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30/05/2024 | FRANCE | N°22/12040

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 30 mai 2024, 22/12040


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024



N° 2024/155













N° RG 22/12040 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ6UB







[L] [M]





C/



S.A. MAAF ASSURANCES

Société CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCEMALADIE DES BOUCHES DU RHONE



























Copie exécutoire délivrée le :



à :



- Me Sandra

JUSTON

- Me Henri LABI























Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AIX-EN-PROVENCE en date du 28 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/01364.



APPELANT



Monsieur [L] [M]

né le [Date naissance 2] 1993 à [Loca...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

N° 2024/155

N° RG 22/12040 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ6UB

[L] [M]

C/

S.A. MAAF ASSURANCES

Société CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCEMALADIE DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée le :

à :

- Me Sandra JUSTON

- Me Henri LABI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AIX-EN-PROVENCE en date du 28 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/01364.

APPELANT

Monsieur [L] [M]

né le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 6], demeurant c/ Mme [F] [M] - [Adresse 3]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Maxence WALAS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES

S.A. MAAF ASSURANCES prise en la personne de son Directeur Général, Monsieur [R] [U], né le [Date naissance 1] 1957,, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE

Société CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCEMALADIE DES BOUCHES DU RHONE, assignée le 09/11/2022 à personne habilitée.

Signification de conclusions en date du 02/02/2023 à personne habilitée., demeurant [Adresse 7]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAISSUS, Premier Président de chambre

Greffier lors des débats : Mme Sancie ROUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Mme Sancie ROUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 25 février 2016 à [Localité 4], M. [L] [M] circulant au guidon de sa motocyclette a été grièvement blessé lors d'une collision avec un véhicule Volkswagen Polo assuré auprès de la SA MAAF Assurances. La motocyclette a percuté le véhicule Volkswagen qui circulait dans la direction opposée à la sienne et avait entrepris une man'uvre de tourne à gauche. M. [L] [M] a subi un traumatisme crânien avec coma Glasgow 4, un traumatisme thoracique et rachidien comportant des fractures multiples (D3, D2, K1), des fractures multiples du pied gauche, une entorse du genou droit et un retentissement psychologique.

Par ordonnances des 21 octobre 2016 et 15 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a condamné la SA MAAF Assurances à payer une provision de 10 000 euros à M. [L] [M]. Le magistrat a également commis aux fins d'expertise médicale le docteur [X], ultérieurement substitué par le docteur [A].

Par ordonnance du 26 janvier 2017, le juge des référés de Marseille a alloué une seconde provision de 30 000 euros à M. [L] [M].

Déposé le 24 octobre 2020, le rapport du docteur [A] conclut ainsi :

- accident du 25 février 2016,

- arrêt temporaire des activités professionnelles : du 25 février 2016 au 3 décembre 2018,

- déficit fonctionnel temporaire 100 % : du 25 février au 25 mars 2016,

- déficit fonctionnel temporaire 66 % : du 26 mars au 26 juin 2016,

- déficit fonctionnel temporaire 50 % : du 27 juin 2016 au 26 janvier 2017,

- déficit fonctionnel temporaire 45 % : du 27 janvier 2017 au 2 février 2020,

- souffrances endurées : 5,5/7,

- préjudice esthétique temporaire : 3,5/7 durant 3 mois puis dégressif,

- préjudice esthétique permanent : 3/7,

- tierce personne temporaire :

' 5 heures par jour du 26 mars au 26 juin 2016

' 2 heures par jour du 27 juin 2016 au 26 janvier 2017

' 1 heure 30 par jour du 27 janvier 2017 au 2 février 2020

- tierce personne permanente :

' 1 heure 30 par jour à titre viager

- consolidation : 2 juillet 2020,

- déficit fonctionnel permanent : 45 %,

- préjudice professionnel : au moment de l'accident, M. [M] était cariste à temps plein en CDI depuis le 1er février 2016 au sein de la société SUDIPAN (menuiserie) à [Localité 4]. ll a repris son travail le 4 décembre 2018 sur un poste aménagé. Sera retenu un arrêt temporaire des activités professionnelles du 25 février 2016 au 3 décembre 2018 imputable à l'accident du 25 février 2016, ainsi que le poste aménagé ;

- incidence professionnelle : i) une dévalorisation sur le marché du travail en prenant en compte l'environnement professionnel et géographique de la victime, et ii) une pénibilité accrue au travail générée par les séquelles créatrices d'une usure prématurée de la santé, peu compatible avec le maintien dans l'emploi sans adaptation. ll ne peut plus occuper le poste qu'il avait avant l'accident ;

- préjudice d'agrément : il existe une impossibilité de pratiquer tous les sports qui étaient les siens avant l'accident : la moto, le saut en parachute, la chasse sous-marine, les sports de combat, le vélo, le karting, le laser-game, l'accrobranche, tous les sports à sensation ;

- préjudice sexuel : le préjudice est d'ordre récréatif ; M. [M] a vu sa compagne le quitter ; il a 27 ans et n'a plus de rapport sexuel depuis février 2019 en raison d'une perception dégradée de son image corporelle et de douleurs rachidiennes invalidantes ;

- préjudice d'établissement : il existe une perte de chance de réaliser un projet de vie familiale normale en raison de la gravité de son handicap permanent physique et mental ;

- dépenses de santé futures : une prise en charge par un psychologue ou un psychiatre (une séance mensuelle pendant deux ans) et des séances de kinésithérapie d'entretien du rachis (3 x 30 séances par an) ;

- frais de véhicule adapté : le véhicule adapté est un véhicule avec boîte automatique mais il est peu utilisable car M. [M] est incapable d'en assurer l'entretien et les charges administratives ;

- préjudice juvénile pour ses deux frères :

' le plus jeune, qui partage leur salle de bains,

' le plus âgé, qui assure les allers-retours pour le travail de [L] et leurs camarades à chacun, qui viennent au domicile des parents pour avoir des échanges avec [L], lequel n'a plus de compagne ni d'amis.

Par acte d'huissier de justice des 31 et 7 avril 2021, la SA MAAF Assurances a saisi le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence aux fins de nouvelle expertise et de réduction des 2/3 du droit à indemnisation de M. [M].

Par jugement mixte réputé contradictoire du 28 juillet 2022, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :

- déclaré le jugement commun et opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône,

- invité la SA MAAF Assurances à mettre en cause la mutuelle Malakoff Humanis aux fins de production de sa créance,

- dit que le comportement fautif de M. [M] justifie la rédution de moitié de son droit à indemnisation,

- commis le docteur [E] aux fins de contre-expertise,

- donné acte à la SA MAAF Assurances de son son offre de verser à M. [M] la somme de 32 090,37 euros au titre des postes de préjudice corporel non soumis à recours, et

- réservé les autres chefs de demande.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé en substance que la conduite imprudente et fautive de M. [L] [M] a concouru à la survenance de son préjudice. Par ailleurs, il a admis le bien-fondé de certaines critiques de la SA MAAF Assurances à l'encontre du rapport d'expertise médicale du docteur [A], en se fondant en particulier sur un rapport d'expertise du docteur [D], produit par la SA MAAF Assurances.

Par déclaration du 31 août 2022 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [L] [M] a interjeté appel du jugement en visant chacune des mentions de son dispositif.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2022, M. [M] demande à la cour de :

- le déclarer recevoir et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a, d'une part, retenu une limitation de moitié du droit à indemnisation et, d'autre part, en ce qu'il a ordonné une mesure de contre-expertise,

Statuant à nouveau,

- ordonner l'annulation de la contre-expertise confiée au docteur [E],

- fixer à 100 % son droit à indemnisation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985,

Faire usage de son pouvoir d'évocation,

- liquider comme suit son préjudice corporel :

' frais divers : 2 760 euros

' perte de gains professionnels actuels : 24 713,54 euros

' assistance par tierce personne temporaire : 64 669 euros

' frais de véhicule adapté : 4 490 euros

' incidence professionnelle : 200 000 euros

' assistance par tierce personne permanente : 747 503,50 euros

' déficit fonctionnel temporaire : 23 040 euros

' souffrances endurées : 45 000 euros

' préjudice esthétique temporaire : 6 000 euros

' déficit fonctionnel permanent : 207 000 euros

' préjudice esthétique permanent : 9 000 euros

' préjudice d'agrément : 40 000 euros

' préjudice sexuel : 35 000 euros

' préjudice d'établissement : 50 000 euros

- réserver le poste de préjudice juvénile,

- condamner la SA MAAF Assurances à payer à M. [M] en réparation de son préjudice corporel la somme de 1 421 136 euros, déduction faite des provisions allouées de 40 000 euros et de la créance définitive de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône,

Y aioutant,

- condamner la SA MAAF Assurances au paiement de la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Roselyne Simon-Thibaud, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. [M] fait valoir en particulier les points suivants :

En ce qui concerne son comportement fautif allégué : sa prétendue vitesse excessive ne résulte que de témoignages par hypothèse très subjectifs ; le fait de faire vrombir son moteur ne caractérise aucune faute de conduite en soi ; les zig-zags évoqués par certains témoins sont sans rapport avec la survenance de l'accident dans la mesure où ils lui sont largement antérieurs ; l'arrachage du casque lors de la collision tient à la violence de celle-ci et non au fait qu'il n'aurait pas été correctement attaché ; c'est en réalité Mme [K], la conductrice du véhicule impliqué, qui a commis une faute car elle était sur le point de franchir une voie de circulation opposée à son sens de progression ;

En ce qui concerne le rapport d'expertise judiciaire du docteur [A] : le rapport critique du docteur [D] encourt lui-même la critique, ainsi qu'il résulte d'un nouveau rapport élaboré à sa demande par le docteur [J] ;

En ce qui concerne le pouvoir d'évocation de la cour et la liquidation du préjudice corporel :

- incidence professionnelle : 200 000 euros demandés

au moment de l'accident, M. [L] [M] était cariste à temps plein au sein de la société de menuiserie SUDIPAN à [Localité 4] ; cette société a aménagé son poste après l'accident; ce contrat a pris fin par rupture conventionnelle ; il a été recruté en CDI comme magasinier chez BMW le 15 juillet 2020 et bénéficie d'un aménagement de son poste de travail; l'incidence professionnelle est certaine compte tenu de la pénibilité accrue des conditions de travail et de sa dévalorisation sur le marché de l'emploi ;

- assistance par tierce personne permanente : l'évaluation doit intervenir sur la base d'un taux horaire de 23 euros et de 412 jours par an ; le paiement d'un capital doit être préféré à une rente dans la mesure où M.[L] [M] ne fait l'objet d'aucune mesure de protection et peut gérer son patrimoine.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par la voie électronique le 16 février 2024, la SA MAAF Assurances demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner M. [M] aux dépens de l'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

La SA MAAF Assurances fait valoir les observations suivantes :

Sur la réduction du droit à indemnisation : les témoins [C] [Z] et [T] [W] indiquent tous deux que M. [L] [M] faisait vrombir son moteur avant de démarrer, qu'il effectuait des zig-zags et même une roue arrière, et enfin qu'il a entrepris une man'uvre de dépassement par la droite en circulant sur une piste cyclable interdite aux deux roues motorisés (précision fournie par la Ville d'[Localité 4]) ; [T] [W] dit avoir vu les yeux du motard, ce qui signifie qu'il n'avait pas de visière au casque ; le premier juge a indiqué que les causes de la perte du casque sont incertaines mais en réalité si le casque avait été sanglé, la déformation de la mâchoire du motard n'aurait pas pu provoquer la chute du casque ;

En ce qui concerne le rapport d'expertise judiciaire du docteur [A] : le déficit fonctionnel permanent de 45 % n'est pas motivé ; les séquelles affectant le genou droit n'apparaissent que dans la dernière version du rapport d'expertise ; une ambigüité existe concernant le point de savoir si les troubles de l'audition concernent le côté droit ou le côté gauche ; les insuffisances et incohérences que le docteur [D] a relevées justifient la contre-expertise que le premier juge a ordonnée ; le bilan neuropsychologique du 23 juillet 2018 est insuffisant pour étayer les troubles neurologiques : une évaluation de qualité implique en effet un suivi de trois ans ;

Sur les doléances exprimées par M. [L] [M] ne correspondent pas à la réalité : son incapacité alléguée à remonter sur un deux-roues a ainsi été démentie par un film vidéo ;

En ce qui concerne le pouvoir d'évocation de la cour et la liquidation du préjudice corporel : la SA MAAF Assurances a assigné la mutuelle Malakoff Humanis devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, conformément à la demande du premier juge ; une jonction des deux instances devrait intervenir ; la liquidation du préjudice corporel est prématurée et il n'y a pas lieu pour la cour de procéder à l'évocation.

* * *

Assignée à personne habilitée le 9 novembre 2022 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 56 055,56 euros ventilée comme suit :

- frais hospitaliers : 18 751,65 euros,

- frais médicaux : 5 681,63 euros,

- frais pharmaceutiques : 291,85 euros,

- frais de transport : 2 399,04 euros,

- franchises : - 170 euros,

- indemnités journalières avant consolidation : 26 648,39 euros

- frais futurs : 2 452,50 euros.

* * *

La clôture a été prononcée le 5 mars 2024.

Le dossier a été plaidé le 19 mars 2024 et mis en délibéré au 30 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue :

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Sur l'étendue du droit à indemnisation :

Aux termes des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur blessé dans un accident de la circulation a droit à une indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il est prouvé qu'il a commis une faute ayant contribué à la survenance de son préjudice. En application de ce texte, la faute commise par le conducteur a pour conséquence une réduction ou une privation du droit à indemnisation, en fonction de son degré de gravité dès lors qu'elle a contribué à la réalisation du dommage, indépendamment de la faute commise par l'autre conducteur. La preuve de cette faute incombe à celui qui s'en prévaut.

M. [C] [Z], témoin oculaire de l'accident, circulait sur la petite route des Milles à [Localité 4], dans la même direction que M. [L] [M]. Il indique qu'il était arrêté au feu rouge, derrière une motocyclette dont le moteur vrombissait et dont le pot d'échappement produisait des étincelles. Il précise que, le feu étant passé au vert, le motard a démarré à vive allure et a slalomé entre les véhicules devant lui. Il ajoute que la motocyclette a doublé par la droite le véhicule qui se trouvait devant lui, juste avant de heurter de plein fouet le véhicule Volkswagen qui circulait sur la voie d'en face et qui tournait à gauche. Le motard roulait assez vite, son corps a été projeté en l'air au moment du choc et son casque a volé.

Mme [T] [W] pour sa part rapporte qu'elle était à hauteur du feu rouge de la [Adresse 8], à l'arrêt, derrière la moto qui se situait au niveau du centre de son véhicule. Elle confirme qu'il faisait vrombir son moteur et regardait régulièrement son pot d'échappement duquel sortaient des étincelles. Le feu étant passé au vert, le motard a vivement accéléré et fait une roue arrière. Elle ajoute qu'il s'est mis à slalomer alors qu'il n'y avait pas de véhicule, et que « le motard conduisait n'importe comment ».

M. [L] [M] conteste quant à lui toute faute de conduite. De fait, les étincelles du pot d'échappement et le vrombissement consécutifs aux coups d'accélérateur de la motocyclette à l'arrêt ne constituent pas réellement une faute causale de l'accident. La cour ne partage pas non plus les certitudes de la SA MAAF Assurances concernant le défaut de sanglage du casque, et ne tient pas pour impossible que le choc, décrit comme très violent, ait provoqué une déformation de la machoire de M. [L] [M] et l'expulsion subséquente du casque.

Les deux témoins s'accordent pour dire que M.[L] [M] a démarré à vive allure lorsque le feu est passé au vert. Ainsi que souligné par le premier juge, la violence du choc ne peut s'expliquer que par l'énergie cinétique produite par la vitesse de la motocyclette, la très faible vitesse du véhicule impliqué n'étant pas contestée. Le défaut de maîtrise de la vitesse de son véhicule par M. [L] [M] est caractérisé.

Les déclarations de M. [Z] selon lesquelles M. [L] [M] a opéré un dépassement par la droite sont confirmées par Mme [K] qui, au vu de l'impact sur son véhicule, précise que M. [L] [M] a doublé par la droite le véhicule le précédant et qu'il a pour ce faire emprunté la piste cyclable. Le premier juge a indiqué à juste titre qu'en effectuant une man'uvre de dépassement interdite et en empruntant une voie également interdite, M. [L] [M] s'est mis en situation de ne pouvoir anticiper la man'uvre d'un véhicule arrivant sur sa voie.

M. [Z] et Mme [W] s'accordent sur le fait que M. [L] [M] s'est mis à slalomer lorsque le feu est passé au vert, même s'ils divergent sur le point assez secondaire de savoir si un véhicule se trouvait à ce moment sans lui.

Enfin, Mme [W] fait expressément état d'une roue arrière. Cette man'uvre, qui a été improvisée en agglomération urbaine, a nécessairement pour conséquence immédiate de dégrader le champ de vision du motocycliste, et trahit une certaine indifférence à la sécurité des usagers de la route comme à la sienne.

La relative convergence et l'impartialité non contestée des témoignages recueillis conduisent la cour à admettre que le slalom, la roue arrière et le défaut de maîtrise de M. [L] [M] ont contribué de façon déterminante à la survenance de l'accident. Il en résulte une faute de conduite justifiant une réduction du droit à indemnisation dans une proportion que la cour évalue à 50 %. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur la contre-expertise judiciaire demandée au docteur [E] :

Il ne saurait être admis par principe que les incidents ayant opposé une partie au docteur [A] ont nécessairement impacté l'objectivité attendue de cet expert.

L'opportunité de la contre-expertise confiée par le premier juge au docteur [E] doit néanmoins être discutée au regard de la critique du rapport d'expertise développée par la note du docteur [D], ainsi que de la critique dudit rapport par le docteur [J].

Le docteur [D] souligne la nécessité d'un bilan neurologique complet sur une période de trois ans ainsi que d'investigations neuropsychologiques beaucoup plus poussées qu'elles ne l'ont été. Il observe qu'à défaut, aucun chiffrage de la tierce personne permanente ne peut intervenir.

Il conteste par ailleurs l'imputabilité d'une hypoacousie gauche à l'accident alors que la fracture du rocher est à droite. Il critique également le diagnostic de l'expert judiciaire d'un enraidissement modifiant les appuis et perturbant la proprioception au niveau du pied droit, alors qu'aucun examen sur podoscope n'a été effectué.

Il souligne enfin la nécessité d'étayer la notion de stress post-traumatique. La cour observe que le docteur [A] n'explicite pas les critères qu'il a mis en oeuvre pour parvenir à un déficit fonctionnel permanent de 45 %, pas plus qu'il ne distingue entre ses composantes neurologique, psychiatrique et orthopédique.

La note du docteur [J] réfute cependant l'argumentation développée par le docteur [D] et tend à valider les conclusions du docteur [A] concernant en particulier le taux de déficit fonctionnel permanent de 45 %.

Sur ce dernier point, la SA MAAF Assurances indique que le docteur [H], intervenu comme sapiteur psychiatre dans le cadre de la contre-expertise, écarte l'existence d'un trouble psychiatrique imputable à l'accident du 25 février 2016, alors même que M. [M] soutient avoir consulté un psychiatre à trois reprises.

La contre-expertise ordonnée par le premier juge permettra de modifier le cas échéant les conclusions du docteur [A], au regard notamment des rapports successifs des docteurs [D] et [J]. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur l'évocation de la liquidation du préjudice corporel :

Le jugement étant confirmé, il n'y a pas matière pour la cour à évoquer la liquidation du préjudice corporel de M. [L] [M] sur le fondement de l'article 568 du code de procédure civile.

Sur les demandes annexes :

L'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Débitrice de l'obligation d'indemnisation, la SA MAAF Assurances est condamnée aux dépens de l'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à évoquer la liquidation du préjudice corporel de M. [M].

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA MAAF Assurances aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 22/12040
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.12040 ?
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