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24/05/2024 | FRANCE | N°22/12325

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 24 mai 2024, 22/12325


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/12325 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKAFY







[K] [S]





C/



URSSAF PACA





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Lucien FLAMENT



- URSSAF PACA















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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 06 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/02893.





APPELANTE



Madame [K] [S], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Lucien FLAMENT, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE



URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]



représen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/12325 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKAFY

[K] [S]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Lucien FLAMENT

- URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 06 Septembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/02893.

APPELANTE

Madame [K] [S], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Lucien FLAMENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]

représenté par M. [P] en vertu d'un pouvoir général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

En l'état d'un rejet implicite par la commission de recours amiable de l'Urssaf Provence-Alpes-Côte d'Azur (Urssaf) de sa contestation afférente au paiement de la cotisation subsidiaire maladie au titre de l'année 2016, pour un montant de 5 623 euros, Mme [K] [S] ('la cotisante') a saisi le1er août 2019 le pôle social du tribunal de grande instance de Toulon, étant précisé que, par décision en date du 29 janvier 2020, la commission de recours amiable a validé en son entier montant la cotisation subsidiaire maladie.

Par jugement en date du 6 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, a:

* débouté Mme [K] [S] de l'intégralité de ses prétentions,

* condamné Mme [S] à payer à l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 5623 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie de l'année 2016,

* débouté Mme [S] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme [S] aux dépens,

* ordonné l'exécution provisoire.

La cotisante en a relevé appel dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions déposées au greffe le 4 mars 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'appelante sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de:

* annuler l'appel de cotisations,

* annuler la mise en demeure du 30 avril 2019,

* condamner l'Urssaf à lui rembourser la somme de 5 623 euros,

* condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 2 640 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* rejeter l'intégralité des demandes adverses.

En l'état de ses conclusions visées par le greffe à l'audience, soutenues oralement et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'Urssaf sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour de :

* condamner Mme [S] à lui payer la somme de 5623 euros,

* condamner Mme [S] au paiement de la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la régularité de l'appel à cotisations :

Sur le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la cotisation subsidiaire maladie

L'appelante soutient en premier lieu que la cotisation subsidiaire maladie est inconstitutionnelle en ce que, dans sa décision 2018-735 du 27 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a émis une réserve en jugeant que le pouvoir réglementaire devait fixer le taux et les modalités de la cotisation subsidiaire maladie afin d'éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, alors que le décret 2016-976 (sic) instituant un taux de 8% pour ladite cotisation ne prévoit pas de plafond, ce qui rompt ce principe d'égalité. Elle ajoute que le juge a l'obligation de tenir compte des réserves d'interprétation, dont l'application dans le temps n'a pas été différée pour celle-ci et qui s'applique en conséquence aux cotisations dues notamment pour 2016.

L'intimée répond qu'en sa décision susvisée, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur s'était fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se proposait, que la différence de traitement entre les assurés sociaux selon que leur revenu professionnel est inférieur ou supérieur au seuil d'assujettissement est inhérente à l'existence d'un seuil, et que l'absence de plafonnement de la cotisation subsidiaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

Sur quoi:

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 n°2015-1702 du 21 décembre 2015 a instauré la protection universelle maladie (PUMa) en remplacement, à compter du 1er janvier 2016, de la couverture maladie universelle de base (CMU). Les personnes inactives ou dont les revenus professionnels étaient trop faibles pour être assujetties à un régime de sécurité sociale obligatoire étaient bénéficiaires de la PUMa et par voie de conséquence assujetties, dès l'année 2016, et pour les années suivantes, à une nouvelle cotisation dénommée «'cotisation subsidiaire maladie'» (CSM).

Le premier alinéa de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, disposait que toute personne travaillant ou lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière, bénéficie en cas de maladie ou de maternité de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.

L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, disposait que:

«'Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :

«'1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil';

«'2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.

«'Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

«'Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.

«'La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'État.

«'Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales.'»

Dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 portant sur la constitutionnalité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale instituant la CSM, le Conseil constitutionnel a pris la décision suivante :

«'En ce qui concerne la première phrase du 1° et les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 :

«'14. En premier lieu, les dispositions contestées créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d'activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l'article L. 380-2 et qu'ils n'ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d'une cotisation assise sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine.

«'15. Toutefois, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes ne percevant pas de revenus professionnels ou percevant des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge.

«'16. Dès lors, en créant une différence de traitement entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se proposait.

«'17. En deuxième lieu, d'une part, s'il résulte des dispositions contestées une différence de traitement entre deux assurés sociaux disposant d'un revenu d'activité professionnelle d'un montant proche, selon que ce revenu est inférieur ou supérieur au plafond prévu par le quatrième alinéa de l'article L. 380-2, cette différence est inhérente à l'existence d'un seuil. En outre, en application du cinquième alinéa de l'article L. 380-2, lorsque les revenus d'activité sont inférieurs au seuil en deçà duquel une personne est soumise à la cotisation prévue par l'article L. 380-2 mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation assise sur les revenus du patrimoine fait l'objet d'un abattement croissant à proportion des revenus d'activité.

«'18. D'autre part, la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret.

«'19. Enfin, la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

«'20. En troisième lieu, la cotisation contestée n'entrant pas dans la catégorie des impositions de toutes natures, le grief tiré de ce que son cumul avec des impositions de toutes natures présenterait un caractère confiscatoire prohibé par l'article 13 de la Déclaration de 1789 est inopérant.

«'21. Il résulte de tout ce qui précède que la première phrase du 1° et, sous la réserve énoncée au paragraphe 19, les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant les charges publiques, ni celui d'égalité devant la loi.'»

Il en ressort que le Conseil constitutionnel a validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce.

Les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et lient tant les autorités administratives que le juge pour l'application et l'interprétation de cette disposition.

Cependant, les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, modifiés par le décret 2016-979 du 19 juillet 2016, fixent le taux de la cotisation et ses modalités, y compris des plafonds, même si un plafond du montant total de la cotisation n'est pas prévu. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel, la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il appartient au cotisant de démontrer que l'application de ces règles rompt l'égalité des contribuables devant les charges publiques.

Contrairement à ce que soutient la cotisante, des plafonds sont prévus dans le calcul de la cotisation par les dispositions réglementaires, lesquelles ne sont pas intervenues seulement en 2019 en application de la réserve constitutionnelle mais ont été prises dès le 19 juillet 2016 en application de l'article jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Ainsi, il ne peut pas être simplement soutenu que la cotisation prévue par la loi opère une rupture d'égalité devant les charges publiques en l'absence de plafond, sans démontrer que, dans le cas particulier de la cotisante, le calcul de la cotisation effectué sur la base des modalités réglementaires prévues en 2016 crée effectivement une rupture d'égalité en l'absence d'un plafond du montant total de la cotisation.

Par ailleurs, la réserve d'interprétation pour l'avenir formulée par le Conseil Constitutionnel en 2018 ne permet pas de considérer que cette juridiction a entendu déclarer rétroactivement non conformes à la Constitution les dispositions réglementaires portées dans le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016.

Les moyens de la cotisante visant à voir reconnaître l'inconstitutionnalité de la CSM sont par conséquent inopérants.

Sur le moyen tiré de l'inconventionnalité de la cotisation subsidiaire maladie

L'appelante soutient que les modalités de calculs de la cotisation subsidiaire maladie, prévues par le décret n°2016-979 du 19 juillet 2016, sont discriminatoires et contraires à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et à l'article premier de son premier protocole. Elle fait ainsi valoir que l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie, se constituant uniquement des revenus du capital et du patrimoine et non du revenu d'activité, soit 79 942 euros perçus en 2016 au titre des premiers et 0 euro au titre des seconds, est une violation manifeste du principe de non-discrimination fondée sur la fortune en combinaison avec le droit au respect des biens en raison des conséquences disproportionnées qu'elle entraîne, rompt avec le principe d'égalite des cotisants et lui confère un caractère confiscatoire.

L'Urssaf répond qu'à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir introduit contre la circulaire du 15 novembre 2017, le Conseil d'Etat, en son arrêt n°417919 du 10 juillet 2019, s'est prononcé sur ce moyen et a jugé que cette circulaire, en ce qu'elle réitérerait des dispositions législatives et réglementaires, était conforme à l'article 14 de la Conventione européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et à l'article 1er de son premier protocole additionnel, en ce que le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs en rapport avec les buts qu'il proposait, en créant une distinction entre les personnes redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus d'activités et ceux qui sont redevables de la cotisation subsidiaire maladie sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine.

Sur ce:

L'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme prohibe toute forme de discrimination fondée notamment sur la fortune. Par ailleurs, le droit de propriété est consacré par l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite Convention.

Toutefois, ce droit de propriété ne saurait être protégé de manière absolue, des considérations tenant à l'intérêt général pouvant justifier les ingérences d'États membres.

L'article D 380-1 du code de la sécurité sociale dans sa version modifiée par le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016 dispose:

'I.-Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :

1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D)

Où :

A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;

D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;

2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5 % et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D) × 2 × (1-R/ S)

Où :

R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;

S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.

III.-Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II.'

Comme le rappelle la circulaire interministérielle N° DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017 relative à la cotisation subsidiaire maladie prévue à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, 'depuis le 1er janvier 2016, toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière a droit à la prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue tout au long de la vie. Les personnes assurées contribuent au financement de l'assurance maladie en fonction de leurs ressources et de leur situation. Les personnes percevant des revenus d'activité cotisent à l'assurance maladie sur ces revenus. Les personnes qui disposent de faibles ou d'aucune ressource d'activité et de revenus du capital suffisants sont redevables d'une « cotisation subsidiaire maladie »'.

La cotisation subsidiaire maladie a donc justement été créée pour permettre aux personnes ne disposant d'aucune ressource d'activité ou de peu de revenus de cette nature, de bénéficier d'une protection en matière de frais de santé, tout en organisant le financement de celle-ci, dans le respect du principe de solidarité nationale, par une cotisation proportionnelle aux éventuels revenus issus de leur capital ou du patrimoine. Aussi, et quand bien même une différence de traitement existe entre les personnes percevant des revenus d'activité et étant assujetties au paiement d'une cotisation à l'assurante maladie en fonction de ces revenus, et les personnes ne percevant pas ou peu de revenus d'origine professionnelle et cotisant à la cotisation subsidiaire maladie, les dispositions de l'article D 380-1 issues du décret susvisé ne sont-elles pas contraires à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et à l'article premier de son premier protocole.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision précitée, que la cotisation contestée n'entrant pas dans la catégorie des impositions de toutes natures, le grief tiré de ce que son cumul avec des impositions de toutes natures présenterait un caractère confiscatoire prohibé par l'article 13 de la Déclaration de 1789 est inopérant.

Sur le moyen tiré du caractère non rétroactif des actes réglementaires

L'appelante soutient que les textes applicables à la protection universelle maladie (PUMa) sont parus postérieurement à l'année 2016:

- la possibilité pour la caisse de procéder à une affiliation d'office n'a été prévue que par l'article 6, 1° du décret n°2017-736 du 3 mai 2017 relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale portant modifications de diverses dispositions relatives à l'assurance maladie,

- la définition de la condition de résidence en France n'a été formulée que par le décret n° 2017-240 du 24 février 2017,

- la liste des titres de séjour ouvrant droit à la PUMa n'a été précisée que par un arrêté du 10 mai 2017 et l'arrêté fixant le formulaire de demande de PUMa a été publié le 1er novembre 2017,

- 'en janvier 2016, il n'était pas possible pour les citoyens d'avoir connaissance de leur éligibilité ou non à la PUMa,

- il ne saurait lui être appliqué au titre de l'année 2016 des textes qui n'ont été pris qu'à la fin de l'année 2017.'

L'intimée répond que:

- le législateur a précisé dès l'origine de l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale, les conditions pour être redevable de la cotisation, ainsi que la nature des revenus entrant dans l'assiette de la CSM',

- le décret n°2016-979 du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la CSM est entré en vigueur le 22 juillet 2016, soit bien avant l'appel de cotisation contesté et l'exigibilité,

- les articles 7 et 8 du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 ont uniquement précisé les modalités d'appel, de paiement, de recouvrement et de contrôle de la cotisation par la modification des articles R.380-4 à R.380-7 du code de la sécurité sociale, entrés en vigueur le 6 mai 2017, soit avant le premier appel de CSM et la première exigibilité de la cotisation,

- la cotisante est mal fondée à invoquer une prétendue rétroactivité des dispositions réglementaires susvisées pour solliciter l'annulation de l'appel de cotisation';

Sur quoi :

Il est constante que l'appel à cotisations contesté a été émis le 16 décembre 2017 au titre de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016, fixant sa date d'exigibilité au 19 janvier 2018.

Il y a lieu de rappeler qu'une disposition légale se suffisant à elle-même est applicable sans attendre la publication d'un décret, à la date d'entrée en vigueur de cette loi.

Le décret du 3 mai 2017 relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale et portant modifications de diverses dispositions relatives à l'assurance maladie, publié au Journal officiel de la République française du 5 mai 2017, a modifié les articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale, en prévoyant notamment que la cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et qu'elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. Ces dispositions réglementaires se bornent à préciser les modalités de recouvrement, sans comporter aucun élément relatif à l'assiette ni au taux de la cotisation, déjà complètement déterminés par les dispositions issues de la loi du 21 décembre 2015 et du décret n°2016-976 du 19 juillet 2016 susvisés.

Au surplus, contrairement à ce que soutient l'appelante, les dispositions du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, de même que celles du décret n° 2017-240 du 24 février 2017 étaient applicables à la cotisation appelée en décembre 2017 au titre de l'assujettissement de l'assurée à la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016.

En conséquence le moyen tiré de ce que l'application des dispositions réglementaires méconnaîtrait le principe de non-rétroactivité est sans fondement.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 27 de la loi Informatique et Libertés et des exigences de la CNIL :

L'appelante soutient que l'appel de cotisation est contraire aux exigences de la CNIL. Elle fait ainsi observer qu'en matière de PUMa, au terme de son avis n°2017-279 du 26 octobre 2017 sur le projet de décret PUMa, la CNIL a spécifiquement insisté sur l'obligation d'information de l'ACOSS, et que l'ACOSS comme la DGFIP, en application de la loi informatique et liberté, issue de la directive européenne 95/46/CE, avaient l'obligation d'informer les personnes concernées par le traitement de données. Or, ni les lettres circulaires de mi-novembre 2017 envoyées par l'URSSAF, ni les appels de cotisations ne mentionnent selon elle aucune information concernant ce traitement et aucune mention au droit à la modification et à la consultation de ces données n'est faite. Elle en déduit que l'obligation d'information des personnes concernées n'a pas été respectée ni par l'ACOSS ni par la DGFIP, qu'une une violation de la loi informatique et liberté a été commise par l'URSSAF et par la DGFIP, ce qui rend le traitement des données illégal et l'appel de cotisation contraire aux exigences de la CNIL.

L'intimée répond que la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 créant l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale et l'article R 380-3 du même code, qui prévoyaient la transmission des données personnelles et fiscales à l'Acoss et aux Urssaf, se suffisait à eux-mêmes.

Elle ajoute que la Commission nationale de l'informatique et des libertés s'est prononcée à deux reprises préalablement aux deux décrets du 3 novembre 2017 et du 24 mai 2018 autorisant le transfert de données.

Elle objecte que si la mise en place par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement informatique a été autorisée par le décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (délibération n°2017-279 du 26 octobre 2017), lequel prévoit les modalités de recouvrement des cotisations prévues aux articles L.380-2 et suivants du code de la sécurité sociale, le décret du 24 mai 2018 n'a fait que compléter le dispositif existant de transfert et de traitement de données entre la direction générale des finances publiques et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, tel qu'autorisé et prévu par le décret du 3 novembre 2017, en permettant à la direction générale des finances publiques d'effectuer à son niveau un premier traitement de données.

Elle conteste donc que la loi du 6 janvier 1978 ait été violée et soutient que la redevable a été informée, notamment par la lettre d'information envoyée aux cotisants mi-novembre et dans l'appel de cotisation reçu mi-décembre de ce transfert de données de l'administration fiscale vers l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Sur quoi :

L'article 6 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa version applicable au litige (issue de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016), dispose qu'un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes:

1°- les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite,

2° - elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités (...)

3°- elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs,

4° - elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour; les mesures appropriées doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées,

5°- elles sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées.

L'article 34 de la loi précitée du 6 janvier 1978, dans sa réaction applicable antérieurement au 1er juin 2019, stipule que le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès.

Le décret n°2017-1530 en date du 3 novembre 2017 'autorisant la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel destiné au contrôle de la résidence et modifiant le décret n°2015-390 en date du 3 avril 2015", vise expressément l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en date du 26 octobre 2017.

Concernant le traitement de données à caractère personnel, destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, et s'agissant des éléments suivants du projet de décret, cet avis est le suivant:

* concernant la nature et le mode de collecte des données:

les catégories de données à caractère personnel qui seront traitées sont listées dans le projet qui distingue celles relatives à l'état civil, l'identité ou l'identification des personnes, des données d'ordre économique ou financier. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale recevra les données en provenance de la direction générale des finances publiques.

Retenant que seules les données à caractère personnel relatives à des personnes identifiées par l'administration fiscale, comme redevables de cette cotisation seront ainsi transmises, la commission considère que les catégories de données mentionnées dans le projet soumis 'apparaissent adéquates pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées, conformément à l'article 6 (3°) de la loi du 6 janvier 1978 modifiée',

* concernant les destinataires des données (au nombre desquels les agents habilités de'l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et des organismes en charge du calcul et du recouvrement tels que l'Urssaf):

la commission considère que ces dispositions apparaissent 'justifiées au regard des finalités du traitement',

* concernant l'information et les droits des personnes:

la commission observe que le projet est silencieux sur les modalités d'information des personnes concernées, que dans le dossier joint à la saisine, le ministère renvoie au décret visant à autoriser le traitement mis en oeuvre par la direction générale des finances publiques relatif au transfert de données fiscales concernant les redevables de la cotisation annuelle subsidiaire et rappelle que si la direction générale des finances publiques a pour obligation d'informer les personnes en ce qui concerne le traitement automatisé des transferts de données fiscales dont elle est responsable du traitement, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale devra également assurer l'information des personnes concernées pour le traitement qu'elle met en oeuvre.

* concernant les durées de conservation:

la commission a pris acte qu'elles correspondent au délai de prescription de la dette de cotisations sociales mentionnée à l'article L.244-3 du code de la sécurité sociale,

* concernant les mesures de sécurité:

la commission considère que les mesures de sécurité décrites par le responsable de traitement sont conformes à l'exigence de sécurité prévue par l'article 34 de la loi informatique et libertés, tout en rappelant que cette obligation nécessite la mise à jour des mesures de sécurité au regard de la réévaluation régulière des risques.

Le décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017 vise expressément cet avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

L'article 1 du décret précité du 3 novembre 2017, dispose que:

I. - Pour l'application des dispositions de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale est autorisée la création par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».

Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L.213-1 et L.752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale.

II. - Le traitement autorisé par le présent article porte sur les catégories de données suivantes :

1° Données relatives à l'identité des personnes (...)

2° Données fiscales relatives aux revenus :

- traitements et salaires;

- pensions, retraites et rentes;

- revenus et plus-values des professions non salariées : revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux professionnels, revenus industriels et commerciaux non professionnels, revenus non commerciaux professionnels, revenus non commerciaux non professionnels;

- divers: montant net des revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux, revenus non commerciaux non soumis aux contributions sociales par les organismes sociaux, indemnités d'élus locaux, revenus étrangers imposables en France, ouvrant droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français ;

- revenus des valeurs et capitaux mobiliers ;

- plus-values et gains divers ;

- revenus fonciers ;

- revenus fonciers exceptionnels ou différés ;

- le cas échéant, rectifications apportées, par le contribuable ou les services de la direction générale des finances publiques, aux mêmes données, en cas d'émission de rôles supplémentaires et de dégrèvements.

III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître:

1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence;

2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné.

IV. - Les données à caractère personnel mentionnées au II du présent article sont conservées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale pendant quatre ans à dater de leur réception.

Ces données sont conservées par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale pendant quatre ans à compter de leur réception ou jusqu'à expiration des délais de recours en cas de contentieux portant sur la cotisation calculée en application de l'article L. 380-2 à partir des données transmises.

V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.

Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article.

Ce décret a ainsi autorisé le traitement par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et les organismes en charge du calcul et du recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie, au nombre desquels les Urssaf:

* des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser la cotisation subsidiaire maladie,

* et a mis à la charge de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale l'obligation d'informer les personnes concernées du traitement mis en oeuvre.

Publié au journal officiel en date du 4 novembre 2017, ce décret était applicable à la date de l'appel de cotisation du 16 décembre 2017, objet du présent litige, portant sur la cotisation subsidiaire maladie due pour l'année 2016.

L'appel de cotisation du 16 décembre 2017 mentionne au recto que:

* la protection universelle maladie est entrée en vigueur le 1er janvier 2016,

* une cotisation subsidiaire maladie est mise en place pour les assurés répondant à des critères de revenus professionnels et du capital,

* 'selon les éléments transmis par la direction générale des finances publiques vous êtes redevable de la somme de 5 623 euros calculée sur vos revenus du patrimoine 2016 et exigible au 19/01/2018".

Postérieurement à cet appel de cotisation, le décret n°2018-392 du 24 mai 2018 portant création d'un traitement automatisé des transferts de données relatives aux redevables de la cotisation annuelle prévue à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, publié au journal officiel du 26 mai 2018, dispose en son article 1, que pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est autorisée la mise en 'uvre par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Ce traitement automatisé a pour finalité de communiquer à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale les informations nominatives dont dispose l'administration fiscale nécessaires à la détermination de l'assiette et du montant de la cotisation prévue par les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ci-dessus mentionné.

Le transfert est mis en 'uvre par un service informatique de la direction générale des finances publiques.

Aux termes des articles 3, 5 et 7 de ce décret:

* la direction générale des finances publiques effectue les opérations permettant d'établir de façon sécurisée la correspondance entre l'identifiant fiscal national individuel des personnes assujetties à la cotisation mentionnée à l'article 1er et leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques. Une fois établie cette correspondance, le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques est substitué à l'identifiant fiscal national individuel. Les fichiers d'informations nominatives transférés à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale font l'objet d'un chiffrement.

* seuls sont autorisés à connaître des données et traitements mentionnés ci-dessus les agents spécialement habilités, à raison de leurs attributions, de la direction générale des finances publiques et de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale en charge de la protection universelle maladie.

* le site internet des ministères économiques et financiers mentionne la mise en 'uvre du traitement automatisé autorisé par le présent décret. Les personnes concernées par le transfert des informations nominatives mentionné à l'article 1er en sont averties par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Ce décret de 2018 a ainsi autorisé la mise en 'uvre par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.

S'il est exact que ce décret, qui vise expressément la délibération n°2017-250 du 14 septembre 2017 portant avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, complète, comme soutenu par l'Urssaf, le dispositif existant de transfert et de traitement de données entre la direction générale des finances publiques et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale tel qu'autorisé par le décret du 3 novembre 2017, pour autant, ces dispositions ne peuvent fonder la transmission automatisée des données ayant servi au calcul de la cotisation subsidiaire maladie, ce décret de 2018 étant postérieur à l'appel de cotisation.

La difficulté en l'espèce réside en réalité dans les modalités de la transmission des données par la direction générale des finances publiques, en ce qu'avant l'entrée en vigueur du décret n°2018-392 du 24 mai 2018:

* il ne pouvait pas y avoir un 'traitement automatisé' des transferts de données relatives aux redevables de la cotisation subsidiaire maladie, par la direction générale des finances publiques

puisque ce traitement a été créé par ce décret,

* pour autant, et depuis le décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017, était autorisée la création par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel à partir des données transmises par la direction générale des finances publiques, et les agents des Urssaf en charge du calcul et du recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie, étant chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, étaient désignés comme 'destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives'.

L'appel de cotisation du 16 décembre 2017 faisant uniquement référence aux 'éléments transmis par la direction générale des finances publiques' il ne peut en être déduit que ces éléments étaient nécessairement issus d'un traitement automatisé par la direction générale des finances publiques des données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, puisque ce traitement automatisé de transfert de données n'existait pas.

L'article L.380-2 dernier alinéa du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable stipule que les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L.213-1 et L.752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L.380-2, conformément à l'article L.152 du livre des procédures fiscales.

Il résulte de l'article R.380-3 du code de la sécurité sociale que les cotisations mentionnées à l'article L.380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L.380-3-1 sont calculées, appelées et recouvrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations.

Selon l'article D.380-5 I du code de la sécurité sociale (pris dans sa rédaction issue du décret 2016-979 du 19 juillet 2016), les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1.

Il s'ensuit qu'antérieurement au décret n°2018-392 du 24 mai 2018 la communication des données à caractère personnel par l'administration fiscale aux agents de l'Urssaf en charge du calcul et du recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie était expressément prévue, et qu'en réalité ce décret de 2018 a uniquement créé la mise en place d'un transfert automatisé des données entre la direction générale des finances publiques et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Antérieurement au décret de 2018, la communication s'effectuait par l'autorisation donnée à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel reçues de la direction générale des finances publiques.

Les données ainsi communiquées à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale étaient classées en réalité dans un fichier «Cotisation spécifique maladie », créé par le décret du 3 novembre 2017, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés du 26 octobre 2017, le considérant conforme notamment à 'l'article 6 (3°) de la loi du 6 janvier 1978 modifiée' et ayant aussi considéré que 'les mesures de sécurité décrites par le responsable de traitement sont conformes à l'exigence de sécurité prévue par l'article 34 de la loi informatique et libertés'.

L'appelante n'est pas donc fondée à alléguer qu'à la date d'appel des cotisations spécifiques maladie, le 16 décembre 2017, la transmission des données personnelles fiscales aux organismes de recouvrement n'était pas régulière au regard de la loi 78-17 du 6 janvier 1978.

Sur le moyen tiré du caractère tardif de l'appel à cotisations

L'appelante soutient que l'appel de cotisation est tardif'alors que l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale fixe un terme ad quo à l'action en recouvrement de l'organisme de sécurité sociale et que l'URSSAF avait jusqu'au 30 novembre 2017 pour adresser un appel de cotisation au titre de l'année 2016'. L'URSSAF ayant daté son appel de cotisation du 15 décembre 2017 (sic), l'appel de cotisation est hors délai'et doit être annulé.

L'intimée ne répond pas sur ce point.

Sur quoi:

Selon l'article R. 380-4, I du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse, la cotisation assise sur les revenus non professionnels, mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

Il résulte de ces textes que le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite d'appel à cotisation fixée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible. (Cass., Civ. 2, 6 janvier 2022, n°20-16.379'; Cass. Civ. 2, 7 avril 2022, n°20-17.872).

En l'espèce, le fait que l'appel de la cotisation soit daté du 16 décembre 2017, soit postérieurement au 30 novembre 2017 ne saurait faire obstacle à son recouvrement selon les modalités prévues à l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale et ne saurait entraîner la nullité de l'appel de cotisation.

L'appelante est en conséquence mal fondée en son moyen.

Sur la régularité de la mise en demeure

L'appelante soutient que la mise en demeure est irrégulière faute de lui avoir permis de connaître la nature, la cause, le montant des sommes réclamées et la période à laquelle elles se rapportent. Elle fait observer à cet égard que la mise en demeure vise le 4ème trimestre 2016 alors que la cotisation subsidiaire maladie porte sur l'année entière, l'induisant en erreur sur le montant réclamé, puisqu'elle pense être redevable de quatre fois celui-ci pour l'année entière.

L'intimée ne répond pas sur ce point.

Sur ce:

Il est constant que l'Urssaf a émis, le 30 avril 2019, à l'encontre de Mme [S], une mise en demeure d'un montant de 5 623 euros.

Aux termes de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018, toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception par l'employeur ou le travailleur indépendant.

En application de l'article R 244-1 dans sa version en vigueur depuis le 16 décembre 2018, la mise en demeure doit indiquer de manière précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

En l'espèce, la mise en demeure mentionne la nature des cotisations (cotisation subsidiaire maladie), le motif de mise en recouvrement (absence de versement), et porte sur le même montant que celui de l'appel à cotisations du 16 décembre 2017 émis au titre de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016. La mise en demeure porte sur le 4ème trimestre 2016, puisque le 4ème trimestre 2016 est celui de l'exigibilité d'une cotisation due annuellement en application de R. 380-4, I du code de la sécurité sociale, de sorte qu'ainsi elle n' a pu être induite en erreur surla période concernée et qu'elle est est mal fondée en son moyen.

L'appelante ne conteste pas, par ailleurs, le montant de la cotisation subsidiaire maladie.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ses dispositions soumises à la cour et l'appelante, déboutée de l'ensemble de ses demandes et prétentions.

Succombant, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'Urssaf les frais exposés pour sa défense, ce qui justifie de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Déboute Mme [K] [S] de l'intégralité de ses demandes et prétentions,

Condamne Mme [K] [S] aux dépens,

Condamne Mme [K] [S] à payer à l'Urssaf Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/12325
Date de la décision : 24/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-24;22.12325 ?
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