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30/05/2024 | FRANCE | N°22/14464

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 30 mai 2024, 22/14464


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024



N°2024/ 122





Rôle N° RG 22/14464 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKH6A







CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES [Localité 6]



C/



[S] [T]

































Copie exécutoire délivrée

le : 30/05/2024

à :





- CAF



- Me Manon GHEVONTIAN>














Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 06 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/07002.





APPELANTE



CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES [Localité 6], demeurant [Adresse 3]



représenté par M. [L] en...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

N°2024/ 122

Rôle N° RG 22/14464 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKH6A

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES [Localité 6]

C/

[S] [T]

Copie exécutoire délivrée

le : 30/05/2024

à :

- CAF

- Me Manon GHEVONTIAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 06 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/07002.

APPELANTE

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

représenté par M. [L] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Madame [S] [T], demeurant [Adresse 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/009410 du 09/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représentée par Me Manon GHEVONTIAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Hervé GHEVONTIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

ARRÊT

Par décision contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par courrier du 2 avril 2019, la caisse d'allocations familiales (CAF) des [Localité 7] a notifié à Mme [T] un indu de prestations familiales (allocation logement, prime d'activité et allocation de rentrée scolaire) pour la période du 1er avril 2017 au 31 août 2018, d'un montant de 10.917 euros.

Mme [T] a formé un recours contre la décision d'indu d'allocation logement et d'allocation de rentrée scolaire devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 4 novembre 2019, l'a rejeté au motif qu'il existe une situation d'intérêt de communauté de vie avec M. [X] [D] depuis le 1er mars 2017.

Par lettre recommandée expédiée le 18 décembre 2019, Mme [T] a saisi le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de contester la décision de rejet de la commission de recours amiable de la CAF des [Localité 7].

Parallèlement, par jugement du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Mme [T] tendant à l'annulation des décisions ayant mis à sa charge la somme de 7.640,75 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active et la somme de 3.697,97 euros correspondant à l'indu de prime d'activité pour la période du 1er avril 2017 au 31 août 2018.

Par jugement rendu le 6 octobre 2022, le tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, a :

- rejeté la demande de Mme [T] tendant à l'annulation de la notification d'indu en date du 2 avril 2019,

- dit que l'indu d'allocation logement et d'allocation de rentrée scolaire notifié à Mme [T] le 2 avril 2019 pour la période du 1er avril 2017 au 31 août 2018 n'est pas fondé,

- annulé la décision rendue par la commission de recours amiable de la CAF des [Localité 7] en ce qui concerne l'indu d'allocation logement et d'allocation de rentrée scolaire notifié le 2 avril 2019 pour la période du 1er avril 2017 au 31 août 2018,

- débouté la CAF des [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes,

- renvoyé Mme [T] devant la CAF des [Localité 7] aux fins d'actualiser sa situation et ce, en tenant compte du présent jugement,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la CAF des [Localité 7] aux dépens.

Les premiers juges ont motivé leur décision par le fait que si les éléments recueillis dans le cadre de l'enquête de l'organisme caractérisent une communauté d'intérêts financiers certaine entre [S] [T] et [X] [D], ils s'avèrent insuffisants pour établir l'existence d'une vie maritale.

Par courrier recommandé avec accusé de réception expédié le 28 octobre 2022, la CAF des [Localité 7] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 4 avril 2024, la CAF reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner Mme [T] à lui payer la somme de 7.219,96 euros correspondant à l'indu d'allocation logement de 6.421 euros pour la période d'avril 2017 à août 2018 et à l'indu d'allocation de rentrée scolaire de 798,96 euros pour les mois d'août 2017 et 2018,

- condamner Mme [T] à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, la CAF fait valoir que l'attestation de M. [D] dont se prévaut Mme [T] pour démontrer qu'il ne résidait pas en France pendant la période incriminée est contredite par le fait qu'il ait lui-même présenté une demande de revenu de solidarité active le 20 octobre 2017 en mentionnant qu'il résidait au [Adresse 2] à la même adresse que l'allocataire, qu'il a confirmé son adresse par courriel du 25 novembre 2017

et que dans le cadre d'un recours contre une décision de refus d'attribution d'allocation aux adultes handicapés, un jugement a été rendu le 8 octobre 2018 en mentionnant cette même adresse. Elle en conclut que les déclarations de M. [D] sont contradictoires, voire mensongères, de sorte qu'elles doivent être écartées par la cour.

Elle fait valoir qu'il n'est apporté aucun élément susceptible de remettre en cause les conclusions du rapport d'enquête établissant une communauté d'intérêts financiers entre Mme [T] et M. [D] et conclut qu'elle a fait une juste appréciation de la situation familiale et des ressources de l'allocataire et que les indus d'allocation logement et d'allocation de rentrée scolaire doivent être considérés comme étant bien fondés.

Mme [T] reprend les conclusions notifiées par RPVA et lettre recommandée avec accusé de réception le 25 janvier 2024, visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner la CAF des [Localité 7] à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, Mme [T] considère qu'elle rapporte la preuve que M. [X] [D] résidait au Maroc pendant la période litigieuse par la production de différents justificatifs et fait valoir qu'il ne peut pas lui être reproché les dires et agissements de celui-ci. Elle ajoute qu'elle a justifié du paiement de ses loyers par la production d'une attestation de loyer mais que depuis août 2018, étant sans domicile fixe, elle n'a pu justifier d'autres documents concernant un logement qu'elle n'occupe plus. Elle se fonde enfin sur une attestation de scolarité pour justifier que son fils, après avoir obtenu le brevet des collèges avec mention 'bien', poursuit ses études auprès des compagnons du devoir section chaudronnerie.

Elle fait valoir que la caisse ne rapporte pas la preuve d'une situation d'intérêt de vie en communauté entre elle et M. [D] alors que les éléments de l'enquête et les témoignages, non remis en cause par la caisse, montrent qu'elle vivait seule avec son fils au [Adresse 2]. Elle explique que si M. [D] a déclaré une adresse administrative au [Adresse 1], il s'agissait d'un autre logement que le sien, dès lors qu'il existait deux logements : un situé au rez- de- chaussée droit et l'autre, au rez- de - chaussée gauche.

Elle ajoute que les virements de sommes modiques provenant de M. [D] ou de sa mère l'aidaient à assumer les frais liés à la vie quotidienne et l'éducation de l'enfant [K] né de son union avec M. [D], sans qu'ils ne permettent d'établir une vie commune stable et continue du couple séparé depuis 2002. Elle justifie le virement de la somme de 23.000 euros transmis à M. [D] en mars 2018 par l'héritage reçu de son père, qui lui a permis, pour partie, de financer des soins dentaires, pour partie, de rembourser des loyers et les aides financières ponctuelles, ainsi qu'à mettre à l'abri de l'addiction aux opiacés dont elle souffre, ses ressources provenant de l'héritage. Elle conclut qu'il n'est pas établi par ces éléments une quelconque vie de couple justifiant l'indu.

Il convient de se reporter aux conclusions oralement reprises par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

En vertu de l'article L.542-2 du code de la sécurité sociale, dans ses versions successives applicables au litige, l'allocation de logement n'est due, au titre de leur résidence principale, qu'aux personnes :

1° payant un minimum de loyer, compte tenu de leurs ressources,

2° habitant un logement répondant aux caractéristiques définies en application de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs,

3° habitant un logement répondant à des conditions de peuplement fixées par voie réglementaire.

L'allocation de logement n'est pas due aux personnes qui sont locataires d'un logement dont elles-mêmes, leurs conjoints, concubins ou toute personne liée à elles par un pacte civil de solidarité, ou l'un de leurs ascendants ou descendants, jouissent d'une part de la propriété ou de l'usufruit de ce logement, personnellement ou par l'intermédiaire de parts sociales de sociétés, quels que soient leurs formes et leurs objets.

En outre, en vertu des articles R.543-1 et suivants du code de la sécurité sociale, l'allocation de rentrée scolaire est attribuée aux ménages ou personnes ayant la charge d'un enfant au jour de la rentrée scolaire dans l'établissement qu'il fréquente, sous conditions d'âge de l'enfant et de ressources. L'article R.543-6 dispose que pour l'application de la condition de ressources prévue à l'article R. 543-5, la situation de famille est appréciée au 31 juillet précédant la rentrée scolaire considérée.

En l'espèce, il résulte du rapport d'enquête d'un agent assermenté de la caisse d'allocations familiales, rendu le 19 octobre 2018, que Mme [T] a perçu l'allocation logement au titre de sa résidence principale située [Adresse 2] d'avril 2017 à août 2018, et une allocation de rentrée scolaire en 2017 et 2018, en raison de sa condition de parent isolé et de ses ressources, alors qu'elle aurait dissimulé une situation de communauté d'intérêt financier et une adresse commune avec le père de son enfant, M. [X] [D].

Il résulte en effet de la demande de revenu de solidarité active présentée par [X] [D] à la CAF des [Localité 7] le 20 octobre 2017, d'un courriel de celui-ci à la caisse en date du 25 novembre 2017 et d'un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Marseille saisi le 25 juillet 2018 par M. [X] [D] d'une demande tendant à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés, qu'il a déclaré résider au [Adresse 1].

Mme [T] invoque l'existence de deux logements : l'un situé au numéro 12 et l'autre au numéro 12 A, sans que la cour ne réussisse à le vérifier à la lecture des documents versés au dossier.

Il n'en demeure pas que les déclarations de M. [D] sont contredites par sa propre attestation rédigée le 28 juin 2021 dans le cadre de la première instance, et selon laquelle il indique avoir définitivement quitté la France pour résider au Maroc à la fin de 2016.

Si la caisse a raison de relever le caractère versatile des déclarations de M. [D], il n'en demeure pas moins que les éléments d'informations ressortant tant :

- du contrat de bail signé par [X] [D] le 21 décembre 2015 concernant un appartement situé à [Localité 5] au Maroc pour un loyer mensuel de 2.300 dirhams,

- des justificatifs de dépôts de cette même somme, sur un compte intitulé du nom du bailleur 'Ennaji' par M. [D] avec la mention du mois du loyer payé (avril, mai, juillet, août, novembre et décembre 2017, janvier et septembre 2018), et des remises de chèques de M. [D] à 'Ennaji' pour les montants respectifs de 2.300 euros et 4.600 euros avec la mention loyer 12/2018 et octobre et novembre 2018,

- du récépissé de dépôt de sa demande de titre de séjour au Maroc en date du 1er mars 2016, de sa carte d'immatriculation au Maroc valable du 1er juillet 2017 au 7 mars 2019 et du bulletin de notification de son numéro d'identification fiscale en date du 26 septembre 2018,

corroborent sa dernière attestation.

En outre, les neuf témoignages versés aux débats par Mme [T], dont ni la forme, ni le contenu ne sont discutés par la CAF, et dont il résulte que pendant les années 2017 et 2018, Mme [T] a vécu seule avec son fils au [Adresse 2], permettent d'établir l'absence de communauté de vie stable et continue d'un couple qui définit le concubinage selon l'article 515-8 du code civil.

Par ailleurs, il résulte de l'enquête menée par la caisse, sans que cela soit discuté par l'allocataire, qu'elle a loué son appartement à la SCI des trois caps appartenant à M. [X] [D] et sa mère, [I] [D], et que bien qu'elle ait pu fournir une attestation de loyer le 20 février 2017, elle n'a pu justifier du paiement d'aucun loyer.

Il est également remarqué que l'allocataire a reçu plusieurs sommes d'argent de M. [X] [D] et sa mère sur la période litigieuse et qu'elle même, a versé la somme de 23.000 euros à M. [D] au Maroc, qui ont permis à la caisse de retenir l'existence d'une situation de communauté d'intérêts financiers.

Cependant, comme l'ont fait pertinemment remarqué les premiers juges, la communauté d'intérêts financiers est insuffisante pour établir l'existence d'une vie maritale.

Il s'en suit que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'indu d'allocation logement et de rentrée scolaire motivé par le défaut des conditions d'isolement et de ressources,

était mal fondé et ont débouté la CAF de sa demande en paiement de ces indus.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

La caisse appelante, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de l'appel en vertue de l'article 696 code de procédure civile.

En outre, en application de l'article 700 du même code, elle sera condamnée à payer à Mme [T] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne la CAF des [Localité 7] à payer à Mme [T] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Déboute la CAF des [Localité 7] de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne la CAF des [Localité 7] au paiement des dépens de l'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/14464
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.14464 ?
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