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28/05/2024 | FRANCE | N°22/13604

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 28 mai 2024, 22/13604


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2024



N°2024/103













Rôle N° RG 22/13604 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKE4R







[V] [E]





C/



CPAM DES BOUCHES DU RHONE











































Copie exécutoire délivrée

le : 28/05/2024

à :


>- Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 15 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/07938.





APPELANTE



Madame [V] [E]

(bénéficie d'une aide ju...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2024

N°2024/103

Rôle N° RG 22/13604 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKE4R

[V] [E]

C/

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le : 28/05/2024

à :

- Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 15 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/07938.

APPELANTE

Madame [V] [E]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-003062 du 04/04/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Chloé MICHEL POINSOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [V] [E] a perçu de la CPCAM des Bouches-du-Rhône des indemnités journalières au titre du risque maladie au cours d'une période allant du 1er avril 2015 au 5 avril 2017.

Par courrier recommandé du 6 juillet 2018, la CPCAM des Bouches-du-Rhône a notifié à Mme [E] un indu d'un montant de 17 644,54 euros relatif aux indemnités journalières versées du 1er avril au 12 mai 2015, du 28 novembre au 7 décembre 2015 et du 16 janvier 2016 au 5 avril 2017 aux motifs d'un exercice d'une activité professionnelle non autorisée et rémunérée et d'un départ du département à plusieurs reprises.

Mme [E] a saisi la commission de recours amiable pour contester l'indu.

Puis, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, le 30 octobre 2018, de sa contestation suite à la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement contradictoire du 15 septembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- débouté Mme [V] [E] de sa demande tendant à écarter des débats le procès-verbal d'audition,

- débouté Mme [E] de sa demande relative à la prescription de l'action en recouvrement de l'indu,

- débouté Mme [E] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la notification de l'indu,

- débouté Mme [E] de sa demande tendant à obtenir la réduction du montant de l'indu,

- condamné Mme [E] à payer à la CPCAM des Bouches-du-Rhône la somme de 17 644,54 euros au titre des indemnités journalières indument versées,

- débouté Mme [E] de sa demande en paiement de dommages-intérêts,

- condamné Mme [E] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a, en effet, considéré que :

- que le procès-verbal d'audition de Mme [E] était conforme aux dispositions de l'article L114-10 du code de la sécurité sociale ;

- qu'il convenait d'appliquer la prescription quinquennale de droit commun au regard du comportement frauduleux de Mme [E] ;

- que la répétition de l'indu est bien fondée ;

- qu'il n'appartient pas au tribunal de revoir à la baisse le montant d'un indu réclamé à bon droit ;

- que Mme [E] n'apporte pas la preuve d'une faute de la CPCAM, d'un préjudice subi par elle-même et du lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 12 octobre 2022, Mme [E] a relevé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées à la partie adverse et auxquelles elle s'est expressément référée, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

* à titre principal :

- dire que la notification de l'indu est en majeure partie prescrite,

- annuler la décision de la CPAM ;

* à titre subsidiaire :

- dire que la notification est prescrite pour la période antérieure au 6 juillet 2016 et écarter tout indu sur la période prescrite,

- ramener le montant de l'indu à de plus justes proportions;

* en tout état de cause :

- écarter des débats le procès-verbal d'audition,

- condamner la caisse à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'intention manifeste de sanctionner l'assurée,

- dire que les sommes allouées porteront intérêts avec anatocisme à compter du prononcé de la décision,

- condamner la caisse à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et la même somme au titre de l'instance d'appel,

- débouter la CPCAM de l'ensemble de ses demandes.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que :

- il convient d'appliquer la prescription spéciale de 2 ans et elle n'a commis aucun agissement frauduleux ;

- la notification de l'indu n'indique pas le délai de 2 mois pour payer, les modalités selon lesquelles l'indu pourra être récupéré et n'a pas été adressée par le directeur de la caisse; l'étude effectuée par la caisse a concerné la période du 4 janvier 2016 au 5 avril 2017 alors qu'elle lui notifie un indu à compter du 1er avril 2015 ;

- elle n'a commis aucune fraude puisque l'activité en cause a été autorisée par son médecin traitant; la caisse n'a pas à être informée au préalable; le médecin peut autoriser une activité à l'occasion de la prescription de l'arrêt ou préalablement à la réalisation de l'activité en cause ;

- elle se trouvait en dépression sévère après la perte de son premier enfant et n'avait aucune intention frauduleuse; elle n'a assisté au salon du mariage qu'à titre d'invitée.

- son procès-verbal d'audition doit être écarté faute du respect des droits de la défense ;

- elle a quitté 2 fois le département en octobre 2016 alors qu'elle était en mi-temps thérapeutique et autorisée à des sorties libres

- elle connaît une situation personnelle et financière difficile.

Dispensée de comparaître en vertu de l'article 946 du code de procédure civile, par conclusions dûment notifiées à la partie adverse et auxquelles elle s'est expressément référée, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée réplique que :

- la fraude est avérée et la prescription est donc de 5 ans ;

- la notification répond aux exigences de l'article R 133-9-2 du code de la sécurité sociale ;

- l'indu est bien fondé, l'autorisation d'activité par le médecin doit être jointe à la prescription de repos et ne peut être établie à postériori ;

- le tribunal ne peut apprécier l'adéquation de l'indu ;

- elle n'a commis aucune faute.

MOTIVATION

1- Sur la nullité de la notification de l'indu :

Selon l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales.

Mme [E] oppose à la caisse des moyens de nullité de forme qu'elle aurait d'ailleurs dû présenter avant la fin de non-recevoir titrée de la prescription de l'action en restitution de l'indu.

Cependant, comme déjà parfaitement indiqué par les premiers juges, la lettre recommandée de notification de l'indu reçue par Mme [E], le 11 juillet 2018, précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées, la date des versements donnant lieu à répétition.

Elle mentionne que passé le délai de deux mois et en l'absence de paiement spontané de la part de Mme [E], la somme sera récupérée sur le montant des prestations à venir. Dès lors, il est bien indiqué que la débitrice dispose d'un délai de deux mois pour payer et les modalités selon lesquelles les sommes seront récupérées.

Elle informe encore Mme [E] de la possibilité de saisir la commission de recours amiable dans le délai de 2 mois et de la possibilité de fomuler des observations.

Mme [E] ne saurait faire grief à la caisse de réclamer la restitution de l'indu à compter du 1er avril 2015 alors qu'à cette date, elle a perçu des indemnités journalières du fait d'un arrêt de travail et que cette même date est celle de la création de son entreprise. Il importe peu que l'enquête ait été axée sur une période postérieure.

La notification de l'indu est parfaitement conforme aux dispositions réglementaires sus rappelées.

Mme [E] oppose encore un moyen de nullité de fond relatif à l'absence d'envoi de la notification par le directeur de la caisse. Pourtant, elle convient, elle-même, dans ses écritures que la CPCAM a justifié de la délégation de pouvoir donnée par le directeur de la caisse à la responsable du département d'investigations et répression des fraudes. Les premiers juges avaient déjà, à juste titre, rejeté ce moyen inopérant.

Le jugement qui a rejeté les exceptions de nullité mérite donc confirmation.

2- Sur le procès-verbal d'audition de Mme [E] :

Aux termes de l'article L 114-10 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens-conseils et auditeurs comptables peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

Lorsque cela est nécessaire à l'accomplissement de sa mission, un agent chargé du contrôle peut être habilité par le directeur de son organisme à effectuer, dans des conditions précisées par décret, des enquêtes administratives et des vérifications complémentaires dans le ressort d'un autre organisme. Les constatations établies à cette occasion font également foi à l'égard de ce dernier organisme dont le directeur tire, le cas échéant, les conséquences concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les agents chargés du contrôle peuvent mener leurs vérifications et enquêtes pour le compte de plusieurs organismes appartenant éventuellement à différentes branches et différents régimes de la sécurité sociale(...)

Mme [E] se fonde sur cet article de loi pour justifier sa demande tendant à ce que le procès-verbal de son audition soit écarté des débats.

Le pôle social a rejeté cette demande pour des motifs pertinents: délégation de pouvoir et assermentation de l'agent, présence d'un inspecteur chargé d'enquête à l'audition non-exclue des textes et qui ne fait pas grief à l'interessée, absence d'obligation de la présence d'un conseil.

S'agissant d'une enquête administrative et non d'une procédure judiciaire ou disciplinaire, Mme [E] ne saurait se prévaloir d'un droit fondamental à être assistée pendant son audition.

Ce procès-verbal d'audition est donc une pièce dont la caisse peut parfaitement se prévaloir.

Les premiers juges en ce qu'ils ont refusé de l'écarter des débats sont confirmés.

3- Sur la prescription de l'action en recouvrement de l'indu :

Selon les dispositions de l'article L 332-1 du code de la sécurité sociale, l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans, sauf en cas de fraude ou fausse déclaration du bénéficiaire.

Il résulte aussi des dispositions de l'article 2224 du code civil que les actions mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

De plus, aux termes de l'article 2232, alinéa 1er, du code civil, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctrice au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

Il est de jurisprudence établie que la fraude ou la fausse déclaration a pour effet d'entraîner, d'une part, l'application du délai de prescription quinquennale de droit commun, d'autre part, un report du point de départ de ce délai au jour de la découverte de la fraude ou de la fausse déclaration.

Il est aujourd'hui jugé (assemblée plénière 17 mai 2023 pourvoi n° Pourvoi n° 20-20.559) que le délai de cinq ans de l'article 2224 du code civil s'applique exclusivement au délai pour introduire l'action en répétition de l'indu mais n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable ; qu'en l'absence d'autre texte, c'est le délai de vingt ans qui s'applique permettant au solvens de se faire rembourser les sommes versées jusque vingt ans en arrière.

Le délai de prescription de l'action de la caisse dépend ainsi du point de savoir s'il est démontré que Mme [E] a commis une fraude en percevant les indemnités journalières alors qu'elle avait créé une entreprise dénommée [3].

Selon les dispositions de l'article L 323-6 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable

au litige, le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire :

1° D'observer les prescriptions du praticien ;

2° De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2 ;

3° De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;

4° De s'abstenir de toute activité non autorisée ;

5° D'informer sans délai la caisse de toute reprise d'activité intervenant avant l'écoulement du délai de l'arrêt de travail.

En cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes, dans les conditions prévues à l'article L. 133-4-1.

En outre, si l'activité mentionnée au 4° a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L. 114-17-1.

Aux termes de l'article R 323-11-1 du même code dans sa rédaction applicable au litige, le praticien indique sur l'arrêt de travail:

- soit que les sorties ne sont pas autorisées,

- soit qu'elles le sont. Dans ce cas l'assuré doit rester présent à son domicile de 9 heures à 11 heures et de 14 heures à 16 heures, sauf en cas de soins ou d'examens médicaux. Toutefois, le praticien peut, par dérogation à cette disposition, autoriser les sorties libres. Dans ce cas il porte sur l'arrêt de travail les éléments d'ordre médical qui le justifient.

La cour note avec intérêt que le dernier alinéa de cet article suivant lequel 'le praticien indique également sur l'arrêt de travail s'il autorise l'exercice de certaines activités en dehors du domicile' a été ajouté postérieurement. Il n'est pas applicable à l'espèce.

Mme [E] a reconnu dans le procès-verbal de son audition avoir créée une activité d'autoentrepreuneur spécialisée dans la location de robe de mariée et l'activité de maquillage liée au mariage à compter du 1er avril 2015 et l'avoir gérée pendant les arrêts de travail indemnisés par la caisse. Elle avoue avoir perçu des revenus de cette activité.

Ses déclarations sont corroborrées par l'ensemble des pièces produites par la CPCAM, comme les éléments relatifs au site internet actif de l'entreprise, la participation de cette dernière à des salons de mariage, les auditions de personnes ayant été en lien avec Mme [E] au titre de cette activité.

Or, l'assurée sait qu'elle perçoit des indemnités journalières de la caisse en compensation de l'absence de perception de son salaire pendant les différents arrêts maladie, soit pendant la durée de son inactivité du fait de la maladie. Elle est parfaitement consciente que son état de 'malade' lui interdit toute activité professionnelle et que l'arrêt de travail est prescrit précisément parce que son état de santé n'est pas compatible avec l'exercice de son activité professionnelle.

Elle ne saurait se prévaloir d'une autorisation a posteriori de son médecin traitant d'entreprendre une activité pendant la durée de ses arrêts de travail alors que le dernier article réglementaire prévoit que le médecin traitant doit au moment où il prescrit le repos indiquer exactement les éventuelles heures de sortie autorisées. Cette posture et la demande de certificat à son médecin traitant visant à régulariser la situation sont d'ailleurs des éléments démontrant un comportement particulier de Mme [E] plaçant le praticien dans une situation délicate.

Les premiers juges ont parfaitement motivé leur décision quant à la fraude commise par Mme [E] et la cour adopte leurs motifs très pertinents, soulignant la durée et la répétition des comportements frauduleux de l'assurée.

Dans ces conditions, le délai pour agir de la CPCAM était de 5 ans à compter du jour où elle a connu la fraude, soit à une époque contemporaine à l'enquête menée à compter du mois de janvier 2018. Son action n'est donc pas prescrite puisque la notification de l'indu a interrompu la prescription et que le jugement est intervenu le 15 septembre 2022.

Comme rappelé plus haut, le délai de 5 ans ne vaut que comme délai pour introduire l'action en répétition de l'indu mais n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable.

L'action de la CPCAM n'est donc pas prescrite et l'argument suivant lequel la prescription de deux ans serait une loi spéciale dérogeant à la loi générale est parfaitement inopérant au regard de l'existence de la fraude ce qui est formellement prévu par la loi.

Le jugement est confirmé du chef de la prescription applicable.

4- Sur le fond :

Selon les termes de l'article L. 323-6, 4°, 5° du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 applicable au litige, le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire, de s'abstenir de toute activité non autorisée et d'informer sans délai la caisse de toute reprise d'activité intervenant avant l'écoulement du délai de l'arrêt de travail.

Selon ce même texte, en cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes, dans les conditions prévues à l'article L. 133-4-1. En outre, si l'activité non autorisée a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L. 114-17-1.

Il résulte de ce texte dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 qui en a abrogé le dernier alinéa, que la restitution d'indemnités journalières de l'assurance maladie en cas d'inobservation volontaire, par le bénéficiaire, des obligations édictées par l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, ne constitue pas une sanction à caractère de punition, de sorte qu'elle est exclusive de tout contrôle de l'adéquation du montant des sommes dues à la gravité des manquements de l'assuré.

La CPCAM a démontré que Mme [E] a poursuivi une activité professionnelle rémunérée pendant les périodes d'arrêt de travail et qu'elle n'a pas respecté l'interdiction de quitter le département et les horaires de sortie. Mme [E] a d'ailleurs reconnu l'activité exercée au titre de l'entreprise créée et les déplacements effectués en lien avec cette activité.

La caisse a justifié par les relevés des indemnités journalières versées le bien-fondé du montant réclamé.

Ensuite, il est constant que pour l'application de l'article L.256-4 du code de la sécurité sociale, les caisses ont seules qualité pour réduire le montant de leur créance, autres que cotisations et majorations de retard nées de l'application de la législation de sécurité sociale, en cas de précarité du débiteur.

Néanmoins, la jurisprudence considère qu'il entre dans l'office du juge de se prononcer sur le bien-fondé de la décision administrative d'un organisme de sécurité sociale déterminant l'étendue de la créance qu'il détient sur l'un de ses assurés résultant de l'application de la législation de sécurité sociale. Il appartient ainsi au juge d'apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause.

Or, Mme [E] ne justifie pas avoir saisi la caisse d'une demande de remise partielle de sa dette et la juridiction de la protection sociale n'est pas saisie suite à rejet d'un recours préalable formé à ce titre.

La demande subsidiaire de Mme [E] est donc rejetée.

5- Sur la demande de dommages-intérêts formée par Mme [E] :

Le débouté des demandes principales de Mme [E] implique le rejet de celle-ci.

En cause d'appel, elle allègue l'intention manifeste de la caisse de la sanctionner alors qu'elle ne doit qu'à son comportement frauduleux de devoir rembourser le montant des indemnités journalières indument perçues.

6- Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [E] est condamnée aux entiers dépens et à verser à la CPCAM des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile est nécessairement rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] [E] aux entiers dépens,

Déboute Mme [V] [E] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [V] [E] à payer à la CPCAM des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/13604
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;22.13604 ?
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