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30/05/2024 | FRANCE | N°22/10935

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 30 mai 2024, 22/10935


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024



N°2024/ 117













Rôle N° RG 22/10935 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ2V7







URSSAF PACA





C/



S.A.S. [3]



















Copie exécutoire délivrée

le : 30/05/2024

à :





- URSSAF PACA





- Me Paul GUEDJ










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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 30 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 17/1710.





APPELANTE



URSSAF PACA, demeurant [Adresse 4]



représenté par M. [U] [F] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



S.A.S. [3], demeurant [Adresse...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

N°2024/ 117

Rôle N° RG 22/10935 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ2V7

URSSAF PACA

C/

S.A.S. [3]

Copie exécutoire délivrée

le : 30/05/2024

à :

- URSSAF PACA

- Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 30 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 17/1710.

APPELANTE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 4]

représenté par M. [U] [F] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A.S. [3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Lola LUCCIONI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 1er février 2013, la société par actions simplifiée (SAS) [3] a conclu un contrat de sous-traitance avec la société [2], société spécialisée dans les prestations de protection et de sécurité des biens et des personnes.

Lors d'un contrôle de la société [2], l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile de France a dressé, le 1er avril 2014, un procés-verbal de constat d'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié sur la période du 1er janvier 2012 au 4 juillet 2013.

Entre-temps, par courrier du 28 août 2013, l'URSSAF Ile de France a enjoint à la SAS [3] de faire cesser sans délai la situation de travail dissimulé et de lui retourner les documents en sa possession concernant sa sous-traitante.

Par courrier du 17 septembre 2013, la société a informé l'inspectrice du recouvrement qu'elle avait mis fin à sa collaboration avec la société [2] depuis le 30 juin 2013 et communiqué l'ensemble des documents administratifs en sa possession concernant ladite société.

Le 18 mai 2015, l'URSSAF Ile de France a adressé à la SAS [3] une lettre d'observations aux fins de mettre en oeuvre sa solidarité financière à hauteur de 106.482 euros au motif qu'elle n'a pas justifié s'être assurée de la régularité de la situation en se faisant remettre les documents mentionnés aux articles D.8222-5 et D.8222-7 du code du travail.

La société [3] a formulé ses observations par lettre recommandée reçue le 23 juin 2015, auxquelles l'inspectrice du recouvrement a répondu par courrier daté du même jour.

Par lettre du 20 août 2015, l'URSSAF Ile de France a mis en demeure la société [3] de lui payer la somme de 113.296 euros dont 106.482 euros de cotisations et 6.814 euros de majorations de retard au titre de la mise en oeuvre de la solidarité financière notifiée le 18 mai 2015.

Par courrier daté du 27 août 2015, la société a formé un recours devant la commission de recours amiable.

Le 9 décembre 2015, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale Ile de France de sa contestation de la décision implicite de rejet de la commission, et par jugement rendu le 3 mars 2016, le tribunal s'est dessaisi au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.

Par jugement rendu le 30 juin 2022, le tribunal, devenu pôle social de Marseille, a :

- déclaré recevable le recours de la SAS [3],

- déclaré la procédure suivie par l'URSSAF Ile de France à l'égard de la SAS [3] non conforme à l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789,

- infirmé le bien-fondé de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF Ile de France,

- annulé le redressement notifié par l'URSSAF Ile de France dans sa mise en demeure du 20 août 2015,

- rejeté l'ensemble des prétentions de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur (PACA),

- condamné l'URSSAF PACA aux dépens,

- condamné l'URSSAF PACA à payer à la SAS [3] la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Les premiers juges fondent leur décision sur le fait que si en communiquant le procès-verbal de travail dissimulé dressé à l'encontre de la société sous-traitée, l'URSSAF avait respecté le principe du contradictoire, en revanche, la lettre d'observations du 18 mai 2015 se contentant de faire un résumé de la procédure suivie à l'encontre de la société sous-traitée, sans être accompagnée de pièces permettant à la société donneuse d'ordre de contester la régularité de la procédure, des cotisations, des majorations, le bien-fondé, l'assiette et l'exigibilité des sommes dues par sa cocontractante dans le cadre du redressement de celle-ci, la procédure suivie par l'URSSAF à l'encontre de la donneuse d'ordre n'est pas conforme à l'article 16 de des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 posant le principe du contradictoire.

Par courrier recommandé expédié le 27 juillet 2022, l'URSSAF PACA a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 4 avril 2024, l'URSSAF reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- déclarer la procédure de contrôle et de redressement du chef de mise en oeuvre de la solidarité financière de la SAS [3] régulière,

- valider le redressement notifié par lettre d'observations du 18 mai 2015 et la lettre de mise en demeure du 20 août 2015 pour son entier montant, et confirmer la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable,

- condamner la SAS [3] à lui payer la somme de 106.482 euros de cotisations et 6.814 euros de majorations de retard, soit au total 113.296 euros conformément à la lettre de mise en demeure du 20 août 2015,

- condamner la SAS [3] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que dès lors qu'elle a communiqué le procés-verbal de constatation d'infraction de travail dissimulé en phase judiciaire du litige, et que la lettre d'observations notifiées à la société donneuse d'ordre précise le montant global des cotisations dues par le sous-traitant défaillant, le montant de celles mises à la charge du donneur d'ordre ventilée année par année, sa cause en visant la mise en oeuvre de la solidarité financière, la période contrôlée, les modalités de reconstitution du chiffre d'affaires du sous-traitant au profit de la société donneuse d'ordre et l'application d'un chiffrage forfaitaire en l'absence de comptabilité tenue par l'entreprise, de sorte qu'elle est conforme aux exigences fixées à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, la procédure est régulière. Elle considère qu'elle n'avait pas à transmettre d'autres documents à la société donneuse d'ordre.

En outre, elle explique qu'il a été constaté par l'inspectrice du recouvrement que la société [3] a confié une partie de son activité à la société [2] sur la période du 1er janvier au 4 juillet 2013, sans s'être assurée que cette dernière était en règle avec les dispositions des articles L.8221-1 à L.8221-3 du code du travail en se faisant remettre les documents mentionnés aux articles D.8222-5 et D.8222-7 du code du travail, et alors que la prestation confiée a été réalisée en violation des dispositions interdisant le recours au travail dissimulé. Elle fait valoir qu'à défaut pour la société donneuse d'ordre de n'avoir pu présenter une attestation de vigilance délivrée par les services de l'URSSAF, elle ne rapporte pas la preuve du respect de son obligation, de sorte qu'elle est tenue au paiement des cotisations et majorations au lieu et place de la société sous-traitante. Elle considère que la cessation de sa collaboration avec la société sous-traitante le 30 juin 2013 et la communication par la société donneuse d'ordre de documents qui ne sont pas listés par l'article D.8222-5 du code du travail sont inopérantes pour démontrer le respect de son obligation de vigilance par cette dernière.

Enfin, elle fait valoir que l'inspectrice du recouvrement ayant tenté en vain d'opérer un chiffrage réel, en l'absence de comptabilité, celle-ci a évalué le chiffre d'affaires sur la période du 1er janvier au 4juillet 2013 et le montant de l'assiette minorée à partir des éléments communiqués par l'établissement bancaire de la société. Elle fait remarquer que les factures produites par la société donneuse d'ordre démontrent que les sommes versées à la société sous-traitante ont servi de rémunération de prestation de gardiennage et donc à la rémunération de salariés non déclarés et que les constatations de l'inspectrice du recouvrement valent jusqu'à la preuve du contraire

qu'elle ne rapporte pas.

La société [3] reprend les conclusions déposées le 20 mars 2024 et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a infirmé le bien-fondé de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF Ile de France et annulé le redressement pour non respect du contradictoire en l'absence de communication des données sur lesquelles l'URSSAF a fondé son redressement.

Au soutien de ses prétentions, elle fait d'abord valoir la nullité de la procédure de redressement

tirée du non respect du principe du contradictoire au motif que l'URSSAF ne lui a pas communiqué les données sur lesquelle elle a fondé son redressement au titre de la mise en oeuvre de sa solidarité financière à savoir et qu'il n'existe aucun élément probant permettant de confirmer l'existence d'une infraction de travail dissimulé à l'encontre de la société [2]. Elle considère que n'ayant pas accès à la comptabilité et aux données comptables et financières de la société [2], elle se trouve dans l'impossibilité d'exercer ses droits de la défense. Elle ajoute que l'URSSAF ayant eu accès à ces documents, il existe une rupture d'égalité des armes et d'égalité devant la justice.

Elle fait ensuite valoir que la procédure n'est pas régulière en ce qu'il ne lui pas été communiqué la lettre d'observations adressée à la société SFPS, de sorte que compte tenu des dispositions du code de la sécurité sociale imposant à l'URSSAF cette communication en cas de constat de travail dissimulé et de la jurisprudence constante selon laquelle le défaut de cette communication constitue une formalité substantielle dont l'omission entraîne la nullité des opérations de contrôle et de redressement (Soc 12 décembre 1996 n°95-12.881; Soc 6 février 1997 n°95-13.685; circulaire Acoss 82 du 16 juillet 1999), la procédure doit être annulée.

Elle fait encore valoir la nullité de la procédure de redressement tirée du principe du contradictoire au motif que l'URSSAF ne lui a pas communiqué le procès-verbal de constat de travail dissimulé ni lors de la première lettre de signalement à donneur d'ordre, ni suite à sa contestation devant la commission de recours amiable. En outre, elle fait remarquer que la communication du procés-verbal en première instance n'a été que partielle puisque les pièces 9 à 11 qui y étaient visées (déclaration URSSAF 2013, droit de communication et relevés bancaires, et la lettre d'observations adressées à la société SFPS) n'ont pas été produites et la pièce 8 partiellement produites (déclaration URSSAF pages 1 à 3 sur 5). Elle s'appuie sur un arrêt de la Cour de cassation (Civ 2ème du 8 avril 2021 n°20-11.126) pour faire valoir que l'absence de communication du procés-verbal de constat de travail dissimulé en son entier entraîne la nullité de la procédure de redressement du donneur d'ordre.

Puis, elle fait valoir que la lettre d'observations qui lui a été adressée ne mentionne pas précisément les documents consultés et que la liste est incomplète en ne mentionnant qu'une déclaration unique d'embauche et les relevés bancaires, et qu'il n'y est pas visé l'ensemble des documents qui ont permis de fonder le redressement.

Subsidiairement, elle considère qu'elle a respecté son obligation de vigilance dès lors que dans le contrat signé avec la société sous-traitante, il est fait obligation à cette dernière de fournir les justificatifs du paiement de ses cotisations, qu'elle a relancé la société sous-traitante par lettre du 19 mars 2013, et qu'elle a communiqué tous les documents administratifs en sa possession sur la société sous-traitante à l'URSSAF lorsqu'elle l'a sollicitée. Elle rappelle qu'elle a cessé toute collaboration dès le 30 juin 2013 avant même que l'URSSAF lui adresse le signalement à donneur d'ordre. Elle explique que les virements bancaires constatés en provenance de la société sous-traitante postérieurement à la fin de leur relation contractuelle, ne concernent que des prestations réalisées entre février et juin 2013.

Trés subsidiairement, elle fait valoir que le montant réclamé au titre de la solidarité financière n'est pas justifié à défaut d'élément permettant de vérifier qu'elle était effectivement la seule donneuse d'ordre de la société SFPS, compte tenu de ce que sa collaboration avec elle a duré six mois et non toute l'année 2013, au regard du paiement des factures au profit de la société SFPS dont une partie des sommes devaient financer le paiement des cotisations de celle-ci, à défaut de démontrer l'absence de comptabilité de la société sous-traitante fondant la taxation forfaitaire, et à défaut pour l'URSSAF d'avoir vérifié que chacune des personnes physiques mentionnées sur les relevés bancaires comme étant bénéficiaires de virements, était bien salariée de la société sous-traitante, avant de faire masse de ces sommes pour reconstituer la masse salariale. Elle ajoute qu'elle ne pourrait pas faire face à une telle dette.

Il convient de se reporter aux écriture reprises oralement par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du redressement tirée de l'irrespect du principe du contradictoire dans le cadre de la procédure de redressement

En vertu des articles L.243-15 du code de la sécurité sociale et L.8222-1, L.8222-2 du code du travail, toute entreprise donneuse d'ordre doit vérifier, lors de la conclusion d'un contrat de sous-traitance d'une certaine valeur, puis tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution, que son cocontractant s'acquitte, entre autres obligations, de celles relatives à la déclaration et au paiement des cotisations à l'égard de l'URSSAF.

A défaut de procéder à ces vérifications et si le sous-traitant a eu recours au travail dissimulé, le donneur d'ordre peut être poursuivi pour régler solidairement les cotisations sociales du sous-traitant.

Par un avis du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions du deuxième

alinéa de l'article L.8222-2 du code du travail conformes à la constitution sous 'la réserve qu'elles ne sauraient interdire au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité (des sommes) au paiement solidaire desquelles il est tenu .'

Les droits de la défense du débiteur solidaire sont ainsi garantis par le respect des règles de procédure de contrôle prévues à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale.

L'article R.243-59 alinéa 5 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par décret du 3 décembre 2013, prévoit qu'à l'issue du contrôle, les agents du recouvrement communiquent une lettre d'observations datée et signée par eux, mentionnant l'objet du contrôle réalisé, les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités.Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

L'alinéa 7 dispose que lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale modifié par le décret nº 2009-1596 du 18 décembre 2009, que la mise en demeure envoyée par l'organisme de recouvrement précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations adressée par l'URSSAF Ile de France à la SAS [3] 18 mai 2015 qu'elle est datée et signée par l'inspectrice du recouvrement, qu'elle mentionne en objet la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue aux articles L.8222-1 et suivants du code du travail, qu'elle liste les documents consultés à savoir la liste unique d'embauche et les relevés bancaires, qu'elle rappelle le fait que la cotisante a confié une partie de son activité en sous-traitance à la SARL [2] du 1er janvier au 4 juillet 2013, et que celle-ci a assuré cette prestation en violation des articles L.8221-1, L.8221-2, L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail ce qui est constitutif d'un délit de travail dissimulé par dissimulation de salariés et que la cotisante ne s'est pas assurée de la régularité de la situation de sa cocontractante en se faisant remettre les documents mentionnés aux articles D.8222-5 et D.8222-7 du code du travail. Il y est précisé les éléments ayants permis d'établir l'assiette minorée des cotisations, l'application d'une taxation forfaitaire sur la base des relevés bancaires en l'absence de comptabilité de la société sous-traitante, l'assiette, le taux et la base plafonnée et le montant des cotisations par type de cotisation et l'année 2013 à laquelle elles se rapportent.

Il est également indiqué que la cotisante dispose d'un délai de trente jours pour faire parvenir ses éventuelles observations et qu'elle peut se faire assister du conseil de son choix.

Il s'en suit que la lettre d'observations adressée par l'URSSAF à la SAS [3] comporte toutes les mentions exigées à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale.

En outre, il n'est pas discuté que l'inspectrice du recouvrement a répondu aux observations formulées par la société par courrier du 23 juin 2015 avant que l'URSSAF procède au recouvrement des cotisations réclamées par lettre de mise en demeure du 20 août 2015, soit postérieurement au délai minimum imparti et celle-ci comportant toutes les mentions exigées à l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale.

De même, il est constant que la société a pu exercer son recours gracieux devant la commission de recours amiable dans les forme et délai réglementaires dûment rappelés , avant d'élever son recours contentieux devant la juridiction.

Les arrêts de la Cour de cassation invoqués par la société intimée selon lesquels la communication des observations des agents de contrôle de l'URSSAF à la société cotisante avant transmission du rapport de contrôle pour recouvrement est une formalité substantielle dont le défaut entraîne la nullité des mises en demeure subséquentes, sont inopérants pour réclamer la communication à la société donneuses d'ordre, les observations formulées par les agents de contrôle dans le cadre du redressement de la société sous-traitante.

Il s'en suit que, contrairement aux premiers juges, la cour considère que le principe du contradictoire a été respecté par l'URSSAF dans le cadre de la procédure de redressement de la société [3] et que celle-ci n'avait pas à produire d'autres documents à ce stade de la procédure.

Sur la nullité du redressement tirée de la production du procès-verbal de constatation de l'infraction de travail dissimulé dans le cadre de la procédure contentieuse

Il est constant que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable, à ce dernier, du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation, par le donneur d'ordre, de l'existence ou du contenu de ce document.

En l'espèce, il importe peu que l'URSSAF n'ait pas communiqué à la société [3], le procès-verbal de constatation d'une infraction de travail dissimulé établi à l'encontre de la société sous-traitante lors de la première lettre de signalement à donneur d'ordre, ni suite à sa contestation devant la commission de recours amiable, dès lors qu'il est constant que le procès-verbal a été communiqué dès la première instance.

Il ressort, en effet, des motifs du jugement critiqué que le tribunal a constaté que 'le procés-verbal dressé par l'URSSAF Ile d France a bien été communiqué hormis les pièces annexes qui l'accompagnent'. De même, en cause d'appel, l'URSSAF verse aux débats le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre de la société sous-traitante et huit annexes sur les onze pièces jointes pourtant indiquées en dernière page du procès-verbal.

Ce procès-verbal a été dressé à l'encontre de la SARL [2] au titre de l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié relevée pour avoir, sur 'la période du 1er janvier 2012 au 4 juillet 2013 exercé à but lucratif une activité de gardiennage et d'avoir employé environ 21 personnes équivalent temps plein (en 2013) sans avoir procédé aux déclarations qui doivent être faîtes aux organismes de protection sociale en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur'.

Il ressort de ces éléments d'informations que non seulement le procés-verbal de constatation d'infraction de travail dissimulé a été produit par l'URSSAF à la société donneuse d'ordre en cours de procédure contentieuse, mais encore, qu'il est concordant avec la lettre d'observations adressée à la société [3].

En effet, la lettre d'observations établie le 18 mai 2015 à l'encontre de la société [3], reprend, conformément aux informations contenues dans le procès-verbal de constat d'infraction de travail dissimulé, les éléments recueillis suite aux recherches effectuées sur les fichiers de la société sous-traitante, explicite l'établissement de l'assiette minorée des cotisations (186.678 euros pour 2013) à partir de la masse salariale déterminée en confrontant l'analyse des débits enregistrés sur le compte bancaire et la masse salariale déclarée, le chiffre d'affaires enregistré pour chaque période concernée et mentionne l'application de la taxation forfaitaire en l'absence de comptabilité.

Si les annexes au procès-verbal n'ont pas toutes, ou pas complètement, été versées aux débats dans le cadre de la présente instance, les éléments renseignés par l'inspectrice du recouvrement, dans le procès-verbal de travail dissimulé, permettent à la société [3] de connaître la nature de l'infraction relevée, la période concernée par l'infraction, le chiffrage du redressement retenu à l'encontre de la société [2] (115.166 euros), ainsi que l'assiette des cotisations (16.333 euros en 2012 et 186.678 euros pour la période du 1er /01/2013 au 4/07/2013).

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les documents communiqués par l'URSSAF à la société [3] ont permis d'assurer le caractère contradictoire du contrôle et la garantie des droits de la défense à l'égard du donneur d'ordre dont la solidarité financière est recherchée.

La nullité du redressement n'est pas encourue de ce chef.

Sur le bien-fondé du redressement

Sur le respect de son obligation de vigilance par la société [3]

En vertu des articles L.243-15 du code de la sécurité sociale et L.8222-1, L.8222-2 du code du travail, toute entreprise donneuse d'ordre doit vérifier, lors de la conclusion d'un contrat de sous-traitance d'une certaine valeur, puis tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution, que son cocontractant s'acquitte, entre autres obligations, de celles relatives à la déclaration et au paiement des cotisations à l'égard de l'URSSAF.

L'article D.8222-5 du même code, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2023 précise que :

'La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution :

1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants:

a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;

b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ;

c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ;

d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription.'

L'article D.8222-7 suivant dispose que :

'La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-6, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-4 si elle se fait remettre par son cocontractant établi ou domicilié à l'étranger, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution :

1° Dans tous les cas, les documents suivants :

a) Un document mentionnant son numéro individuel d'identification attribué en application de l'article 286 ter du code général des impôts. Si le cocontractant n'est pas tenu d'avoir un tel numéro, un document mentionnant son identité et son adresse ou, le cas échéant, les coordonnées de son représentant fiscal ponctuel en France ;

b) Un document attestant de la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 ou d'une convention internationale de sécurité sociale et, lorsque la législation du pays de domiciliation le prévoit, un document émanant de l'organisme gérant le régime social obligatoire et mentionnant que le cocontractant est à jour de ses déclarations sociales et du paiement des cotisations afférentes, ou un document équivalent ou, à défaut, une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale. Dans ce dernier cas, elle doit s'assurer de l'authenticité de cette attestation auprès de l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales ;

2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant à un registre professionnel est obligatoire dans le pays d'établissement ou de domiciliation, l'un des documents suivants :

a) Un document émanant des autorités tenant le registre professionnel ou un document équivalent certifiant cette inscription ;

b) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et la nature de l'inscription au registre professionnel ;

c) Pour les entreprises en cours de création, un document datant de moins de six mois émanant de l'autorité habilitée à recevoir l'inscription au registre professionnel et attestant de la demande d'immatriculation audit registre.'

Enfin, l'article R.8222-1, dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 1er mai 2015, précise que:

'Les vérifications à la charge de la personne qui conclut un contrat, prévues à l'article L. 8222-1, sont obligatoires pour toute opération d'un montant au moins égal à 3 000 euros.'

En l'espèce, il résulte des constatations de l'inspectrice du recouvrement, dans la lettre d'observations établie le 18 mai 2015, qui valent jusqu'à preuve du contraire, que la société [3] a confié à la société SFPS une partie de son activité en sous-traitance sur la période du 1er janvier au 4 juillet 2013, que celle-ci a assuré cette prestation en violation des articles L.8221-1, L.8221-2, L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail, en commettant ainsi un délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi et que la société [3] ne s'est pas assurée de la régularité de la situation en se faisant remettre les documents mentionnés aux articles D.8222-5 et D.8222-7 du code du travail.

C'est en vain que la société [3] argue de ce que le contrat de sous-traitance conclu avec la société SFPS prévoyait, en son article 5, intitulé obligations du sous-traitant, que celui-ci 'doit, à la demande de [3] justifier du respect de ses obligations' et 'rapporter la preuve de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou répertoire des Métiers, qu'il a procédé aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et par l'administration fiscale et qu'il est à jour de ses cotisations et impôts, ainsi qu'il établit les bulletins de paye à ses salariés, qu'il tient un livre de paye et un registre du personnel', ainsi qu'elle a cessé toute collaboration le 30 juin 2013, dès lors qu'il n'est pas justifié que la société [3] a effectivement récupéré auprès de la société SFPS, au moment de la conclusion du contrat le 1er février 2013, les documents énoncés aux articles D.8222-5 et D.8222-7 du code du travail susvisés.

Le redressement est donc bien-fondé en son principe.

Sur le montant du redressement

En vertu de l'article L.8222-3 du code du travail, en matière de solidarité financière, les sommes dont le paiement est exigible sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession.

Néanmoins, l'article R.243-59-4 du code de la sécurité sociale prévoit une fixation forfaitaire de l'assiette des cotisations dues si la comptabilité de la personne contrôlée ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, ou bien si la personne contrôlée ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou que leur présentation n'en permet pas l'exploitation.

En l'espèce, il résulte des constatations de l'inspectrice du recouvrement, dans la lettre d'observations établie le 18 mai 2015, qui valent jusqu'à preuve du contraire, que la SAS [3] est le seul donneur d'ordre de la SARL [2] en 2013, de sorte que tous les salariés ont été rémunérés pour effectuer des prestations pour le compte de la SAS [3] et qu'en l'absence de comptabilité, il a été fait application d'une taxation forfaitaire basée sur l'analyse des relevés de banque.

La société n'apporte aucun élément de preuve susceptible de remettre en cause le fait qu'elle soit seule donneuse d'ordre sur l'exercice 2013 d'une part et que la société sous-traitante n'ait pas fourni une comptabilité exploitable, d'autre part.

Il résulte également des constatations de l'inspectrice du recouvrement, dans la lettre d'observations établie le 18 mai 2015, qui valent jusqu'à preuve du contraire, que les recherches effectuées sur les fichiers de la société sous-traitante ont notamment permis d'établir le chiffre d'affaires de cette dernière sur la période du 1er janvier au 4 juillet 2013, le versement direct de sommes d'argent à des personnes physiques ayant fait l'objet de DPAE ( déclaration préalable à l'embauche) ou non et des retraits d'espèce en 2013.

Elle y explique que l'analyse des débits enregistrés sur le compte bancaire rapporté à l'analyse des masses salariales déclarées font apparaître que la société a déclaré une masse salariale sans aucun rapport avec le montant du chiffre d'affaires de la période concernée, de sorte que la masse salariale a été reconstituée sur la base des débits enregistrés sur le compte bancaire en 2013, soit: 196.068 euros à des personnes physiques par virement et 16.000 euros en espèces, puis, la masse salariale déclarée au titre du premier trimestre 2013 a été déduite pour établir l'assiette minorée.

Une nouvelle fois, la société [3], qui conteste les modalités de calcul de l'URSSAF, ne rapporte pas la preuve que les personnes physiques bénéficiaires des versements de la société sous-traitante, n'étaient pas rémunérées pour un travail effectué pour le compte de celle-ci, de sorte que l'entier montant des versements n'aurait pas dû être pris en compte pour établir l'assiette des cotisations.

Enfin, la difficulté pour la société [3] d'assumer le paiement du montant réclamé, est sans emport sur la régularité du calcul opéré par l'URSSAF.

En conséquence, le redressement doit être validé en son entier montant.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour.

La société [3] sera condamnée à payer à l'URSSAF PACA la somme de 113.296 euros dont 106.482 euros de cotisations et 6.814 euros de majorations de retard au titre de la mise en demeure du 20 août 2015 prise pour le recouvrement du redressement notifié par lettre d'observations du 18 mai 2015.

Sur les frais et dépens

La société [3], succombant à l'instance, sera condamnée à payer les dépens de la première instance et de l'appel, en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, elle sera condamnée à payer à l'URSSAF PACA la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles, et sera déboutée de sa propre demande présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Valide le redressement du chef de la mise en oeuvre de la solidarité financière de la SAS [3] pour le montant de 106.482 euros de cotisations, conformément à la lettre d'observations du 18 mai 2015,

Valide la mise en demeure du 20 août 2015 pour le montant de 113.296 euros dont 106.482 euros de cotisations et 6.814 euros de majorations de retard,prise pour le recouvrement du redressement notifié par lettre d'observations du 18 mai 2015

Condamne la SAS [3] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 113.296 euros dont 106.482 euros de cotisations et 6.814 euros de majorations de retard au titre de la mise en demeure du 20 août 2015,

Condamne la SAS [3] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Déboute la SAS [3] de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne la SAS [3] au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/10935
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.10935 ?
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