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31/05/2024 | FRANCE | N°19/17354

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 31 mai 2024, 19/17354


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 31 MAI 2024



N° 2024/ 83



RG 19/17354

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFEWD







[V] [O]





C/



S.A. SNCF VOYAGEURS

























Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :



- Me Didier BESSADI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVE

NCE

V68



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/01017.





APPELANT



Monsieur [V] [O], demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024

N° 2024/ 83

RG 19/17354

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFEWD

[V] [O]

C/

S.A. SNCF VOYAGEURS

Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :

- Me Didier BESSADI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V68

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/01017.

APPELANT

Monsieur [V] [O], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Didier BESSADI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Benjamin SAIDON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A. SNCF VOYAGEURS, venant aux droits de l'EPIC SNCF MOBILITES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Nicolas FRANCOIS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Selon contrat d'apprentissage signé le 2 décembre 2014 entre la SNCF Technicentre PACA et M.[V] [O], ce dernier était engagé jusqu'au 31 octobre 2017, pour préparer le diplôme d'«ingénieur centrale», le maître d'apprentissage étant M.[U] [E] et l'établissement de formation responsable étant le CFA Epure situé à [Localité 5].

Par lettre du 18 avril 2017, le salarié souhaitant démarrer de nouveaux projets professionnels, a sollicité la mise en place d'une rupture conventionnelle.

Le 26 avril 2017, les parties ont signé une rupture à l'amiable du contrat d'apprentissage.

Le 24 mai 2018, M.[O] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins notamment d'obtenir diverses sommes au titre de frais professionnels, et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et au titre de la rupture.

Selon jugement du 18 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M.[O] de ses demandes et a partagé par moitié les dépens.

Le conseil de M.[O] a interjeté appel par déclaration du 13 novembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 20 septembre 2022, M.[O] demande à la cour de :

« REFORMER le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

STATUANT A NOUVEAU,

Il est demandé à la Cour d'appel de faire droit aux demandes suivantes :

I. Au titre de la prise en charge des frais d'hébergement engagés par Monsieur [O] sur la période janvier 2015 - mars 2017 à [Localité 5]

A. A titre principal

DIRE ET JUGER que Monsieur [O] a engagé des frais professionnels d'hébergement à hauteur de 6.241,78 euros à [Localité 5] dans le cadre de l'exécution de son contrat d'apprentissage, sur la période 1er janvier 2015 - 31 mars 2017,

En conséquence,

CONDAMNER la société SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE à la somme de 6.241,78 euros à titre de remboursement de frais d'hébergement engagés par Monsieur [O] sur la période 1er janvier 2015 - 31 mars 2017 à [Localité 5], dans le cadre de l'exécution de son contrat d'apprentissage.

B. A titre subsidiaire

DIRE ET JUGER que sur la période 1er janvier 2015 ' 31 mars 2017 lorsque Monsieur [O] suivait les enseignements dispensés par l'établissement de formation à [Localité 5], il était dans l'impossibilité de jouir de ses repos journaliers à son domicile ou sur son lieu principal d'affectation situé à [Localité 6],

DIRE ET JUGER que Monsieur [O] est éligible au remboursement des frais d'hébergement dans les conditions de l'article 16.2 du RH00882 de la SNCF,

DIRE ET JUGER que Monsieur [O] a engagé des frais professionnels d'hébergement à hauteur de 6.241,78 euros à [Localité 5] dans le cadre de l'exécution de son contrat d'apprentissage, sur la période 1er janvier 2015 - 31 mars 2017,

En conséquence,

CONDAMNER la société SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE à la somme de 6.241, 78 euros au titre de remboursement des frais d'hébergement sur la période 1er janvier 2015 - 31 mars 2017.

II. Au titre des tickets restaurants

DIRE ET JUGER que Monsieur [O] en qualité d'apprenti devait bénéficier des tickets restaurants sur la période 1er octobre 2016 - 9 septembre 2017 au même titre que les salariés SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE remplissant les conditions fixées par l'article 20 de l'Accord d'entreprise du 6 novembre 2015,

En conséquence,

CONDAMNER la société SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE à la somme de 5.000,00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

III. Au titre de la formation incomplète

DIRE ET JUGER que la société SNCF MOBILITES a manqué à son obligation de formation, en ne fournissant pas une formation complète à monsieur [O],

En conséquence,

CONDAMNER la société SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE à la somme de 5.000,00 euros de dommages et intérêts pour formation incomplète.

IV. Au titre de l'exécution déloyale du contrat d'apprentissage

DIRE ET JUGER que la société SNCF MOBILITES a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat d'apprentissage,

En conséquence,

CONDAMNER la société SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE à la somme de 5.000,00 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat d'apprentissage.

V. Au titre de la rupture du contrat d'apprentissage

DIRE ET JUGER que la rupture du contrat d'apprentissage est imputable à la société SNCF MOBILITES dont les manquements ont contraint Monsieur [O] à conclure un accord écrit avec la société SNCF MOBILITES mettant fin au contrat d'apprentissage,

En conséquence,

CONDAMNER la société SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE à la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts

VI. En tout état de cause

CONDAMNER la société la société SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE à :

o Intérêts légaux sur ces sommes à compter de l'acte introductif d'instance sur le fondement de l'article 1153 du Code civil

o Article 700 du Code de procédure civile : 3.000,00 euros

o Exécution provisoire sur l'article 515 du Code de procédure civile

DEBOUTER la société SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE de sa demande de condamnation de Monsieur [O] à hauteur de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

DEBOUTER la société SNCF VOYAGEURS venant aux droits et obligation de l'EPIC SNCF MOBILITE de sa demande de condamnation de Monsieur [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel. »

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 1er décembre 2021, la société demande à la cour de :

«CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de MARSEILLE en date du 18 septembre 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [O] sur les chefs de demandes critiqués;

DIRE ET JUGER les demandes de Monsieur [O] non fondées ;

DEBOUTER Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER Monsieur [O] à payer à la SNCF la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du CPC ;

CONDAMNER Monsieur [O] aux entiers dépens. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la procédure

A la demande de l'appelant, la cour a considéré comme tardives, les écritures de l'intimée communiquées par voie électronique le jour de l'ordonnance de clôture, ce qui a conduit le conseil de l'intimée à renoncer à ses conclusions dites n°4.

Sur les frais sollicités

Invoquant l'égalité des droits des salariés et apprentis consacrée par un arrêt de la Cour de cassation du 24 janvier 2018, M.[O] sollicite le remboursement de ses frais d'hébergement et une indemnisation concernant l'absence de délivrance de tickets-restaurant.

1- Au visa de l'article L.6222-23 du code du travail, l'appelant demande le remboursement de ses frais d'hébergement sur [Localité 5], expliquant qu'une distance importante séparait le lieu d'affectation à [Localité 6], de l'établissement de formation situé à [Localité 5].

Il indique que compte tenu du temps de transport, il n'aurait pu assister aux cours débutant entre 8h et 8h30.

Il estime que les frais exposés ayant été engagés dans le seul but d'exécuter le contrat d'apprentissage et de suivre la formation afférente doivent être pris en charge par l'employeur.

Il considère que le conseil de prud'hommes a commis une erreur de droit en décidant que le règlement RH00882 de la SNCF s'appliquait et subsidiairement, qu'il en a fait une mauvaise application, lui reprochant d'avoir statué sur une demande non formulée sur les repos journaliers.

La société indique que les conditions d'emploi et de travail du personnel de la SNCF ne sont pas déterminées par une convention collective ou un accord mais par un statut dont le conseil de prud'hommes doit veiller à sa bonne application.

Elle invoque concernant les frais d'hébergement, notamment l'article 16-2 du référentiel pour dire qu'il ne s'appliquait pas lorsque le salarié était sur son lieu d'affectation à [Localité 6] et rappelle que le CFA se trouvait dans la zone normale de la gare [10] desservant le domicile de M.[O], situé à [Localité 4], précisant qu'il bénéficiait de la gratuité dans les trains express régionaux.

Dans son arrêt du 24 janvier 2018 cité par l'appelant, la Cour de cassation a rappelé qu'un apprenti est un salarié à part entière, et qu'il doit à ce titre obtenir le bénéfice des remboursements de frais professionnels exposés dans le cadre de son contrat d'apprentissage.

En conséquence, comme tout salarié, l'apprenti doit justifier de la réalité et de l'importance des frais exposés par lui à l'occasion de l'exécution de son contrat d'apprentissage pour les besoins de sa formation, et si l'entreprise a instauré des plafonds de remboursement s'agissant des frais d'hébergement, ces règles s'imposent également à l'apprenti.

La chambre sociale pose depuis longtemps comme règle que «Les apprentis bénéficient en principe des conventions ou accords collectifs de travail applicables aux salariés dans la branche ou l'entreprise considérée. Ils ne peuvent dès lors être exclus par une disposition générale en tant qu'apprentis du champ d'application d'une convention collective, d'un accord collectif, d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur.

Les seules dispositions dont les apprentis ne peuvent réclamer le bénéfice sont celles qui sont incompatibles avec leur situation de jeune en première formation et celles qui réservent spécifiquement un avantage déterminé à une catégorie particulière de salariés pour lequel les apprentis ne remplissent pas les conditions objectives d'attribution».

Le statut particulier de la SNCF doit s'appliquer, aucun élément produit par le salarié ne permettant de dire que ces dispositions sont contraires au code du travail, la lecture des différents référentiels s'avérant au contraire prévoir des dispositions plus favorables, notamment en termes d'indemnités.

Le référentiel RH 00882 intitulé «L'alternance» rappelle essentiellement les règles du code du travail en la matière, et son article 16-2, consacré aux frais d'hébergement, au titre des généralités, indique: «Dans la mesure du possible et avant de s'engager vis-à-vis d'un jeune, il faut rester vigilant sur les conséquences financières qu'induirait un CFA ou une école trop éloignée de l'unité d'affectation ou de son domicile entraînant pour le jeune des frais supplémentaires. Dans la mesure du possible, il est préférable d'éviter tout éloignement entre l'école et l'unité d'affectation ou le domicile. L'alternant est alors considéré en déplacement. Pendant cette période, les frais supplémentaires sont pris en charge comme suit : (...)».

La cour relève que le choix du lieu d'affectation a été fait par M.[O] dans sa candidature exprimée en octobre 2014, confirmée dans un mail après entretien au Technicentre de [Localité 6] (pièces 5 et 6 société), et alors même qu'il connaissait le lieu de sa formation comme se situant à [Localité 5], étant précisé que son domicile est à [Localité 4], dans le Var.

Le salarié ne demande pas le remboursement de frais d'hébergement lorsqu'il devait se rendre sur son lieu principal d'affectation (LPA) à [Localité 6], ceux-ci étant exclus dans la première situation prévue à l'article 16-2, de sorte que les développements de l'employeur sur ce point sont sans objet.

S'agissant des cas où l'alternant ne peut pas prendre son repos journalier à son domicile ou à son LPA, le référentiel impose la prise en charge de l'ensemble des frais d'hébergement, prévoyant le cas d'un accord avec un foyer ou l'internat du CFA, et dans le cas où un tel contrat ne peut être envisagé, comme en l'espèce, édicte les conditions suivantes :

«Les frais d'hébergement restés à la charge de l'alternant seront pris en charge sur présentation des pièces justificatives sans excéder les montants des allocations partielle (sic) de découcher. En outre, cette prise en charge des frais supplémentaires d'hébergement sera réduite du montant de l'allocation logement si l'alternant en bénéficie.»

Comme le relève à juste titre la société, il n'y a pas lieu de tenir compte du LPA dans ce cas mais uniquement du lieu de domicile, les semaines pendant lesquelles le salarié était en formation étant définies par des plannings précis et sur des semaines entières.

Il résulte de la pièce 22 du salarié que ce dernier devait prendre le train à 5h49 à [Localité 4] (domicile) et avait un trajet de 1h09 jusqu'à la gare de [Localité 5] [10] mais qu'ensuite, il devait se rendre non pas [Adresse 9] où se situe le CFA, responsable de la formation mais à [3] de [Localité 5] sise [Adresse 7], soit en moyenne à 25 minutes en métro.

Contrairement à ce qu'allègue la société, il ressort de la pièce 2 du salarié à en-tête de [3] constituant ses plannings de cours, et de la pièce 42 que ceux-ci commençaient pour la plupart à 8h ou 8h30 et que sur de nombreuses journées (exemples : 08/04/2015, 13/05/2015, 20/05/2015, 26/05/2015, 08/06/2016), ils se terminaient au-delà de 18h.

Au regard de cet emploi du temps,les trajets en train et métro ne permettaient pas de respecter le temps de repos journalier à domicile de 11h minimum.

Dès lors, M.[O] démontre bien qu'il était dans l'obligation de prendre un hébergement sur [Localité 5] et il présente l'ensemble des pièces justificatives à cet effet, soit les quittances délivrées sur la période concernée.

Conformément au référentiel, le salarié a indiqué dans son tableau (pièce 10 bis) du mois de janvier 2015 au mois de mars 2017, le loyer réglé diminué de l'allocation logement perçue.

S'agissant du plafond de prise en charge constitué par le montant de l'allocation partielle de découcher, la société ne démontre pas que les sommes sollicitées dépassaient ce dernier, la cour précisant au demeurant que, selon le GRH00131 produit par la société en pièce 3, l'allocation partielle de découcher était fixée en 2015, à 36,14 € à l'annexe 6 dudit document.

En conséquence, l'entreprise aurait dû prendre en charge les frais d'hébergement induits par la situation de M.[O], à hauteur de 6 241,78 euros.

Les intérêts au taux légal sur cette somme doivent courir à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure.

 

2- Le salarié invoque l'article 20 de l'accord d'entreprise du 6 novembre 2015, pour dire qu'il remplissait les conditions pour se voir attribuer des tickets-restaurants, considérant que l'argument de la société sur la zone similaire va à l'encontre de cet accord.

La société indique que l'adresse du site de la cantine se situe [Adresse 8] soit dans la même rue que le lieu principal d'affectation et le site [Localité 11] dans la même zone normale d'emploi, qui étaient non éligibles aux titres restaurant, et renvoie à l'article 16 du GRH0882 pour dire que le RH 131 était applicable.

La cour relève que les frais de restauration tels que prévus à l'article 16 du référentiel RH00882 ne visent que les conditions dans lesquelles la restauration est assurée dans l'organisme de formation, alors que le salarié sollicite une indemnisation pour les repas effectués à [Localité 6].

L'article 20 de l'accord collectif d'intégration des salariés dans le groupe public ferroviaire tel que visé par l'appelant, a vocation à s'appliquer à tous les salariés.

Les conditions cumulatives en sont les suivantes : bénéficier d'une coupure entre deux séances de travail, ne pas disposer d'un restaurant d'entreprise, accessible dans un délai de 10 minutes à pied, ne pas bénéficier d'une allocation panier.

Dès lors, le salarié n'aurait pu obtenir des titres restaurant qu'à compter d'octobre 2016, date de mise en vigueur de cet accord et uniquement pour le travail fourni sur le site [Localité 11], le LPA bénéficiant d'une cantine, et la notion de zone n'étant pas applicable dans ce cas.

S'agissant d'une affectation ponctuelle et en tous cas non déterminée par jours par le salarié, celui-ci n'est pas en droit d'obtenir une indemnisation supérieure à la somme de 200 euros.

Sur l'obligation de formation

Au visa des articles L.6223-1 & suivants du code du travail portant sur les obligations de l'employeur en matière de formation, l'appelant expose que pendant la période de mi-mai à septembre 2015, il n'avait plus de maître d'apprentissage du fait du changement d'affectation de M.[E] et que M.[D] nommé à cette charge, occupait un emploi différent de celui d'ingénieur méthode et avait une classification inférieure, ne lui donnant pas la compétence voulue, reprochant à l'employeur de n'avoir pas obtenu un suivi nécessaire.

La société a répondu sur ce point, dans le cadre de la demande distincte formée au titre de l'exécution du contrat de travail ; elle indique avoir tout mis en oeuvre pour trouver un remplaçant à M.[E], précisant que tout au plus M.[O] a passé 21 jours réels de présence en entreprise durant la carence.

Il résulte des éléments produits aux débats que le suivi de la formation de l'apprenti n'a pas été assuré pendant une période de 4 mois, le rôle du maître d'apprentissage ne se réduisant pas à des missions opérées uniquement quand l'apprenti est présent en entreprise.

Cependant, le salarié ne fait pas la démonstration que le maître d'apprentissage nommé en septembre 2015, en dépit d'une différence de formation et de fonction de M.[E], n'avait pas les qualités et capacités nécessaires pour assurer la formation de M.[O].

En conséquence, il convient de retenir un préjudice en lien avec la carence de maître d'apprentissage sur une période limitée et d'allouer à ce titre au salarié, une somme de 1 000 euros.

Sur l'exécution déloyale du contrat d'apprentissage

Au visa de l'article L.1222-1 du code du travail, le salarié invoque d'une part, le non respect de l'obligation de formation et d'autre part, l'absence de prise en charge des frais professionnels comme éléments matériels de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Il invoque un préjudice psychologique et financier.

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Il résulte des courriels produits par M.[O] que dès le mois de novembre 2015, le salarié a sollicité des réponses et des solutions à la prise en charge de ses frais d'hébergement, ayant même demandé un changement du lieu d'affectation sur [Localité 5], et a multiplié les démarches, sans obtenir de réponse concrète et appropriée.

La carence démontrée de l'employeur tant concernant les frais que le suivi de la formation va à l'encontre des objectifs fixés par la SNCF dans son propre référentiel.

Outre le préjudice financier en découlant non totalement indemnisé par le remboursement des frais, il ressort du certificat du psychologue consulté par le salarié à partir de 2019, une forme de déception et d'injustice à l'endroit de la SNCF, le tout justifiant d'allouer à M.[O] la somme de 2 000 euros.

Sur la rupture du contrat d'apprentissage

Le salarié considère que l'employeur, par son attitude, caractérisée par une violation permanente de ses obligations notamment en matière de formation, l'a trompé et exercé une contrainte psychologique l'obligeant à solliciter et consentir à mettre un terme au contrat d'apprentissage, de sorte que la rupture lui est imputable.

La société rappelle que le salarié n'a pas introduit de demande de résiliation judiciaire et qu'il ne s'agit ni d'une prise d'acte ni d'une démission équivoque ; elle souligne qu'aucune violence, dol ou erreur ne sont démontrés pour étayer l'existence d'un vice du consentement.

L'article L.6222-18 du code du travail dans sa version applicable au litige, prévoit :

«Le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties jusqu'à l'échéance des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l'apprenti.

Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d'apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.»

Le législateur ayant bien distingué la rupture amiable de celle contentieuse, M.[O] ne peut invoquer utilement les manquements de l'employeur à l'appui d'une rupture aux torts de l'employeur.

Il ne prouve d'aucune façon que son consentement a été vicié lors de la signature de la rupture intervenue à sa demande, et ne peut dès lors revenir sur l'accord écrit express et bilatéral de rupture du contrat d'apprentissage qu'il a signé le 26 avri 2017.

En conséquence, il a été à juste titre débouté par les premiers juges de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

La société qui succombe au principal, supportera les dépens de 1ère instance et d'appel, sera déboutée de sa demande basée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce même fondement à payer à M.[O] la somme de 2 000 €.

La demande relative à l'exécution provisoire, inopérante devant la cour d'appel , doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Constate que les conclusions n°4 de l'intimée sont tardives et l'abandon de celles-ci lors des débats,

Infirme la décision déférée SAUF dans ses dispositions concernant la rupture,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Condamne la société SNCF Voyageurs venant aux droits de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF Mobilités, à payer à M.[V] [O] les sommes suivantes :

- 6 241,78 euros nets, à titre de remboursement des frais d'hébergement du 01/01/2015 au 31/03/2017, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2018

- 200 euros nets à titre d'indemnisation pour l'absence de délivrance de titres restaurant

- 1 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation

- 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 2 000 euros nets sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront des intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision,

Rejette le surplus des demandes des parties,

Condamne la société SNCF Voyageurs aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/17354
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;19.17354 ?
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