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24/05/2024 | FRANCE | N°22/10199

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 24 mai 2024, 22/10199


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2024



N°2024/.













Rôle N° RG 22/10199 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJYBS







[P] [K]





C/



CARSAT SUD EST





























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Fabienne FILIO



- CARSAT SUD EST





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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 23 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/2236.





APPELANTE



Madame [P] [K], demeurant [Adresse 3]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022-006100 du 09/09/2022 accordée par le bureau d'aide...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/10199 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJYBS

[P] [K]

C/

CARSAT SUD EST

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Fabienne FILIO

- CARSAT SUD EST

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 23 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/2236.

APPELANTE

Madame [P] [K], demeurant [Adresse 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022-006100 du 09/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),

représentée par Me Fabienne FILIO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

CARSAT SUD EST, demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [R] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [P] [K] , de nationalité algérienne, née le 5 décembre 1938, dont le conjoint [E] [W], également de nationalité algérienne, est décédé le 19 décembre 1969, a sollicité le 10 mai 2016 auprès de la caisse de retraite et de santé au travail du Sud-Est ('la caisse') l'attribution d'une pension de réversion, qui lui a été refusée par décision du 10 juin 2016 au motif qu'elle n'était pas mariée avec le susnommé.

Elle a saisi la commission de recours amiable en contestation de cette décision le 3 août 2016, laquelle a rejeté son recours le 11 avril 2017, au motif qu'elle n'avait pas fourni l'acte de naissance de son conjoint décédé.

Elle a de nouveau contesté cette décision devant la commission de recours amiable, laquelle a rejeté son recours le 5 janvier 2018.

Mme [K] a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône le 3 juin 2018, étant précisé que par décision du 7 septembre 2021, la caisse lui attribué une pension de réversion à compter du 1er avril 2021.

Par jugement du 23 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille ayant repris l'instance a :

- déclaré recevable mais mal fondé le recours,

- débouté Mme [P] [K] de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [K] aux dépens.

Mme [K] a interjeté appel dudit jugement dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses dernières conclusions n°2 signifiées par voie électronique le 4 mars 2024, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la partie appelante sollicite l'infirmation de l'ensemble des dispositions du jugement entrepris et demande à la cour de:

- dire que la date d'entrée en jouissance de sa pension de réversion doit être fixée au 1er juin 2016,

- condamner la caisse à lui verser la pension de réversion à compter du 1er juin 2016,

- débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la caisse à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par voie de conclusions transmises au greffe par voie électronique le 23 février 2024, oralement soutenues et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la partie intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement et demande à la cour de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de dire et juger que les arrérages de pension de réversion qui seraient dus avant le 1er avril 2021 devront faire l'objet de retenues sur les sommes dès lors indument versées au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, dans la période fixée par la cour.

MOTIFS

L'appelante, se prévalant des dispositions des articles R 353-7 et R 353-4 du code de la sécurité sociale, soutient en substance qu'elle n'a certes communiqué à la caisse qu'au mois de mars 2021 l'acte de naissance de son époux, mais que cette transmission tardive ne résulte que d'un empêchement dirimant, alors qu'elle avait entrepris toutes les démarches nécessaires auprès des autorités algériennes compétentes. Elle précise à cet égard s'être heurtée à de multiples difficultés, dans la mesure où les actes administratifs n'ont été numérisés qu'à compter de 1991 alors que son conjoint était né en Algérie en 1930 et décédé en 1969, que sa date de naissance exacte n'était pas précisée sur les documents d'état civil, et que les documents d'éta civil algériens mentionnaient un mois de naissance différent des actes d'état civil français.

Elle fait le grief au jugement attaqué d'avoir considéré qu'elle ne pouvait se prévaloir d'une demande de pension de réversion formulée le 10 mai 2016 dans la mesure où elle n'avait pas fourni l'acte prouvant qu'elle avait été mariée à M. [W], alors qu'il n'était indiqué nulle part dans la demande l'obligation de produire un acte de mariage, et qu'elle a au surplus produit un acte de décès qui fait mention de leur mariage.

Elle reproche en outre à la caisse de lui avoir refusé l'octroi de la pension de réversion au motif que l'acte de naissance de son conjoint était manquant, alors que, lors de sa précédente demande formée auprès de la CRAM en 2013, celle-ci n'a jamais indiqué ce motif, ni le fait que la demande n'aurait pas été formée par imprimé réglementaire, mais a motivé son refus par le fait qu'elle n'était pas mariée à l'assuré, alors qu'il est constant qu'elle l'était.

Elle fait ainsi le grief à la CRAM et à la Carsat d'avoir dissimulé les informations auxquelles elle avait un droit d'accès et qui lui auraient permis de retrouver l'acte de naissance demandé.

Elle souligne enfin qu'au contraire de ce qu'ont affirmé les premiers juges, elle a bien déposé une demande de pension de réversion dès le 10 mai 2016, puisque la caisse y a répondu le 10 juin 2016.

L'intimée répond essentiellement que la demande de pension de réversion reçue le 10 mai 2016 n'était accompagnée ni de l'acte de naissance de l'époux décédé ni de leur acte de mariage, et que la demande ne mentionnait ni le jour de naissance de l'époux ni la date précise du mariage, de sorte qu'elle n'était pas recevable au regard de l'article R 354-1 du code de la sécurité sociale. Elle ajoute que, lors de ses deux recours devant la commission de recours amiable, l'assurée n'a pas davantage communiqué l'acte de naissance de son premier époux ni leur acte de mariage, et que ces actes n'ont été produits qu'à l'appui de sa réclamation auprès du ministre des solidarités et de la santé, qu'ils n'ont été établis que le 25 février 2021, et qu'ils ne lui sont parvenus que le 20 mars 2021.

Elle souligne que comme l'a rappelée la Défenseure des droits dans sa décision n°2021-224, la circulaire CNAV n°2006-22 du 13 mars 2006 relative à la recevabilité des demandes de retraite prévoit qu'il appartient à l'assuré de produire un acte d'état civil du défunt mentionnant ses liens de mariage, et que, faute pour l'assuré d'accomplir cette démarche dans le délai de trois mois à compter de la date d'envoi ou de remise à l'assuré de l'imprimé réglementaire, la demande de pension de réversion est irrecevable.

Elle objecte qu'au contraire de ce qu'elle allègue, l'appelante n'a accompli aucune diligence requise pour régulariser sa situation au regard de l'état civil algérien, alors que son époux est décédé en 1969 et qu'elle a eu le temps et l'occasion de le faire notamment lors de la survenance du décès de son époux, puis lors de son second mariage en 1970 et de son divorce en 1991 d'avec M. [F], et que la force majeure dont elle se prévaut ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce.

Elle fait observer que les dispositions en matière de retraite sont d'ordre public, et que les actes d'état civil sont des éléments de preuve substantiels pour la complétude d'un dossier de demande de pension de réversion.

Elle soutient avoir en conséquence fait une exacte application de la législation en lui octroyant la pension de réversion à compter du 1er avril 2021, et qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de la négligence de l'appelante dans les démarches effectuées pour obtenir les actes relatifs à l'état civil de son défunt conjoint, ni des mauvaises diligences éventuelles de l'état civil algérien.

Sur ce:

L'article L 353-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011, dispose qu'en cas de décès de l'assuré, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion à partir d'un âge et dans des conditions déterminés par décret si ses ressources personnelles ou celles du ménage n'excèdent pas des plafonds fixés par décret.

L'article R 353-7 du même code dispose :

'Le conjoint survivant indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de la pension de réversion, sous réserve des conditions suivantes :

1° Cette date est nécessairement le premier jour d'un mois ;

2° Elle ne peut pas être antérieure au premier jour du mois suivant lequel il remplit la condition d'âge prévue à l'article L. 353-1 ;

3° Elle ne peut pas être antérieure au dépôt de la demande. Toutefois :

a) Lorsque la demande est déposée dans le délai d'un an qui suit le décès, la date d'entrée en jouissance peut être fixée au plus tôt au premier jour du mois qui suit le décès ;

b) Lorsque la demande est déposée dans le délai d'un an suivant la période de douze mois écoulée depuis la disparition, la date d'entrée en jouissance peut être fixée au plus tôt au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré a disparu.

La caisse chargée de la liquidation de la pension de réversion informe le demandeur de son droit à fixer une date d'entrée en jouissance de sa pension et s'il satisfait aux conditions mentionnées aux a ou b du 3°.A défaut d'exercice de ce droit, la date d'entrée en jouissance est fixée au premier jour du mois suivant la date de réception de la demande sous réserve de la condition mentionnée au 2°.'

L'article R 354-1 du même code dans sa rédaction issue du décret n°2010-674 du 18 juin 2010

prévoit :

'Les personnes qui sollicitent le bénéfice des avantages de réversion prévus aux articles L. 353-1 et

L. 353-2 adressent à la caisse ou à l'une des caisses ayant liquidé les droits à pension du de cujus la demande mentionnée à l'article R. 173-4-1. Lorsque les droits n'ont pas été liquidés, la demande est adressée à la caisse compétente dans le ressort de laquelle se trouve la résidence de la personne intéressée, cette caisse étant celle du régime de son choix si le de cujus avait relevé de plusieurs régimes. En cas de résidence à l'étranger ou pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 353-3, l'organisme compétent est celui qui a reçu les derniers versements du de cujus ou qui a liquidé ses droits.

[...]

Le conjoint survivant et le conjoint divorcé doivent obligatoirement joindre à cette demande la copie de l'acte de naissance de l'assuré.

Lorsque la demande est formée au titre de l'inaptitude au travail, les documents prévus à l'article R. 351-22 doivent y être joints.

Il est donné au requérant récépissé de sa demande et des pièces qui l'accompagnent.

Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande de liquidation ou de révision d'une pension de réversion et de ses accessoires vaut décision de rejet.'

Suivant la circulaire Cnav n°2006/22 du 13 mars 2006, la recevabilité d'une demande de retraite est subordonnée à la transmission d'un imprimé réglementaire dûment rempli, déposé ou adressé par l'assuré à une caisse de retraite, et accompagné des pièces justificatives y afférant, et il est constant à cet égard que pour bénéficier d'une pension de réversion, le demandeur doit notamment justifier de son lien de mariage avec le conjoint décédé.

En l'espèce, l'appelante produit en cause d'appel la demande de pension de réversion formée par formulaire réglementaire cerfa dont la caisse a accusé réception, selon tampon de cet organisme, le 10 mai 2016.

La caisse produit le courrier du 10 juin 2016 aux termes duquel elle informe l'assurée que sa demande de pension de réversion est rejetée faute d'avoir été mariée avec M. [W]. S'il est en effet constant que l'appelante a été mariée avec ce dernier du 19 décembre 1954 jusqu'à son décès le 15 décembre 1969, ce justificatif n'a cependant été porté à la connaissance de la caisse que suite à la réclamation reçue par le ministère des solidarités et de la santé le 4 mars 2021, transmise à la caisse, selon les pièces produites en cause d'appel, par courriel le 10 mars suivant.

Par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats que l'appelante, qui le reconnaît elle-même, n'a jamais communiqué à la caisse, dans le cadre de sa demande, l'acte de naissance de son conjoint décédé. Elle n'a transmis que dans le cadre de sa réclamation auprès du ministère des solidarités et de la santé, une copie intégrale de l'acte de naissance de son conjoint décédé établi par l'officier de l'état civil algérien le 25 février 2021, et une copie de leur acte de mariage établie le même jour.

En outre, l'acte de décès établi le 25 janvier 2013 par l'officier d'état civil d'[Localité 2], produit devant la commission de recours amiable lors de son recours du 3 août 2016, ne saurait se substituer ni à un acte de mariage -dont il ne mentionne d'ailleurs pas la date- ni à un acte de naissance du conjoint décédé.

L'appelante est en conséquence mal fondée à reprocher à la caisse un quelconque manquement à son obligation d'information quant aux pièces nécessaires à la recevabilité de sa demande de pension de réversion.

De surcroît, au contraire de ce qu'elle allègue, elle ne démontre en rien avoir effectué des démarches auprès de l'état civil algérien à une époque antérieure ou contemporaine de sa demande de pension de réversion. Le courrier du 22 février 2013 émanant du service de l'immigration et de l'intégration de la préfecture des Bouches du Rhône, lui indiquant n'avoir pu retrouver de document d'état civil de son défunt mari est en effet inopérant à cet égard, et le courrier émanant du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères en date du 12 février 2013 qu'elle produit, lui rappelle au contraire que les ressortissants étrangers doivent s'adresser, aux fins d'obtenir les documents d'état civil de son défunt époux, aux autorités locales ou consulaires de leur pays. Or, elle ne justifie d'aucune démarche auprès de l'état civil algérien avant l'année 2020 et ne saurait en conséquence se prévaloir d'un obstacle insurmontable indépendant de sa volonté.

C'est donc à bon droit que la caisse, qui s'est vu transmettre par le ministère de la santé la réclamation de l'assurée relative à sa demande de pension de réversion par courriel du 10 mars 2021 avec les justificatifs d'état civil susvisés, a considéré qu'il s'agissait d'une nouvelle demande de pension de réversion et qu'elle la lui a octroyée avec effet au 1er avril 2021.

L'appelante est en conséquence mal fondée en ses moyens et, le jugement qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et prétentions doit être confirmé.

Succombant, Mme [K] doit être condamnée aux dépens d'appel et ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas en revanche de la condamner au paiement d'une quelconque somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Déboute Mme Mme [P] [K] de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

Condamne Mme [P] [K] aux dépens d'appel,

Déboute la caisse de retraite et santé au travail du Sud-Est de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/10199
Date de la décision : 24/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-24;22.10199 ?
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