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30/05/2024 | FRANCE | N°20/11300

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 30 mai 2024, 20/11300


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 30 mai 2024



N°2024/158









N° RG 20/11300



N° Portalis DBVB-V-B7E-BGRCM







[Z] [D]

[P] [O]

[X] [D]





C/



S.A. GMF ASSURANCES

S.A. MMA IARD

Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Caisse CPAM DES BOUCHES DU RHONE















copie exécutoire délivrée le :

à :

>
-Me Jérome PIANA



-Me Henri LABI



-SELARL CABINET FRANCOIS & ASSOCIES





Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Octobre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00194.





APPELANTS

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 30 mai 2024

N°2024/158

N° RG 20/11300

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGRCM

[Z] [D]

[P] [O]

[X] [D]

C/

S.A. GMF ASSURANCES

S.A. MMA IARD

Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Caisse CPAM DES BOUCHES DU RHONE

copie exécutoire délivrée le :

à :

-Me Jérome PIANA

-Me Henri LABI

-SELARL CABINET FRANCOIS & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Octobre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00194.

APPELANTS

Madame [Z] [D]

Représentant légal [X] [D] née le [Date naissance 2]/2014

née le [Date naissance 4] 1988 à [Localité 8] (PORTUGAL),

demeurant [Adresse 10]

représentée et assistée par Me Jérome PIANA, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

Monsieur [P] [O]

Représentant légal de [X] [D] née le [Date naissance 2]/2014

né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 9],

demeurant [Adresse 10]

représenté et assisté par Me Jérome PIANA, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

Monsieur [X] [D]

Représentants Mme [Z] [D] et M. [P] [O]

né le [Date naissance 2] 2014,

demeurant [Adresse 10]

représentée et assistée par Me Jérome PIANA, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

INTIMEES

S.A. GMF ASSURANCES

Prise en la personne de son Directeur Général, Monsieur [T] [E] né le [Date naissance 1]/1963 à [Localité 15],

demeurant [Adresse 5]

représentée et assistée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

S.A. MMA IARD,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Olivia DUFLOT de la SELARL CABINET FRANCOIS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Ingrid SALOMONE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidant.

Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Olivia DUFLOT de la SELARL CABINET FRANCOIS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Ingrid SALOMONE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidant.

Caisse CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Représentant M. le Directeur Gérard BERTUCCELLI [Adresse 7],

Signification de DA LE 19/01/2021 à personne habilitée. Signification conclusions en date du 04/03/2021 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 7]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, et Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre, chargés du rapport.

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président de chambre

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier président de chambre.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024, puis prorogé au 28 mars, 16 mai, 28 mai et pour finir au 30 mai 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M.[P] [O] et Mme [Z] [D] ont été victimes d'un accident de la circulation à [Adresse 12] dans les circonstances suivantes': le véhicule conduit par M. [O] a été percuté par l'arrière alors qu'il était immobilisé à l'entrée d'un rond-point et le choc a projeté leur véhicule sur celui qui se trouvait devant le leur.

Mme [D] était passagère avant du véhicule et enceinte de 5 mois.

Elle a été transportée aux services des urgences et l'interne de garde a mentionné dans le certificat médical remis à sa sortie le jour même : 'cervicalgies'et 'examen gynéologique normal.

Mais les jours suivants, elle a ressenti de nombreuses contractions utérines et constaté une diminution des mouvements du foetus. Elle a ainsi pris rendez-vous en urgence le 21 octobre 2014 chez son gynécologue et le jour même elle a subi une rupture prématurée des membranes (RPM).

Elle a dû être transportée par les pompiers au centre hospitalier de [Localité 14] et a été hospitalisée.

Compte tenu d'une menace d'accouchement prématuré post-traumatique (AVP) à 25 semaines d'aménorhée elle a été transférée à l'hôpital de la [11], établissement mieux habilité à accueillir les grands prématurés.

Le 9 novembre 2014, Mme [D] a accouché le jour même d'un enfant vivant, pesant 1kg 379 g et prénommé [X] reconnu par M. [O].

Dès sa naissance, [X] a présenté d'importants troubles respiratoires. Il est resté hospitalisé jusqu'au 13 janvier 2015 et a été par la suite ré-hospitalisé à de nombreuses reprises en raison de ses difficultés à respirer et à s'alimenter.

Il présente à ce jour d'importantes difficultés dans son développement psycho-moteur et a obtenu le statut d'enfant handicapé en septembre 2020. Sa scolarisation se fait avec l'aide d'une auxiliaire de vie et une orientation en ULIS doit être envisagée.

Dans le cadre de l'indemnisation de M. [O] et Mme [D] les MMA assurances ont mandaté le docteur [L].

Par procès-verbal du 22 octobre 2015, le préjudice personnel de M. [O] a fait l'objet d'une transaction définitive avec l'assureur.

Concernant Mme [D] et la naissance de [X], le docteur [L] a estimé qu'il ne disposait pas de documents lui permettant de relier l'accouchement prématuré à l'accident.

Mme [D] a contesté les conclusions du rapport d'expertise et une analyse sur pièces a été confiée au docteur [H], gynéologue obstéricien, dans un nouveau cadre amiable par la MMA.

Ce dernier a conclu que le lien de causalité direct, certain et exclusif entre l'accident et la naissance prématuré de [X] n'était pas possible à établir.

Estimant que cette analyse est erronée, M.[P] [O] et Mme [Z] [D] agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur enfant mineur [X], ont assigné en référés par acte des 20 et 25 juin 2016, la MMA Iard Assurances Mutuelles, ainsi que la CPAM des Bouches-du-Rhône, afin qu'une expertise médicale judiciaire soit ordonnée.

Par ordonnance du 2 août 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a désigné le docteur [W] [V] pour y procéder, lequel a été remplacé par le docteur [N].

L'expert a déposé son rapport le 8 novembre 2017 et a conclu à l'existence d'une imputabilité partielle entre l'accident du 15 octobre 2014 et l'accouchement prématuré de [X], évalué entre 60 et 80% le reste relevant justement de causes inconnues.

Par acte du 10 décembre 2018, M. [O] et Mme [D], agissant tant en leur nom propre qu'au nom de leur enfant mineur [X], ont assigné les MMA Iard Assurances Mutuelles ainsi que la CPAM des Bouches-du-Rhône aux fins notamment de liquider leurs préjudices, en tant que victimes directes et indirectes, suite à l'accident de la voie publique survenu le 15 octobre 2014 et de faire constater le lien de causalité entre l'accident du 15 octobre 2014 et la naissance prématuré de [X].

Par acte du 7 mars 2019, les MMA Iard Assurances Mutuelles ont assigné la GMF - assureur automobile du véhicule à l'origine de l'accident aux fins qu'elle soit condamnée à la relever et garantir des condamnations qui seraient prononcés à son encontre.

Les deux instances ont été jointes.

Par la voie de conclusions, les MMA IARD sont intervenues volontairement à la procédure.

Par jugement du 1er octobre 2020 le tribunal judiciaire d'Aix- en- Provence a :

-déclaré le jugement opposable à la CPAM des Bouches du Rhône ;

- déclaré [P] [O] irrecevable en ses demandes en son nom personnel et en qualité de représentant légal de l'enfant ;

- dit que le droit à indemnisation de [Z] [D] est entier sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 ;

- fixé à la somme de 2 175 euros la réparation du préjudice de [Z] [D];

- condamné la société MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à [Z] [D] les sommes de :

' 2175 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et capitalisation en application des dispositions des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil;

' 300 euros à titre d'indemnité pour frais de défense par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté [Z] [D] de ses demandes formées en qualité de représentante légale de l'enfant, [X] ;

- constaté qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de la SA GMF ;

- condamné la société MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens de l'instance comprenant les frais de l'expertise judiciaire;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement;

Par déclaration du 19 novembre 2020 les consorts [O] -[D] ont interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l'instruction est en date du 16 janvier 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 septembre 2022, Mme [Z] [D], M.[P] [O] en leur nom personnel et en qualité de représentant de leur fils mineure [X] [D] demandent à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré [P] [O] irrecevable en ses demandes en son nom personnel et en qualité de représentant légal de [X],

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que le lien de causalité direct et certain entre l'accident subi par Mme [D] et l'accouchement prématuré survenu 25 jours après n'est pas établi et l'a déboutée de ses demandes formées en qualité de représentante légale de l'enfant [X] [D]';

Statuant à nouveau:

- déclarer [P] [O] recevable en ses demandes en qualité de représentant légal de l'enfant [X] [O],

- constater que le lien de causalité direct et certain entre l'accident subi par Mme [Z] [D] et l'accouchement prématuré survenu 25 jours après est établi,

En conséquence:

*à titre principal:

- déclarer les MMA Iard Assurances Mutuelles et SA MMA Iard responsables de l'indemnisation de l'intégralité du préjudice découlant de la naissance prématurée de [X] [O],

*à titre subsidiaire:

- constater que [X] [O] a subi une perte de chance de 80% de naître à terme du fait de l'accident du 15 octobre 2014,

- déclarer les MMA Iard Assurances Mutuelles et SA MMA Iard responsables de l'indemnisation du préjudice découlant de la naissance prématurée de [X] [O] à hauteur de 80%,

En tout état de cause:

- condamner les MMA Iard Assurances Mutuelles et SA MMA Iard à verser à M. [P] [O] et Mme [Z] [D], en leur qualité de représentants de leur fils [X] [O] la somme de 80 000 euros à titre provisionnel en avance sur l'indemnisation définitive de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation en application des dispositions des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil,

- déclarer [P] [O] recevable en ses demandes en son nom personnel en qualité de victime indirecte du fait de la naissance prématurée de son fils [X] [O],

- condamner les MMA Iard Assurances Mutuelles et SA MMA Iard à verser à M. [P] [O], en sa qualité de victime indirecte, la somme de 10 000 euros à titre provisionnel en avance sur l'indemnisation définitive de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation en application des dispositions des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil,

- déclarer [Z] [D] recevable en ses demandes en son nom personnel en qualité de victime indirecte du fait de la naissance prématurée de sonfils [X] [O],

- condamner les MMA Iard Assurances Mutuelles et SA MMA Iard à verser à [Z] [D] en sa qualité de victime indirecte, la somme de 10 000 euros à titre provisionnel en avance sur l'indemnisation définitive de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation en application des dispositions des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil,

- réformer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 2175 euros la réparation du préjudice de [Z] [D] et condamné la société MMA Iard Assurances Mutuelle à payer à [Z] [D] les sommes de 2175 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et capitalisation en application des dispositions des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil ;

Statuant à nouveau,

- fixer à la somme de 14 224 euros la réparation du préjudice de Mme [Z] [R] en sa qualité de victime directe,

- condamner les MMA Iard Assurances Mutuelles et SA MMA Iard à verser à [Z] [R], en sa qualité de victime directe, la somme de 14 224 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 1er octobre 2020 à hauteur de 2175 euros et du prononcé de l'arrêt à intervenir à hauteur de 12 049 euros et capitalisation en application des dispositions des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil,

- condamner les MMA Iard Assurances Mutuelles et SA MMA Iard à verser à [P] [O] et [Z] [D] la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre desfrais exposés en cause d'appel,

- condamner les MMA Iard Assurances Mutuelles et SA MMA Iard aux entiersdépens, distraits au profit de Maître Jérôme Piana avocat en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils font valoir en substance que :

Sur le lien de causalité entre l'accouchement prématuré de [X] et l'accident:

- pour établir l'existence de ce lien de causalité il est possible d'avoir recours au jeu des présomptions ce qui revient à raisonner en termes de probabilité ;

- l'article 1382 du Code civil (ancien article 1353) permet au juge de raisonner par

présomption en se fondant sur un faisceau d'éléments graves, précis et concordants;

- les éléments circonstanciés du rapport [N] et le dossier médical de Mme [D] constituent des présomptions graves, précises et concordantes qui permettent d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'accident de la circulation du 15 octobre 2014 et la naissance prématuré de [X] ;

- il n'y a pas d'antécédents chez Mme [D] qui n' a pas subi de rupture prématuré de la poche des eaux lors de sa première grossesse et la conclusion du docteur [H] est erronée ; son affirmation repose uniquement sur la mention d'une 'option de fissuration de la poche des eaux à 26 semaines d'aménorrhé'qui figure dans le dossier de Mme [D] ;

- ce médecin n'a pas eu accès ou n'a pas tenu compte des résultats de l'examen clinique du 6 janvier 2009 qui a écarté la suspicion de rupture prématuré de la poche des eaux ;

- subsidiairement si la cour devait considérer que Mme [D] était atteinte d'une fragilité constitutionnelle des membranes, la fragilité relevée est constitutive d'un état antérieur latent, révélé par l'accident et elle ne peut avoir participé que partiellement à la rupture des membranes, en complément du traumatisme initial ; aucune fragilité des membranes amniotiques n' était constatée au cours de ses trois premières grossesses ;

- plus subsidiairement, si par extraordinaire la cour venait à ne pas faire droit à leur demande principale tendant à la reconnaissance d'un droit à indemnisation intégral de [X], la reconnaissance du fait que [X] a perdu une chance de naître à terme du fait de la survenance de l'accident doit être retenue à hauteur de 80% ;

Sur le préjudices des victimes indirectes :

- [P] [O] subit actuellement un préjudice d'affection et un préjudice d'accompagnement du fait de l'état de santé de son fils qui n'est pas consolidé et est fondé à solliciter, notamment au titre de son préjudice d'affection et de son préjudice d'accompagnement une provision ;

- contrairement à ce que prétend la GMF dans ses conclusions, cette demande ne peut être considérée comme une demande nouvelle en cause d'appel dès lors qu'en première instance, il sollicitait l'indemnisation de ses préjudices suite à l'accident de la voie publique survenu le 15 octobre 2014 et le fait que ses demandes indemnitaires soient présentées en sa qualité de victime directe ou de victime indirecte ne modifie pas la finalité des demandes, à savoir l'ndemnisation des préjudices subis'; son indemnisation en qualité de victime indirecte est la conséquence nécessaire de la reconnaissance du lien de causalité entre l'accident et la naissance prématuré de son fils [X] ;

- cette période a été génératrice de souffrances physiques et psychiques pour Mme [D] ; lesdites souffrances n'ont pas été prises en compte par le docteur [A] dans son rapport d'expertise médicale et il y a lieu de les majorer le taux de souffrances endurés à 3,5/7 du fait du stress et des douleurs engendrés par la rupture prématurée des membranes, l'hospitalisation en urgence, l'accouchement prématuré et le maintien en hospitalisation de l'appelante jusqu'au 8 décembre 2014,

- elle doit être également indemnisée du fait des séquelles physiques qu'elle conserve de l'accident au niveau du rachis cervical et de l'épaule gauche constaté par le docteur [A],

- elle souffre d'une atteinte à son intégrité physique, qu'il est possible d'évaluer à 2%, des souffrances endurées 3,5/7 soit 9.000 euros, 46 jours de DFT (sur la base de 27euros/jour): 1.242 euros et de DFT à 10% sur 23 jours (du 09/12/2014 à la consolidation)soit 62 euros;

- enfin ,son préjudice en sa qualité de victime indirecte, du fait du préudice subi par son fils et de ses troubles de développement psychomoteur de [X] consécutifs à sa naissance prématuré; il n'est pas consolidé et comme pour M.[O] elle subit actuellement un préudice d'affection et un préjudice d'accompagnement qui justifie le versement d'une provision ;

Sur l'action directe contre la MMA de Mme [D] et de M.[O]:

- c'est à bon droit qu'ils ont assigné la MMA en leur qualité de représentants légaux de leur fils [X] [O], afin d'obtenir la réparation des préjudices personnels subis par ce dernier ainsi que la réparation de leurs préjudices en qualité de victimes indirectes, à charge pour MMA d'exercer un recours en garantie contre les autres coauteurs et notamment contre le coauteur fautif à l'origine de l'accident.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 octobre 2021, la SA MMA Iard et la MMA Assurances Mutuelles demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que le lien de causalité direct et certain entre l'accident subi par [Z] [D] et l'accouchement prématuré n'est pas établi, en ce qu'il a débouté [Z] [D] de ses demandes formées en sa qualité de représentante légale de [X], en ce qu'il a débouté [P] [O] infondée en ses demandes en son nom personnel et a condamné la société MMA IARD à payer à [Z] [D] la somme de 2 175 euros au titre de la réparation du préjudice corporel de [Z] [D] et fixer cette somme à 1724,25 euros ;

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a constaté qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de la SA GMF.

Et statuant à nouveau,

- déclarer infondée la demande de [P] [O] en sa qualité de victime indirecte du fait de la naissance prématurée de [X] [O] ;

- déclarer infondée la demande de [Z] [D] en sa qualité de victime indirecte du fait de la naissance prématurée de [X] [O] ;

- déclarer infondées les demandes de provision de [Z] [D] et de [X] [O] tant au titre de leur préjudice personnel, qu'en leur qualité de représentants de leur fils [X] [O] ;

- débouter la GMF de sa demande de mise hors de cause ;

- juger que la GMF a reconnu le principe de sa garantie et a renoncé à opposer tout refus de garantie ;

Subsidiairement,

- condamner la GMF à relever et garantir la société MMA IARD de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

- faire droit de ce chef à la demande en rectification d'erreur matérielle de la Société MMA IARD ;

- condamner les appelants à payer à la société MMA IARD la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles soutiennent essentiellement que :

-elles ne sont pas l'assureur du responsable de l'accident de la circulation qui est la GMF et qu'elles ne sont tenues à aucune garantie ;

- elles ne sont intervenues qu'en application des dispositions de la convention IRCA conclue entre assureurs ; elles ne sont débitrices d'aucune indemnité ;

- la GMF peut être condamnée sur le fondement de sa garantie contractuelle et ne peut donc solliciter sa mise hors de cause ;

- les rapports d'expertise ne permettent pas de conclure à l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la naissance prématurée de [X] et l'accident litigieux ;

- le docteur [N] n'établit pas une causalité directe et certaine et semble faire abstraction de la précédente grossesse de Mme [R] qui a déjà été confrontée à une fissuration de la poche des eaux bien avant le terme et considérer que le choc de l'accident est une cause possible et non certaine de la RPM ;

-la seule proximité temporelle entre l'accident et la rupture de la poche, et l'absence d'antécédent semble faire pencher l'expert en faveur d'un lien de causalité ;

- il relève lui-même que le délai de 6 jours lui « parait un peu tardif pour être la cause unique », enfin il refuse de manière inexplicable de considérer que la fissuration de la poche apparue à 26 semaines d'aménorrhée lors d'une précédente grossesse puisse démontrer une certaine fragilité antérieure connue':

Sur l'existence d'un antécédent en lien avec l'accouchement prématuré est clairement mentionnée au dossier médical de Mme [R] ;

Sur le traumatisme subi par celle-ci, étant précisé qu'il n'y a pas eu d'impact corporel, est qualifié de « léger » or seuls les « traumatismes violents » peuvent être en principe à l'origine d'accouchement prématuré ;

Sur la concordance chronologique entre l'accident et l'accouchement prématuré ne peut être retenue comme élément de preuve d'un lien de causalité ; le délai entre les deux évènements a été estimé comme tardif par l'expert ;

- La GMF est le débiteur final de l'indemnisation de M.[O] et Mme [R] et n'a jamais contesté la responsabilité pleine et entière du conducteur du véhicule qu'elle assurait, ni l'application de sa garantie en l'espèce.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 27 septembre 2021, la SA GMF demande à la cour de :

- ordonner sa mise hors de cause du fait qu'aucune réclamation n'a été dirigée à son encontre en première instance, et du fait d'une demande nouvelle en cause d'appel des Compagnies d'assurances co-intimées,

*à titre subsidiaire,

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-condamner tout contestant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Henri Labi avocat,

Elle soutient que :

- il n'est pas sérieusement contestable que le véhicule assuré auprès des Compagnies MMA est co-impliqué dans la survenance de l'accident ;

- aucune demande n'a été formulée à l'encontre de la Compagnie GMF en première instance et la réclamation développée en cause d'appel est en conséquence une demande nouvelle irrecevable ;

- M.[O] n'est pas plus recevable dans sa demande d'indemnisation provisionnelle en sa qualité de victime par ricochet, d'un préjudice subi par son fils, dont il a déjà été débouté ;

- le rapport d'expertise sur lequel s'appuient les appelants est incomplet et irrégulier la GMF n'ayant pas été appelée aux opérations d'expertise, et il est contredit par les autres experts dont le docteur [H] qui a analysé de manière très convaincante l'absence de lien entre la naissance prématuré de [X] et l'accident.

La CPAM des Bouches du Rhône n'a pas constitué avocat mais a fait parvenir un courrier à la cour le 24 avril 2023 par lequel elle fait état de ses débours.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1-Sur le lien de causalité direct et certain entre la naissance prématurée de l'enfant et l'accident

Les appelants font grief au premier juge d'avoir écarté tout lien de causalité entre le dommage subi': l'accouchement prématuré de [X] et l'accident de la circulation subi par sa mère alors qu'aucune autre cause que l'accident ne peut être à l'origine du dommage et que l'expert judiciaire [N] confirme bien qu'il existe des indices précis et concordants qui établissent avec certitude le lien de causalité direct et certain.

La société MMA Iard et la SA GMF considèrent au contraire qu'aucun lien de causalité n'est démontré, que l'analyse de l'expert [N] qui n'a pas été faite au contradictoire de la GMF est une simple hypothèse et que les fissurations de la poche sont pour la majeure partie des situations inexplicable.

S'agissant de l'opposabilité de l'expertise à la GMF, il est désormais, de jurisprudence constante qu'un rapport d'expertise peut être opposé, alors même qu'il n'est pas établi qu'une partie a été mise en mesure de présenter ses observations au cours d'une discussion contradictoire avec l'expert judiciaire, dès lors que ce rapport a pu dans la cadre de l'instance où cette nouvelle partie a été appelée, être contradictoirement discuté par les parties et qu'il n'est pas le seul fondement de la décision (Civ.3e, 12 nov. 2015 n°14-15.737).

Il en ressort que le rapport d'expertise judiciaire régulièrement communiqué à la SA GMF a pu être discuté et lui est opposable. La cour est dés lors parfaitement fondée sous réserve de ne pas se limiter à ses seules conclusions de s'y référer pour prendre sa décision.

Ce rapport d'expertise mentionne que le dommage a plusieurs causes dont celle de l'accident de la circulation litigieux et cela à hauteur de 60 à 80'%.

L'expert [N] conclut ainsi':'A notre avis l'accident en mettant en jeu la colonne liquidienne et le mobile foetal dans un mouvement d'avant en arrière a fragilisé les membranes amenant à leur rupture secondaire même si le délai de 6 jours est un peu long mais aux vues du déroulement de la grossesse et des antécédents de Mme [D] à priori rien ne la prédisposait à une RPM comparativement à une autre parturiente.

Il ne me semble pas possible de pouvoir retenir une imputabilité totale en relation certaine, directe et exclusive entre l'accident et la naissance prématurée. Pour autant on ne peut pas nier la concordance de temps ni la continuité évolutive ou l'enchaînement clinique ni la certitude diagnostique tout comme l'intensité et la réalité du traumatisme initial même si l'absence de certificat médical initial ne permet pas de savoir s'il y a eu une contusion abdominale, du fait du choc des mouvements de décélération sont survenus.

La rupture des membranes 6 jours plus tard me parait un délai un peu tardif pour être la cause unique mais ne peut en aucun cas être exclue, l'accident peut parfaitement avoir fragilisé les membranes par mise en tension de la colonne liquidienne ce qui par définition ne donne aucune trace sur aucun examen physique.

Par ailleurs, Mme [D] ne présentait aucun autre facteur de risque connu de RPM notamment pas d'infection, ni cause obstétricale ou mécanique hormis l'accident.

Une imputabilité partielle me paraît en revanche tout à fait possible et probable même si 60% des RPM sont de causes inconnues. Toute la difficulté est d'apprécier cette imputabilité partielle avec perte de chances car pour des raisons éthiques fort évidentes il n'existe aucune étude permettant de la chiffrer en evidence based médecine. Nous l'évaluons à dire d'expert entre 60 et 80 %, le reste relevant justement de causes inconnues. Il appartiendra au Tribunal de faire sa religion.

En réponse aux dire de maître [B] en date du 25/07/17, nous maintenons notre position si 60 % de RPM sont de causes inconnues, en revanche 40% ont des causes bien connues et développées plus haut dont les causes mécaniques par accident de la circulation comme chez Mme [R].

L'évaluation d'une imputabilité partielle entre 60 à 80 % n'a rien à voir avec les 60% de causes inconnues mais relève de l'appréciation in concreto du cas particulier de Mme [R].'»

S'il est exact que le docteur [H] qui n'a étudié le dossier que sur pièces, a pour sa part relevé une fragilité antérieure en notant une fissuration de membrane lors de son premier accouchement et a précisé que les pertes de grossesse qui surviennent après un accident de la circulation sont plutôt dues à un hématome rétroplacentaire ou à une rupture utérine, il reconnaît que les RPM sont souvent multifactorielles.

Il est en revanche démenti par les éléments médicaux produits à l'expert [N] (dossier de suivi de grossesse) qui viennent établir que contrairement à ce qu'il indique si Mme [D] a été hospitalisée 48 heures pour suspicion de rupture de la poche des eaux et présenté un risque d'accouchement prématuré en raison d'un col court, ce diagnostic ne sera pas confirmé et Mme [R] accouchera à terme. Il s'en déduit que Mme [R] ne présentait pas d'antécédents de RPM.

Les sociétés d'assurance intimées soutiennent encore que les conclusions de l'expert [N] ne permettent pas de rapporter la preuve de présomptions précises et concordantes en faveur du lien de causalité puisque selon la jurisprudence citée par les appelants, elles doivent permettre d'exclure d'autre cause et relever de l'évidence. Or les causes de rupture prématurées de membrane chez Mme [D] sont multiples.Outre les antécédents que la cour vient d'écarter ces derniers n'étant pas établis, elles invoquent que rien ne permet de démontrer que la grossesse de Mme [R] était sans pathologie en l'absence de communication de la mesure du col et de l'échographie du 2ème trimestre ni que le choc modéré de l'accident soit à l'origine de la naissance prématurée de [X] dés lors que de nombreuses études ont montré que le taux de perte de grossesse avec un traumatisme modéré était très faible (1%) et que cette perte provient plutôt d'hématomes rétro-placentaires ou de rupture utérine ce qui n'est pas le cas de Mme [R].

Elle ajoutent que si lors de son examen aux urgences qui a selon le docteur [N] forcement eu lieu compte tenu de son état de grossesse, il y avait eu des éléments faisant craindre un accouchement prématuré ils auraient été constatés et Mme [D] aurait été hospitalisée.

Toutefois, cette approche est contredite par les mentions du rapport [N] qui sont corroborées par les pièces médicales versées aux débats par Mme [D] et M.[O].

Ainsi s'agissant du suivi de la grossesse de Mme [D], l' attestation du docteur [C] (pièce n° 2) et les examens échographiques des 1 et 2ème trimestres permettent de corroborer les conclusions de l'expert sur le bon déroulement de la grossesse sans pathologie. De même, l'absence de prédisposition de Mme [D] à une RPM est confirmé par son dossier médical de première grossesse. Enfin, la violence du choc est retenu par l'expert [N] contrairement aux affirmations du docteur [H] sur un choc modéré et surtout corroboré par l'expertise de dégâts matériels du 22 octobre 2014 (Pièces n° 29) ainsi que par le compte rendu des pompiers et du SMUR qui sont intervenus (pièces n° 6, 7, 10,11).

Il ne peut être nié par ailleurs que Mme [D] présentaient des douleurs au dos et au cou qui ont donné lieu à la prescription d'une ré-éduccation fonctionnelle ce qui ne peut que confirmer la violence du choc subi. Peu importe ainsi qu'aucun élément ne permette de confirmer une contusion abdominale. Le choc a eu lieu et a été suffisamment violent pour que l'avis du docteur [N] sur la mise en jeu de la colonne liquidienne et le mobile foetal dans un mouvement d'avant-arrière ait fragilisé les membranes amenant à leur rupture secondaire.

De surcroît, l'absence de production de l'examen gynécologique réalisé par les urgences de l'hôpital nord dont il ressort des constatations de l'expert [N] qu'il n'a pu être retrouvé, et qui est mentionné sur le certificat médical des urgences «'strictement normal'» (pièce n° 8) ne viendrait pas pour autant remettre en cause l'avis de l'expert [N] indiquant que «'l'accident a (pu) parfaitement avoir fragilisé les membranes par mise en tension de la colonne liquidienne ce qui par définition ne donne aucune trace sur un examen physique'».

L'expert [N] insiste enfin sur la chronologie et l'enchaînement clinique pour écarter le fait que la RPM se soit produit à distance de l'accident (6 jours). Mais la cour observe que s'il considère que l'accouchement prématuré est imputable à l'accident de la circulation, il considère qu'il existe pour une partie moins importante, d'autres causes qui ne lui sont pas connues.

Ainsi contrairement à ce qu'ont soutenu les intimés les conclusions de l'expert [N] corroborées par les pièces médicales et l'absence totale de démonstration contraire, constituent des présomptions graves, précises et concordantes, selon l'article'1353 du Code civil dans sa rédaction en vigueur au cas d'espèce du rôle joué par l'accident de la circulation litigieux dans la réalisation du dommage. Il ne s'agit donc pas de simples hypothèses.

Par ailleurs, la cour reprenant la théorie dite de l'équivalence des conditions qui confère à tous les éléments qui ont conditionné le dommage une équivalence, chacun des éléments, en l'absence duquel le dommage ne serait pas survenu, doit être considéré comme la cause du dommage. Autrement dit dès lors que plusieurs causes produites successivement ont été les conditions nécessaires du dommage, toutes sont les causes, de la première à la dernière, qui y ont contribuées'

Il est dès lors parfaitement établi que Mme [D] a été victime d'un accident de la circulation qui a participé à la réalisation de son dommage même si d'autres causes non connues ont pu avoir un rôle dans l'accouchement prématuré de [X] et que cet accident doit être considéré comme la cause de l'accouchement prématuré de son fils [X].

Il s'en déduit que le jugement de première instance doit être infirmé en ce qu'il a écarté tout lien causal entre le dommage et l'accident de la circulation litigieux.

3-Sur les préjudices

- sur le préjudice subi par l'enfant [X]

Le rapport [N] retient un préjudice temporaire lié à la prématurité de l'enfant mais conclut à sa non consolidation au jour où il l'examine. Il indique ainsi' que certains postes de préjudices sont identifiables':

- Gêne temporaire totale pendant les périodes d'hospitalisations:

* du [Date naissance 2]/2014 au 13/01/2015 (66 jours),

*du 04/02/2015 au 13/03/2015 (38 jours),

*du 31/03/2015 au 02/04/2015 (3 jours),

*le 21/04/2015 (1 jour),

*le 23/06/2015 (1 jour),

*du 13/07/2015 au 15/07/2015 (3 jours).

Soit un total de 112 jours.

- Gêne temporaire partielle de classe 2 à 20%:

*du 14/01/2015 au 03/02/2015 (21 jours),

*du 14/03/2015 au 30/03/2015 (17 jours),

*du 03/04/2015 au 20/04/2015 (18 jours),

*du 22/04/2015 au 22/06/2015 (62 jours),

*du 24/06/2015 au 12/07/2015 (19 jours),

Soit un total de 137 jours

- Gêne temporaire partielle de classe 1 à10%:

* du 15/07/2015 au 22/02/2017, soit 589 jours ;

- Souffrances endurées: non inférieures à 4/7 ;

- Préjudice esthétique temporaire: 2/7.

Les sociétés MMA et la SA GMF soutiennent que rien ne permet de faire le lien entre les troubles présentés par l'enfant et l'accident litigieux.

Toutefois, si l'expert judiciaire note que [X] devait être ré-examiné par le service néonatologie de l'hôpital de [13] en mars 2017 et que ses parents devaient lui faire parvenir les résultats, c'était non pas pour remettre en cause le lien de caducité entre les troubles de l'enfant liés à sa prématurité et l'accident mais pur l'annexer en accord avec toutes les parties au rapport'.

M.[O] et Mme [D] dont il n'est plus contesté ni contestable en l'état de l'acte de naissance de [X] (pièce n° 13) qu'ils ont qualité pour représenter tous deux leur enfant commun mineur, produisent pour leur part aux débats les comptes rendu d'hospitalisations de l'enfant durant les années 2014 et 2015, ainsi que les bilans psychologiques et scolaires de l'enfant. Il sera observé que [X] a été reconnu comme ouvrant droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en septembre 2020. Ils sollicitent ainsi une provision à valoir sur le préjudice à hauteur de 80 000 euros.

Il ressort de l'ensemble de ces pièces que [X] a rencontré de sérieux problèmes de santé liés à sa prématurité et qu'il est en difficulté dans les apprentissages malgré les aides mises en place.

La demande de provision est fondée et au regard des conclusions de l'expert au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires (souffrances endurées et préjudice esthétique temporaire) rappelées ci-dessus il peut d'ores et déjà être accordé à [X] représenté par ses parents en leur qualité de représentant légaux la somme de 30 000 euros à valoir sur son préjudice corporel.

- sur l'irecevabilité de M. [O] et de Mme [D] en leur qualité victimes indirectes.

M.[O] est le père de [X] et sollicite à ce titre une provision à valoir sur son préjudice d'affection et d'accompagnement à hauteur de 10 000 euros.

Il est constant que la transaction qu'il a signée avec les sociétés MMA et la SA GMF ne concerne que son préjudice personnel. Mais il est également constant que sa demande d'indemnisation formée en première instance ne portait que sur son préjudice corporel personnel déjà indemnisé par la transaction comme l'a retenu le premier juge.

Par voie de conséquence cette demande d'indemnisation en qualité de victime indirecte n'est pas au sens des articles 565 et 566 du Code civil le complément ou l'accessoire de sa demande initiale puisqu'en qu'en première instance il plaidait d'ores et déjà pour la reconnaissance du lien de causalité entre l'accident et la prématurité de son enfant et pour autant formé aucune demande au titre de son préjudice de victime indirecte.

Il sera par voie de conséquence déclaré irrecevable dans sa demande de provision à ce titre.

Et il en sera de même pour Mme [D] qui n'a pas plus formé aucune demande en première instance concernant son préjudice de victime indirecte du fait de la prématurité de son fils.

- sur liquidation du préjudice personnel de Mme [D]:

Mme [D] demande que la cour tienne compte de ce que l'accouchement prématuré et le stress qu'il a généré chez elle et non pris en compte par l'expert amiable [L], induise une majoration des postes de préjudices accordés.

Le docteur [L] a retenu':

- absence arrêt temporaire du travail

- pas de gêne temporaire totale

- une gêne partielle temporaire de classe II durant 2 semaines et de classe I durant 2 mois

- consolidation au 31/12/2014

- AIPP nulle

- souffrances endurées 1/7

- dommage esthétique nul

La CPAM des Bouches du Rhône a produit sa créance se décomposant comme suit':

- frais d'hospitalisation': du 21/10/2014 au [Date naissance 2]/2014': 27 816 euros et du 21/11/2014 au 08/12/2014': 30 516 euros'; enfin du 26/12/2014 au 31/12/2014 1140 euros,

- frais médicaux': 69 euros,

- frais pharmaceutiques': 492,75 euros,

- frais d'appareillage': 108,63 euros,

Dépenses de santé actuelles

Mme [R] ne demande rien à ce titre qui lui soit resté à charge. Ce poste de préjudice est donc constitué des frais prix en charge par la CPAM s'élevant à la somme de 60 142,38 euros qui prennent en compte les temps d'hospitalisations lié à la RPM et à son accouchement prématuré.

Ces sommes reviennent à la CPAM des Bouches du Rhône.

Le déficit fonctionnel temporaire

Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Par ailleurs l'évaluation des troubles dans les conditions d'existence tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.

En l'espèce, c'est avec raison que Mme [D] fait valoir que doit être pris en compte sa période d'hospitalisation lié au risque d'accouchement prématuré que le docteur [L] n'a pas retenu. Cependant au regard du décompte de la caisse cette période doit être fixé à 38 jours auquel il faut retrancher la période moyenne d'hospitalisation lors d'un accouchement qui est fixé par Mme [R] à 7 jours nsoit 31 jours de déficit fonctionnel à 100'%.

La cour retiendra une indemnisation journalière à hauteur de 27 euros.

Cette base sera multipliée par le nombre de mois correspondant à la durée de l'incapacité temporaire avec un abattement proportionnel pour l'incapacité temporaire partielle.

Ainsi ce poste de préjudice s'élève à':

*DFT à 100'% 31 j x 27 euros = 837 euros';

*DFT à 25'% 15 j x 27 euros= 405 euros';

*DFT à 10'% 60 j x 27 euros= 1 620 euros';'

soit un total de 2 862 euros.

Les souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

Il est certain que n'a pas été pris en compte le stress de son hospitalisation en urgence pour RPM ni l'inquiètude liée à la naissance prématurée de son enfant.

Par voie de conséquence, les souffrances endurées seront évaluées à 3/ 7 soit à la somme de 6 000 euros.

Le déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence.

Il s'agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

Le taux du déficit fonctionnel est évalué par l'expert.

En l'espèce Mme [D] conteste l'évaluation de l'expert qui n'a pas retenu le lien de causalité entre son accouchement prématuré et l'accident. Toutefois, elle ne rapport aucun élément médical qui permettre d'apprécier que cet évènement a majoré son déficit fonctionnel permament.

Par voie de conséquence, le taux retenu par la cour sera celui retenu par le docteur [L] de 1'% et la valeur du point sera fixé à 1 960 euros s'agissant d'une femme âgé de 26 ans au jour de la consolidation .

Ce poste de préjudice sera donc fixé à la somme de 1960 euros.

Au total son préjudice se décompose comme suit':

-dépenses de santé actuelles': 60 142,38 euros revenant intégralement à la CPAM,

-déficit fonctionnel temporaire': 2 862 euros

-souffrances endurées': 6 000 euros

-déficit fonctionnel permanent': 1 960 euros';

soit un total revenant à Mme [D] de 10 822 euros.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné les sociétés MMA à payer à Mme [D] la somme de 2 175 euros outre les intérêts.

4-Sur la mise hors de cause de la SA GMF et sur la garantie des sociétés MMA

En des articles 564 et 565 du code de procédure civile rappelés supra, la GMF soulève l'irrecevabilité des demandes formées par les MMA en cause d'appel à son encontre.

Il est en effet constant qu'en première instance aucune demande n'a été formé contre la GMF partie intervenante. Ainsi s'agissant de l'exercice de leur action récursoire contre l'assureur du tiers responsable les MMA se devaient de présenter dés la première instance cette demande sous peine d'irrecevabilité en appel, ce qu'elle se sont abstenues de faire privant ainsi la GMF dans l'hypothèse d'uen condamnation du double degré de juridiction. Par voie de conséquence la demande d'être relevées et garanties par la GMF doit être déclarée irrecevable.

Enfin, les MMA assureurs du véhicule conduit par M.[O] et dont Mme [D] était passagère sont ayant pris en charge l'indemnisation du sinistre au titre d'un mandat IRCA doit sa garantie aux victimes de l'accident litigieux.

5- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante à titre principal, les sociétés MMA supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande d'allouer à [P] [O] et à Mme [Z] [D] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure que les sociééts MMA seront condamnées à leur payer et les autres demandes de ce chef seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare irrecevable les demandes d'indemnisation formée par [P] [O] et à Mme [Z] [D] en leur qualité de victimes indirectes';

Déclare les demandes formées contre la SA GMF irrecevables en cause d'appel';

Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a déclaré le jugement opposable à la CPAM des Bouches du Rhône eten ce qu'il a déclaré [P] [O] irrecevables en ses demandes en son nom personnel ';

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevable M.[P] [O] et Mme [Z] [D] recevables en leurs demandes en qualité de représentant de leur fils mineur [X] [O]';

Condamne les sociétés MMA Iard Mutuelles et MMA Iard à payer à titre de provision à valoir sur le préjudice subi par [X] [O] représenté par ses parents M.[P] [O] et Mme [Z] [D]' la somme de 25 000 euros';

Fixe le préjudice de Mme [Z] [D] en réparation de son préjudice personnel de la manière suivante':

- dépenses de santé actuelles': 60 142,38 euros revenant intégralement à la CPAM,

- déficit fonctionnel temporaire': 2 862 euros,

- souffrances endurées': 6 000 euros,

-déficit fonctionnel permanent': 1 960 euros,

Fixe la créance de la CPAM des Bouches du Rhône à la somme de 60 142,38 euros';

Fixe la part revenant à Mme [D] à la somme de 10 822 euros';

Condamne les sociétés MMA Iard Mutuelles et MMA Iard à lui payer cette somme en réparation de son préjudice'en sa qualité de victime directe avec intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance comme demandé par Mme [D], sur la somme de 2 175 euros et à compter de l'arrêt à hauteur de la différence soit 8 647 euros, et ordonne leur capitalisation ;

Les condamne à supporter les dépens de première instance et d 'appel et ordonne recouvrement direct au profit des conseils qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile';

Les condamne à payer à M.[P] [O] et Mme [Z] [D] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure';

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 20/11300
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;20.11300 ?
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