COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 30 MAI 2024
N° 2024/ 272
Rôle N° RG 23/09872 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLVYQ
[J] [S]
C/
S.A. BANQUE CIC OUEST
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me [I] [P]
Me Florence ADAGAS-CAOU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de BRIGNOLES en date du 07 Juillet 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 11-23-0095.
APPELANT
Monsieur [J] [S],
né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 7] (CONGO BELGE)
demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]
représenté et plaidant par Me Francis COUDERC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉE
S.A. BANQUE CIC OUEST,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1] - [Localité 4]
représentée et assistée par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Le 17 octobre 2022, la banque CIC Ouest a sollicité l'autorisation de pratiquer une saisie des rémunérations sur monsieur [J] [S] pour avoir paiement d'une somme de 359 456.08 euros arrêtée au 24 août 2018, en vertu d'un arrêt de la cour d'appel de Poitiers, rendu le 3 juillet 2018.
Sur contestation de monsieur [S], le juge de l'exécution de Brignoles, le 7 juillet 2023 a :
- écarté une exception d'incompétence du JEX soulevée par monsieur [S],
- ordonné la saisie des rémunérations conformément à la demande,
- condamné monsieur [S] aux dépens après avoir écarté toutes ses demandes.
Il retenait l'existence d'une décision de cour d'appel ayant condamné solidairement monsieur [S] avec la SARL Les Augustins à payer ces sommes, indiquant qu'il ne pouvait modifier le titre exécutoire, alors que monsieur [S] caution, soutenait que certaines sommes avaient été payées et non déduites.
Monsieur [S] a fait appel de la décision par déclaration au greffe le 24 juillet 2023.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 7 décembre 2023 auxquelles il est ici renvoyé, monsieur [S] demande à la cour de :
Sur la compétence matérielle
Vu l'article L. 213-6 du COJ
Vu l'article L. 212-8 du COJ
Vu l'annexe tableau IV II du COJ
Vu l'article R.213-10 du COJ
Vu l'article D.212-19-1 du COJ
- infirmer le jugement dont appel.
- juger que le tribunal de proximité de Brignoles n'était pas matériellement compétent pour connaître de la requête afin de saisies des rémunérations du travail présentée le 17 octobre 2022 par la banque cic ouest à défaut d'extension de sa compétence aux saisies des rémunérations du travail de sorte que seul le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Draguignan pouvait en connaître,
Sur le fond,
Vu les deux actes de caution de monsieur [J] [S] du 24 mai 2006,
Vu l'article1302 du Code Civil,
Vu l'article L. 3252-13 du Code du Travail,
- juger que la créance en principal de la banque CIC ouest n'est pas supérieure à 200 736,93 euros, déduction faite des paiements reçus entre le 27 août 2008 et le 1er août 2019 des sommes de 29 570 euros, 28 480 euros, 22 000 euros et 35 000 euros,
- réduire les intérêts au taux de 0,50 % l'an à compter de l'autorisation de la saisie,
- condamner la banque CIC ouest à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de maître Francis Couderc, avocat aux offres de droit.
Sur le fondement de l'article R213-10 du COJ il rappelle que les fonctions de Jex sont exercées par le président du tribunal judiciaire et que par ordonnance du 21 juillet 2022, délégation a été donnée par la présidente de Draguignan dans ses fonctions devant le tribunal de proximité de Brignoles à madame [Z], ses suppléants. Cependant il soutient que cette délégation ne peut concerner les saisies des rémunérations car cette compétence matérielle n'existe pas au profit du tribunal de proximité de Brignoles selon l'annexe tableau IV II du COJ sauf décision d'extension, non justifiée en l'espèce, des chefs de cour au regard de l'article L212-8 du code de l'organisation judiciaire. Il renvoie aux dispositions de l'article D212-19-1 du code de l'organisation judiciaire sur les compétences matérielles des chambres de proximité et les tableaux IV-II et IV-III.
Sur le fond, il se réfère à un protocole d'accord signé avec la banque le 4 août 2011 qui avait limité la créance à la somme de 335 890.65 euros mais dont la cour d'appel dans l'arrêt précité du 3 juillet 2018 a décidé qu'il était devenu caduc. Il expose qu'entre le 27 août 2008 et le 1er août 2019 des terrains ont été vendus et leur prix versé à hauteur de 115 050.00 euros entre les mains de l'établissement bancaire qui n'en a pas tenu compte dans le calcul de la dette. Cette déduction permettra de réduire la dette à 200 736.93 €. Il conteste fermement l'affectation des acomptes à la vente des terrains de [Localité 8] comme le soutient la banque, ces sommes doivent lui bénéficier en qualité de caution solidaire. Les intérêts de retard, les frais de procédure et de recouvrement ne sont pas justifiés malgré demande. Sur le fondement de l'article L3252-13 du code du travail il sollicite la réduction du taux des intérêts en considération de la quotité saisissable et des intérêts de la créance.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 12 octobre 2023 auxquelles il est ici renvoyé, la banque CIC Ouest demande à la cour de :
Vu la requête en saisie des rémunérations du 13 octobre 2022
Vu les justificatifs versés aux débats,
Vu l'article 88 du code de procédure civile,
En la forme,
- Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
Sur la compétence,
- déclarer que le premier juge était compétent pour statuer et que la cour de céans est valablement saisie de l'entier litige,
Au fond,
- confirmer le jugement du 7 juillet 2023 en toutes ses dispositions et plus particulièrement en ce qu'il a ordonné la saisie des rémunérations de monsieur [J] [S] pour la somme de 359 456,08 € et mis les dépens de première instance à sa charge,
Y ajoutant,
- condamner monsieur [J] [S] au paiement de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, outre celle de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner monsieur [J] [S] aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la SCP Duhamel associés, sur ses offres et affirmations de droit.
L'ordonnance de délégation prise par la présidente du tribunal de Draguignan valide la compétence du magistrat de Brignoles. Concernant les déductions de sommes, monsieur [S] s'obstine à ne pas vouloir comprendre ce qui découle de la lecture de l'arrêt du 3 juillet 2018. Il n'y a pas à déduire des sommes qui ne correspondent pas à la caution donnée mais à un compte n°03. Elle considère que l'appel interjeté est abusif.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
* sur la compétence du juge de Brignoles :
Aux termes de l'article R213-10 du code de l'organisation judiciaire, le président du tribunal judiciaire exerce les fonctions de juge de l'exécution dans le ressort du tribunal et, s'il y a lieu, dans celui de chacune des chambres de proximité.
Lorsque le président du tribunal judiciaire délègue les fonctions de juge de l'exécution à un ou plusieurs juges du tribunal, la délégation est effectuée conformément aux dispositions de l'article L. 121-3.
L'ordonnance de délégation est adressée au bâtonnier de l'ordre des avocats et au président de la chambre départementale des huissiers de justice. Elle est affichée au greffe des juridictions comprises dans le ressort du tribunal judiciaire ainsi que dans les mairies des communes comprises dans ce ressort.
En cas de modification de l'étendue territoriale de la délégation par le président du tribunal judiciaire, le dossier est transmis au greffe de la nouvelle juridiction. Les actes et formalités liés au déroulement des mesures d'exécution et des mesures conservatoires déjà engagées continuent à être effectués au greffe de la juridiction initialement désignée qui en assure la transmission.
Selon l'article L212-8 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres de proximité dénommées 'tribunaux de proximité', dont le siège et le ressort ainsi que les compétences matérielles sont fixées par décret.
Ces chambres peuvent se voir attribuer, dans les limites de leur ressort, des compétences matérielles supplémentaires, par une décision conjointe du premier président de la cour d'appel et du procureur général près cette cour, après avis des chefs de juridiction et consultation du conseil de juridiction concernés.
En l'espèce, comme l'a déjà retenu à juste titre le premier juge, le président du tribunal judiciaire de Draguignan compétent sur le ressort de cette juridiction pour exercer les fonctions de juge de l'exécution, par une ordonnance communiquée aux débats du 21 juillet 2022, a délégué ces fonctions sur le ressort de la chambre de proximité de Brignoles à madame [Z] et à défaut, madame [U], suppléante. Il n'y a donc pas, comme le soutient monsieur [S], une extension des compétences matérielles de la chambre de proximité de Brignoles, qui aurait supposé qu'il soit recouru à la procédure de l'article L212-8 du coj, mais transmission de ses propres pouvoirs juridictionnels par le président du tribunal judiciaire, à deux collègues nommément désignés, qui certes exercent sur le ressort territorial de Brignoles ce qui a l'avantage de la simplicité et de la proximité géographique, mais sans extension de compétence de la chambre de proximité elle même.
* sur le décompte des sommes dues :
Le juge de l'exécution ne peut modifier le titre exécutoire dont il est chargé d'assurer la mise en oeuvre. En l'espèce, le titre exécutoire est constitué par un arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 3 juillet 2018 signifié à monsieur [S] le 23 août 2018 par la SCP Gatto-Hazan, huissiers de justice associés à Brignoles. Le dispositif de cette décision condamne solidairement la SARL Les augustins, emprunteur, monsieur [H] [N], madame [W] [N], monsieur [J] [S], madame [G] [J] [S], en leurs qualités de cautions solidaires, à payer à la société CIC Ouest, une somme de 315 786.93 euros arrêtée au 28 janvier 2014 outre intérêts Euribor 3 mois majorés de 2.5 % à compter du 29 janvier 2014.
Il doit être relevé que les débats ont eu lieu le 23 mai 2018 et que monsieur [S] était représenté par un avocat qui a fait valoir ses droits et contestations. Il lui appartenait en temps utile devant cette juridiction de justifier des sommes qui avaient été versées à la suite des ventes et des virements opérés avant que la cour de Poitiers ne statue. Ainsi les virements du 27 août 2008 de 29 570 €, de 28 480 euros du 25 mars 2015 ou de 22 000 euros du 15 juillet 2015, sont tous antérieurs au prononcé de l'arrêt précité et ne peuvent être pris en compte.
Concernant le versement postérieur à cette décision, intervenu le 1er août 2019, il se rapporte à un prêt hypothécaire n°14193 72471603 sur le bien de [Localité 8], tandis que celui visé par l'arrêt poitevin porte la référence14193 72471604 [Localité 6].
Il a d'ailleurs été répondu très précisément sur ces différents points par courrier officiel du 14 février 2023, qui justifie que la somme de 29 570 euros a été déduite de la créance n°14193 72471603 le 2 septembre 2008 et expose que les autres opérations ne concernent pas la créance du CIC Ouest envers monsieur et madame [S], mais une autre dette. La somme de 35 000 euros apparaît en déduction effectivement de la créance n°14193 72471603 au titre du compte courant pour lequel la condamnation visait un principal de 107 620.23 €.
Il convient donc d'autoriser la saisie des rémunérations conformément à la requête présentée au 13 octobre 2022 se composant comme suit :
principal 315 786.93 euros
article 700 code de procédure civile 3 000.00 euros
Frais de procédure détaillés à l'acte 917.65 euros
Coût de la requête en saisie 71.50 euros
Article A444.31 338.24 euros
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320 114.32 euros
A défaut d'une fiche de calcul précise des intérêts mentionnés sur cette requête à hauteur de 39 341.46 euros qui paraissent être la reprise pure et simple de leur montant actualisé au 24 août 2018 (pièce 12 de monsieur [K] décompte de créance- page 25) ces intérêts ne seront pas admis car comme le soutient monsieur [S], ils ne sont pas en l'état justifiés, ne permettant pas à la cour d'en vérifier le calcul du moins à la date de la requête en saisie des rémunérations en 2022.
Aux termes de l'article L3252-13 du code du travail, le juge peut décider, à la demande du débiteur ou du créancier et en considération de la quotité saisissable de la rémunération, du montant de la créance et du taux des intérêts dus, que la créance cause de la saisie produira intérêt à un taux réduit à compter de l'autorisation de saisie ou que les sommes retenues sur la rémunération s'imputeront d'abord sur le capital.
Les majorations de retard prévues par l'article 3 de la loi n° 75-619 du 11 juillet 1975 relative au taux de l'intérêt légal cessent de s'appliquer aux sommes retenues à compter du jour de leur prélèvement sur la rémunération.
Le juge de l'exécution statuant en matière de saisie des rémunérations peut ainsi exonérer le débiteur de la majoration des intérêts de retard ou la réduire, y compris rétroactivement (Cass., 2ème Civ., 6 juin 2013, pourvoi n° 12-20.129, relevant que l'article ne distingue pas selon que les intérêts sont dus pour la période antérieure ou postérieure à la décision du JEX, JEX TJ Paris, 15 avril 2021, n° RG 21/80275). Comme le sollicite monsieur [S], il sera fait droit à sa demande de réduction du taux d'intérêt, à hauteur de 2 % par an et ce à compter de la décision déférée, prononcée le 7 juillet 2023, ce en raison du montant conséquent de la dette et du taux d'intérêt applicable.
La motivation qui précède et les éléments du dossier ne caractérisent pas, comme le soutient la banque, une résistance abusive de monsieur [S] justifiant l'allocation de dommages et intérêts, il ne sera pas fait droit à cette demande indemnitaire.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles engagés dans l'instance, il ne sera pas fait droit à la demande de ce chef.
La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de monsieur [S] qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
CONFIRME la décision déférée sauf concernant le montant de la créance de la banque CIC Ouest,
Statuant à nouveau de ce chef,
AUTORISE la saisie des rémunérations de monsieur [J] [S] pour un montant de 320 114.32 euros au 13 octobre 2022,
REDUIT à compter de la décision déférée du 7 juillet 2023 à 2% le taux d'intérêt sur les sommes dues, sans autre majoration,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à dommages et intérêts,
DIT n'y avoir lieu à frais irrépétibles,
CONDAMNE monsieur [J] [S] aux dépens de l'appel avec droit de recouvrement direct des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision préalable au profit de la SCP Duhamel associés, sur ses offres et affirmations de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE