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31/05/2024 | FRANCE | N°19/12331

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 31 mai 2024, 19/12331


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 31 MAI 2024



N° 2024/ 91



RG 19/12331

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVZV







[S] [F] épouse [I]





C/



SAS R2C CASINO RESTAURATION

























Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :



-Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Béatrice DUPUY, avocat au barreau de

MARSEILLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 12 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/02999.





APPELANTE



Madame [S] [F] épouse [I], demeu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2024

N° 2024/ 91

RG 19/12331

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVZV

[S] [F] épouse [I]

C/

SAS R2C CASINO RESTAURATION

Copie exécutoire délivrée le 31 Mai 2024 à :

-Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Béatrice DUPUY, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 12 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/02999.

APPELANTE

Madame [S] [F] épouse [I], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS R2C CASINO RESTAURATION, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Béatrice DUPUY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] [F] épouse [I] était initialement engagée par la société Casino Restauration selon contrat à durée déterminée du 12 septembre 1994 au 16 février 1997 en qualité de caissière cafétéria, puis du 9 septembre 1999 au 22 septembre 1999 en remplacement d'une salariée absente pour maladie.

La convention collective nationale applicable était celle de la convention collective du personnel d'entreprise de restauration de collectivités du 20 juin 1983.

À compter du 27 mars 2001, elle était employée en qualité d'employée de restauration à la cafétéria '[9]' à [Localité 7] selon contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Par avenant du 7 février 2005, la durée de travail hebdomadaire était fixée à 28,5 heures.

Par avenant du 5 septembre 2012, le contrat de travail était transféré à la société Restauration Collective Casino (RC2) en qualité d'employée niveau II Echelon A avec une durée hebdomadaire de travail de 27 heures au restaurant d'entreprise 'Le [10]'à [Localité 4].

La salariée faisait l'objet d'un avertissement le 8 août 2014 et d'une mise à pied disciplinaire le 29 septembre 2014. La salariée était en arrêt de travail pour maladie du 29 septembre 2014 jusqu'au 17 octobre 2014, puis du 3 novembre 2014 jusqu'au 4 juillet 2017.

Le médecin du travail la déclarait inapte à son poste de travail le 4 juillet 2017.

Mme [F] épouse [I] était convoquée le 9 octobre 2017 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 19 octobre 12017, entretien reporté à la demande de la salariée au 2 novembre 2017. Elle était licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 7 novembre 2017.

La salariée, avait saisi le 9 juin 2016 le conseil des prud'hommes de Marseille en annulation de la sanction disciplinaire, et la procédure a été radiée le 8 décembre 2016.

Lors de la remise au rôle le 21 décembre 2017, Mme [I] a complété ses demandes, notamment en contestant le licenciement et en sollicitant diverses indemnités.

Par jugement du 12 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Annule la mise à pied disciplinaire du 29 septembre 2014.

Condamne la SAS Restauration Collective Casino (RCC), prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame [S] [F] épouse [I] les sommes suivantes:

3.000 € au titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée.

1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que le licenciement de Madame [S] [I] prononcé pour inaptitude est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse.

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire.

Condamne la SAS Casino Restauration Collective Casino (R2C) aux entiers dépens».

Par acte du 26 juillet 2019, le conseil de la salariée a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 23 octobre 2019, Mme[I] demande à la cour de :

«Réformer le jugement déféré

Et statuant à nouveau de :

Annuler la mise à pied disciplinaire du 29 septembre 2014

Dire et Juger le licenciement du 7 novembre 2017 Irrégulier et sans cause réelle ni sérieuse

Et par conséquent,

Condamner la SAS R2C Casino Restauration au paiement de :

DI au titre de la sanction injustifiée 3 000.00 €

DI au titre de l'exécution fautive du contrat 3 000.00 €

DI licenciement sans cause réelle ni sérieuse 50 000.00 €

DI irrégularité de la procédure 1 228.38 €

Indemnité compensatrice de préavis 2 456.76 €

Incidence congés payés y afférents 245.00 €

Solde indemnité légale de licenciement 840.58 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

Délivrer l'intégralité des documents de rupture conformes à la décision à intervenir

Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Article 700 du code de procédure civile distrait au profit de MB AVOCATS : 2 500.00 €

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 1 228.38 € ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 30 décembre 2019, la société Restauration Collective Casino demande à la cour de :

«Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société R2C à verser à Madame [I] une somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée en l'absence de préjudice démontré en lien avec le prononcé de cette sanction.

Confirmer ce même jugement en ce qu'il a décidé que le licenciement prononcé était régulier et légitime.

Débouter en conséquence Madame [I] de toutes ses demandes, fins et prétentions.

Condamner reconventionnellement Madame [I] à verser à la concluante la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l'exécution du contrat de travail

1) Sur la mise à pied disciplinaire du 29 septembre 2014

La salariée soutient que la mise à pied disciplinaire est irrégulière, car le règlement intérieur ne prévoit pas la durée maximale pour ce type de sanction, et qu'elle est illicite et injustifiée dans la mesure où les griefs invoqués ne reposent sur aucun fondement puisqu'elle a toujours fermé les portes donnant sur l'extérieur tout en laissant l'accès à ses collègues de travail, ce qui résultait d'une pratique habituelle.

La société reconnaît que le règlement intérieur du restaurant d'entreprise « le [10] », datant du mois de juin 2009 ne mentionne pas la durée maximale de mise à pied et ne peut que consentir à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé l'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 29 septembre 2014.

Elle indique cependant qu'en l'absence de préjudice, la sanction prononcée,étant parfaitement justifiée par le comportement inacceptable de la salariée, et s'oppose au montant fixé par les premiers juges.

Le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement intérieur.

Par ailleurs, une mise à pied prévue par le règlement intérieur n'est licite que si ce règlement précise sa durée maximale.

En l'espèce, le règlement intérieur interentreprises du [10] a prévu la mise à pied à titre disciplinaire, mais sans que soit indiquée une durée maximale.

Dès lors, le jugement entrepris qui a annulé la sanction disciplinaire doit être confirmé.

S'agissant de l'indemnisation, il s'avère que la salariée a été en arrêt maladie la journée du 29 septembre 2014 et n'a jamais effectué la mise à pied, les bulletins de salaire ne mentionnant aucune retenue de la part de la société pour cette journée (pièce intimée 12).

Toutefois, le fait pour la salariée de s'être vu infligée une mise à pied irrégulière, donc illégitime entraine, entraine de fait un préjudice moral qu'il convient par voie d'infirmation de réparer à hauteur de 500 € .

2) Sur l'exécution fautive

La salariée réclame des dommages et intérêts en se référant à la sanction disciplinaire et aux relations conflictuelles avec ses collègues de travail.

La société indique que la salariée ne peut justifier d'une exécution fautive du contrat de travail sur le fondement de la sanction disciplinaire pour laquelle des dommages et intérêts ont déjà été réclamés et précise qu'elle a déclenché une enquête dès que la salariée s'est plainte de difficultés relationnelles rencontrées avec ses collègues de travail, en prenant toutes les mesures nécessaires.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

La salariée ne justifie d'aucun manquement de la part de la société puisque cette dernière démontre avoir satisfait à son obligation, en termes de protection de la santé et de la sécurité de la salariée en procédant à une enquête interne auprès du personnel après que cette dernière se soit plainte de difficultés relationnelles avec ses collègues de travail.

L'enquête a ainsi révélé que les collègues de travail reprochaient à Mme [I] son attitude négative, agressive et critique envers tout le monde et la société lui a proposé de l'affecter à compter du 10 novembre 2014, sur l'établissement « [11] » sur [Localité 4] et, suite au changement de prestataire, sur le restaurant d'entreprise « [Localité 4] [6] » afin de remédier à cette situation (pièce intimée 13).

L'exécution fautive ne peut par ailleurs se fonder sur la sanction disciplinaire irrégulière déjà indemnisée.

Dès lors, faute pour la salariée de démontrer cumulativement de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice, cette dernière, par voie de confirmation, doit être déboutée de sa demande.

II) Sur le licenciement

1.Sur la régularité de la procédure de licenciement

La salariée soutient que le strict respect du délai de cinq jours entre la date de la convocation et l'entretien lui-même n'a pas été respecté et que l'employeur doit justifier de la régularité des élections professionnelles concernant les institutions représentatives du personnel.

La société indique que le délai de cinq jours ouvrables a largement été respecté et souligne qu'elle ne doit justifier que de l'existence d'institutions représentatives du personnel dans son entreprise et non pas de la régularité de ses élections professionnelles.

En application des dispositions de l'article L. 1232-2 al.3 du code du travail, le délai de cinq jours ouvrables commence à courir après la présentation de la lettre de la remise en main propre de la convocation. Le délai court de la même manière à compter de la présentation de la remise de la lettre initiale de convocation, si la date de l'entretien préalable a été reportée à la demande du salarié.

En l'espèce, la salariée a disposé de cinq jours ouvrables pour pouvoir assurer sa défense entre la réception de la première convocation le 13 octobre 2017 et le second entretien reporté au 2 novembre 2017 à sa demande (pièce intimée 21).

Par ailleurs, la convocation précisait que la salariée pouvait se faire assister au cours de l'entretien par une personne de son choix appartenant à l'entreprise et la société disposait d'institutions représentatives du personnel qui ont été interrogées sur le reclassement envisagé (pièce intimée 26).

Le jugement entrepris qui a dit que la procédure est régulière doit être confirmé de ce chef.

2. Sur le reclassement

La salariée estime que la société a manqué à son obligation de reclassement et reproche à la société :

- de n'avoir pas recherché un reclassement par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de son poste antérieur ou formation alors que l'avis du médecin du travail s'imposait à elle

- de l'avoir reçu en entretien de reclassement après avoir émis une demande d'avis auprès de la médecine du travail concernant la compatibilité des postes de reclassement envisagé

- de ne pas avoir justifié de l'intégralité de ses démarches tant à l'égard de la médecine du travail au sein des sociétés y comprises au sein des différents clients institutionnels composant le portefeuille du groupe Casino appartenant au groupe

- de l'avoir licenciée sur le seul motif de son refus des propositions de reclassement alors que celui-ci constitue un droit pour le salarié.

La société réplique qu'elle n'avait pas le droit d'envisager une adaptation, un accompagnement ou une transformation du poste de la salariée puisque dès le premier examen du médecin de travail ce dernier l'a déclaré inapte à son poste.

Elle souligne que l'indication selon laquelle la salariée « pourrait bénéficier d'une formation en vue d'un reclassement administratif » ne peut créer d'obligation pour l'employeur et que cette dernière, caissière, ne disposait pas des compétences requises pour occuper un emploi administratif, aucun poste administratif n'étant disponible, en tout état de cause.

Elle indique également qu'elle a sollicité d'abord un avis complémentaire du médecin du travail avant de convoquer ensuite la salariée pour un entretien de reclassement et qu'il aurait été irrationnel de procéder différemment.

Elle explique qu'elle a établi un courriel très détaillé quant aux capacités restantes de la salariée à toutes les entités du groupe, ce qui a abouti à l'identification de trois postes compatibles avec l'avis de la médecine du travail, dont l'un au moins était compatible avec le souhait émis par la salariée de travailler à [Localité 4].

Elle fait enfin valoir que ce n'est pas le refus des propositions qui a justifié la rupture du contrat de travail, mais bien l'impossibilité de reclassement qui en est résulté.

Selon l'article L.1226-2 du code du travail dans sa version applicable au litige « lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail en application de l'article L. 4624-4 à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à sa capacité au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant situé sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assure la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ».

Les dispositions de l'article L.1226-2-1 du même code dans sa version applicable au litige prévoient également que « (...) l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à la santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin de travail (...) »

En l'espèce, lors de la visite de reprise le 4 juillet 2017 le médecin du travail a déclaré la salariée « inapte à poste de travail selon l'article R 4624-42 du code du travail, après examen médical du 4/07/2017, échanges avec la salariée réalisés le 4/07/2017, échanges avec l'employeur réalisés le 20/06/2017, étude de poste réalisée le 20/06/2017, étude des conditions de travail réalisée le 20/06/2017, fiche d'entreprise actualisée le 20/06/2017. Capacités restantes : pourrait occuper un poste administratif sans manutention de charges lourdes, sans gestes répétés, sans station de bout prolongée. Pourrait bénéficier d'une formation en vue d'un reclassement à un poste administratif».

La société a soumis à l'appréciation du médecin du travail, la proposition d'un poste en caisse, habituellement un poste d'employé polyvalent de restauration, mais pouvant être aménagé aux seules opérations de typage, sans manutention de charges lourdes, ni de gestes répétés avec l'installation d'un siège assis/debout afin que la salariée puisse travailler assise, limitant ainsi la station debout prolongée, conformément aux prescriptions médicales.

Le médecin du travail a validé le 18 juillet 2017 cette proposition qui correspondait aux capacités restantes de la salariée (pièce intimée 24).

La société, qui a indiqué de manière précise les renseignements sur la situation de la salariée et sur les préconisations médicales, produit les nombreuses recherches auprès de l'ensemble des sociétés du groupe ainsi que leurs réponses et justifie de la consultation des délégués du personnel le 28 août 2017 qui ont donné un avis favorable sur le principe d'un poste en caisse aménagé (pièces intimée 27 et 33).

Trois postes disponibles, susceptibles de convenir à l'état de santé de la salariée, ont été identifiés au sein des restaurants d'entreprise« [6] » à [Localité 4], « [3]» à [Localité 5] et « [8] » à [Localité 12], pour une durée de 10 heures par semaine.

Ces postes ont été proposées à la salariée le 29 août 2017 et cette dernière les a refusé le 6 septembre 2017, invoquant l'absence d'adéquation des postes avec les conclusions de la médecine du travail et un nombre d'heures inférieur à celui prévu par son contrat de travail ainsi que l'éloignement géographique pour deux des postes (pièces intimée 28 et 29).

La société a réitéré le 15 septembre 2017 sa proposition de reclassement au sein du restaurant d'entreprise [6] à [Localité 4] correspondant à sa limite géographique et a confirmé à la salarié la compatibilité du poste avec son état de santé par le médecin du travail (pièce intimée 30).

Elle a notifié le 6 octobre 2017 à la salariée les motifs s'opposant à son reclassement.

Par ailleurs, la salariée a souhaité dans sa fiche de reclassement un emploi administratif sur [Localité 4] et a demandé à être classée au sein du groupe siège dans l'administration.

Toutefois, si l'employeur a un devoir d'adaptation à l'évolution de l'emploi, il n'est pas pour autant tenu d'assurer à l'intéressée une formation qualifiante que celle-ci ne possède pas.

L'organisation du travail et des relations qui relève des fonctions d'encadrement nécessitait une formation qualifiante et la salariée ne justifiait pas détenir les qualifications utiles pour ce type d'emploi, étant relevé qu'aucun poste strictement administratif n'était disponible au vu des réponses des sociétés du groupe.

En l'état de ces éléments, la cour constate qu'il ne peut être reproché à la société d'avoir sollicité le médecin du travail afin de définir le poste le plus adapté aux restrictions médicales, avant l'entretien de la salariée du 21 juillet 2017, et que la société a bien respecté le processus de reclassement en mettant en 'uvre des mesures d'aménagement de poste compatibles avec les conclusions du médecin du travail, et en consultant préalablement les délégués du personnel sur les postes proposées.

De même, la recherche de reclassement a été réalisée sur l'ensemble des sociétés du groupe Casino, de sorte que la salariée ne saurait utilement invoquer le fait qu'elle n'aurait pas été destinataire d'une offre de reclassement au sein des différentes structures, étant relevé qu'aucun autre poste que ceux identifiés n'était disponible et que la salariée a souhaité limiter le périmètre de son reclassement à [Localité 4], la jurisprudence de la Cour de cassation admettant depuis novembre 2016 que l'employeur puisse tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

Enfin, l'obligation de reclassement est désormais présumée satisfaite en application de l'article

L.1226-2-1 alinéa 3 issu de la loi du 8 août 2016, entré en vigueur le 1er janvier 2017, lorsque l'employeur a proposé un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2 en tenant compte des prescriptions médicales.

Il est établi que la société a proposé loyalement et sérieusement à la salariée un poste approprié à ses capacités restantes, aussi comparable que possible au poste précédent, en tenant compte des préconisations du médecin du travail par la mise en oeuvre de mesures telles que 'mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail'.

L'éclairage apporté par la Cour de cassation sur ce point dans son arrêt du 13/03/2024 (pourvoi n°22-18758) confirme que le refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions permet à l'employeur de rompre le contrat de travail pour impossibilité de reclassement.

En conséquence, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [I] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris doit être confirmé et la salariée doit être déboutée de ses demandes subséquentes d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts .

III) Sur les conséquences de la rupture

Sur l'indemnité légale de licenciement :

La salariée réclame un solde d'indemnité légale de licenciement, prétendant être entrée dans le groupe le 12 septembre 1994 et avoir une ancienneté de 23 ans et 4 mois.

La société réplique que la salariée n'a pas travaillé de manière ininterrompue au sein du groupe Casino.

Le conseil des prud'hommes ne s'est pas prononcé sur cette demande.

Mme [I] ne justifie pas d'une ancienneté ininterrompue au service du même employeur et ne peut donc prétendre à une ancienneté à partir de l'année 1994 du fait d'une relation de travail discontinue avant le 27 mars 2001, la salariée ayant cessé de faire partie des effectifs de la société, entre le 17 février 1997 et le 8 septembre 1999.

Selon l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable au litige, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1º Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2º Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

La salariée avait une ancienneté de 15 années et 9 mois et percevait la somme brute mensuelle de 1228,38€.

Elle pouvait donc prétendre à la somme de(1 228,38 € x1/4 x 10) + (1 228,38 € x1/3 x 5) + (1 228,38 € x1/3 x 9/12) =5 425,34 € .

Compte tenu de l'indemnité légale déjà versée par la société (7 074,28 €), la salariée a été remplie de ses droits et doit être déboutée de sa demande.

IV) Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de remise des documents de fin de contrat et d'astreinte.

L'appelante qui succombe même partiellement doit s'acquitter des dépens d'appel, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La disparité des conditions économiques justifie de ne pas faire droit à la demande de la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF s'agissant de l'indemnisation de la sanction disciplinaire ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société R2C Casino à payer à Mme [S] [F] épouse [I] la somme de 500€ à titre de dommages et intérêts pour sanction illégitime ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Mme [S] [F] épouse [I] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/12331
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;19.12331 ?
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