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30/05/2024 | FRANCE | N°23/09875

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 30 mai 2024, 23/09875


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024



N°2024/236













Rôle N° RG 23/09875 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLVY5







[R] [Y]

[G] [W] épouse [Y]





C/



[M] [C]

[N], [P] [E]



























Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Jean-baptiste GOBAILLE

Me Agnès ERMENEUX r>




Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge des contentieux de la protection d'AIX EN PROVENCE en date du 21 Novembre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11-22-820.





APPELANTS



Monsieur [R] [Y]

né le 07 Septembre 1975 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me J...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

N°2024/236

Rôle N° RG 23/09875 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLVY5

[R] [Y]

[G] [W] épouse [Y]

C/

[M] [C]

[N], [P] [E]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Jean-baptiste GOBAILLE

Me Agnès ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection d'AIX EN PROVENCE en date du 21 Novembre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11-22-820.

APPELANTS

Monsieur [R] [Y]

né le 07 Septembre 1975 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean-Baptiste GOBAILLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [G] [W] épouse [Y]

née le 19 Octobre 1972 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Baptiste GOBAILLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Monsieur [M] [C]

né le 11 Avril 1973 à [Localité 7],, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Nathalie RUIZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [N], [P] [E]

née le 15 Mai 1982 à [Localité 4],, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Nathalie RUIZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, et Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargées du rapport.

Madame Carole MENDOZA, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 17 décembre 2021 à effet au 05 janvier 2022, Mme [N] [E] et M.[M] [C] ont donné à bail d'habitation à M.[R] [Y] et Mme [G] [W] un bien situé [Adresse 1] à [Localité 3].

Se plaignant de ce que les locataires avaient effectué des travaux non autorisés, Mme [E] et M.[C] les ont fait assigner aux fins principalement de voir prononcer la résiliation du bail.

Par jugement réputé contradictoire du 21 novembre 2022, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :

- prononcé la résiliation du bail conclu le 17 décembre 2021,

- condamné M.[R] [Y] et Mme [G] [W] à libérer les lieux (lots 46 et 108), [Adresse 1] à [Localité 3], de leurs personnes et de leurs biens, ainsi que de tous occupants,

- ordonné, sans libération et remise des clés, l'expulsion de M.[Y] et Mme [W], ainsi que celle de tous occupants de leur chefs, selon les formes légales avec au besoin l'assistance d'un serrurier et de la force publique, (lots 46 et 108), [Adresse 1] à [Localité 3],

- ordonné dans ce cas l'enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués en un lieu approprié, aux frais et risques de M.[Y] et Mme [W],

- condamné M.[Y] et Mme [W] à remettre les lieux en état à la sortie de l'appartement

- fixé l'indemnité mensuelle d'occupation au dernier loyer qui a cours au jour du jugement augmenté des charges,

- condamné solidairement M.[Y] et Mme [W] à payer à Mme [N] [E] et M.[M] [C] :

*l'indemnité mensuelle d'occupation ainsi fixée jusqu'à la libération effective des lieux,

*1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autres et plus amples demandes,

- condamné solidairement M.[Y] et Mme [W] aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de plein droit.

S'appuyant sur un procès-verbal d'huissier du 25 avril 2022, le premier juge a prononcé la résiliation du bail au motif que les locataires avaient procédé, sans autorisation de leurs bailleurs, à des travaux de transformation du bien qui ne pouvaient s'analyser comme de simples aménagements.

Il a en outre ordonné à M.[C] et Mme [E] de remettre les lieux en l'état.

Par déclaration du 24 juillet 2023, M.[Y] et Mme [W] épouse [Y] ont relevé appel de tous les chefs de cette décision, sauf en ce qu'elle a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

M.[C] et Mme [E] ont constitué avocat.

Par ordonnance du 11 décembre 2023, le premier président a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire.

Par conclusions notifiées par RPVA le 13 février 2024 auxquelles il convient de se reporter, M. [Y] et Mme [W] épouse [Y] demandent à la cour :

- de déclarer leur appel recevable et bien fondé,

- de juger nul et de nul effet l'acte de signification du 19 décembre 2022 du jugement du 21 novembre 2022 nul et de nul effet,

- de juger régulière leur déclaration d'appel,

- d'annuler les assignations qui leur ont été prétendument signifiées le 30 juin 2022 devant le Juge des Contentieux de la Protection d'AIX EN PROVENCE en ce qu'elles l'ont été à des adresses erronées, sans vérifications ou diligences sérieuses ni régulières au sens des articles 654 et suivants du code de procédure civile, et au mépris du principe du contradictoire, ces irrégularités faisant grief,

- d'annuler le jugement rendu le 22 novembre 2022 rendu au mépris du principe du contradictoire

A titre subsidiaire,

- d'infirmer le jugement déféré,

* statuant à nouveau,

- de juger que les travaux objets du litige ne sont pas des transformations ni aménagements soumis à autorisation du bailleur au sens de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989

- de juger qu'ils n'ont commis aucune faute, ni n'ont engagé leur responsabilité de nature à entraîner la résiliation du bail avec toutes les conséquences, notamment l'expulsion, afférentes ou subséquentes.

- de juger que les travaux ne mettent nullement en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local,

- de juger qu'en conséquence, aucune remise en état ne saurait leur être imposée

*en toute hypothèse

- de rejeter toutes demandes contraires et/ou reconventionnelles de M. [M] [C]

et Mme [N] [E]

- de condamner solidairement M.[M] [C] et Mme [N] [E] à régler à leur verser la somme de 5.000 euros à tire de dommages-intérêts pour réparer leur préjudice moral,

- de condamner solidairement M. [M] [C] et Mme [N] [E] à régler à leur verser la somme de 4.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile

- de condamner solidairement M. [M] [C] et Mme [N] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils soulèvent la nullité de la signification du jugement déféré pour n'avoir pas été faite à leur adresse réelle, puisqu'ils ne vivaient pas dans les lieux loués, éléments connus de leurs bailleurs, si bien que leur appel est recevable. Ils précisent que leur nom n'existait d'ailleurs ni sur la sonnerie de la résidence ni sur la boîte aux lettres. Ils font état d'une défaut de diligences sérieuses du commissaire de justice pour leur délivrer l'acte.

Ils exposent que l'acte introductif d'instance est nul, pour avoir été délivré à une adresse qui n'était pas la leur. Ils expliquent qu'ils n'habitaient pas les lieux loués, ce que savaient leurs bailleurs qui connaissaient leur adresse, notamment par le biais d'une lettre envoyée au mandataire de ce dernier le 04 janvier 2022. Ils font état de la mauvaise foi des intimés.

Subsidiairement, si le jugement ne devait pas être annulé, ils en demandent l'infirmation.

Ils déclarent avoir sollicité le mandataire de leur bailleur pour effectuer des travaux qui ne sont pas des transformations mais de simples travaux d'aménagement et d'embellissements. Ils ajoutent que l'absence de réponse du mandataire à leur demande vaut accord.

Ils font observer que les travaux auxquelles ils ont procédé, pour un montant de plus de 21.000 euros, ne mettent pas en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local, si bien que la remise immédiate du bien en l'état ne pourrait leur être imposée.

Ils estiment avoir été victimes de manoeuvres procédurales provenant de leur adversaire qui leur a créé un préjudice moral pour lequel ils demandent réparation.

Par conclusions notifiées par RPVA le 28 février 2024 auxquelles il convient de se reporter, M.[C] et Mme [E] demandent à la cour :

- de déclarer M. [Y] et Mme [W] épouse [Y] forclos en leur appel.

- de les débouter de leur demande de nullité des actes de signification du jugement,

- de déclarer l'appel irrecevable comme tardif,

Subsidiairement,

- de prononcer l'irrecevabilité de la demande de nullité du jugement,

- de débouter les appelants de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte d'assignation et la nullité du jugement,

En tout état de cause,

- de confirmer le jugement,

* titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision de première instance,

- de faire droit à leurs demandes, à savoir,

- de prononcer la résiliation du bail conclu le 17/12/2021,

- de condamner M.[R] [Y] et Mme [G] [W] à libérer les lieux donnés à bail

logement (Lots 46 et 108), [Adresse 1], de leurs personnes, de leurs biens et de tous occupants de leur chef,

- d'ordonner en conséquence, sans libération et remise des clés spontanée, l'expulsion immédiate de M. [R] [Y] et Mme [G] [W], ainsi que celle de tous occupants de leur chef, selon les formes légales et avec au besoin l'assistance d'un serrurier et de la Force Publique du logement (Lots 46 et 108), [Adresse 1],

- d'ordonner dans ce cas l'enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliersgarnissant les lieux loués en un lieu approprié, aux frais et risques de M. [Y] et Mme [W].

- de condamner M. [Y] et Mme [W] à remettre les lieux en état à la sortie de l'appartement sous astreinte de 100 euros pas jour de retard.

- de fixer l'indemnité d'occupation au dernier loyer qui a cours au jour de la décision augmenté des charges,

- de condamner solidairement M.[Y] et Mme [W] à leur payer :

* l'indemnité mensuelle d'occupation ainsi fixée jusqu'à la libération effective des lieux complet délaissement des lieux.

*1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure Civile et aux dépens.

- de condamner solidairement M.[Y] et Mme [W] à leur verser pour la procédure devant

la Cour la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- de condamner solidairement M.[Y] et Mme [W] aux entiers dépens.

Ils font état de l'irrecevabilité de l'appel en raison de son caractère tardif. Ils contestent toute nullité de l'acte de signification du jugement querellé. Ils soutiennent que la signification de cette décision a été faite à leur domicile, puisqu'il résulte de la signature du bail que le bien loué constituait leur résidence principale. Ils notent que l'IBAN délivré par M.[Y] en mars 2022 mentionne d'ailleurs cette adresse à laquelle les avis d'échéances ont été envoyés à cette adresse, sans que M.[Y] et Mme [W] épouse [Y] n'élèvent la moindre objection. Ils soulignent que le fait que ces derniers ont indiqué vivre ponctuellement à l'étranger ne change pas l'adresse de leur domicile principal. Ils soulignent que le nom des locataires était bien mentionné sur la boîte aux lettres.

Ils font observer que M. [Y] et Mme [W] reconnaissent à tout le moins dans leurs écritures avoir été avisés du jugement de première instance le 10 février 2023. Ils en déduisent que l'appel est également tardif pour avoir été effectué en juillet 2023.

Ils exposent que la demande de nullité du jugement est irrecevable, puisque la déclaration d'appel n'évoque pas une demande de nullité.

Subsidiairement, ils contestent la nullité de l'acte introductif d'instance et note que celui-ci a été signifié à l'adresse du domicile principal de M. [Y] et Mme [W] épouse [Y]. Ils précisent que M. [Y] connaissait la date d'audience par le biais de leur mandataire tout comme leurs arguments puisqu'il indiquait n'avoir fait aucune modification du bien loué par courriel du 11 septembre 2022. Ils en concluent que M. [Y] et Mme [W] épouse [Y] étaient en possession de la copie de l'assignation. Ils s'étonnent que ces derniers, qui étaient avisés que le conseil de leurs adversaires ne soutiendrait pas, dans leurs intérêts, une demande de renvoi, n'aient pas mandaté leur avocat pour le faire. Ils contestent donc toute violation du principe du contradictoire.

Subsidiairement, ils demandent la confirmation du jugement déféré au motif que M.[Y] et Mme [W] épouse [Y] ont effectué, sans leur autorisation, des travaux de transformation du logement. Ils évoquent ainsi la création d'une ouverture au sein de la cloison en placoplâtre et la ragréage du sol. Ils sollicitent en conséquence la résiliation judiciaire du bail.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mars 2024.

MOTIVATION

Sur la nullité de la signification du jugement déféré et sur la recevabilité de l'appel

Selon l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.

Aux termes de l'article 655 du même code, si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification (...).

Selon l'article 656 du même code, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée (...).

Le commissaire de justice doit mentionner les démarches qu'il a faites pour signifier l'acte à la personne du destinataire, c'est-à-dire, non seulement les investigations concrètes qu'il a effectuées pour retrouver le destinataire, mais également les raisons concrètes et précises qui ont empêché la signification à personne.

Il est noté par le commissaire de justice, (mandaté par la SAS FONCIA, mandataire elle-même des bailleurs), sur le volet de l'acte de la signification du 19 décembre 2022 du jugement déféré (pièce 8 des intimés) à délivrer à Mme [W] et M.[Y], à l'adresse du [Adresse 1]:

'ce jour, je me transporte à l'adresse ci-dessus aux fins de délivrer expédition du présent acte.

Audit endroit :

- absent lors de notre passage,

Après avoir vérifié la certitude du domicile du destinataire caractérisé par les éléments suivants:

- Destinataire de l'acte déjà connu de l'étude,

- Destinataire connu du bailleur'.

Or, par courriel du 11 septembre 2022 adressé à un responsable de la société FONCIA (mandataire des bailleurs), M.[Y] a indiqué que les courriers devaient lui être envoyés à son adresse du [Adresse 2]. Il notait être à Jersey 'toute la semaine prochaine'.

Après que la délivrance de l'acte introductif d'instance, M.[Y] a envoyé un courriel le 18 octobre 2022 à l'avocate des bailleurs lui expliquant avoir contacté à plusieurs reprises l'étude d'huissier qui lui avait déclaré ne pouvoir lui transmettre l'assignation (introductive d'instance) alors qu'il avait révélé n'être pas en France et ne pouvoir se déplacer.

Il est établi par les pièces du dossier que les bailleurs, par le biais de leur mandataire ou de leur conseil, savaient que M.[Y] et Mme [W] faisaient des travaux dans l'appartement loué et qu'ils n'étaient pas constamment sur place. Par une lettre recommandée du 04 janvier 2022, le mandataire du bailleur était avisé que les locataires ne résideraient pas sur place le temps des travaux. Il apparaît également que le seul interlocuteur est M.[Y], qui fait état de la situation du logement et formule des demandes tant pour lui que pour Mme [W].

Le commissaire de justice, mandaté par la société FONCIA, ne démontre pas avec précision les démarches qu'il a faites pour signifier à la personne de M.[Y] et Mme [W] le jugement déféré, alors même qu'il savait, soit directement (puisqu'il avait été en contact avec M.[Y] dans le cadre de la signification de l'acte introductif d'instance) soit qu'il devait savoir, par le biais de son mandant, que M.[Y] et Mme [W] ne résidaient pas continûment sur place et ne faisaient que passer (notamment en raison des travaux qui étaient effectués). Le commissaire de justice se devait d'effectuer des démarches plus rigoureuses pour tenter de signifier l'acte à la personne de M.[Y] et Mme [W], ce qu'il n'a pas fait. En effet, il pouvait facilement avoir les coordonnées de M.[Y] pour savoir quand ce dernier ou Mme [W] serait sur place pour remettre la signification du jugement déféré ou, si ces derniers avaient indiqué ne pouvoir se déplacer, expliquer qu'il avait fait toute diligence pour tenter la remise à personne.

L'acte de signification du jugement encourt ainsi la nullité puisque M.[Y] et Mme.[W] subissent un grief, en application de l'article 114 du code de procédure civile, qui est de n'avoir pu relever appel dans les délais impartis.

Compte tenu de la nullité de l'acte de signification du jugement déféré, l'appel relevé par M.[Y] et Mme [W] est recevable.

Sur la nullité de l'acte introductif d'instance et sur la nullité du jugement déféré

*sur la recevabilité de la demande de nullité du jugement déféré

L'article 542 du code de procédure civile énonce que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Selon l'article 562 du même code, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

La déclaration d'appel ne mentionne pas que les appelants souhaitent voir prononcer l'annulation du jugement déféré. Toutefois, il convient de tenir compte de l'annexe à cette déclaration qui mentionne que l'appel tend à l'infirmation, la réformation et l'annulation du jugement déféré.

Cependant, la demande d'annulation est irrecevable puisque les appelants n'ont pas dévolu à la cour tous les chefs du jugement critiqués, n'ayant visé, ni dans leur déclaration d'appel, ni dans son annexe, le chef du jugement qui 'rejette toutes autres et plus amples demandes', ce chef de jugement déboutant les bailleurs de leur demande d'astreinte au titre de la remise des clés dans le cadre de l'expulsion et de l'astreinte au titre de la remise en état des lieux.

En conséquence, il convient de déclarer irrecevable la demande d'annulation du jugement déféré. Il n'y a donc pas lieu d'étudier la validité de l'assignation introductive d'appel.

*Sur la résiliation judiciaire du bail

Selon l'article 7 de la loi du 06 juillet 1989, le locataire est obligé de ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire ; à défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l'état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés ; le bailleur a toutefois la faculté d'exiger aux frais du locataire la remise immédiate des lieux en l'état lorsque les transformations mettent en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local. Toutefois, des travaux d'adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie ou des travaux de rénovation énergétique peuvent être réalisés aux frais du locataire. Ces travaux font l'objet d'une demande écrite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception auprès du bailleur. L'absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande vaut décision d'acceptation du bailleur. Au départ du locataire, le bailleur ne peut pas exiger la remise des lieux en l'état. La liste des travaux ainsi que les modalités de mise en 'uvre sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Selon l'article 6 de la même loi, le bailleur est obligé ne pas s'opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée.

L'article 1224 du code civil énonce que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Selon l'article 1228 du même code, la résolution met fin au contrat.

La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.

Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation (...).

Il ressort des pièces produites que M. [Y] et Mme [W] ont effectué les travaux suivants:

- pose de papiers peints

- pose d'un parquet

- réfection des murs et d'un placard.

Il ressort d'une attestation d'un responsable de la société TAPIS SAINT MACLOU que le ragréage contesté par les bailleurs, qui recouvre le sol carrelé d'origine, peut être retiré facilement puisque le sol d'origine a été revêtu d'un agent anti adhérant. Ce même responsable mentionne que ce petit ragréage a été nécessaire pour la pose du parquet afin de corriger le défaut de planéité de 3 mm du sol d'origine. Dès lors, ce seul ragréage, qui peut s'enlever, et qui a uniquement permis la pose d'un parquet, ne s'analyse pas comme une transformation du logement loué.

La pose de papiers peints dans le logement constitue un aménagement auquel ne peut s'opposer le bailleur.

La réfection du placard a constitué en une ouverture au sein de la cloison en placoplâtre qui formait l'arrière d'un placard mural. Ainsi, à la place d'un placard qui s'ouvrait sur les toilettes, les locataires ont placé un placard coulissant à double portes monté sur un rail donnant sur le couloir. Dans les toilettes, reste une cloison revêtue d'un papier peint. Le changement de placard constitue une transformation qui nécessitait l'autorisation des bailleurs.

Toutefois, cette seule transformation (changement d'ouverture d'un placard) ne constitue pas une violation suffisamment grave justifiant la résiliation du bail.

Il n'est pas justifié par ailleurs que cette transformation mette en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local. Ainsi, la demande relative à la remise en état des lieux immédiate sera-t-elle rejetée.

Le jugement déféré sera infirmé sur ces deux points.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M.[Y] et Mme [W]

M. [Y] et Mme [W] ne démontrent pas que leurs bailleurs auraient usé de manoeuvres procédurales fautives à leur encontre. Ils ne démontrent pas plus avoir subi un préjudice moral. En conséquence, ils seront déboutés de cette demande.

Sur les dépens et sur les frais irrépétibles

M.[C] et Mme [E] sont essentiellement succombants. Ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel. Leurs demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de M.[Y] et Mme [W] les frais irrépétibles qu'ils ont exposés pour faire valoir leurs droits en appel. Dès lors, il convient de condamner in solidum M.[C] et Mme [E] à leur verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré qui a condamné solidairement M.[Y] et Mme [W] aux dépens ainsi qu'au versement de la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera infirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE nulle la signification du jugement du 21 novembre 2022 faite à M.[R] [Y] et Mme [G] [W],

DÉCLARE recevable l'appel formé par M.[R] [Y] et Mme [G] [W],

DÉCLARE irrecevable la demande d'annulation du jugement de première instance,

INFIRME le jugement déféré,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de résiliation judiciaire du bail formée par M.[M] [C] et Mme [N] [E],

REJETTE la demande de remise en état des lieux immédiate formée par M.[M] [C] et Mme [N] [E],

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par M.[R] [Y] et Mme [G] [W],

REJETTE les demandes de M.[M] [C] et Mme [N] [E] faites au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

CONDAMNE in solidum M.[M] [C] et Mme [N] [E] à verser à M.[R] [Y] et Mme [G] [W] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M.[M] [C] et Mme [N] [E] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 23/09875
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.09875 ?
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