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30/05/2024 | FRANCE | N°23/07833

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 30 mai 2024, 23/07833


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024



N°2024/235













Rôle N° RG 23/07833 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLOEH







[W] [Y]

[Z] [F] épouse [Y]





C/



[W] [U]

[T] [N] épouse épouse [U]

Syndic. de copro. [Adresse 1]

















Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Frédéric BERENGER



Me Charles

TOLLINCHI





Me Camille TAPIN-REBOUL





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état de [Localité 6] en date du 11 Mai 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/03082.





APPELANTS



Monsieur [W] [Y]

né le 12 Avril 1943 à [Localité 6] (13), d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

N°2024/235

Rôle N° RG 23/07833 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLOEH

[W] [Y]

[Z] [F] épouse [Y]

C/

[W] [U]

[T] [N] épouse épouse [U]

Syndic. de copro. [Adresse 1]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Frédéric BERENGER

Me Charles TOLLINCHI

Me Camille TAPIN-REBOUL

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de [Localité 6] en date du 11 Mai 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/03082.

APPELANTS

Monsieur [W] [Y]

né le 12 Avril 1943 à [Localité 6] (13), demeurant [Adresse 1]

Madame [Z] [F] épouse [Y]

née le 30 Janvier 1940 à [Localité 4] (Allemagne) (13), demeurant [Adresse 1]

Tous deux représentés par Me Frédéric BERENGER de la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alexandra GOLOVANOW, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Monsieur [W] [U]

né le 04 Mai 1945 à [Localité 5] (69), demeurant [Adresse 1]

Madame [T] [N] épouse épouse [U]

née le 23 Octobre 1946 à [Localité 6] (13), demeurant [Adresse 1]

Tous deux représentés par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Béatrice TIXIER-FAVRE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Syndic. de copro. [Adresse 1] Représenté par son syndic le CABINET [Adresse 3]., demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Camille TAPIN-REBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, et Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargées du rapport.

Madame Carole MENDOZA, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La copropriété du [Adresse 1] est une maison divisée en trois lots, selon un règlement de copropriété du 30 octobre 1958.

M.[Y] et Mme [F] épouse [Y] sont propriétaires depuis le 11 mars 1983 du lot 1 constitué d'un garage en rez-de-chaussée, transformé en bureau et du lot 3 constitué d'un appartement au premier étage.

M.[U] et Mme [N] épouse [U], propriétaires depuis le 26 août 2015 du lot 2 constitué d'un appartement situé au rez-de-chaussée, bénéficient de la jouissance privative du jardin sur lequel M.et Mme [Y] ont un droit de passage.

En septembre 2015, les époux [U] ont effectué les travaux suivants : modification de l'espace, qualifié de véranda, situé sous le balcon des époux [Y], pose d'une terrase en bois dans le jardin, édification de deux murs sur la terrasse est du jardin.

Un conflit est né entre les copropriétaires en raison des travaux effectués par les époux [U] ainsi qu'au sujet de la largeur et de l'emplacement du droit de passage dans le jardin au bénéfice des époux [Y].

Le syndicat des copropriétaires a fait assigner les époux [U] par acte du 29 septembre 2015 aux fins de les voir condamner à remttre les lieux en état. Les époux [Y] sont intervenus volontairement à l'instance et ont sollicité la désignation d'un expert en reprochant aux époux [U] d'avoir créé une véranda sur une partie commune en l'intégrant à leur habitation.

M.et Mme [U] ont démoli les murs édifiés sur la terrasse dans le jardin.

Selon arrêt du 11 mai 2018 rectifié le 27 septembre 2018, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné deux expertises confiées à M.[B] (géomètre) et Mme [V] (architecte), aux fins respectivement :

- de décrire les travaux réalisés par les copropriétaires successifs sur leur lot et sur les parties communes,

- de donner son avis sur le point de savoir si ces travaux empiètent sur les parties communes,

- de procéder à toutes constatations utiles permettant au tribunal d'apprécier la conformité des tantièmes attribués à chaque lot par le règlement de copropriété au regard de la superficie desdits lots,

- de donner son avis sur le prix au m² des parties communes annexées par l'un ou l'autre des copropriétaires ou par leur auteur,

- de déterminer et délimiter l'assiette du droit de passage dont bénéficient les consorts [Y] sur le jardin dont les époux [U] ont la jouissance exclusive

et,

- de décrire les travaux réalisés par les copropriétaires successifs sur leur lot et sur les parties communes,

- de vérifier si les travaux réalisés par chaque copropriétaire ou ses auteurs sont conformes aux règles de l'art et ne compromettent pas la solidité de l'immeuble,

- de déterminer l'origine de la fuite apparue au mois de nomvebre 2016 dans la cuisine des époux [U],

- de décrire les travaux à effectuer pour remédier aux désordres et d'en chiffrer le coût,

- de donner son avis sur le point de savoir si ces désordres concernent les parties communes ou les lots privatifs.

Les rapports ont été déposés le 09 juin 2020.

Une assemblée générale s'est tenue le 30 novembre 2020 sans qu'aucune résolution ne soit adoptée.

Par acte d'huissier du 22 mars 2021, M.et Mme [U] ont fait assigner les époux [Y] et le syndicat des copropriétaires aux fins principalement d'être autorisés à modifier l'état descriptif de division et le règlement de copropriété, de fixer la largeur du droit de passage dont bénéficie le lot 3 à un mètre de largeur et de fixer l'assiette de ce droit conformément au plan dressé par M.[B].

Par conclusions notifiées par RPVA le 06 avril 2022, les époux [Y] ont notamment sollicité que les époux [U] soient condamnés à la remise en état de la véranda dans son état initial avant les travaux.

Les époux [U] ont saisi le juge de la mise en état aux fins essentiellement de voir dire irrecevable la demande reconventionnelle de remise en état des lieux formée par M.et Mme [Y] pour défaut d'intérêt à agir et prescription de l'action.

Par ordonnance du 11 mai 2023, le juge de la mise en état de [Localité 6] a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande reconventionnelle formée par les époux [Y] à l'encontre des époux [U] au titre de la remise en état de leur ancienne véranda dans l'état où elle se trouvait avant les travaux effectués par leur soin en 2015

- déclaré irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la demande reconventionnelle formée par les époux [Y] à l'encontre des époux [U] au titre de la remise en état de leur ancienne véranda dans l'état où elle se trouvait avant les travaux effectués par leurs soins en 2015,

- rejeté la fin de non-recevoir de la prescription de la demande de fixation de l'assiette du droit de passage des époux [Y],

- rejeté la demande formée au titre du caractère abusif de l'incident,

- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens suivront le sort de la procédure au fond,

- renvoyé l'affaire à l'audience de la mise en état électronique du 06 juillet 2023.

Le premier juge a estimé que la demande de remise en état formulée par les époux [Y] s'analysait comme une action personnelle soumise à la prescription quinquennale liée à l'irrégularité alléguée de travaux effectués par les époux [U].

Il a ensuite relevé que la demande de remise en état des lieux formée par les époux [Y] concernait uniquement les travaux effectués en septembre 2015. Il en a conclu que la demande n'était pas prescrite.

Il a noté que chaque copropriétaire avait le droit d'exiger le respect du règlement de copropriété ou la cessation d'une atteinte aux parties communes par un autre copropropriétaire, sans être astreint à démontrer qu'il subissait un préjudice personnel et distinct de celui dont souffre la collectivité des membres du syndic. Il a fait droit à la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des époux [Y] en relevant que les travaux réalisés par les époux [U] avaient été réalisés sur et dans une partie qui leur était privative. Il a ajouté que les aménagements effectués par les époux [U], réalisés à l'intérieur des limites de leur lot privatif, sans toucher au gros-oeuvre de l'immeuble, ne concernaient pas une partie commune. Il a estimé que les époux [Y] ne démontraient pas que ces travaux auraient été effectués en contrariété avec le règlement de copropriété ou qu'ils compromettraient la solidité de l'immeuble ou qu'ils seraient à l'origine de désordres au sein du lot des époux [Y], ou qu'ils seraient à l'origine du défaut d'étanchéité de la dalle du balcon, partie commune.

Il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, formée par les époux [Y], concernant la demande des époux [U] au titre de l'assiette de leur droit de passage, en notant que les époux [Y] ne précisaient, ni le délai de prescription applicable, ni son point de départ. Il a souligné que l'action en fixation de l'assiette d'un droit de passage était imprescriptible.

Par déclaration du 13 juin 2023, M.et Mme [Y] ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle a déclaré leur demande au titre de la remise en état irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de fixation de l'assiette de leur droit de passage et en ce qu'elle a rejeté la demande au titre du caractère abusif de l'incident.

Les époux [U] ont constitué avocat.

Par conclusions notifiées par RPVA le 28 juin 2023 auxquelles il convient de se reporter, M.et Mme [Y] demandent à la cour :

- de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur demande reconventionnelle formée à l'encontre des époux [U] au titre de la remise en état de leur ancienne véranda dans l'état où elle se trouvait avant les travaux réalisés par leurs soins en 2015 ;

- de réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

*déclaré irrecevable pour défaut d'intérêt à agir leur demande reconventionnelle formée à l'encontre des époux [U] au titre de la remise en état de leur ancienne véranda dans l'état où elle se trouvait avant les travaux réalisés par leurs soins en 2015 ;

* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de fixation de l'assiette du droit de passage des époux [Y] ;

* rejeté la demande formée au titre du caractère abusif du présent incident.

statuant à nouveau,

- de juger qu'ils justifient d'un intérêt à agir pour solliciter la remise en état de l'ancienne véranda dans l'état où elle se trouvait avant les travaux réalisés en 2015 ;

-de juger recevable leur demande tendant à la remise en état de l'ancienne véranda dans l'état où elle se trouvait avant les travaux réalisés en 2015 ;

- de prononcer l'irrecevabilité de la demande des consorts [U] relative à l'assiette du passage ;

- de condamner les époux [U] à leur verser la somme de 3.000 € pour procédure abusive ;

- de condamner les époux [U] à leur payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner les époux [U] aux entiers dépens de la procédure.

Ils notent que les époux [U] ont effectué d'importants travaux touchant aux gros oeuvres et à l'aspect extérieur de la copropriété sans y avoir été autorisés par le syndicat des copropriétaires.

Ils exposent que les travaux litigieux ne concernent pas uniquement les parties privatives des époux [U] mais également les parties communes, puisque l'expert, Mme [V], évoque l'aménagement des façades.

Ils font valoir que les époux [U] sont responsables des infiltrations qu'ils disent subir et qui sont apparues après les travaux qu'ils ont réalisés.

Ils expliquent que l'atteinte à l'intégrité de l'immeuble liée aux travaux des époux [U] a une conséquence directe sur la valeur de celui-ci et affecte ainsi la valeur de leurs lots. Ils précisent que les travaux litigieux ont directement impacté leur balcon. Ils en concluent bénéficier d'un intérêt à agir.

Ils contestent toute prescription de leur action tendant à la remise en état des lieux dans la situation dans laquelle ils étaient avant les travaux de 2015 effectués par les époux [U].

Ils affirment que le passage dont ils disposent possède un caractère privatif lui conférant la nature d'une partie commune à jouissance exclusive.

Ils indiquent en effet être bénéficiaires d'un droit de passage exclusif sur le passage dans le jardin conformément au règlement de copropriété, depuis plus de 40 ans, si bien que l'action des époux [U] est prescrite, en application de la prescription quinquennale de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, le point de départ se situant à la date d'acquisition de leur lot, soit le 11 mars 1983. Ils rejettent l'argument selon lequel il s'agirait, pour la partie adverse, d'une action en fixation de l'assiette d'un droit de passage et non d'une demande relative à la modification d'un droit de jouissance.

Par conclusions notifiées par RPVA le 25 juillet 2023 auxquelles il convient de se reporter, M.et Mme [U] demandent à la cour :

- de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

* déclaré irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la demande reconventionnelle formée par les époux [Y] à leur encontre au titre de la remise en état de leur ancienne véranda dans l'état où elles se trouvaient avant les travaux réalisés par leurs soins en 2015 ;

* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de fixation de l'assiette du droit de passage des époux [Y] ;

* rejeté la demande formée au titre du caractère abusif du présent incident

- de débouter M.et Mme [Y] de l'ensemble de leurs demandes

- de condamner M.et Mme [Y] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- de condamner M.et Mme [Y] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, Avocat, aux offres de droit, conformément aux articles 695 et 699 du code de procédure civile.

Ils précisent qu'il existe deux terrasses au rez-de-chaussée donnant sur le jardin : la terrasse située au nord-est, qui existait déjà en 1983, sur laquelle ils avaient édifié des murs qu'ils ont démolis ; une terrasse au sud-est, située sous le balcon des époux [Y], qui faisait partie du lot n°2 depuis l'origine, qui a été fermée dans les années 1972-1975 et qu'ils ont rénovée en 2015.

Ils affirment que l'aspect extérieur du volume sous le balcon des époux [Y] était, depuis les années 1970, une terrasse fermée par des baies vitrées, incorporée au salon.

Ils nient avoir mis en oeuvre des travaux illicites sur cette dernière terrasse.

Ils contestent tout intérêt à agir des consorts [Y] concernant les travaux qu'ils ont effectués sur la terrasse sud-est, puisque ces derniers ne démontrent, ni avoir subi un préjudice personnel en lien avec les travaux dénoncés ni l'existence d'une atteinte aux parties communes.

Ils soutiennent n'avoir effectué aucun travaux sur du gros oeuvre. Ils précisent que les travaux effectués sous le balcon des époux [Y] l'ont été dans une partie qui leur est privative, sans qu'ils aient affecté l'aspect extérieur de l'immeuble. Ils observent que ces travaux, qui ne touchent pas au gros oeuvre et n'affectent pas les parties communes, n'avaient pas à être autorisés par une assemblée générale. Ils ajoutent que les travaux ne sont à l'origine d'aucun désordre ni ne sont la cause des infiltrations, celles-ci provenant d'un défaut d'étanchéité du balcon qui est une partie commune. Ils déclarent que l'absence d'enduit et la non-canalisation des eaux est la conséquence de l'arrêt brutal de leurs travaux en raison du conflit généré par les époux [Y].

Ils font valoir que le paragraphe indiquant que le droit de passage sur le jardin est exclusif au propriétaire ou occupant du lot n°3 n'est ni dans le règlement de copropriété de l'immeuble ni dans l'état descriptif de division, mais dans d'autres dispositions de l'acte du 30 octobre 1958. Ils indiquent que l'état descriptif de division, qui n'a pas de valeur contractuelle, évoque un simple droit de passage, et, pour le lot 2, une jouissance exclusive du jardin. Ils estiment que le droit de passage par le jardin, revendiqué par les époux [Y], ne peut primer sur la jouissance exclusive du jardin dont bénéficie le lot 2.

Ils soulignent que la mention d'un droit de passage exclusif bénéficiant au propriétaire du lot 3 fait partie de la citation du règlement de copropriété d'un immeuble voisin, situé au [Adresse 2].

Ils soutiennent que le paragraphe du document de 1958, qui fait état d'un droit de passage exclusif, ne se rapporte qu'à la partie du passage se trouvant dans l'immeuble [Adresse 2] et non dans celui du [Adresse 1]; ils en concluent qu'il ne vise pas la partie du passage située dans le jardin. Ils ajoutent que l'exclusivité du droit de passage via l'immeuble voisin du [Adresse 2] ne bénéficie pas qu'au lot 3 mais également aux ouvriers chargés des réparations des lots 1 et 2.

Ils estiment nécessaire de fixer l'assiette du droit de passage des époux [Y] dans le jardin puisqu'aucune indication sur la largeur et son emplacement n'est évoquée. Ils relèvent bénéficier de la jouissance exclusive du jardin, partie commune, si bien que le droit de passage dont bénéficient les époux [Y] ne peut être qualifié d'une droit de jouissance exclusive.

Ils soutiennent que leur action en fixation d'une assiette d'un droit de passage est une action réelle et non personnelle si bien que la prescription de l'article 42 ne s'applique pas. A supposer qu'elle s'applique, ils relèvent que leur action n'est pas prescrite.

Ils contestent le caractère abusif de la procédure qu'ils ont intentée devant le juge de la mise en état.

Par conclusions notifiées par RPVA le 27 juillet 2023 auxquelles il convient de se référer, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] indique à la cour s'en rapporter à sa sagesse.

Représenté par son syndic et notant qu'il est composé exclusivement de l'ensemble des parties en présence, il note n'avoir pas reçu d'instruction commune pour prendre position dans le litige. Il ajoute que les problématiques n'ont pas de lien direct avec la sauvegarde de l'immeuble ni le bon fonctionnement de la copropriété.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mars 2024.

MOTIVATION

Les époux [Y] n'ont pas relevé appel du chef de la décision qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur demande de remise en état de l'ancienne véranda dans l'état dans laquelle elle se trouvait avant les travaux de 2015.

Le dispositif des dernières conclusions des époux [U] ne font pas état d'une demande d'infirmation de ce chef de la décision déférée qui n'est d'ailleurs pas discuté au sein de leurs écritures. Ce point n'est donc pas dévolu à la cour, en application des dispositions des articles 542 et 954 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de la demande formée par les époux [Y] de remise en état de la véranda des époux [U] dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant les travaux de 2015

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.

*Sur l'intérêt à agir des époux [Y]

L'article 31 énonce que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

La fin de non-recevoir ne porte pas sur la qualité à agir des époux [Y] mais sur leur intérêt à agir.

L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action (Cour de cass 3ème 23/01/2020 n° 1824432).

Chaque copropriétaire dispose d'une action individuelle parallèle à celle du syndicat des copropriétaires en cas de manquement par un autre copropriétaire au règlement de copropriété ou pour sanctionner une atteinte aux parties communes, sans que celui-ci ait à démontrer qu'il subit un préjudice distinct de celui de la collectivité.

La question sur laquelle s'opposent les époux [U] et les époux [Y] porte sur le fait de savoir si les travaux effectués par les premiers ont ou non affecté les parties communes et ont ou non affecté les parties privatives des époux [Y].

Le juge de la mise en état, pour trancher la question de l'intérêt à agir, pouvait s'interroger sur le fait de savoir si les travaux effectués par les époux [U] affectaient ou non les parties communes.

Il ressort du rapport d'expertise déposé par M.[B] que seule la dalle en béton servant de terrasse (non recouverte et qui ne concerne pas la véranda litigieuse) correspond à des travaux sur les parties communes. M.[B] indique que la partie dénommée 'terrasse close' (la véranda litigieuse) fait partie du lot n° 2 selon la description des lots dans l'acte de mise en copropriété. Mme [V] mentionne également dans son rapport que les travaux effectués par les époux [U] (démolition de trois cloisons; intégration des deux compartiments de la véranda avec le séjour, modification des percements en façade sur jardin, fermeture par blocs de ciment de la porte latérale) ont été effectués sur la partie privative de ces derniers.

La question de savoir toutefois si les travaux effectués par les époux [U] dans leurs parties privatives, ont eu des conséquences sur les parties communes de l'immeuble est une question de fond qui doit être tranchée par le tribunal. Les époux [Y], qui estiment que les travaux effectués par les époux [U] ont nui à l'intégrité de l'immeuble, ont donc intérêt à agir. L'ordonnance sera infirmée sur ce point.

Sur la prescription soulevée par les époux [Y] au titre de la demande des époux [U] au titre de l'assiette du droit de passage des époux [Y] dans le jardin, partie commune à jouissance exclusive

Le document du 30 octobre 1958 produit au débat, comprend, la désignation générale de l'immeuble (chapitre 1), l'origine de la propriété de l'immeuble (chapitre 2), la division par lots avec attribution à chacun d'eux des millièmes indivis du terrain et des choses et parties communes (chapitre 3), l'établissement des servitudes, l'énonciation des clauses et conditions du cahier des charges et du certificat d'urbanisme et le tableau de répartition (chapitre 4) et le règlement de copropriété (chapitre 5).

Aux termes du chapitre 3 de ce document (division par lots), le lot 2 a la jouissance exclusive du jardin; il est également noté que l'on accède au lot 3 par un escalier extérieur côté jardin et par un droit de passage dans le jardin et par l'entrée [Adresse 2] (étant précisé que la villa a deux entrées, l'une sur la rue d'Endoume, par le biais de l'immeuble contigu, situé 376 de cette rue et l'autre, sur la rue du chateau d'If, au numéro 3, comme il est précisé dans la désignation générale de l'immeuble).

Ce droit de passage dans le jardin, au bénéfice des occupants du lot 3, est rappelé dans le chapitre 4. Toujours dans ce même chapitre, il est indiqué que 'le droit de passage étant exclusif au propriétaire ou occupants du lot n° 3 et aux ouvriers chargés des réparations en ce qui concerne les lots n° 1 et 2, seuls les occupants du lot n° 3 supporteront le tiers sus indiqué des frais'.

Le chapitre 5, désigné comme 'règlement de copropriété', ne fait pas état du droit de passage précédemment évoqué.

Le droit de passage dont bénéficie les époux [Y] porte sur une partie commune dont les époux [U] possède une jouissance exclusive.

Il ne ressort d'aucune pièce produite au débat que l'assiette de ce droit de passage ait été fixée; il n'est pas fixé de délimitation. Or, il n'est pas contesté que les propriétaires du lot 2 bénéficient d'une jouissance exclusive sur le jardin. Ne pas fixer d'assiette d'un droit de passage sur le jardin accordé aux propriétaires du lot 3, partie commune à jouissance exclusive des propriétaires du lot 2, reviendrait à accorder deux jouissances exclusives sur la même partie commune. Or, il n'est évoqué qu'un droit de passage dont l'assiette n'est pas fixée.

L'action relative en fixation de l'assiette d'un droit de passage est une action réelle.

Le point de départ de la prescription n'a jamais couru, puisque les époux [Y] ne démontrent pas l'existence d'une assiette fixe de leur droit de passage puisqu'il ne peuvent prétendre bénéficier d'une jouissance exclusive sur la partie commune qu'est le jardin, s'agissant d'un droit dont bénéficient les époux [U].

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande des époux [Y] tendant à voir déclarer irrecevable la demande des époux [U] tendant à voir fixer l'assiette droit de passage des époux [Y], pour être prescrite.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par les époux [Y]

M. et Mme [Y] ne démontrent pas que la procédure intentée par les époux [U] aurait dégénéré en abus de droit. Ils seront en conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts. L'ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.

Sur les dépens de l'incident et sur les frais irrépétibles

Chaque partie est en partie succombante. L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a dit que les dépens suivront le sort de la procédure au fond.

S'agissant de la procédure en appel, chaque partie supportera les dépens qu'elle a exposés.

Les parties seront en outre déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.

L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la demande reconventionnelle formée par M.[W] [Y] et Mme [Z] [F] épouse [Y] à l'encontre de M.[W] [U] et Mme [T] [N] épouse [U] au titre de la remise en état de leur ancienne véranda dans l'état où elle se trouvait avant les travaux effectués par leurs soins en 2015,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

REJETTE la fin de non recevoir formée par M.[W] [U] et Mme [T] [N] épouse [U] pour défaut d'intérêt à agir de M.[W] [Y] et Mme [Z] [F] épouse [Y] au titre de leur demande de remise en état de l'ancienne véranda des époux [U] dans l'état où elle se trouvait avant les travaux effectués par leurs soins en 2015,

REJETTE les demandes faites sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chaque partie gardera à sa charge les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 23/07833
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.07833 ?
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