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31/05/2024 | FRANCE | N°19/14883

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 31 mai 2024, 19/14883


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 31 MAI 2024



N° 2024/ 92



RG 19/14883

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE5MP







[X] [W]





C/



Société LANCRY PROTECTION SECURITE

















Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :



- Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V352






























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00539.





APPELANT



Monsieur [X] [W], demeurant ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024

N° 2024/ 92

RG 19/14883

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE5MP

[X] [W]

C/

Société LANCRY PROTECTION SECURITE

Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :

- Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V352

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00539.

APPELANT

Monsieur [X] [W], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SASU ATALIAN SECURITE, anciennement dénommée SAS LANCRY PROTECTION SECURITE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [X] [W] était engagé par la société Lancry Protection Sécurité, désormais dénommée Atalian Sécurité, à compter du 2 novembre 2012, en qualité d'agent de sécurité magasin arrière caisse, Niveau3, échelon 2, coefficient 140, selon contrat à durée indéterminée à temps complet et avec une rémunération brute mensuelle de 1 476.53 €.

La convention collective nationale applicable était celle des entreprises de prévention et de sécurité.

Le salarié était victime d'une chute avec traumatisme de l'épaule gauche le 23 février 2015 sur son lieu de travail et était en arrêt de travail, l'accident étant pris en charge le 27 février 2015 par la CPAM des Bouches-du-Rhône au titre de la législation sur les risques professionnels

À la visite de reprise du 21 septembre 2017, le médecin du travail le déclarait inapte à son poste de travail.

M. [W] était convoqué le 17 novembre 2017 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 27 novembre 2017. Il était licencié par courrier du 30 novembre 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le salarié saisissait le 15 mars 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 2 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Dit et Juge que M. Lancry Protection Sécurité n'a pas fait l'objet d'acharnement de la part de la société Lancry Protection Sécurité ;

Dit et Juge que le caractère professionnel de l'inaptitude n'est pas contesté ;

Dit et Juge que le licenciement de Monsieur [X] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse:

Condamne la société Lancry Protection Sécurité MARSEILLE prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Monsieur [X] [W]. les sommes suivantes :

- 2 256.00 euros au titre du complément de salaire du 1er octobre 2015 au 10 septembre 2017.

- 2 546.22 euros nets au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement.

- 5 052.03 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

- 505.20 euros bruts d'incidence congés payés sur préavis.

- 729,74 euros bruts au titre du rappel de salaire du 08 septembre au 21 septembre 2017.

- 72.97 euros bruts d'incidence congés payés sur rappel précité.

- 1 000.00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Rappelle l'exécution provisoire de droit en application de l'article R1454-28 du Code du Travail;

Fixe la moyenne des 3 derniers mois de salaire a la somme de 1795.71 euros ;

Ordonne l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile ;

Dit que les condamnations judiciairement fixées emportent intérêts au taux légal conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 7 du Code Civil capitalisés selon les termes de l'article 1343-2 du même code ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société Lancry Protection Sécurité MARSEILLE aux dépens de l'instance ».

Par acte du 23 septembre 2019, le conseil du salarié a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 février 2024, M. [W] demande à la cour de :

« Ordonner le rabat de la clôture pour permettre à M. [W] de communiquer des conclusions visant la nouvelle dénomination sociale de la société ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit et Juge que M. [W] n'a pas fait l'objet d'un acharnement de la part de la société Lancry Protection Sécurité,

Dit et Juge que le licenciement de M. [X] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse

Déboute M. [W] de sa demande de paiement d'une indemnité de 21 000 € nets au titre de l'indemnité prévue par l'article L 1226-15 du Code du travail, ou à tout le moins au titre du

licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Limite à 1000 € la somme due au titre de l'article 700 code de procédure civile au lieu des 1500 demandés

Le Confirmer pour le reste et Y Ajoutant

Constater que la société Atalian Sécurité, anciennement dénommée Lancry Protection Sécurité, ne justifie pas avoir mis en 'uvre de mesures pour prévenir le risque de chute et les risques liés au travail isolé

Dire et Juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité

Dire et Juger que l'inaptitude est causée par la faute de l'employeur et que les efforts de reclassement sont insuffisants

Dire et Juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamner la société Atalian Sécurité, anciennement dénommée Lancry Protection Sécurité, au paiement des sommes de :

- 21 000 € nets au titre de l'indemnité prévue par l'article L 1226-15 du Code du travail, ou à tout le moins au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance

- 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Entiers dépens en cause d'appel distraits au profit de Me Frédéric BUSSI

Dire et Juger que le taux d'intérêt court à compter de la demande en justice concernant les créances salariales et à compter du prononcé du jugement concernant les créances indemnitaires Ordonner la capitalisation des intérêts

Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du Décret du 8 mars 2001, portant modification du Décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société Atalian Sécurité, anciennement dénommée Lancry Protection Sécurité».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique 30 novembre 2023, la société Atalian Sécurité, anciennement dénommée Lancry Protection Sécurité, demande à la cour de :

«Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à la somme de 1795,71 euros

condamné la société LPS désormais dénommée Atalian Sécurité à payer à Monsieur [W]:

- 2.256.00 euros au titre du complément de salaire du 1er octobre 2015 au 1er septembre 2017.

- 5.052.03 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

- 505,20 euros bruts d'incidence congés payés sur préavis

- 729,74 € euros bruts au titre du rappel de salaire du 08 septembre au 21 septembre 2017.

- 72.97 euros bruts d'incidence congés payés sur rappel précité.

- 1.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

condamné la société LPS aux dépens de première instance

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [W] du surplus de ses demandes

Statuant à nouveau :

Fixer la moyenne des salaires de M. [W] à la somme de 1577,93 euros

Débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes

Condamner M. [W] à verser à la société Atalian Sécurité, anciennement dénommée Lancry Protection Sécurité, la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner M. [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que l'intimée ne remet pas en cause le jugement s'agissant du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, le salarié demandant la confirmation du jugement sur ce point, de sorte que la cour n'est pas saisie de ce chef.

Sur l'exécution du contrat de travail

a) Sur le complément de salaire du 1er octobre 2015 au 10 septembre 2017

La société soutient que le salarié ne lui a jamais fourni les attestations de paiement des indemnités journalières de sécurité sociale, lesquels sont nécessaires pour procéder au calcul du maintien de salaire pour la part employeur pendant seulement une période de 60 jours, et qu'il ne les a pas plus fourni en cours de procédure, que ce soit devant les premiers juges ou devant les juges d'appel.

Le salarié fait valoir que dans ce secteur d'activité, il y a une période de maintien de salaire durant laquelle l'employeur verse un complément de salaire et une période durant laquelle le complément est versé par un organisme de prévoyance auprès duquel l'employeur doit faire des formalités, notamment la déclaration de sinistre.

Il estime que l'employeur n'a pas respecté son obligation d'information dans la mesure où il n'a pas accompli les formalités nécessaires notamment par la remise d'une notice d'information qui incombe au souscripteur du contrat de prévoyance pour permettre que soient définies les garanties prévues au contrat et les modalités d'application en cas de réalisation du risque.

Il souligne qu'il appartient l'employeur qui est l'exclusif interlocuteur de l'assureur de procéder à la déclaration de sinistre afin de permettre l'indemnisation du salarié en accident de travail ou maladie.

S'agissant du complément de salaire de l'employeur, les dispositions de l'article 1226-1 du code du travail prévoient que « tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie en cas d'absence au travail justifié par l'incapacité résultant de la maladie ou d'accident, constatée par certificat médical et contre visites s'il y a lieu, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue par l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale sous certaines conditions (...) ».

Par ailleurs, il est prévu selon la convention collective (article 8) un maintien du salaire en fonction de l'ancienneté correspondant à 90 % du salaire pendant 30 jours et de 70 % du salaire les 30 jours suivants après un délai de carence et avec prise en compte des 'prestations en espèces auxquels les intéressés ans droit, soit du fait de la sécurité sociale, soit du fait de tout autre régime de prévoyance ».

S'agissant du régime complémentaire de prévoyance, cette indemnisation intervient en relais des obligations de l'employeur. En vertu de l'avenant n°2 du 10 juin 2002, complété par l'avenant du 30 juin 2014, la garantie incapacité temporaire de travail prévoit « qu'il est versé au salarié en incapacité temporaire de travail, sous réserve qu'il bénéficie des indemnités journalières de la sécurité sociale au titre des législations maladie, accident du travail ou maladie professionnelle (reconstituées de manière théorique pour les salariés n'ayant pas 200 heures), une indemnité égale à 80 % du salaire brut de référence, y compris les prestations brutes de la sécurité sociale ».

L'article 8 indique concernant le versement de prestations incapacité temporaire que l'AG2R Prévoyance transmettra, trimestriellement, à chaque salarié indemnisé au titre de l'incapacité temporaire, un relevé des prestations réglées à l'employeur, qui les reverse via la feuille de paie.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le salarié est mal fondé à réclamer le complément de salaire conventionnel et/ou le complément de prévoyance, dans la mesure où il ne justifie pas avoir transmis à la société le montant perçu des indemnités journalières de la sécurité sociale, permettant le calcul du complément de salaire de l'employeur et la transmission à l'organisme assureur.

En tout état de cause, l'inobservation par l'employeur des règles relatives à l'information des salariés, en ce qui concerne notamment les garanties et en l'absence de la preuve de la remise aux participants par l'adhérent de la notice d'information prévue par dispositions de l'article 7 de l'avenant 10 juin 2002 incombant expressément à l'employeur, ne permet que de solliciter la condamnation de l'employeur à indemniser le préjudice en résultant.

Le salarié doit donc être débouté de sa demande et le jugement entrepris, infirmé de ce chef.

b) Sur la demande de rappel de salaire du 8 septembre au 21 septembre 2017

La société fait valoir que M. [W] ne s'est pas retrouvé sans ressource puisqu'il a été arrêté jusqu'au 10 septembre inclus au titre de son accident du travail, puis du 11 septembre au 17 septembre 2017 inclus, au titre de la maladie professionnelle, de sorte qu'aucun salaire ne lui est dû pendant cette période, ni à titre principal, ni à titre de complément employeur.

Le salarié soutient, au visa de l'article L. 433-1 'du code du travail' que l'indemnisation durant la période d'un mois à compter de l'inaptitude est due en cas d'inaptitude professionnelle.

Les dispositions mentionnées dans les conclusions de l'appelant relèvent du code de la sécurité sociale et non du code du travail, et prévoient que : « l'indemnité journalière peut être rétablie pendant le délai mentionné à l'article L. 1226 -11 du code du travail lorsque la victime ne peut percevoir aucune rémunération liée à son activité salariale. Le versement de l'indemnité cesse dès que l'employeur procède au reclassement dans l'entreprise du salarié inapte ou le licencie (...) ».

Il s'agit ainsi des indemnités journalières versées par la CPAM, et non d'une indemnisation de l'employeur, étant précisé qu'à cette date, aucun constat d'inaptitude n'avait été fait, de sorte que la demande à ce titre doit être rejetée par voie d'infirmation.

c) Sur les contre-visite médicales et l'absence de visite médicale suite à la reprise envisagée au 2 novembre 2015

Le salarié soutient que la société s'est acharnée à son encontre en procédant à trois contre visites médicales et en ne réalisant pas la visite médicale de reprise.

La société indique, au visa de l'article L. 1226-1 du code du travail, qu'elle est autorisée à organiser un contrôle médical des arrêts de travail, et que la visite de reprise n'avait pas être organisée du fait de la prolongation de l'arrêt de travail, réfutant tout acharnement de sa part.

Les dispositions de l'article 1226-1 du code du travail prévoient la possibilité de contre visites et compte tenu de la durée des arrêts de travail du salarié, la société était donc légitime à en organiser sans que cela ne puisse être considéré comme un acharnement, étant précisé que ces visites ont eu lieu à six mois d'intervalle.

Par ailleurs, le salarié n'ayant pas repris le travail, il n'y avait pas lieu d'organiser une visite de reprise au 2 novembre 2015.

Sur la rupture du contrat de travail

Le salarié soutient que le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse dans la mesure où l'inaptitude du salarié a été causée par un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en raison du défaut d'éclairage du site de l'usine de Panzani et d'appareillage réglementaire applicable en matière de poste de travailleur isolé (PTI).

Il fait valoir qu'il a été également affecté sur un poste d'agent de surveillance de nuit, alors qu'il a été embauché en qualité d'agent de sécurité magasin arrière caisse, fonction que la société a modifié de façon unilatérale et sans son consentement. Il précise que la clause de polyvalence invoquée est nulle et que c'est la mention précise des métiers repères dans le contrat qui rend déterminables, tant la prestation de travail que la rémunération minimale.

La société objecte qu'elle n'a commis aucune faute et que le poste d'agent de surveillance de nuit relève de la qualification d'agent d'exploitation pour laquelle le salarié a été engagé et que figure une clause de polyvalence sur la nature des fonctions et sur le lieu d'affectation sans que cela constitue une modification substantielle du contrat de travail.

Elle considère au visa de l'article 9 du code de procédure civile que le salarié ne rapporte pas la preuve de ses affirmations concernant l'absence de PTI sur le site Panzani à l'occasion de son accident du travail et qu'il ne lui appartient pas de rapporter la preuve qu'elle avait mise en place les mesures de prévention utiles.

Elle souligne également que le salarié a saisi le TASS sur le fondement de la faute inexcusable le 8 novembre 2018, soit plus de deux ans et demi après son accident, et que cette action est irrecevable pour cause de prescription.

a) Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

- des actions de prévention des risques professionnels,

- des actions d'information et de formation,

- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

Par ailleurs, l'article 10.02 de la convention collective concernant les salariés travaillant dans des postes isolés dispose : « Conformément aux prescriptions particulières d'hygiène et de sécurité, et notamment celles prévues par le décret du 29 novembre 1977 (n° 77- 1321), les employeurs mettront en 'uvre avec les entreprises utilisatrices les moyens nécessaires permettant d'assurer la sécurité des salariés exerçant leur activité dans des lieux isolés ».

Les dispositions de l'article 10.0 sur la sécurité du personnel précisent « (...) Par ailleurs, les entreprises de prévention sont tenues d'assumer des responsabilités tant à l'égard de leurs salariés , et ce aux fins de prévenir tout accident du travail et plus généralement d'assurer leur sécurité, qu'à l'égard des entreprises bénéficiaires de la prestation (...) ».

Dès lors que le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, il revient à l'employeur de démontrer l'absence de manquement de sa part à son obligation de sécurité.

En l'espèce, le salarié produit plusieurs rapports d'anomalie qu'il a adressés à la direction mentionnant en particulier le 3 août 2014 « aucune lumière dans le site, aucune alarme, le PTI ne fonctionne plus depuis plusieurs mois, l'astreinte ne répond pas, un abandon total de la direction, nous travaillons dans des conditions inacceptables et très risquées pour nos vies. » avec plusieurs relances au mois d'août, septembre, octobre 2014 (pièces 30 à 38).

Si ces rapports d'anomalies ne concernent effectivement pas le site Panzani mais le site Poste Immo-Arnavaux et concerne l'année 2014, ceux-ci sont néanmoins révélateurs de l'inaction fautive de la direction concernant la sécurité du salarié sur ce site, aucune disposition n'ayant été prise pour résoudre les difficultés signalées.

La société, à qui incombe la charge de la preuve du respect de son obligation de sécurité, n'apporte pour sa part, aucune précision sur le respect et la prévention des risques sur le site Panzani s'agissant de l'éclairage et de l'état des sols, ni la remise d'un appareil PTI, conforme et en état de marche, ni le document unique d'évaluation des risques ou le procès-verbal du CHSCT suite à l'enquête qui aurait été réalisée après la plainte que le salarié indique avoir portée auprès de celui-ci.

En conséquence, l'employeur ne démontre pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter les risques liés à l'activité du salarié et a ainsi manqué à son obligation de sécurité, sans qu'il soit nécessaire d'aborder le moyen invoqué de la modification du contrat de travail.

b) Sur la cause du licenciement

Il n'est pas contesté par la société que l'inaptitude est d'origine professionnelle et qu'elle est liée à la chute du salarié dans l'exercice de ses fonctions sur le chemin de sa ronde de nuit le 23 février 2015, ce qui a entraîné une dégradation de son état de santé au vu des pièces médicales produites par le salarié (pièces appelant 46, 49 à 56 et 58).

Le salarié établit l'existence d'un comportement fautif de l'employeur en ce qu'il a manqué à son obligation de sécurité, d'un lien de causalité entre le manquement de la société et le préjudice caractérisé par la perte de son emploi, la dégradation de son état de santé caractérisée par des lésions à l'épaule gauche ayant entraîné son inaptitude au poste d'agent de sécurité le 21 septembre 2017, le médecin du travail ayant précisé ' l'inaptitude est susceptible d'être en lien avec l'accident de travail du 22 février 2015".

Dès lors, le licenciement pour inaptitude de M. [W] consécutif au manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité qui l'a provoquée, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef.

III) Sur les conséquences de la rupture

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Le salarié réclame au visa de l'article L. 5213-9 du code du travail, une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois, du fait qu'il justifie de la qualité de travailleur handicapé.

En vertu des dispositions de l'article L. 5213-9 du code du travail « en cas de licenciement, la durée du préavis déterminé en application de l'article L. 1234-1 est doublé pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis ».

Le salarié n'ayant été reconnu comme travailleur handicapé par la MDPH que le 18 janvier 2018, soit postérieurement au licenciement, les dispositions ci-dessus visées ne peuvent s'appliquer.

Le salaire mensuel moyen de référence étant de 1795,71 € prime comprise, le salarié est en droit d'obtenir la somme de 3 591,42 € à ce titre ainsi que les congés payés y afférents.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L.1235-3 telles qu'issues de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, tenant compte du montant de la rémunération et de l'ancienneté en années complètes ( 5 ans), dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [W] est comprise entre 3 et 6 mois de salaire, et en l'espèce doit être fixé à la somme de 11 000 euros.

Sur les autres demandes

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, et les créances indemnitaires à compter de la décision déférée.

La cour ordonne la capitalisation des intérêts en fonction en application de l'article 1343-2 du code civil.

La société qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer au salarié la somme de 2 000€.

Les dépens ne peuvent être distraits, la procédure en matière sociale ne donnant pas l'exclusivité à l'avocat dans la représentation.

Il n'y a pas lieu de statuer sur le sort des frais de l'exécution forcée, lesquels sont futurs et régis par l'article L.118-8 du code des procédures civiles d'exécution et soumis en cas de contestation au juge de l'exécution.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré, dans ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [X] [W] de ses demandes de complément de salaire du 01/10/ 2015 au 10/09/ 2017 et de rappel de salaire du 08/09 au 21/09/ 2017 ;

Dit que la société Atalian Sécurité, anciennement Lancry Protection Sécurité, a manqué à son obligation de sécurité ;

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Atalian Sécurité, anciennement Lancry Protection Sécurité, à payer à M. [X] [W] les sommes suivantes :

- 3 591,42 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 359,14 € bruts au titre de congés payés afférents,

- 11 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 21/03/2018 et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition qu'ils soient dûs pour une année entière;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Atalian Sécurité, anciennement Lancry Protection, aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/14883
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;19.14883 ?
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