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28/05/2024 | FRANCE | N°22/11044

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 28 mai 2024, 22/11044


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2024



N°2024/98













Rôle N° RG 22/11044 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ272







S.A.R.L. [3]





C/



CPAM DU VAR









































Copie exécutoire délivrée

le : 28/05/2024

à :





- Me Jenn

yfer GUASCH, avocat au barreau de MARSEILLE





- Maître Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 27 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/1445.





APPELANTE



E.U.R.L. [3], demeurant [Adresse 2...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2024

N°2024/98

Rôle N° RG 22/11044 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ272

S.A.R.L. [3]

C/

CPAM DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le : 28/05/2024

à :

- Me Jennyfer GUASCH, avocat au barreau de MARSEILLE

- Maître Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 27 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/1445.

APPELANTE

E.U.R.L. [3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jennyfer GUASCH, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 1]

ayant pour avocat Maître Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE, dispensé en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représenté à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

L'EURL [3], dont le gérant est M. [B] [H], a une activité de transports de voyageurs par taxi et notamment de transports sanitaires qui bénéficient d'un financement par l'assurance maladie.

A cette fin, elle a signé avec la CPAM des Bouches-du-Rhône une convention le 10 août 2011 valable pour un an mais renouvelable par tacite reconduction et d'une durée au plus égale à 5 ans puis une deuxième convention, le 17 mars 2014, applicable au 1er avril 2014, et se terminant au plus tard au 31 mars 2019. Ces conventions définissent les conditions du financement des transports qui bénéficient d'une prise en charge par l'assurance maladie.

Le 19 octobre 2017, la société a reçu la notification par la CPAM du Var d'un indu de facturation d'un montant de 33 728,02 euros pour des anomalies au titre de transports remboursés entre le 10 février 2014 et le 30 novembre 2016.

Après saisine de la commission de recours amiable de la caisse et l'absence de décision de celle-ci, l'EURL [3] a, le 19 mars 2018, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône de sa contestation de l'indu.

Par jugement contradictoire du 27 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- rejeté la demande de l'EURL [3] tendant à l'annulation de l'indu fondé sur l'absence de remise de 15 % applicable aux remboursements des transports d'assurés,

- fait droit à la demande de l'EURL [3] s'agissant de la contestation de l'indu portant sur les remboursements de transports d'assurés réalisés sur prescriptions médicales établies à postériori, sur la période du 10 février 2014 au 30 novembre 2016,

- annulé en conséquence l'indu notifié le 13 (sic) octobre 2017 par la CPAM du Var pour un montant de 8 774,77 euros,

- condamné l'EURL [3] à verser à la CPAM du Var la somme de 24 953,25 euros,

- rejeté toutes autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'EURL [3] aux dépens.

Le tribunal a, en effet, et au principal, considéré :

- au visa de l'article 8 de la convention signée entre la société et la CPAM des Bouches-du-Rhône, que la règle de la remise de 15% s'appliquait,

- au visa de l'article 2 de la même convention qu'il ne pouvait être fait grief à la société de taxi d'une irrégularité dans la prescription médicale.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 28 juillet 2022, l'EURL [3] a relevé appel partiel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions visées à l'audience, dûment notifiées à la partie adverse et auxquelles elle s'est expressément référée, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'indu fondé sur l'absence de remise de 15 % applicable aux remboursements des transports d'assurés, l'a condamnée à verser à la CPAM du Var la somme de 24 953,25 euros, rejeté toutes autres demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens, et, statuant à nouveau de ces chefs, de :

* à titre principal et à titre subsidiaire,

- annuler la décision du 19 octobre 2017 comme non fondée, ensemble la décision implicite de rejet du recours amiable,

- la décharger de l'ensemble des sommes réclamées;

* à titre infiniment subsidiaire,

- la décharger de la somme de 17 373,39 euros, au titre des prescriptions médicales a posteriori et erreurs de prescriptions;

* en toutes hypothèses,

- annuler l'indu en tant qu'il porte sur des sommes prescrites,

- juger que la CPAM du Var a manqué à son devoir d'information et de conseil,

- ramener l'indu à de plus justes proportions,

- lui accorder les plus larges délais de paiement,

- condamner la CPAM aux entiers dépens et à lui verser la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que :

- l'indu n'est pas motivé et le listing n'est pas satisfaisant ;

- une partie des sommes réclamées est prescrite et il n'y a pas de fraude ;

- elle n'a conclu une convention tarifaire qu'avec la CPAM des Bouches-du-Rhône ;

- elle ne peut supporter une quelconque responsabilité quant aux prescriptions médicales et que les prescriptions dites a posteriori ont été établies le jour-même du transport; le tribunal aurait dû tenir le même raisonnement pour les prescriptions erronées ;

- la CPAM a une attitude fautive et abusive.

Dispensée de comparaître en vertu de l'article 946 du code de procédure civile, par conclusions adressées à la cour le 28 mars 2024, dûment notifiées à la partie adverse et auxquelles elle s'est expressément référée, l'intimée demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a minoré l'indu, et statuant à nouveau de ce chef, de :

- confirmer le bien fondé de l'indu pour la somme de 33 728,02 euros,

- condamner l'EURL à en payer le montant, outre intérêts au taux légal à compter de la notification de l'indu et avec anatocisme des intérêts,

- condamner l'EURL [3] à lui verser la somme de 2 800 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée réplique que :

- en application de l'article 8 de la convention signée, les dispositions tarifaires qui y sont prévues s'appliquent aux transports des assurés quel que soient leur régime et leur caisse de rattachement ;

- il lui appartient d'appliquer la législation sociale qui est d'ordre public et les termes de la convention; la société n'a pas justifié d'une urgence et il lui appartient de refuser la course si la prescription n'est pas conforme aux exigences du code de la sécurité sociale ;

- la notification de l'indu est régulière et la cour de cassation estime suffisants les tableaux annexés aux notifications d'indus;

MOTIVATION

La cour précise que l'EURL [3] ne saurait solliciter l'annulation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM du VAR puisqu'il n'appartient pas à la juridiction d'annuler, non plus d'infirmer ou confirmer, une telle décision, étant saisie de la contestation de la notification de l'indu et la décision de la commission n'étant qu'un préalable obligatoire au recours contentieux.

1- Sur la prescription de l'action en recouvrement de l'indu :

En vertu de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au cas d'espèce, l'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.

Selon les dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions actions mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En outre, aux termes de l'article 2232, alinéa 1er, du code civil, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctrice au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

En l'espèce, l'indu a été notifié par la caisse à l'EURL [3] par courrier du 19 octobre 2017. La prescription triennale aurait dû empêcher la caisse de recouvrer l'indu de facturation pour les sommes payées avant le 19 octobre 2014.

Cependant, comme rappelé dans l'exposé des faits, l'appelante avait signé une première convention avec la caisse des Bouches-du-Rhône, le 10 août 2011 puis une seconde , le 17 mars 2014. Elle en connaissait le contenu et avait accepté son application. Ainsi, elle ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnelle du transport sanitaire, que la convention conclue avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône s'appliquait à tous les transports médicaux qu'elle effectuait pour les assurés du Var alors que l'objet même de la règlementation était de subordonner la prise en charge de tels transports à l'application de tarifs remisés. Elle ne pouvait pas non plus ignorer que le paiement de frais de transports était subordonné à l'existence d'une prescription médicale préalable et régulière alors que, tant la loi, que la convention dont elle est signataire, rappellent cette règle. Enfin, la pratique de l'EURL [3], tendant à ne pas appliquer la remise de 15% aux assurés du Var et à effectuer des transports sans prescription médicale préalable régulière pour obtenir le paiement de prestations non remboursables ou bien le paiement de prestations à un coût plus élevé que celui prévu par la loi s'est poursuivie sur plus de deux années.

Ces éléments permettent à la cour de retenir le caractère intentionnel et frauduleux des anomalies de facturation.

Dès lors, le droit commun de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil doit s'appliquer de sorte que la caisse avait cinq ans pour agir en recouvrement à compter de la connaissance de la fraude.

En outre, et, en vertu des dispositions de l'article 2232 alinéa 1er du code civil, la caisse est bien-fondée à recouvrer la totalité des sommes indûment versées jusqu'à vingt ans en arrière. En l'espèce, elle réclame la restitution des paiements effectués à compter du 10 février 2014.

La caisse ayant notifié l'indu par courrier du 19 octobre 2017 suite au contrôle de facturations lui ayant permis d'avoir connaissance de la fraude, soit dans un délai de moins de cinq ans, et la caisse ayant réclamé le remboursement de factures payées sur une période courant de février 2014 à novembre 2016, soit moins de vingt ans en arrière, aucune prescription ne saurait lui être valablement opposée.

La CPAM du Var n'a pas conclu sur la prescription et manifestement cette fin de non-recevoir n'a pas été soulevée devant les premiers juges.

Cependant, au regard de ce qui précède, la cour, ajoutant au jugement, déclare l'action en répétition de l'indu de la CPAM du Var non prescrite.

2- Sur la régularité de la notification de l'indu :

En préalable, la cour remarque que l'EURL ne saurait prétendre à 'l'annulation de la notification de l'indu comme non fondée'. En effet, soit elle considère la décision portant notification nulle et développe des moyens de nullité, soit elle estime que l'indu n'est pas fondé et en demande l'annulation.

Au regard des conclusions de l'appelante, elle prétend à l'annulation de la notification de l'indu du fait de son absence de motivation suffisante.

Aux termes de l'alinéa 2 de l'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 10 septembre 2012 au 2 mars 2019, applicable à la notification d'indu litigieuse du19 octobre 2017, cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.

En l'espèce, il ressort de la notification d'indu litigieuse qu'elle indique la cause des sommes réclamées en visant un indu et l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale prévoyant les cas d'inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation.

En outre, la lettre renvoie au tableau récapitulatif détaillé relatif aux anomalies, dont il n'est pas discuté par l'EURL [3] qu'il était bien annexé à la notification, pour préciser la nature des indus réclamés.

Comme rappelé à juste titre par la CPAM du Var, il est de jurisprudence constante qu'un tel tableau est conforme aux exigences de l'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale, permet la parfaite information du professionnel auquel l'indu est réclamé et est suffisant à établir la réalité des sommes dues.

Ce tableau vise outre le numéro d'immatriculation de l'assuré pris en charge par l'entreprise de taxi, sa date de naissance, la date des soins et celle de leur prescription, ainsi que le numéro d'immatriculation du prescripteur, la nature de l'acte, le montant remboursé, la date du règlement le numéro de facture et le lot de factures concerné, le montant conforme (qui aurait dû être payé) et le montant récupérable (correspondant au montant de l'indu), le motif de l'indu.

La lecture des motifs indiqués dans le tableau permet de connaître les griefs retenus à l'égard de la facturation de l'EURL:

- non application de la remise conventionnelle de 15%,

- transport non remboursable : prescription a posteriori avec précision de la date de prescription du trajet domicile à la structure de soins,

- transport non remboursable : exercice DIV non justifié avec précision du motif (consultation, remboursable à 65% au titre de l'hospitalisation par exemple),

- transport non remboursable : prescription sans rapport ALD/AT/Hopit.

La notification vise également le montant global de l'indu et détaille, dans le tableau récapitulatif, le montant de l'indu pour chaque facture contestée.

Elle précise encore le délai pour s'acquitter de la somme réclamée, les voie et délai de recours et la possibilité de formuler des observations.

Il s'en suit que la notification d'indu comporte l'ensemble des éléments d'information exigés par la règlementation.

Dès lors, et alors qu'il ne se déduit pas des termes du jugement que le pôle social a été saisi du moyen tiré du défaut de motivation de la notification de l'indu mais n'y a pas répondu et que l'appelante ne lui en fait pas le reproche dans ses écritures d'appel, la cour, ajoutant au jugement, déclare la notification de l'indu régulière.

3- Sur le bien fondé de l'indu :

* Sur l'application de la remise de 15% dans le département du Var:

Aux termes de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.

L'article L.322-5 du même code prévoit que les frais de transports effectués par une entreprise de taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec un organisme local d'assurance maladie. Cette convention, conforme à une convention type établie par décision du directeur de l'UNCAM, détermine les prestations de transport par taxi, les tarifs de responsabilité qui ne peuvent excéder les tarifs des courses de taxi résultant de la réglementation des prix applicables à ce secteur et fixe les conditions dans lesquelles l'assuré peut être dispensé de l'avance des frais.

En outre, l'article 1er de la décision du 8 septembre 2008 relative à l'établissement d'une convention type à destination des entreprises de taxi et des organismes locaux d'assurance maladie, dispose que la convention visée à l'article L.322-5 du code de la sécurité sociale est signée entre l'entreprise de taxi et le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie dans le ressort de laquelle l'autorisation de stationnement du véhicule est délivrée. Ces conventions ont pour objet de fixer les tarifs de responsabilités des courses de taxi réalisées par les entreprises de taxi et les conditions particulières de dispence d'avance de frais de ces transports, pour l'ensemble des assurés sociaux. Elles conditionnent le remboursement par l'assurance maladie des frais de transports effectués par les entreprises de taxi pour les véhicules mentionnés dans la convention.

En l'espèce, il ressort de l'annexe 5 des conventions d'application successive signées entre l'EURL [3] et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône que 'le remboursement des frais de transport en taxi conventionné intervient sur la base des tarifs fixés annuellement par arrêté préfectoral assortis d'une remise de 15% sur le tarif du kilomètre ainsi que sur celui de l'heure d'attente'.

La période de l'indu exige de se référer aux dispositions conventionnelles conclues entre la caisse des Bouches-du-Rhône et l'appelante, le 10 août 2011 puis le 17 mars 2014, ces dernières entrant en vigueur le 1er avril 2014.

L'article 9 de la convention signée en 2011et l'article 8 de la convention signée le 17 mars 2014 relatifs aux dispositions tarifaires, précisent tous deux que 'les dispositions tarifaires sont mentionnées dans l'annexe 5 et sont applicables aux transports effectués par les entreprises de taxi ayant conclu une convention avec la CPCAM. Ces dispositions s'appliquent aux transports des assurés et leurs ayants-droit quels que soient leur régime et leur caisse de rattachement.'

Cette dernière mention claire et non équivoque implique que l'entreprise de taxi signataire de la convention conclue avec sa caisse d'assurance maladie locale de rattachement, doit appliquer le tarif prévu, même quand elle facture des prestations qui dépendent d'une caisse extérieure à son lieu de stationnement, en l'espèce de la CPAM du Var.

Il en résulte que ni l'effet relatif des contrats, ni la recherche de la commune intention des parties ne permet de considérer que la convention en litige voit son application circonscrite au seul périmètre géographique des Bouches-du-Rhône.

De la même façon, la facturation de transports conventionnés suit des règles nationales ainsi que des règles spécifiques départementales et l'esprit de la réglementation consiste dans le fait que le tarif de la sécurité sociale est remisé par rapport au tarif standard du taxi, cette remise différant selon les départements, en fonction des particularités et des négociations locales entre la sécurité sociale et les responsables des différents syndicats. Il s'en suit que juger que les entreprises de taxi qui effectuent des transports médicaux hors de leur département de stationnement n'ont pas à appliquer de tarif préférentiel, reviendrait à créer une rupture d'égalité avec les taxis relevant de ce département, et instaurer un système de concurrence déloyale.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont conclu que l'EURL [3] devait appliquer la remise tarifaire de 15% prévue dans la convention signée avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, aux facturations des transports effectués dans la circonscription de la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

A l'instar des premiers juges, la cour considère l'indu réclamé à l'EURL [3] au titre de la règle conventionnelle ci-avant détaillée bien fondé.

* Sur le caractère infondé de l'indu lié à l'irrégularité des prescriptions médicales ou à l'absence de prescriptions médicales préalables:

Aux termes de l'article R.322-10-2 du code de la sécurité sociale, la prise en charge des frais de transport est subordonnée à la présentation par l'assuré de la prescription médicale de transport ainsi que d'une facture délivrée par le transporteur ou d'un justificatif de transport. La prescription indique le motif du transport et le mode de transport retenu en application des règles de prise en charge mentionnées au premier alinéa de l'article L. 322-5. Elle est valable dans une limite d'un an. Il résulte de ce même texte que la prescription médicale peut être établie a posteriori dans le seul cas d'urgence.

Selon les dispositions de l'article L.162-4-1 du même code, les médecins qui prescrivent un transport en vue d'un remboursement sont tenus de mentionner les éléments d'ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit.

L'article R.322-10 précise aussi que sont pris en charge les frais de transport de l'assuré ou de l'ayant droit se trouvant dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à son état dans des cas limitativement déterminés dont notamment ceux des transports liés à une hospitalisation ou aux traitements ou examens prescrits en application de l'article L. 324-1 pour les malades reconnus atteints d'une affection de longue durée et présentant l'une des déficiences ou incapacités définies par le référentiel de prescription mentionné à l'article R. 322-10-1.

En l'espèce, il résulte du tableau d'anomalies annexé à la notification d'indu du 19 octobre 2017, que l'EURL [3] a facturé des courses sur le fondement de prescriptions médicales datées postérieurement au transport, ou sans précision de date, ou sans visa d'un motif prévu à l'article R.322-10 du code de la sécurité sociale.

La caisse primaire d'assurance maladie rapporte ainsi suffisamment la preuve des irrégularités fondant l'indu réclamé.

Si l'EURL [3] indique à raison qu'elle n'est pas responsable du contenu des prescriptions médicales, en revanche, elle demeure responsable de la facturation télétranmise à l'organisme d'assurance maladie pour obtenir le règlement du coût des transports.

En effet, l'article 2 des deux conventions signées avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône le 10 août 2011 et le 17 mars 2014, définissent les transports donnant lieu à remboursement en reprenant les termes des articles R.322-10 et R.322-10-2 du code de la sécurité sociale susvisés, et l'article 7 de la convention de 2011 comme l'article 6 de la convention de 2014 exposent que l'entreprise de taxi est responsable de la régularité de sa facturation, notamment concernant la présence et la conformité des pièces justifciatives, la correcte application des dispositions tarifaires et distances, le respect de la règlementation.

Il s'en suit que le fait que l'entreprise de taxi ne puisse être tenue pour responsable du non respect de la règle de prescription par le médecin, ne signifie pas pour autant qu'elle ne soit pas tenue à répétition de l'indu si la caisse primaire d'assurance maladie vient, dans le cadre d'un contrôle a posteriori, à remarquer que la prestation a été accomplie sans prescription médicale préalable et régulière.

Les premiers juges ont estimé devoir déduire du montant total de l'indu la somme relatives aux facturations fondées sur une prescription médicale postérieure au transport. Cependant, ils n'ont pas recherché si l'EURL [3] apportait la preuve de ce que le transport avait été effectué en urgence. En cause d'appel, l'appelante se contente de reprendre l'argument tiré de l'urgence mais sans en justifier. Aucune pièce du dossier de l'EURL [3] permet de considérer que l'absence de prescription médicale préalable au transport était dûe à une situation d'urgence.

Dans ces conditions, le jugement doit être infirmé de ce chef.

Au regard de l'indu entièrement justifié par la CPAM du VAR, la cour condamne l'EURL [3] au paiement de la somme de 33 728,02 euros.

La CPAM du Var sollicite la condamnation de la société à lui payer l'indu réclamé avec intérêts au taux légal à compter de la notification de l'indu et le prononcé de l'anatocisme, sans que l'EURL intimée n'oppose aucun argument.

Mais, en vertu des dispositions de l'article 1231 du code civil, les intérêts moratoires sur une somme due au titre de l'inexécution d'un contrat courent à compter de la mise en demeure.

En l'espèce, la notification de l'indu se distingue d'une mise en demeure et la première sommation de payer est constituée, en l'espèce, par la demande en justice présentée par la caisse primaire d'assurance maladie en première instance à l'audience de plaidoiriequi date, à la lecture de l'exposé du litige par les premiers juges, du 9 mai 2022.

Ainsi, les intérêts au taux légal sur la somme indue à laquelle l'EURL est condamnée doivent courir à compter du 9 mai 2022 et non de la notification de l'indu.

Par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il convient de prononcer la capitalisation des intérêts.

4- Sur les demandes relatives à la minoration de l'indu et à l'octroi de délais de paiement:

L'EURL [3] prétend que la CPAM a manqué à son devoir d'information et de conseil et a eu une attitude fautive, voire abusive, en réclamant l'indu sur une période de deux ans sans corriger auparavant son erreur.

La cour souligne que là où l'EURL [3] parle d'une erreur, la CPAM du Var y voit, à juste titre, un comportement frauduleux.

L'appelante allègue d'une faute commise par la caisse et s'appuie sur ce moyen pour solliciter la minoration de l'indu et l'octroi de délais de paiement.

Il est constant que pour l'application de l'article L.256-4 du code de la sécurité sociale, les caisses ont seules qualité pour réduire le montant de leur créance, autres que cotisations et majorations de retard nées de l'application de la législation de sécurité sociale, en cas de précarité du débiteur.

Néanmoins, la jurisprudence considère qu'il entre dans l'office du juge de se prononcer sur le bien-fondé de la décision administrative d'un organisme de sécurité sociale déterminant l'étendue de la créance qu'il détient sur l'un de ses assurés résultant de l'application de la législation de sécurité sociale. Il appartient ainsi au juge d'apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause.

Or, l'EURL [3] ne justifie pas avoir saisi la caisse d'une demande de remise partielle de sa dette et la juridiction de la protection sociale n'est pas saisie suite à rejet d'un recours préalable formé à ce titre.

Dès lors, la cour rejette sa demande qu'il ne lui appartient pas d'examiner conformément à la motivation du pôle social.

La cour remarque encore que l'appelante fonde manifestement sa demande sur les dispositions de l'article 1302-3 du code civil puisqu'elle invoque la faute commise par la caisse lorsqu'elle a procédé au paiement des prestations de transport.Or, ces dispositions légales ne s'appliquent qu'en cas d'indemnité mise à la charge du débiteur de l'indu en sus de ce dernier.

Le rejet de la demande de minoration de l'indu viendra en ajout de l'infirmation partielle du jugement, les premiers juges n'ayant manifestement pas eu à statuer sur ce chef.

De même, les juridictions de sécurité sociale n'ont pas le pouvoir d'accorder des délais de paiement.

Le pôle social a rejeté la demande de délais de paiement faute de justificatif. La cour confirme les premiers juges en ce qu'ils ont rejeté la demande mais y substitue la motivation selon laquelle il n'appartient pas à cette juridiction d'octroyer des délais de paiement.

5- Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:

L'EURL [3] est condamnée aux entiers dépens et à verser à la CPAM du Var la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ajoutant au jugement,

Déclare l'action en recouvrement de l'indu de la CPAM du Var non prescrite,

Déclare la notification de l'indu du 19 octobre 2017 régulière,

Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a minoré le montant de l'indu après avoir fait droit à la demande de l'EURL [3] s'agissant de la contestation de l'indu portant sur les remboursements de transports d'assurés réalisés sur prescriptions médicales établies à postériori, sur la période du 10 février 2014 au 30 novembre 2016,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare l'indu au titre des transports d'assurés réalisés sur prescriptions médicales établies a posteriori, sur la période du 10 février 2014 au 30 novembre 2016 bien fondé,

Confirme le jugement sur le reste de l'indu, et au besoin,

Condamne l'EURL [3] à verser à la CPAM du VAR la somme de 33 728,02 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2022,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'octroi de délais de paiement, par substitution des motifs propres à la cour,

Y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Déboute l'EURL [3] de sa demande de minoration du montant de l'indu,

Condamne l'EURL [3] aux entiers dépens,

Condamne l'EURL [3] à payer à la CPAM du Var la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté l'EURL [3] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/11044
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;22.11044 ?
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