La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2024 | FRANCE | N°21/08881

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 29 mai 2024, 21/08881


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2024



N° 2024/123







Rôle N° RG 21/08881 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHUKX







[R] [S]





C/



[W] [S]



[B] [S] épouse [H]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Olivier FAUCHEUR



Me Jean-françois JOURDAN









r>




Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 30 Mars 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00800.





APPELANT



Monsieur [R] [S]

né le [Date naissance 14] 1939 à [Localité 25], demeurant [Adresse 17]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2024

N° 2024/123

Rôle N° RG 21/08881 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHUKX

[R] [S]

C/

[W] [S]

[B] [S] épouse [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Olivier FAUCHEUR

Me Jean-françois JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 30 Mars 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00800.

APPELANT

Monsieur [R] [S]

né le [Date naissance 14] 1939 à [Localité 25], demeurant [Adresse 17]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/007344 du 17/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté par Me Olivier FAUCHEUR, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [W] [S]

né le [Date naissance 16] 1962 à [Localité 25], demeurant [Adresse 28]

représenté par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) substitué par Me Laurent LACAZE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Laurence COUPAS, avocat au barreau de LYON

Madame [B] [S] épouse [H]

née le [Date naissance 15] 1966 à [Localité 24], demeurant [Adresse 13]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) substitué par Me Laurent LACAZE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Laurence COUPAS, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Mme Pascale BOYER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2024,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

2

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 18 décembre 2000, M. [G] [U] dit « [R] » [S] et sa fille Mme [B] [S] ont acquis auprès de l'office HLM de la ville de [Localité 27] la pleine propriété d'un appartement, d'une cave et d'une aire de stationnement (lots n°22, n°2013 et n°2019) dans un ensemble immobilier dénommé « Résidences Saint Maurice », situé [Adresse 23] et [Adresse 22].

Le père a acquis l'usufruit et la fille la nue-propriété.

Par acte authentique du 12 janvier 2001, Mme [B] [S] a vendu la moitié de la nue-propriété à son frère, M. [W] [S], devenant ainsi co-indivisaires de la nue-propriété.

Le 11 juin 2013, le syndicat des copropriétaires de la résidence a assigné M. [R] [S] et sa fille en paiement d'arriérés de charges de copropriété.

Le 31 août 2016, M. [R] [S] a fait part à ses enfants de sa volonté de sortir de l'indivision, leur a proposé :

- Soit la vente de son usufruit,

- Soit de le convertir en rente mensuelle,

- Soit de vendre les biens et droits immobiliers et de répartir le prix de vente à hauteur des parts respectives de chacun sous condition d'une cession au plus tard le 1er mars 2017 et la prise en charge de ses dettes pour un montant de 17 596,42 €.

Par acte d'huissier en date des 10 et 22 février et 03 mars 2016, M. [R] [S] a assigné en référé le syndicat des copropriétaires de la résidence, le propriétaire de l'appartement voisin et ses enfants aux fins d'ordonner une expertise sur l'appartement en raison de fissures apparues suite à des travaux réalisés par le voisin.

Par ordonnance de référé du 12 juillet 2016, M. [R] [S] a été débouté de ses demandes.

Le 14 novembre 2016, il a refusé une proposition faite par ses enfants de vendre l'appartement pour en racheter un plus petit, sous le même démembrement.

Par acte d'huissier en date du 16 novembre 2016, M. [R] [S] a assigné ses enfants devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins d'ordonner la licitation et le partage des biens immobiliers, de désigner un expert pour en déterminer la valeur vénale et les condamner à réparer son préjudice du fait de leur carence abusive.

Par jugement du 16 avril 2018, le juge de l'exécution a débouté M. [R] [S] de ses demandes d'annulation des actes d'exécution de l'ordonnance de référé et des délais de paiement.

Par arrêt de la cour de céans rendu le 30 janvier 2020, ce jugement a été confirmé.

Par jugement contradictoire du 30 mars 2021, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, le tribunal de grande instance de Nice a :

- Déclaré irrecevable la demande de partage judiciaire formée par [R] [S] portant sur l'ensemble immobilier constitué par les lots n°22, n°20l3 et n°20I9 sis à [Localité 27], [Adresse 23] sans numéro et [Adresse 22] sans numéro dans une copropriété « dénommé » «RESIDENCES SAINT MAURICE,

- Débouté [R] [S] de ses demandes de licitation et d 'expertise,

- Débouté [R] [S] de sa demande de dommages et intérêts,

- Condamné [R] [S] à payer à [W] [S] et [B] [S], nus-propriétaires, la somme de 13 292€ en remboursement des charges de copropriété de février 2014 à novembre 2019,

- Débouté [R] [S] de sa demande de compensation,

- Débouté [W] [S] et [B] [S] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- Condamné [R] [S] à payer à [W] [S] et [B] [S] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné [R] [S] aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Carole DUNAC BORGHINI Avocat.

Les parties n'ont pas justifié de la signification du jugement.

Par déclaration reçue le 15 juin 2021, M. [R] [S] a interjeté appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 09 août 2023, l'appelant demande à la cour de :

EN LA FORME,

- RECEVOIR Monsieur [R] [S] en son appel ;

AU FOND,

- LE DIRE bien fondé ;

- INFIRMER le jugement rendu par la 3ème Chambre Civile du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 30.03.2021 en ce qu'il a :

o DECLARÉ irrecevable la demande de partage judiciaire sur les lots 22, 2013, 2019 sis [Adresse 23] et [Adresse 22] "SAINT MAURICE" [Localité 27],

o N'a pas ORDONNÉ la cessation de l'indivision immobilière,

o DEBOUTÉ M. [S] [R] de ses demandes de licitation et d'expertise,

o N'a pas commis un Notaire pour procéder aux opérations de compte liquidation partage sous la surveille d'un juge commis, et en cas d'empêchement leur remplacement par ordonnance présidentielle,

o N'a pas désigné d'expert pour estimer la valeur vénale du bien en question,

o DEBOUTE M. [S] [R] de sa demande de dommages et intérêts,

o CONDAMNÉ M. [S] [R] à payer à [W] [S] et [B] [S] la somme de 13 292 € au titre des charges de copropriété de février 2014 à novembre 2019,

o DEBOUTÉ M. [S] [R] de sa demande de compensation avec la perte de valeur du bien du fait de la carence des nus- propriétaires,

o CONDAMNÉ M. [S] [R] à payer à [S] [W] et [S] [B] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

o CONDAMNÉ M. [S] [R] aux entiers dépens de l'instance,

o N'a pas condamné [S] [W] et [B] à une indemnité au titre de l'article 700 du CPC

ET STATUANT A NOUVEAU,

Vu les dispositions des articles 815 et suivants du Code Civil,

Vu les dispositions des articles 599 et suivants du Code Civil,

Vu les dispositions de l'article 1686 du Code Civil,

Vu les dispositions des articles 1347 et suivants du Code Civil,

Vu les dispositions des articles 1361 et 1377 du Code de Procédure Civile,

A titre principal,

VOIR ORDONNER en la forme de droit la cessation de l'indivision immobilière existant entre Monsieur [R] [S], Monsieur [W] [S], Madame [B] [H].

VOIR au préalable ORDONNER pour y parvenir, la vente par licitation, à la barre du Tribunal, des biens immobiliers ci-après décrit :

Les biens et droits dépendant d'un ensemble immobilier sis à [Localité 27] (Alpes Maritimes) [Adresse 23] sans numéro et [Adresse 22] sans numéro dénommé « RÉSIDENCES SAINT MAURICE », ledit immeuble cadastré section EI n° [Cadastre 18] pour une contenance de 33a 37ca, EI n° [Cadastre 19] pour une contenance de 25ca, EI n° [Cadastre 20] pour une contenance de 97a 31ca, EI n° [Cadastre 21] pour une contenance de 1a, Ei n° [Cadastre 1] pour une contenance de 3a 31ca, EI n° [Cadastre 2] pour une contenance de 1a 26ca, EI n° [Cadastre 3] pour une contenance de 60ca, EI n° [Cadastre 4] pour une contenance de 6ca, Ei n° [Cadastre 5] pour une contenance de 1a 15ca, Ei n° [Cadastre 6] pour une contenance de 19ca,

EI n° [Cadastre 7] pour une contenance de 75ca,

EI n° [Cadastre 8] pour une contenance de 5ca, EI n° [Cadastre 9] pour une contenance de 1a 41ca,

EI n° [Cadastre 10] pour une contenance de 28a 42ca, EI n° [Cadastre 11] pour une contenance de 95a

33ca, EI n° [Cadastre 12] pour une contenance de 51a 61ca.

Savoir, les lots :

- Lot numéro VINGT DEUX (22) :

Une aire de stationnement particulière pour voiture automobile sise à l'extérieur, et les 10/100045e des parties communes générales.

- Lot numéro DEUX MILLE TREIZE (2013) :

Dans le bâtiment deux, entrée une, au sous-sol, une CAVE figurant sous teinte jaune au plan, et les 1/100045e des parties communes générales.

- Lot numéro DEUX MILLE DIX NEUF (2019) :

Dans le bâtiment deux, entrée une, au premier étage, un APPARTEMENT, comprenant:

Une entrée avec un placard, une salle de séjour avec un placard, deux chambres, une cuisine, une salle d'eau, un water-closet, dégagement, un placard, une loggia, tel que le tout figurant sous teinte jaune au plan et les 271/100045e des parties communes générales.

VOIR COMMETTRE un Notaire pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, et notamment la réalisation des formalités requises.

VOIR COMMETTRE l'un des Juges du siège pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficultés.

DIRE qu'en cas d'empêchement des Notaires et Magistrats commis, il pourra être procédé à leur remplacement par ordonnance de Monsieur le Président rendue sur simple requête.

VOIR DESIGNER tel expert qu'il plaira au Tribunal à l'effet d'évaluer la valeur vénale et locative du bien en prenant en compte les éléments de minoration ou de majoration du prix de vente du fait du refus des nus propriétaires de s'associer à la demande d'expertise judiciaire sollicitée par l'usufruitier afin de faire la lumière sur les travaux réalisés par le voisin du dessus et susceptible d'avoir porté atteinte à la solidité de l'immeuble.

CONDAMNER solidairement Monsieur [W] [S] et Madame [B] [H] à verser à Monsieur [R] [S] la somme de 5.000 € en réparation du préjudice subi du fait de leur carence abusive ;

REJETER la demande reconventionnelle formulée par Monsieur [W] [S] et Madame [B] [H] tendant à la condamnation de Monsieur [R] [S] à leur verser la somme de 17.212 € au titre d'arriérés de charges de copropriétés,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire il était fait droit à la demande reconventionnelle formulée par Monsieur [W] [S] et Madame [B] [H],

METTRE A LA CHARGE de l'usufruitier les seules charges locatives, le reste demeurant à la charge des nus-propriétaires ;

A titre infiniment subsidiaire,

ACCUEILLIR la demande reconventionnelle formulée par Monsieur [R] [S] tendant à la réparation du préjudice subi du fait de la perte de valeur sur le bien immobilier ayant pour conséquence une réduction de valeur de sa part d'usufruit,

DIRE ET JUGER que la réparation du préjudice subi par Monsieur [R] [S] viendra en compensation de la demande reconventionnelle formulée par les défendeurs en ce que les parties sont créancières et débitrices l'une de l'autre,

En tout état de cause,

DEBOUTER Monsieur [W] [S] et Madame [B] [H] de leur arguments, fins et conclusions ;

Les CONDAMNER sous la même solidarité à verser à Monsieur [R] [S] la somme de 4.000 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Dans le dernier état de leurs écritures récapitulatives transmises par voie électronique le 05 octobre 2021, les intimés sollicitent de la cour de :

Confirmer le jugement du 30 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Nice sauf à voir :

Condamner Monsieur [R] [S] à payer à Monsieur [W] [S] et Madame [B] [S] la somme de 17212 € en remboursement des charges de copropriété de février 2014 à ce jour.

Condamner Monsieur [R] [S] à régler aux défendeurs la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts

Y additant,

Condamner Monsieur [R] [S] à régler aux défendeurs la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Monsieur [R] [S] aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Jean-François JOURDAN sur son affirmation de droit.

Par avis du 13 novembre 2023, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 10 avril 2024.

La procédure a été clôturée le 13 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler que :

- en application de l'article 954 du code de procédure civile, la Cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif,

- l'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation',

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte', de sorte que la cour n'a pas à statuer.

Il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que ' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la Cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis la décision querellée et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.

Toutes les dispositions de la décision entreprise qui ne sont pas contestées par les parties sont devenues définitives.

Le jugement est critiqué dans son intégralité.

Sur la recevabilité de la demande en partage

L'article 815 du code civil dispose que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention ».

Aux termes de l'article 840 du même code, « le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837 ».

Pour déclarer la demande de partage irrecevable, le tribunal a relevé la qualité d'usufruitier du demandeur, le privant de solliciter le partage des droits démembrés de la propriété de l'ensemble immobilier.

Au soutien de sa demande de voir cesser l'indivision immobilière, l'appelant fait valoir essentiellement qu'il existe une indivision sur la nue-propriété.

Les intimés indiquent en substance qu'il n'existe pas d'indivision entre l'usufruitier et le nu-propriétaire puisqu'ils sont titulaires de droits de nature différente et indépendants l'un de l'autre.

Aux termes des actes authentiques, il ressort que les seules parties détenant des droits indivis sur l'ensemble immobilier sont les enfants de l'appelant, nus-propriétaires indivis. L'appelant est quant à lui usufruitier.

La seule indivision qui existe est celle entre les intimés.

Le démembrement de la propriété (nue-propriété/usufruit) entraîne des droits réels de nature différente.

L'indivision ne peut exister qu'entre des titulaires de droits de même nature ; or, le droit d'usufruit détenu par l'appelant n'est pas de même nature que les droits détenus par ses enfants. Il ne fait pas partie de l'indivision existante entre ses enfants ; l'appelant n'a donc pas qualité à demander le partage d'une indivision à laquelle il est étranger.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a justement déclaré sa demande irrecevable.

Sur la demande de licitation et d'expertise

Le jugement querellé a débouté l'appelant de sa demande de licitation et d'expertise aux fins d'évaluer la valeur vénale et locative du bien en raison de sa qualité d'usufruitier.

Au soutien de son appel, l'appelant, visant notamment l'article 815 du code civil, fait valoir en substance qu'il ne dispose pas des ressources nécessaires pour racheter la part de ses enfants et qu'ils ne veulent pas se porter acquéreur de la part du requérant. La seule solution est donc de vendre.

Les intimés rappellent essentiellement l'absence d'indivision avec leur père.

L'appelant ne possède pas la qualité d'indivisaire, n'étant qu'usufruitier ; il n'a donc aucune qualité à solliciter la vente du bien.

Les articles invoqués par l'appelant au soutien de son argumentation sont inapplicables en l'espèce, se rapportant à une indivision qui n'existe pas à son profit.

En conséquence, c'est par de justes motifs que le tribunal a débouté M. [R] [S] de ses demandes ; il convient donc de confirmer le jugement entrepris.

Sur la demande de l'appelant de dommages-intérêts

L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

Pour débouter l'appelant de sa demande initiale de dommages et intérêts, les premiers juges ont relevé que le demandeur ne rapportait pas la preuve d'une carence fautive des défendeurs dans leurs diligences face à un sinistre qui n'était pas établi.

Au soutien de sa demande en cause d'appel, l'appelant invoque « la particulière mauvaise foi et la carence abusive opposée par les enfants de l'exposant dans le seul but de lui nuire et de la bloquer dans le bien dont s'agit ».

Les intimés demandent la confirmation du jugement en ce que la preuve de leur carence fautive n'est pas rapportée.

L'appelant a modifié le motif de sa demande d'indemnisation : il reproche désormais à ses enfants « une particulière mauvaise foi et une carence abusive » l'obligeant à rester dans le bien.

Toutefois, il ne démontre pas plus qu'en première instance les motifs de sa demande, ne caractérisant pas ce qu'il reproche à ses enfants, ni le préjudice qu'il allègue, d'autant que les intimés ont proposé à leur père de vendre le bien pour en acquérir un autre, ce qu'il a refusé.

En l'absence de tout justificatif au soutien de sa demande de dommages et intérêts, il en sera débouté et le jugement querellé confirmé.

Sur la proposition des intimés

Comme rappelé ci-dessus, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la Cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Aucun chef de demande relatif à la proposition faite par les intimés à leur père n'est formulé dans le dispositif.

La cour n'est donc pas tenue d'y répondre.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement des charges de copropriété

Le jugement attaqué a condamné l'appelant à rembourser à ses enfants une somme de 13 292€ au titre du remboursement des charges de copropriété.

Les intimés sollicitent la confirmation de ce chef sauf à l'actualiser à la somme de 17 212 €.

L'appelant, qui reconnaît ne pas avoir réglé les charges de copropriété depuis février 2014, conteste devoir s'acquitter de telles charges, d'autant que l'acte d'origine ne permet pas de déterminer les frais de copropriété mis à la charge exclusive de l'usufruitier. Il ajoute ne plus jouir du bien puisqu'il a été obligé de déménager.

L'acte notarié du 18 décembre 2000 précise, dans un paragraphe intitulé « conditions d'exercice de l'usufruit », que l'usufruitier « acquittera jusqu'à l'extinction de l'USUFRUIT les dépenses de réparations et d'entretien, les frais de gestion et de fonctionnement de l'immeuble vendu, telles que les dépenses d'ascenseur, de chauffage, d'eau, d'électricité, d'achat de produits d'entretien pour les parties communes, de concierge, d'entretien du jardin, la taxe d'habitation, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, ainsi que les travaux et réparations lorsqu'ils deviennent nécessaires par défaut d'entretien, sans que cette énonciation soit limitative ». La phrase suivante relative à « toutes les autres charges de l'immeuble quelles qu'elles soient » incombant au nu-propriétaire est rayée.

L'appelant est donc redevable des charges afférentes au bien dont il a l'usufruit, et pour lequel un constat d'huissier établi le 22 septembre 2014 atteste qu'il loue une chambre à une jeune femme qui dispose d'un bail et qui s'acquitte d'un loyer depuis le 1er septembre 2014.

Il ressort des décomptes du cabinet [26], syndic de la copropriété que les intimés se sont bien acquittés de la somme de 13 292,78 € au titre des charges de copropriété sur la période 1er janvier 2014 au 13 novembre 2019, dont l'usufruitier est tenu aux termes de l'acte notarié ci-dessus rappelé.

Toutefois, la somme actualisée à 17 212 € n'est pas justifiée par un décompte du syndic.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'usufruitier à payer la somme de 13 292 € aux nus-propriétaires au titre des charges de copropriété de février 2014 à novembre 2019 mais à débouter ces derniers de l'actualisation sollicitée.

Sur la compensation formée par l'appelant

L'appelant ne justifiant d'aucune somme à percevoir des intimés, et ne justifiant aucunement de la perte de valeur sur le bien immobilier qu'il allègue sans le démontrer, aucune compensation ne peut être ordonnée.

Le jugement querellé doit donc être confirmé.

Sur la demande reconventionnelle des dommages-intérêts

Les intimés qualifient l'appel d'abusif et sollicite la condamnation de l'appelant en raison de sa mauvaise foi.

L'appelant demande le rejet de la demande.

L'appelant n'a apporté au soutien de son appel aucun élément nouveau par rapport aux arguments développés devant les premiers juges, soutenant faire partie de l'indivision lorsqu'il s'agit de demander le partage mais se qualifiant d'usufruitier lorsqu'il s'agit de régler les charges afférentes au bien immobilier.

Sans dénier le droit d'agir en justice, l'appelant, qui bénéficie de l'aide juridictionnelle, exerce des actions et recours devant de nombreuses juridictions, pour lesquelles il est débouté et condamné à chaque fois. Il résulte de la lecture des décisions produites que l'appelant disposait de moyens pour détenir deux véhicules et louer un autre garage que le sien, partageait sa vie avec une compagne et avait perçu une somme d'argent lors de la succession de sa mère.

Sa persistance contentieuse, ainsi que les refus aux propositions formulées par ses enfants, cause un préjudice à ces derniers qu'il convient d'indemniser en faisant droit à leur demande à hauteur de 5 000 €.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

L'appelant, qui succombe, doit être condamné aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par le mandataire de l'intimé, de sorte qu'il sera débouté de sa demande de remboursement de frais irrépétibles.

Les intimés ont exposé des frais de défense complémentaires en cause d'appel ; il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à leur profit à hauteur de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [B] [S] et à M. [W] [S] de leur demande de dommages et intérêts,

Statuant de nouveau sur le chef de jugement infirmé,

Condamne M. [R] [S] à verser à Mme [B] [S] et à M. [W] [S] une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute Mme [B] [S] et à M. [W] [S] de leur demande d'actualisation des charges de copropriété,

Condamne M. [R] [S] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Me Jean-François Jourdan, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [R] [S] à verser à Mme [B] [S] et à M. [W] [S] une indemnité complémentaire globale de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [R] [S] de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Michèle JAILLET, présidente, et par Madame Fabienne NIETO, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

la greffière la présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 21/08881
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.08881 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award