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28/05/2024 | FRANCE | N°22/15455

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 28 mai 2024, 22/15455


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/15455 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKLM4







[T] [I]





C/



MDPH DES BOUCHES DU RHONE





































Copie exécutoire délivrée

le : 28/05/2024

à :



- Me Michelle CHAMPDOIZEAU

-PASCAL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- MDPH DES BOUCHES DU RHONE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 27 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00726.





APPELANTE



Madame [T] [I]

(bénéficie d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/15455 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKLM4

[T] [I]

C/

MDPH DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le : 28/05/2024

à :

- Me Michelle CHAMPDOIZEAU-PASCAL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- MDPH DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 27 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00726.

APPELANTE

Madame [T] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006780 du 26/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michelle CHAMPDOIZEAU-PASCAL de la SCP PASCAL - CHAMPDOIZEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

MDPH DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

non comparante, non représentée

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2024.

ARRÊT

Par décision réputée contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 25 février 2019, Mme [T] [I] a demandé à la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Bouches-du-Rhône (dite ensuite la MDPH) le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapées (AAH).

Suite au refus d'octroi et après échec de son recours administratif préalable, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ne lui ayant reconnu qu'un taux d'incapacité inférieur à 50 %, Mme [I] a, le 19 février 2020, saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille de sa contestation.

Par jugement réputé contradictoire du 27 juin 2022, le pôle social a :

- déclaré le recours de Mme [I] recevable,

- déclaré le recours mal fondé,

- rejeté la demande d'AAH formée par Mme [I], celle-ci présentant au 25 février 2019, un taux d'incapacité inférieur à 50 %,

- confirmé la décision de la MDPH des Bouches-du-Rhône,

- laissé les dépens à la charge de la demenderesse à l'exception des frais de l'expertise médicale.

Le tribunal s'est en effet conformé aux conclusions de la consultation médicale ordonnée avant jugement.

Par déclaration électronique du 22 novembre 2022, Mme [I] a relevé appel du jugement.

La MDPH des Bouches-du-Rhône, régulièrement convoquée à l'audience, n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter. Dès lors, l'arrêt est réputé contradictoire.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées à la partie adverse et auxquelles elle s'est expressément référée, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- dire qu'elle présente au 25 février 2019 un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % avec une restriction substantielle et durable à l'accès à l'emploi,

- lui allouer l'AAH à compter du 25 février 2019.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir qu'agée de 35 ans à la date de sa demande, elle vit dans une grande précarité dès lors que son état de santé est incompatible avec toute activité professionnelle. Elle précise souffrir de nombreuses pathologies invalidantes. Elle affirme que son taux d'incapacité est supérieur à 50 % du fait de ses déficiences motrices et psychiques et que le médecin l'a déclarée inapte au travail.

MOTIVATION

Il résulte de la combinaison des articles L.821-1, L.821-2 et D.821-1 du code de la sécurité sociale que le bénéfice d'une allocation aux adulte handicapé (AHH) est reconnu à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins égal à 80 % ou dont le taux d'incapacité permanente est compris entre 50 et 79 % avec reconnaissance, compte tenu de son handicap, d'une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE). Le pourcentage d'incapacité est apprécié d'après le guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles, lequel définit trois classes de taux d'incapacité :

- un taux inférieur à 50 % correspond à une incapacité modérée n'entraînant pas d'entrave notable dans la vie quotidienne de la personne,

- un taux de 50% correspond à des troubles importants entraînant une gêne globale dans la vie sociale de la personne. L'entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique. Toutefois, l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne,

- un taux d'au moins 80% correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l'ensemble des actions que doit mettre en 'uvre une personne, vis-à-vis d'elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu'elle doit être aidée totalement ou partiellement ou surveillée dans leur accomplissement ou ne les assure qu'avec les plus grandes difficultés, le taux de 80% est atteint. C'est également le cas lorsqu'il y a déficience sévère avec abolition d'une fonction.

Si sans atteindre ce taux, il est reconnu une RSDAE à une personne dont le taux d'incapacité est situé entre 50 % et 79 %, cette dernière peut prétendre aux avantages consentis aux personnes handicapées présentant un taux supérieur.

L'article D.821-1-2 du code de la sécurité sociale précise que la RSDAE subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'AAH est appréciée ainsi qu'il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l'origine du handicap ;

b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L.114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une RSDAE :

a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L.243-4 du code de l'action sociale et des familles ;

b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L.241-5 du code de l'action sociale et des familles.

* Sur le taux d'incapacité :

En l'espèce, Mme [I] conteste le taux d'incapacité inférieur à 50 % retenu par la MDPH et le pôle social et prétend que ce taux d'incapacité doit être fixé entre 50 et 79 %.

Il convient de se placer à la date à laquelle Mme [I] a formé sa demande, soit au 25 février 2019.

Le Dr [M], médecin traitant de Mme [I], a rédigé, le 26 janvier 2019, le certificat médical joint à la demande d'AAH en y précisant que la patiente souffre de fibromyalgie invalidante, tendropathie des deux épaules, ténosyvinite des deux poignets et qu'il y a une forte diminution des capacités fonctionnelles de l'ensemble du squelette avec prédominance sur le haut du corps. Il a ensuite noté que Mme [I] marche, se déplace en intérieur et à l'extérieur, utilise ses mains, le téléphone ou autre appareil de communication avec difficulté mais sans aide humaine. De même, il a indiqué que la patiente fait sa toilette avec une aide humaine, mais s'habille et se déshabille, mange avec difficulté mais sans aide humaine et assure ses besoins d'élimination sans difficulté et sans aide. Il a conclu à une inaptitude au travail.

Dans un deuxième certificat médical du 24 janvier 2019, ce médecin traitant développe l'ensemble des pathologies affectant sa patiente, soit de nombreuses allergies, scoliose, sciatalgie droite paroxystique, endométriose, syndrome dépressif chronique, doigts à ressaut handicapant, .... outre les pathologies déjà évoquées dans le certificat de demande d'allocation.

Il est encore justifié que Mme [I] est reconnue travailleur handicapé depuis le 29 janvier 2012.

Les éléments médicaux ci-dessus décrits établissent que l'appelante présente des troubles importants entraînant une gêne globale dans sa vie sociale avec cependant une autonomie conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne. Dès lors, le taux d'incapacité de Mme [I] est au moins de 50 % puisqu'un taux inférieur à ce seuil correspond à une incapacité modérée n'entraînant pas d'entrave notable dans la vie quotidienne.

La MDPH, absente à la procédure comme en première instance, ne justifie pas du taux dont elle considère que l'appelante est atteinte.

Les premiers juges ont suivi les conclusions du médecin consultant sans motiver véritablement leur jugement.

Le médecin consultant conclut sa consultation en mentionnant 'maintien du taux inférieur à 50 %' sans en indiquer la raison alors qu'il liste les pathologies dont souffre Mme [I] et se contente d'un examen plutôt sommaire pour préciser 'contracture paravertébrale cervicales et lombaires, absence de déficit moteur, douleurs à la mobilisation des membres ...' sans se prononcer sur la gêne que ces symptômes impliquent dans la vie de la patiente et sans caractériser les troubles, voire les quantifier.

La conclusion du médecin consultant est donc utilement contredite par les éléments médicaux apportés par Mme [I].

Au regard de l'ensemble des pièces médicales produites, la cour infirme le jugement entrepris et fixe le taux d'incapacité de Mme [I] par référence au guide barême entre 50 et 79 %.

* Sur l'existence d'une RSDAE:

Seule l'existence d'une RSDAE permettrait donc à Mme [I] de prétendre au versement d'une AAH.

La RSDAE est appréciée au regard de difficultés importantes et permanentes d'accès à l'emploi du fait du handicap à la date de la demande d'allocation. Elle exige de s'appuyer sur une analyse globale, individualisée, multidimensionnelle, pluridisciplinaire et partenariale de la situation de la personne.

Il est démontré par l'appelante de l'existence de différentes déficiences à l'origine de son handicap. Elle prouve aisément que ces pathologies sont, en particulier, un frein important, à sa mobilité. Elle établit encore que les importantes difficultés d'accès à l'emploi sont liées à son handicap. D'ailleurs elle bénéficie d'une reconnaissance de travailleur handicapé depuis 2012 ce qui n'est pas incompatible à la reconnaissance d'une RSDAE. Son médecin traitant a noté une aggravation de ses pathologies, une impossibilité d'amélioration significative et a conclu à une inaptitude au travail.

Ensuite, il n'est pas opposé à l'appelante des mesures spécifiques qui permettraient de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour elle.

Enfin, il ressort des éléments médicaux produits que la durée prévisible de l'impact professionnel du handicap est d'au moins un an à la date de la demande.

Dès lors, la cour infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, dit que Mme [I] présente au 25 février 2019 un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % avec existence d'une RSDAE, déclare donc qu'elle doit bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés à compter du premier jour du mois civil suivant celui du dépôt de la demande et, pour une durée de cinq ans.

La MDPH des Bouches-du-Rhône est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [I] présente au 25 février 2019 un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % avec existence d'une RSDAE,

Déclare donc que Mme [T] [I] doit bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés à compter du premier jour du mois civil suivant celui du dépôt de la demande (25 février 2019) et pour une durée de cinq ans,

Condamne la MDPH des Bouches-du-Rhône aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/15455
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;22.15455 ?
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