 3.500 euros au titre de la procédure d'appel.

CONDAMNER la SAS METAL 2000 aux entiers dépens distrait au profit de Maître Valérie PICARD sur ses offres de droit. »

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 2 janvier 2020, la société demande à la cour de :

«RECEVOIR Monsieur [L] [N] en cause d'appel et le déclarer infondé,

CONFIRMER le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille, qui a dit et jugé que le licenciement repose sur une faute grave,

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [L] [N] de l'ensemble de ses demandes,

LE CONDAMNER au paiement de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile, LE CONDAMNER aux entiers dépens. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le bien fondé du licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement du 17 mai 2016 est libellée de la manière suivante:

«Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave pour le 12 mai dernier.

A cette date, vous vous êtes présenté accompagné de votre frère, Monsieur [T] [N].

Les explications recueillies lors de cet entretien n'ont pas de nature à modifier notre appréciation des faits et de la situation.

En conséquence, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs qui suivent.

Nous avons été alertés puis convoqués le 26 avril 2016 par notre client, la société EFFIA, suite à une suspicion de vol sur le chantier du Parking Halle Voltaire à [3], dont elle a la concession, chantier auquel vous êtes affecté, au préjudice de la société HERTZ, loueur de voitures, qui a déposé une plainte dont la teneur nous a été communiquée.

Cet incident a justifié votre mise en garde à vue ainsi qu'une perquisition des services de police au sein de l'entreprise.

Par lettre en date du 29 avril 2016, la société EFFIA nous indique qu'après visualisation et contrôle des images de vidéosurveillance, elle a constaté la présence d'un véhicule de notre société ainsi que celles de votre frère, Monsieur [N] [T], et de vous-même, votre attitude anormale ayant attiré son attention.

Elle précise que l'un des deux salariés est sorti du véhicule et a délibérément modifié l'angle de vue d'une des caméras fixes de vidéosurveillance occultant ainsi l'espace dans lequel le vol a été commis.

Cette suspicion de vol cause un préjudice grave à notre société du fait que la société EFFIA, client important, nous a notifié le fait qu'elle n'entendait plus vous voir intervenir sur le chantier et nous a menacé de rompre le marché qui nous lie.

Elle précise par ailleurs que cette décision de sa part repose également sur le constat d'un comportement agressif et récurrent de votre part envers des clients ou des jockeys des agences de location.

Des incidents de même nature s'étaient déjà produits sur d'autres chantiers et avaient conduit plusieurs de nos clients à solliciter votre retrait des chantiers sur lesquels vous interveniez, avec la même menace de rupture des relations contractuelles.

A chaque fois, eu égard à votre ancienneté, nous avons essayé de trouver des solutions d'affectation vous permettant de conserver votre emploi, ce qui ne nous est plus possible aujourd'hui.

Au surplus, plusieurs de vos camarades de travail nous ont signifié récemment leur volonté de ne plus travailler en équipe avec vous du fait de votre comportement également agressif et violent à leur égard, de l'absence de respect des consignes de travail et de sécurité et d'une exécution particulièrement défectueuse de votre prestation de travail.

L'ensemble de ces faits et le caractère habituel de votre comportement malgré les mises en garde que nous avons été amenés à vous adresser, et les répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise, constitue une faute grave empêchant votre maintien dans l'entreprise et justifiant votre licenciement immédiat sans indemnités, ni de préavis ni de licenciement.

En conséquence, vous cesserez de faire partie du personnel de notre société à réception de la présente et la période de mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée.»

Le salarié indique que concernant la suspicion de vol, il a été mis hors de cause, les images de la vidéo n'ont pas été produites et la procédure a été classée sans suite, de sorte que le doute doit lui profiter.

Il considère que si les griefs portent sur la garde à vue et la perquisition intervenue au siège de la société, ces mesures n'ont pas porté atteinte à la société, qui aurait pu l'affecter sur un autre chantier.

Il observe que pour compenser la fragilité probatoire des éléments produits, la société évoque d'autres faits mais que ceux-ci sont imprécis et non datés, n'ont pas entraîné de mesures disciplinaires et qu'en tout état de cause, les courriers produits sont datés de 2011 et 2015, soit plus de deux mois avant le licenciement.

La société indique que la société Effia, gérant le parking Halle Voltaire à [3] où elle avait un chantier, a convoqué le président de la société Metal 2000 pour un entretien le 26 avril puis lui a adressé un courrier relatant les éléments visionnés sur la caméra de vidéo surveillance, demandant le retrait immédiat des frères [N], menaçant dans le cas contraire de rompre toute relation commerciale.

Elle souligne qu'après ce visionnage, la police a mis en garde à vue ces derniers et a procédé à une perquisition au siège de l'entreprise, et estime que le comportement du salarié a porté gravement atteinte à la réputation de l'entreprise, constituant à lui seul une faute grave.

Elle s'appuie sur une attestation du chargé d'affaires de l'entreprise et des courriers de clients pour dire que les frères [N] créaient un climat de défiance dans l'entreprise et sur les chantiers.

Il résulte de la pièce 11 produite par l'appelant que selon procès-verbal du 20 avril 2016 à 11h, le parquet, après avoir été informé de la découverte de deux pneus, a donné comme instruction de :

- lever la garde à vue des nommés [N] [L] et [T],

- transmettre la procédure en l'état en vue d'un classement 71 «AUTEUR INCONNU».

En conséquence, à la date de l'engagement de la procédure disciplinaire, le motif de suspicion de vol n'était plus valide, étant précisé que la perquisition par les services de police ne constitue pas un fait qui puisse être imputé au salarié.

Si les pièces produites par l'employeur tendent à démontrer que le comportement de M.[N] n'était pas exemplaire, la lettre de licenciement ne vise aucun fait daté, précis, vérifiable, l'attestation du chargé d'affaires étant dénuée de toute indication en ce sens et les lettres de clients mécontents étant anciennes, faisant état de faits prescrits en application de l'article L.1332-4 du code du travail.

Dès lors, le licenciement doit être déclaré comme dépourvu d'une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

Le montant de l'indemnité compensatrice de préavis doit être égal au montant du salaire que le salarié aurait perçu s'il avait pu travailler pendant la durée du préavis.

En l'espèce, conformément au contrat de travail et aux bulletins de salaire , le salaire mensuel brut doit être fixé à : (salaire de base 1 744,21 + heures supplémentaires contractuelles 256,31) = 2 000,52 euros, de sorte que le salarié est en droit d'obtenir la somme de 4 001,04 euros outre l'incidence de congés payés.

L'ancienneté du salarié comprenant le préavis est de 10 ans et 4 mois, et non de 9 ans et 2 mois comme l'indique la société.

L'employeur considère que la moyenne à retenir est celle des trois derniers mois, soit un salaire moyen de 2 014,95 euros, tandis que M.[N] sollicite celle de 2 015 euros.

Cette dernière somme ne peut être retenue comme n'étant ni la moyenne sur 12 mois ni celle sur 3 mois, telle que prévue par les textes, et la moyenne la plus favorable au salarié s'avère au vu des bulletins de salaire, être celle retenue par la société ; par ailleurs, il convient d'appliquer la règle du 1/5, antérieure à l'ordonnance du 24 septembre 2017.

En conséquence, la somme revenant à M.[N] étant supérieure à celle sollicitée par le salarié, il convient de faire droit à sa demande.

Le salarié ne justifiant pas de sa situation ultérieure, il convient de fixer le préjudice financier et moral résultant de la rupture à la somme globale de 6 500 euros.

La mise à pied injustifiée comme les circonstances du licenciement doivent être considérées comme vexatoires, justifiant de faire droit à la demande de préjudice distinct du salarié, à hauteur de 1 000 euros.

Sur les frais et dépens

Les dépens ne peuvent être distraits, la procédure en matière sociale ne donnant pas l'exclusivité à l'avocat dans la représentation.

La société qui succombe au principal doit s'en acquitter, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre, payer à M.[N] la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Metal 2000 à payer à M. [L] [G] [N] les sommes suivantes :

- 4 001,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 400,10 euros au titre des congés payés afférents

- 5 037 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 6 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Metal 2000 aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/00434
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;20.00434 ?
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