COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 24 MAI 2024
N°2024/090
Rôle N°19/19700
N° Portalis DBVB-V-B7D-BFLD3
[L] [Z]
C/
SAS ADICOR
Copie exécutoire délivrée
le : 24 Mai 2024
à :
- Me Odile LENZIANI de la SCP LENZIANI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 14 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00859.
APPELANT
Monsieur [L] [Z], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Odile LENZIANI de la SCP LENZIANI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Gilles BOUKHALFA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS ADICOR, sise [Adresse 2]
représentée par Me David BLANC, avocat au barreau de LYON,
et par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre, et Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre.
Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024, délibéré prorogé au 24 Mai 2024
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024.
Signé par Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
M. [L] [Z] a été engagé en qualité de responsable travaux dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à effet du 2 septembre 2002 par la société Adicor Sud, dont le siège social était situé à [Localité 17] en région lyonnaise et aux droits de laquelle se trouve désormais la société Adicor Farhenberger suite à une absorption par transmission universelle de patrimoine (la société Adicor, ci-après).
Compte tenu de l'activité de l'entreprise (architecture d'intérieur et bureau d'études en décoration de pharmacies d'officine) - qui employait habituellement une quinzaine de salariés -, la relation de travail était soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, dite 'Syntec'.
Etant classé coefficient 500 de la grille des emplois de cette convention collective, le salarié percevait initialement un salaire mensuel fixe de 2.591 € ainsi qu'une rémunération complémentaire variable, à savoir une commission égale à 2,5 % bruts sur les honoraires et sur les marges par rapport aux travaux encaissés. Au dernier état de la relation de travail, il sa rémunération mensuelle brute moyenne était de 3.200 €.
Il avait pour mission essentielle la gestion des chantiers de la région sud et il était, de ce fait, basé à l'agence d'[Localité 4]. Ses horaires de travail étaient fixés sur une base de 37 heures par semaine dans le contrat, lequel prévoyait qu'il pouvait néanmoins être confronté à des horaires variables.
Son contrat prévoyait par ailleurs qu'il était assujetti à une obligation de non-concurrence.
M. [Z] a fait l'objet d'une lettre d'observations notifiée le 15 novembre 2010 lui reprochant le non-respect des règles professionnelles dans la réalisation des appels d'offres, une rétention d'information, un manque de communication avec la hiérarchie et un refus d'utiliser les logiciels en vigueur dans l'entreprise pour l'élaboration des plans.
Le 14 janvier 2012, il s'est vu notifier un avertissement par une lettre lui reprochant une 'véritable insubordination', 'un manque de réactivité et de professionnalisme' à l'égard d'une pharmacie cliente ainsi qu'une absence de compte-rendus dans deux dossiers.
Au cours de ce même mois de janvier 2012, la société Adicor lui a proposé une mutation au siège social à [Localité 18] qu'il a refusée, si bien qu'il a été maintenu sur son poste à [Localité 4].
Le 7 janvier 2016, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à éventuel licenciement fixé au 18 janvier suivant, avec mise à pied conservatoire.
Il a été licencié pour faute grave par une lettre du 21 janvier 2016 rédigée en ces termes :
' Pour rappel, vous avez été engagé en qualité de chargé de travaux et votre mission consistait à assurer la gestion et le suivi de nos chantiers en région Sud.
Dans ce cadre, il vous incombait essentiellement d'élaborer les dossiers juridiques en conformité avec les exigences légales en vigueur, notamment en matière d'assurances et de garanties mais aussi au regard des engagements pris envers nos clients.
Or, le 23 juillet 2013, nous avons déjà été contraints de vous notifier un avertissement en raison des plaintes émises par deux clients (Pharmacie [6] et Pharmacie de [22]), qui ont été victimes de plusieurs négligences de votre part dans le pilotage de leur chantier, courrier recommandé que vous n'avez jamais réceptionné :
- erreurs dans le plan initial,
- demandes d'intervention laissées sans suite,
- devis largement sous-évalué,
- présence insuffisante sur le chantier,
- défaillances électriques, etc...
A l'époque, nous avions déjà attiré solennellement votre attention sur la nécessité de rectifier votre comportement, vis-a-vis des clients mais aussi vis-a-vis de votre Direction puisque nous avions également déploré votre manque de communication sur votre activité.
Ainsi, malgré nos multiples relances, nous rencontrions les pires difficultés pour obtenir la transmission de documents pourtant fondamentaux et dont certains répondaient à une exigence légale :
- rapports périodiques d'activité, devis,
- assurance décennale,
- planning de vos déplacements, etc...
Nous sommes aujourd'hui forcés de constater que cet avertissement n'a pas produit d'effet positif sur votre comportement professionnel, comme en témoigne les multiples illustrations suivantes.
En premier lieu, le 2 juillet 2015, nous vous avons demandé de nous transmettre l'ensemble des documents obligatoires relatifs à vos chantiers terminés, dans le cadre d'une opération d'archivage des dossiers. Cette demande est restée lettre morte et nous avons été obligés de vous relancer à trois reprises les 21 septembre, 30 septembre et 15 octobre 2015, sans davantage de succès.
En désespoir de cause, nous vous avons convoqué le 18 novembre 2015 à une réunion fixée au 23 novembre dans nos locaux à [Localité 18], afin d'obtenir enfin les documents réclamés en vain. Lors de cette réunion, vous avez déclaré que vous n'aviez pas apporté tous les dossiers dont nous vous avons fait parvenir la liste. Nous avons fait l'inventaire des documents remis et constaté ensemble que vos dossiers étaient largement incomplets : notamment, il manquait des éléments dont l'absence est susceptible d'engager la responsabilité civile et professionnelle de notre société (par exemple les garanties décennales, les attestations d'assurance des artisans, les procès-verbaux de réception chantiers et mobilier, ...).
Dans ce cadre, nous vous avons invité à recontrôler vos dossiers et nous vous avons reconvoqué à des réunions tenues le 4 décembre 2015 et le 14 décembre 2015 pour transmission des pièces manquantes.
Or, ce troisième rendez-vous n'a pas permis de récupérer l'ensemble des documents manquants puisqu'il en manquait une trentaine, et nous constatons ainsi qu'en dépit d'une demande remontant au 2 juillet 2015, nous sommes toujours dans l'attente de ces éléments essentiels que vous avez manifestement perdus ou pire encore, que vous n'avez pas élaborés.
Compte tenu de votre expérience dans cette fonction, nous ne pouvons pas admettre une telle légèreté de votre part et vous savez parfaitement que vos carences peuvent engager notre responsabilité en cas de litige.
En second lieu et malgré nos différentes alertes, nous constatons votre négligence dans le montage des dossiers.
Pour illustration pour les dossiers les plus récents :
- estimatifs et chiffrage travaux incorrects pour la Pharmacie [7] - Mr [I] à [Localité 15], la pharmacie [9], Mr [K] [M], à [Localité 15], la Pharmacie [12], à [Localité 19].
- erreurs dans les états des lieux, entraînant pour le bureau d'études une surcharge de travail.
- refus d'utiliser les logiciels informatiques malgré vos compétences énoncées sur votre CV pour l'établissement des états des lieux, ou refus d'utiliser notre messagerie professionnelle pour l'ensemble des dossiers malgré nos incessantes demandes.
Ces anomalies sont d'autant plus incompréhensibles que vous êtes le chargé de travaux ayant géré le plus petit nombre de chantiers : cinq chantiers en 2015, là où vos collègues en ont traité de 10 a 12.
Cette circonstance témoigne d'une mauvaise volonté évidente que nous n'entendons plus accepter.
En troisième lieu, malgré notre précédent avertissement, nous continuons à enregistrer des plaintes de la clientèle implantée sur votre secteur.
A titre d'exemple et sans être exhaustif nous pouvons citer :
- Mr [R] et Mme [A] - BJM pharmacie qui refusent de vous voir à nouveau, Mr [V], pharmacie [6] qui se plaint de l'inachèvement de l'installation.
- Mr [G] - pharmacie principale à [Localité 23] : plannings non distribués aux artisans impliquant une complète désorganisation des interventions, ceux-ci n'étant plus disponibles aux dates prévues par vous ; Les devis que vous avez transmis au client ne reflètent pas la réalité des prestations à la grande surprise de Mr [G] et son vif mécontentement, entraînant une plus-value par rapport aux dépenses prévues. Aucun listing - d'entreprises communiqué au client.
- Mme [T], Messieurs [F] et [J], pharmacie principale à [Localité 11] où vous n'avez pas noté la casse de carreaux au sol par les artisans sur le compte-rendu de chantier, entraînant la réfection du sol à notre charge, alors que vous étiez présent lors du dommage.
- Mme [A] et Mr [R], BJM pharmacie à [Localité 21] où le client nous attaque pour défaut de conseil et où vous avez recommandé un artisan pour lequel vous ne vous êtes pas assuré de sa couverture d'assurance. Litige en cours.
- Mme [D] et Mr [B], pharmacie de l'[10] à [Localité 14] : négligences sur la préparation du chantier et son déroulement par la non-communication du planning ayant entrainé des difficultés sur l'intervention de l'artisan (caisson en partie haute non signalé lors de l'état des lieux).
- Mr [V], pharmacie [6] à [Localité 5] où vous avez pris la liberté de faire une proposition d'implantation, en réalisant vous-même les plans et en dissimulant cette opération à votre Direction : l'implantation étant défectueuse, le client se retourne contre nous et refuse de régler notre facture de 4.000,00 €
Notre société, compte tenu de sa taille, ne peut pas se permettre de perdre des clients par votre manque de professionnalisme et il nous appartient de réagir face à cette vague de mécontentement.
D'autant que vous n'avez aucunement développé votre secteur : pour la majorité des dossiers, vous n'avez effectué aucun appel d'offres afin d'effectuer une mise en concurrence. Les entreprises que vous avez retenues se retrouvent sur un nombre important de dossiers sur la majorité des lots. Cet état de fait témoigne du peu d'intérêt que vous portez à notre croissance externe.
En quatrième lieu, vous persistez à négliger votre communication avec la Direction. Alors que nous vous avons demandé inlassablement de nous transmettre des rapports d'activité réguliers et complets, vous continuez à ne tenir aucun compte de nos directives :
- vous ne répondez ni à nos mails ni à nos relances,
- vous refusez de communiquer des informations sur des affaires potentielles dont vous avez eu connaissance par l'intermédiaire de notre enseigniste, Mr [W], pour la pharmacie [20] à [Localité 16], Mr [S].
- vous ne communiquez pas les comptes rendus de chantier aux entreprises et en interne, sauf au prix de multiples rappels,
- relation conflictuelle avec le bureau d'études.
Cette insubordination nous place ainsi dans une complète incertitude sur votre niveau d'activité.
En cinquième lieu, vous avez emporté des dossiers physiques de clients le 13 janvier 2016.
Ceci est d'autant plus préjudiciable que votre messagerie électronique professionnelle est vide de tout échange, mail et pièces jointes se rapportant à votre activité professionnelle. Vous invoquez les difficultés que vous rencontrez à vous connectez à cette messagerie, ce que ne reflètent pas les mails reçus et envoyés à partir de votre messagerie électronique professionnelle durant toute l'année 2015 et le dernier en date du 4 janvier 2016.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous prononçons votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité, et cette mesure prendra effet à la date de première présentation de ce courrier.
Votre mise à pied conservatoire effective depuis le 9 janvier 2016, ne sera pas rémunérée.'
C'est dans ce contexte que, le 4 août 2016, M. [Z] a saisi le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence pour contester son licenciement et réclamer diverses sommes à titre de rappels sur salaire variable et heures supplémentaires, à titre de dommages et intérêts ainsi qu'en contrepartie de la clause de non-concurrence.
Vu le jugement du 14 octobre 2019 qui a :
- ordonné la régularisation de l'affiliation de M. [Z] au titre de l'article 4 bis de la convention collective nationale du 14 mars 1947, des cotisations prévoyance et APEC et des cotisations caisse de retraite, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 45ème jour suivant la notification du jugement rendu,
- condamné la société Adicor à payer à M. [Z] les sommes suivantes :
- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de l'absence d'affiliation au titre de l'article 4 bis de la convention collective nationale du 14 mars 1947,
- 500 € à titre de dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence,
- 1.476,89 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire,
- 147,68 € au titre de l'incidence congés payés sur rappel de salaires,
- 9.600 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 960 € au titre de l'incidence des congés payés sur préavis,
- 14.133,33 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 2.707 € à titre de rappel sur salaire variable,
- 270,70 € au titre de l'incidence des congés payés sur salaire variable,
- 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de sa décision,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société Adicor aux entiers dépens,
Vu la déclaration d'appel de M. [Z] en date du 24 décembre 2019 reprochant expressément au jugement :
- d'avoir considéré que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de sa demande indemnitaire à hauteur de 45.000 € à ce titre,
- de l'avoir débouté de ses demandes relatives au rappel d'heures supplémentaires,
- d'avoir rejeté sa demande indemnitaire évaluée la somme de 6.000 € relatives à l'attitude déloyale de l'employeur),
Vu l'appel incident régularisé par la société Adicor par le biais de ses premières conclusions en date du 18 mai 2000, demandant à la cour de rejeter l'intégralité des prétentions du salarié,
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 janvier 2024 pour M. [Z], qui demande à la cour - en substance - de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de ses demandes relatives aux heures supplémentaires réalisées et de sa demande indemnitaire relative à l'attitude déloyale de l'employeur,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
- 1.476,89 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire
- 147,68 € au titre de l'incidence congés payés sur rappel de salaires
- 9.600 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 960 € au titre de l'incidence congés payés sur préavis
- 14.133,33 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- le confirmer également sur le principe de l'indemnisation des préjudices résultant de l'absence d'affiliation au régime de prévoyance et de retraite complémentaire des cadres ainsi que de la nullité de la clause de non concurrence insérée à son contrat de travail mais le réformer sur le quantum des dommages-intérêts alloués,
- condamner la société Adicor à lui verser les sommes suivantes :
- 4.735,08 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2013
- 473,50 € au titre de l'incidence congés payés,
- 4 956 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur les années 2014 et 2015,
- 495,60 € au titre de l'incidence conges payés,
- 6.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de l'attitude déloyale de l'employeur qui refuse de produire les données enregistrées relatives au temps de travail des années 2014 et 2015,
- 110.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenue d'une perte de revenus subie de 63 à 70 ans,
- 35.028,40 € (6.460 [perte de revenus après retraite de 70 ans à 79,5 ans] + 22.658,40 [créance MALAKOFF HUMANIS] + 5.910 [perte de 20 % de salaire pendant son arrêt maladie]) à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de son défaut d'affiliation à la prévoyance et à la reprise retraite complémentaire des cadres ou, à titre subsidiaire, 39.788,40 € (11.220 [perte de revenus après retraite de 63 ans à 79,5 ans] + 22.658,40 [créance MALAKOFF HUMANIS] + 5.910 [perte de 20% de salaire pendant son arrêt maladie) en réparation de ce même préjudice,
- 19.200 € à titre de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
- assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la demande avec capitalisation,
- condamner la société Adicor à lui payer la somme de
2.500 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité octroyée sur ce fondement en première instance, ainsi qu'en tous les dépens,
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 septembre 2020 pour le compte de la société Adicor, aux fins de voir pour l'essentiel :
- déclarer irrecevables car couvertes par la prescription les demandes relatives à l'affiliation et aux cotisations à l'Agirc ainsi que les demandes relatives aux heures supplémentaires pour la période antérieure au 1er septembre 2013,
- débouter le salarié de toutes ses demandes,
- condamner M. [Z] à lui payer une indemnité de 2.000 € a en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 janvier 2024,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.
A l'issue de l'audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 12 avril 2014 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informées par le greffe du prorogé du délibéré au 24 mai 2014.
SUR CE :
En l'état des chefs de jugement critiqués dans le cadre de l'appel principal et de l'appel incident, la cour se trouve en définitive saisie de l'entier litige tel que soumis au conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence, à l'exclusion de la condamnation de la société Adicor au paiement d'un rappel de salaire de 2.707 € et de la somme de 270 € au titre des congés payés afférents sui ne fait l'objet d'aucune critique, que ce soit dans le cadre de l'appel principal que de l'appel incident.
Sur la régularisation des cotisations sociales aux caisses des cadres :
Le conseil des prud'hommes a condamné la société Adicor à payer 10.000 € de dommages et intérêts à M. [Z] et ordonné la régularisation de l'affiliation du salarié ainsi que du paiement des cotisations prévoyance, APEC et caisse de retraite, cela après avoir tout d'abord rappelé les dispositions de l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres en date du 14 mars 1947 prévoyant que ce régime s'applique obligatoirement aux ingénieurs et cadres et à d'autres salariés assimilés et les dispositions de l'article 4 bis de cette convention assimilant expressément aux ingénieurs et cadres précédemment visés 'les employés, techniciens et agent de maîtrise ( ...) dans les cas où ils occupent des fonctions :
a) classés par référence aux arrêtés de mise en ordre des salaires, à une côte hiérarchique brute égale ou supérieure à 300.
b) classées dans une position hiérarchique équivalente à celles qui sont visées au a) ci-dessus, dans des classifications d'emploi résultant de conventions ou d'accords conclus au plan national ou régional en application des dispositions légales en vigueur en matière de convention collective'.
Les premiers juges ont également relevé que, par une décision du 16 juin 1988, l'AGIRC avait confirmé accepter le choix de la position 3.2 comme limite de l'article 4 bis de la convention collective, de sorte que M. [Z] qui était classé position 3.3 coefficient 500 aurait dû cotiser au régime de prévoyance et de retraite des cadres.
Ils ont par ailleurs écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription opposée par l'employeur et ce, par référence à deux arrêts (Cass. Soc., 11 juillet 2018, n° 16.20029 et n° 17.12605) ayant décidé que la prescription en la matière ne courait qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite.
Dans le cadre de son recours, M. [Z] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi compte tenu de son absence d'affiliation à la prévoyance et à la retraite complémentaire des cadres mais de le réformer sur le quantum de dommages et intérêts alloués bien qu'il correspondait à la demande qu'il avait présentée en première instance.
A cet égard, il fait valoir qu'à l'époque de la saisine de la juridiction prud'homale, il était en arrêt de travail et avait perçu à ce titre des prestations d'incapacité temporaire entre le 13 avril 2016 et le 20 décembre 2017, versées par l'organisme de prévoyance auquel la société Adicor avait affiliés ses salariés non cadres (Malakoff Humanis), lequel organisme lui réclamait désormais le remboursement de ces prestations à concurrence de 22.658,40 € en considération du fait qu'il avait été reconnu comme cadre ou assimilé.
Il réclame donc le paiement d'une somme équivalente à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du refus de l'employeur de procéder à son affiliation au régime applicable aux cadres de l'entreprise.
Par ailleurs, il soutient n'avoir perçu durant cette période que prestations d'incapacité temporaire limitées à 80%, alors que s'il avait été affilié au régime des cadres, il aurait été couvert à 100% sans cotiser sur la tranche A selon le régime de prévoyance applicables aux cadres de l'entreprise. Il évalue les 20% de perte à la somme globale de 5.910 € et précise qu'aucune régularisation des cotisations prévoyance n'est désormais possible en raison de son changement de situation (étant à la retraite).
Il fait également état de ce qu'il a dû procéder à la liquidation de ses droits à la retraite au mois de février 2018 et qu'il n'a pas pu bénéficier de la garantie minimale de point (GMP), à savoir d'une cotisation forfaitaire versée par l'employeur qui permet aux cadres ayant des revenus inférieurs au plafond de sécurité sociale (ou qui le dépassent de peu) d'obtenir au moins 120 points de retraite complémentaire par année au titre de la convention AGIRC. Il estime sa perte de revenu annuelle à 680 € et, selon qu'il est fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à concurrence de 110.000 € ou non, il réclame une somme comprise entre 6.460 et 11.220 € au titre de la perte de ses revenus après retraite (entre 70 et 79,5 ans ou entre 63 et 79,5 ans).
Raison pour laquelle il demande à la cour de condamner la société Adicor à lui payer :
- soit la somme globale de 35.028,40 € (6.460 [perte de revenus après retraite de 70 ans à 79,5 ans] + 22.658,40 [créance MALAKOFF HUMANIS] + 5.910 [perte de 20 % de salaire pendant son arrêt maladie]) à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de son défaut d'affiliation à la prévoyance et à la reprise retraite complémentaire des cadres,
- soit celle de 39.788,40 € (11.220 [perte de revenus après retraite de 63 ans à 79,5 ans] + 22.658,40 [créance MALAKOFF HUMANIS] + 5.910 [perte de 20% de salaire pendant son arrêt maladie) en réparation de ce même préjudice.
De son côté, la société Adicor réitère que la demande indemnitaire de M. [Z] se heurte à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil ayant expiré le 19 juin 2013 et elle objecte à cet égard d'une part que la jurisprudence citée dans le jugement est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et, de l'autre, que le salarié n'avait pas attendu la liquidation de sa retraite pour valoriser sa créance à 680 € par an.
Sur le fond, l'employeur conteste l'existence d'un préjudice indemnisable en faisant valoir que :
- compte tenu du plafond mensuel de sécurité sociale applicable, le salarié a effectivement cotisé au régime ARRCO alors en vigueur et il n'aurait pu cotiser à l'AGIRC faute de dépasser la tranche A de rémunération,
- contrairement à ce qu'il affirme, la cotisation supplémentaire GMP (garantie minimale de points) n'était pas à la charge exclusive de l'employeur mais est acquittée conjointement par l'employeur et le salarié comme en témoigne la document qu'il produit, tandis que depuis la fusion des deux régimes AGIRC et ARRCO, cette garantie a aujourd'hui cessé d'exister,
- M. [Z] fait état d'un préjudice hypothétique dans la mesure où rien ne permet de savoir avec exactitude à quel moment il aurait pris sa retraite si son contrat n'avait pas été rompu,
- enfin, il ne peut se plaindre d'une perte de revenu alors qu'il a fondé une entreprise individuelle lui permettant de cumuler des revenus avec sa pension de retraite,
- lors de son arrêt maladie, M. [Z] n'aurait eu droit au maintien de son salaire à 100 % que pendant 2 mois maximum pour les ETAM ayant une ancienneté supérieure à 5 ans et de 3 mois pour les cadres.
S'agissant de la demande de remboursement de la créance de la compagnie d'assurance et de prévoyance Malakoff Humanis, l'employeur oppose qu'elle ne relève pas de la compétence du juge prud'homale mais exclusivement du tribunal judiciaire, étant relative à l'exécution du contrat de prévoyance, ajoutant qu'elle n'a commis aucune faute en l'état d'un éventuel manquement de la compagnie d'assurance à son devoir d'information et de conseil tandis que le salarié ne justifie pas du paiement de la somme réclamée et donc de la créance dont il demande le remboursement.
Sur ce dernier point, la cour constate en effet que M. [Z] se contente de produire une lettre de réclamation émanant de la compagnie Malakoff Humanis datée du 4 mars 2020 mais il ne justifie pas de la suite qui a été donnée à cette réclamation. Il ne justifie donc pas de l'existence de la créance dont il fait état et dont il prétend de surcroît obtenir le 'remboursement' par le biais de l'octroi de dommages et intérêts.
Pour ce qui concerne la perte de revenus durant son arrêt maladie, il n'est pas discutable au vu des pièces produites de part et d'autre que, si le salarié avait été affilié au régime de prévoyance des cadres, il aurait pu bénéficié du maintien de son salaire à 100% pendant 3 mois dans le cadre d'un arrêt de travail pour cause de maladie.
En revanche, la cour constate que M. [Z] n'était plus salarié de la société Adicor pendant la période d'arrêt de travail visée (à savoir du 13 avril 2016 au 20 décembre 2017) et qu'il ne produit aucun document permettant de vérifier quelle a été son indemnisation durant cette période et à quel titre.
Par conséquent, le préjudice qu'il invoque pour un montant de 5.920 € n'est pas démontré et la cour ne dispose d'aucun élément justifiant de la réalité de ce préjudice et de l'évaluation susceptible d'en être effectuée.
Quant à la perte de revenus, qu'il estime à 680 € par an depuis la liquidation de ses droits à la retraite - sans que ce montant résultant d'un calcul effectué en pièce 47 ne fasse formellement l'objet d'une contestation de la part de la société Adecor -, la cour écartera la fin de non recevoir tirée de la prescription compte tenu de la jurisprudence selon laquelle, en application des dispositions de l'article 2232 du code civil interprétées à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 2224 du même code, le délai de prescription de l'action fondée sur l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent, court à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, jour où le salarié titulaire de la créance à ce titre a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action (cf. Cass. soc., 3 avril 2019, pourvoi n° 17-15.568).
Par ailleurs, sur le fond, il est établi que, faute pour la société Adicor d'avoir affilié M. [Z] au régime des cadres, ce dernier n'a pas pu bénéficier de la garantie minimale de points (GMP) encore en vigueur lorsqu'il a pris sa retraite en février 2018.
Or, le salarié expose et justifie qu'il n'a eu d'autre choix que de demander la liquidation de ses droits à la retraite à cette date du fait qu'il était privé d'emploi tandis que son arrêt de travail pour cause de maladie avait pris fin le 31 décembre 2017 : En effet, pour être né le 15 janvier 1955, il ne pouvait plus bénéficier des allocations chômage car il avait atteint l'âge d'ouverture du droit à la retraite (à savoir 62 ans, pour les personnes nées à compter du 1er janvier 1955). Ainsi, faute d'avoir pu bénéficier de la GMP, il a effectivement perdu a minima 120 points de retraite complémentaire par an, ce qui n'est pas un préjudice hypothétique mais la perte d'une chance de bénéficier d'une retraite à un taux plus élevé que celui qui lui est servi et ce, de l'âge de 63 ans à celui de 79,5 ans compte tenu de l'espérance de vie des hommes.
En prenant également en considération le fait que M. [Z] a eu une autre source de revenus - certes très limitée - en lien avec l'activité de conseil en gestion d'affaires pour laquelle il s'est fait immatriculer en tant qu'entrepreneur individuel le 1er août 2018, la cour confirmera en définitive le jugement entrepris qui a condamné la société Adicor à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique ayant résulté de son défaut d'affiliation au régime de prévoyance et de retraite complémentaire des cadres.
Sur la clause de non-concurrence :
M. [Z] demande à la cour de confirmer le jugement qui a condamné la société Adicor à l'indemniser pour le préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence stipulée à son contrat de travail, mais d'en réviser le quantum à la hausse, tandis que la société Adicor demande l'infirmation du jugement et le rejet de cette demande indemnitaire dans le cadre de son appel incident.
Il convient de rappeler qu'une clause selon laquelle il est fait interdiction à un salarié, durant une période déterminée, d'entrer en relation, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur est une clause de non-concurrence.
Cette clause n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
En l'espèce, le contrat de travail stipule une clause de non concurrence ainsi libellée :
'A la fin du présent contrat et quelle que soit la cause de son départ, Monsieur [Z] ne pourra exploiter par lui-même, ou faire exploiter par d'autres, directement ou indirectement, et même par personne interposée, une entreprise similaire ou concurrente, ou s'engager dans une telle entreprise, à quelque titre que ce soit, ceci pendant une durée d'un an commençant à courir du jour de la résiliation du présent contrat et pour un secteur géographique s'étendant aux (28) départements : 01. 03. 04. 05. 06. 07. 09. 10 .11. 13. 18. 20. 26 .30 .31. 34. 38. 39. 42. 43. 58. 66. 69. 71. 73. 74. 83. 84.
Toute infraction à la présente clause obligera automatiquement Monsieur [Z] au paiement d'une indemnité égale à six mois de salaire, sans préjudice du droit pour la Société de faire cesser immédiatement l'infraction.
La Société se réserve le droit de relever, en tout ou en partie, Monsieur [Z] de son obligation de non concurrence, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard dans les 15 jours suivants la notification de la rupture du contrat de travail.'
La société Adicor fait valoir qu'elle a relevé M. [Z] de son obligation dans la lettre de licenciement, ce qui est parfaitement admis en jurisprudence.
Nul doute en effet que lorsque le contrat de travail ne fait pas obligation à l'employeur de renoncer à la clause de non-concurrence par une lettre distincte de la lettre de licenciement, l'employeur peut - comme l'a fait la société Adicor - valablement délier le salarié de l'obligation de non-concurrence dans la lettre de licenciement envoyée en recommandée (cf. Cass. Soc., 7 mars 2012, pourvoi n° 10-17.712).
Cependant, l'exercice de cette faculté n'est pas de nature à couvrir l'illicéité de la clause qui - comme c'est le cas en l'espèce - ne comporte aucune obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière. La stipulation d'une clause de non-concurrence nulle est au contraire susceptible de causer au salarié un préjudice qu'il est en droit d'invoquer et dont l'existence et l'évaluation relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (Cass. Soc., 25 mai 2016, pourvoi n° 14-20.578, Bull. 2016, V, n° 114 ; 5 octobre 2016, pourvoi n° 15-22.730, Bull. 2016, V, n° 185).
Comme le soutient M. [Z] qui réclame le paiement de dommages et intérêts à hauteur des six mois de salaires prévus dans le contrat à titre de sanction, la simple stipulation d'une clause de non-concurrence a eu un effet dissuasif car, pendant toute la durée de sa relation contractuelle, le salarié pense légitimement qu'il lui est interdit de travailler dans une entreprise concurrente pendant une durée d'un an et qu'il risque, en cas de méconnaissance de cette clause, d'avoir à payer une somme égale à six mois de salaire.
Une telle clause est incontestablement de nature à affecter les choix du salarié et exerce une pression certaine sur ce dernier pendant toute la durée de la relation contractuelle, en l'incitant à ne pas quitter l'entreprise.
La cour confirmera le jugement sur le principe de l'indemnisation du salarié auquel l'employeur a imposé une clause de non concurrence illicite faute de contrepartie financière.
Mais elle l'infirmera sur le quantum des dommages et intérêts, qu'elle estime devoir fixer à la somme de 9.500 € eu égard au préjudice subi par le salarié qui s'est cru obligé de respecter cette stipulation contractuelle ne sachant pas qu'elle était nulle.
Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L.3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l'article L.3171-4 de ce code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (cf. Cass. Soc., 24 janvier 2024, pourvois n° 21-23.325, 22-20.905, 22-16.033, 22-16.858, 22-19.533, 22-10.532, 22-17.917)
En l'espèce, le conseil des prud'hommes a rejeté l'ensemble des demandes de rappel de salaire présentées par M. [Z] à ce titre au seul motif qu'il ne démontrait pas suffisamment avoir effectué des heures supplémentaires.
Au soutien de son appel, le salarié fait valoir que, compte tenu des stipulations contractuelles, de ses fonctions et de ses nombreux déplacements professionnels, il n'était nullement soumis à un horaire collectif si bien que l'employeur devait procéder quotidiennement un décompte de la durée du travail en application des articles L.3171-2 et D.3171-8 du code du travail.
Concernant son activité au cours des années 2009 à 2013, il verse aux débats les éléments suivants :
- les copies écran des tâches effectuées et de ses heures de travail,
- des tableaux récapitulatifs des heures de travail effectuées et un chiffrage précis de l'ensemble des heures supplémentaires réalisées.
A l'appui de ces éléments factuel, il s'estime fondé à solliciter le paiement de la somme de 4.735,08 € avec une incidence congés payées de 473,50 €, au titre de l'année 2013 et expose que, pour les années 2014 et 2015, le logiciel de l'entreprise présentait certaines défaillances et qu'il ne dispose que de son agenda face au refus de l'employeur de produire les données enregistrées concernant son activité alors que son agenda électronique était un document partagé via l'intrant de l'entreprise.
Il soutient que dans la mesure où son contrat de travail a été rompu le 21 janvier 2016, ses demandes de rappel d'heures supplémentaires au titre des années 2013, 2014 et 2015 échappent à la prescription triennale de l'article L.3245-1 du code du travail.
Affirmant ensuite - sur la base des éléments produits aux débats - qu'il travaillait a minima 37 heures par semaine et qu'il était astreint à de nombreux déplacements à caractère professionnel, tandis qu'il n'était payé que sur la base de 35 heures, il sollicite pour 2014 et 2015 un rappel de salaire de 4.956 €, avec une incidence congés payés de 495,60 € sur la base du calcul suivant :
- 47 semaines X deux heures X 2 années = 188 heures.
- 188 heures X 21.09 X 25% = 4.956 €.
Il réclame enfin le paiement d'une somme de 6.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'attitude déloyale de l'employeur qui a refusé de produire les données enregistrées relatives à son temps de travail au cours des années 2014 et 2015.
La société Adicor qui s'oppose à ces prétentions, objecte :
- que la prescription triennale de l'article L.3245-1 du code du travail instaurée par la loi du 13 juin 2013 couvre les heures supplémentaires revendiquées sur la période antérieure au 1er septembre 2013, compte tenu d'une saisine de la juridiction prud'homale en date du 4 août 2016,
- que conformément à la jurisprudence, le salarié doit étayer sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis,
- que tel n'est pas le cas lorsque les documents produits comportent des incohérences qui rendent sa thèse invraisemblable tandis qu'en l'espèce, les relevés de M. [Z] - qui n'a d'ailleurs jamais soulevé la moindre contestation - ne sont pas suffisamment précis ou paraissent totalement fantaisistes (durée de travail de 8 heures, 9 heures voire 11 heures ou 11 heures 30 certains jours, sans interruption),
- que les mentions 'bureau' ou 'rendez-vous pharmacie' ne sont pas précises sur la nature des tâches accomplies,
- que le salarié n'était pas fondé à intégrer comme il l'a fait des temps de déplacement sur les chantiers ou bien des temps consacrés au changement du pare-brise ou d'un pneu et à la révision du véhicule utilisé pour ses déplacements,
- que le salarié a déclaré des heures supplémentaires sur des jours où il n'a pas travaillé (comme les 29 et 30 avril 2013 alors qu'il était en congés payés),
- que M. [Z] ne peut se prévaloir des règles de décomptes du temps de travail prévues aux articles D.3171-8 et suivants du code du travail alors qu'il était soumis à un horaire collectif dont le détail avait été contractualisé lors de l'embauche, ce qui la dispensait d'un décompte individuel et périodique,
- que le salarié ne peut en déduire qu'il travaillait a minima 37 heures par semaine au vu due l'horaire contractuel qui était le sien, alors qu'outre les deux heures consacrées à son déjeuner, il bénéficiait d'un temps de pause minimal de 25 mn, ce qui représente 2 heures en cumul sur la semaine (25 mn X 5) comme en atteste un salarié.
S'agissant de la prescription, il sera rappelé qu'aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Par ailleurs, selon l'article 21 V de la dite loi, les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l'action en paiement de salaire s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
La Cour de cassation a jugé qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'à défaut de saisine de la juridiction prud'homale dans les trois années suivant cette date, les dispositions transitoires ne sont pas applicables en sorte que l'action en paiement de créances de salaire nées sous l'empire de la loi ancienne se trouve prescrite : lorsque le salarié a saisi la juridiction prud'homale après le 16 juin 2013, les créances nées avant le 16 juin 2013 sont ainsi prescrites (cf. Cass. Soc., 9 décembre 2020, pourvoi n° 19-12.788).
En l'espèce, M. [Z] qui a saisi le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence le 4 août 2016 ne peut donc réclamer le paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires pour le mois de mai 2013 et les mois antérieurs. En revanche et compte tenu d'une paie en fin de mois, il est recevable à se prévaloir d'heures supplémentaires accomplies à partir du mois de juin 2013.
La société Adicor ne sera pas suivie sur l'existence d'un horaire collectif contractualisé la dispensant des obligations en matière de décompte des heures de travail effectuées. En effet, s'il mentionne effectivement un horaire de travail - aboutissant d'ailleurs à un total de 37 heures hebdomadaires -, le contrat de travail de M. [Z] ne fait nullement état d'un horaire collectif auquel le salarié serait soumis et il précise au contraire que le salarié pourra 'bénéficier d'horaires variables'.
De plus l'article D.3171-2 du code du travail dispose que 'l'horaire collectif est daté et signé par l'employeur ou, sous la responsabilité de celui-ci, par la personne à laquelle il a délégué ses pouvoirs à cet effet. Il est affíché en caractères lisibles et apposé de façon apparente dans chacun des lieux de travail auxquels il s'applique (..)'
Or, la société Adicor ne justifie nullement avoir respecté ces formalités et avoir adressé un double de cet horaire collectif à l'inspection du travail en application de l'article D.3171-4 du code du travail.
S'agissant des heures supplémentaires que M. [Z] affirme avoir accomplies en 2013 - et notamment à partir du mois de juin 2013 compte tenu de la prescription des créances nées avant le 13 juin 2013 - la cour constate que les éléments présentés par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, ce que la société Adicor n'a d'ailleurs pas manqué de faire sans pour autant produire le moindre élément de contrôle de la durée du travail de son salarié.
Sur les années 2014 et 2015, M. [Z] qui indique ne pas disposer d'autre élément, se borne à se référer à son contrat de travail qui mentionne 37 heures d'activité alors qu'il a effectivement été payé sur la base de 35 heures, ce que la société Adicor ne conteste pas.
En revanche, la cour constate que cette dernière ne fournit pas davantage d'élément sur le contrôle du temps de travail du salarié et qu'elle se contente de déclarer que M. [Z] bénéficiait de temps de pause. Or elle ne fournit pas même un commencement de preuve de ce qu'elle allègue à ce sujet et qui est formellement contesté par l'intéressé.
Au vu des éléments ainsi versés aux débats et des explications des parties, la cour infirmera le jugement prud'homal qui a débouté le salarié de sa demande de rappels de salaires et elle condamnera la société Adicor à payer à M. [Z] la somme de 7.000 € à titre de rappel de salaire pour l'ensemble des heures supplémentaires accomplies du mois de juin 2013 au mois de décembre 2015, outre 700 € pour les congés payés afférents.
Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences financières :
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.
En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle justifie une mise à pied conservatoire.
Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié.
S'il subsiste un doute concernant l'un des griefs invoqués par l'employeur ayant licencié un salarié pour faute grave, il profite au salarié. Lorsque que les faits sont établis mais qu'aucune faute grave n'est caractérisée, le juge du fond doit vérifier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement invoque cinq principaux griefs, à savoir :
- un défaut de transmission des documents afférents aux chantiers terminés dans le cadre d'une opération d'archivage de ces dossiers,
- des négligences dans le montage des dossiers,
- des plaintes de la part de la clientèle implantée dans le secteur du salarié,
- une défaillance persistante dans la transmission des rapports d'activité sollicités par la direction,
- avoir emporté des dossiers physiques clients le 13 janvier 2016.
Le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence a jugé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais qu'il était fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Pour contester son licenciement, M. [Z] fait néanmoins valoir :
- que les dossiers techniques et commerciaux originaux étaient stockés à [Localité 13] et que seules des copies étaient conservées à [Localité 4] ; qu'il n'était pas responsable d'agence et qu'il n'est pas justifié qu'il ait eu des obligations et une responsabilité quelconque dans la conservation et l'archivage des dossiers ;
- que l'employeur se fonde sur des réclamations de la part de la clientèle ; que cependant, étant par ses fonctions en relation avec la clientèle, il pouvait paraître responsable de toutes les difficultés rencontrées, y compris dans les domaines (comme le service 'mobilier') dont il n'avait pourtant pas la charge et qu'il n'était pas le seul coordonateur de travaux ; qu'au contraire, de nombreux clients et prestataires attestent de ses qualités professionnelles, techniques et humaines ainsi que de sa disponibilité ;
- que l'employeur ne produit que des éléments éparses ; que s'agissant des deux lettres de mécontentement de la part des pharmacies [22] et [6], qu'une représentante de la première, Mme [P], a attesté que la défiance évoquée ne le concernait pas et qu'il résulte des pièces adverses que ce n'était pas lui qui avait pas réalisé la présentation du projet et la budgétisation des travaux relatifs à cette pharmacie ; qu'il produit une attestation démontrant que le chantier de la pharmacie [6] avait été particulièrement difficile pour les différents intervenants et prestataires ; que la lettre de mécontentement adressée par M. [Y] en 2007 n'avait donné lieu à aucune sanction disciplinaire et les faits dénoncés sont désormais prescrits, tandis qu'il ne pouvait être tenu pour responsable des agissements frauduleux (fausse déclaration d'assurance) commis par un prestataire ; qu'il ne pouvait rien lui être reproché concernant le carreau cassé en 2014 à la pharmacie principale de [Localité 11] à laquelle il avait été demandé de payer les frais de remplacement de ce carreau ; qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir utilisé le logiciel All Plan alors qu'il n'a jamais indiqué avoir travaillé sur ce logiciel tandis que l'entreprise ne disposait pas d'un nombre suffisant de licence et ne justifie pas du contraire ; qu'il ne peut lui être reproché de ne pas s'être assuré qu'un prestataire disposait d'une garantie décennale dans le cadre de travaux (sans gros oeuvre notamment) qui ne l'imposait pas ;
- que son contrat de travail ni aucune instruction particulière ne lui avait imposé de rendre compte en détail de son activité et de transmettre des rapports réguliers et complets ; qu'il dépendait hiérarchiquement du directeur régional d'[Localité 4] dont la fiche de poste n'est pas produite ; qu'il s'est retrouvé seul à l'agence avec l'obligation d'assumer des fonctions qui n'étaient pas les siennes en qualité de responsable de travaux, et qu'il devait accomplir en sus ; qu'il a toujours répondu aux mails et directives de sa direction mais qu'il a été mis dans l'impossibilité d'en justifier suite à sa mise à pied conservatoire et au changement de mot de passe de sa messagerie ;
- qu'il ne pouvait lui être fait grief d'avoir emporté des dossiers de clients lors de son passage à [Localité 17] le 13 janvier 2016 alors qu'à cette date, il se trouvait dans les locaux de la société à [Localité 3].
De son côté, l'employeur - sur lequel repose la charge de la preuve de la matérialité des griefs invoqués dans le cadre du licenciement pour faute grave - affirme tout d'abord que M. [Z] devait rendre compte régulièrement de ses travaux par la remise d'un rapport d'activité, ce qui n'est pas démontré s'agissant des éléments contractuels versés aux débats. En effet, le contrat de travail signé le 2 septembre 2002 stipulait que « [le salarié] rendra régulièrement compte de son activité dans les conditions qui lui seront prescrites '' et la fiche de poste est totalement silencieuse sur ce point.
La société Adicor affirme ensuite (grief n°1) qu'en dépit de multiples demandes de l'entreprise concernant l'archivage des dossiers, M. [Z] a été incapable de fournir la documentation sollicitée. Pour autant, il n'est pas justifié d'instructions particulières données à ce sujet, l'employeur se référant uniquement à une lettre de reproches de sa part en date du 30 novembre 2015 ainsi qu'à une série de fiches d'archivages dont il résulte qu'elles devaient être signées par différents 'approbateurs' sans qu'il ne soit explicité quelles étaient les responsabilités des uns et des autres en la matière.
S'agissant du grief n°2 relatif aux négligences dans le montage des dossiers, la cour constate qu'aucune des pièces visées par la société Adicor dans ses conclusions (pièces 1, 9, 14, 17, 19, 42 et 43) n'établissent la matérialité des reproches formulés dans la lettre de licenciement et portant sur :
- des estimatifs et chiffrage travaux incorrects pour la Pharmacie [7] - M. [I] à [Localité 15], la pharmacie [9], M. [K] [M], à [Localité 15], la Pharmacie [12], à [Localité 19],
- des erreurs dans les états des lieux, entraînant pour le bureau d'études une surcharge de travail,
- un refus d'utiliser les logiciels informatiques malgré des compétences énoncées sur son curriculum vitae pour l'établissement des états des lieux, ou refus d'utiliser la messagerie professionnelle de l'entreprise pour l'ensemble des dossiers malgré d'incessantes demandes.
Par ailleurs, et comme l'objecte le salarié au sujet de ce dernier reproche, le curriculum vitae produit par l'employeur ne fait pas mention d'une quelconque compétence concernant les logiciels utilisés au sein de l'entreprise qu'il lui était reproché de ne pas avoir fait usage.
La société Adicor ne vise dans ses conclusions aucune pièce susceptible de justifier de la matérialité du grief n°3 relatif aux nombreuses plaintes de clients, si ce n'est la lettre de licenciement elle-même ou des pièces produites par le salarié qui - selon l'employeur - mériteraient au contraire d'être écartées.
Il en va de même des conclusions concernant le grief n° 4 reprochant une défaillance dans la communication des rapports d'activité qui ne font aucune référence à des pièces justificatives et le grief n°5 qui n'est pas explicite et dont il est seulement affirmé que le salarié ne le conteste pas alors pourtant que c'est bien le cas.
La cour observe que la société Adicor justifie ensuite (cf. ses conclusions, pages 26 à 28 et les pièces citées) des difficultés de communication entre la direction et le salarié, destinataire de nombreux mails lui demandant d'adresser des informations concernant les chantiers qu'il était chargé de suivre, avant de lui enjoindre de respecter un calendrier permettant de vérifier les devis et l'état des pièces en termes de responsabilité des entreprises chargées de les réaliser, sans que ces demandes soient manifestement suivies d'effet en termes de 'reporting'.
Cependant, les mails ainsi visés et versés aux débats ont été adressés à M. [Z] avant l'avertissement dont il a fait l'objet le 22 juillet 2013, et dans lequel il lui était précisément rappelé son obligation de rendre 'compte périodiquement auprès de votre direction sur l'état d'avancement des chantiers et sur vos échanges avec la clientèle', 'car en raison de la nature nomade de vos fonctions, vos comptes rendus sont le seul outil à notre disposition pour connaître l'évolution de vos dossiers'. Il lui était ainsi reproché de persister, en dépit d'innombrables relances, soit de 'rendre des rapports totalement incomplets, donc inexploitables, soit de (s')affranchir purement et simplement de cette formalité essentielle'. Cette lettre d'avertissement évoquait une insubordination de la part du salarié et faisait état :
- de ce que Mme [P] de la Pharmacie de [22] avait retiré sa confiance en raison de son manque de réactivité et de professionnalisme à fournir les éléments chiffrés,
- des difficultés à terminer le dossier de Mmes [X] et [E], Pharmacie [8], par le manque de comptes rendus et les relations conflictuelles entretenues avec ces clientes,
- l'absence de compte rendu et de document concernant le dossier de M. [V], Pharmacie [6], hormis un plan et un contrat de mission.
Or la règle dite 'non bis in idem' interdisait à la société Adicor de sanctionner à nouveau M. [Z] pour ces faits, alors surtout que le salarié affirme - sans être utilement contredit - qu'il n'a bénéficié d'aucune action de formation ni de la moindre évaluation annuelle qui aurait permis à l'employeur de faire le point sur ses attentes, le comportement et l'activité du salarié.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour constate que l'employeur qui invoque une faute grave, non seulement n'en justifie pas mais ne rapporte pas davantage la preuve de faits susceptibles de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Adicor à payer à M. [Z] une indemnité de préavis, une indemnité de licenciement et un rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et il sera infirmé pour avoir rejeté la demande du salarié tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
S'agissant du préjudice résultant de la perte de l'emploi dans le cadre d'un licenciement intervenu avant le 23 septembre 2017, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 ayant modifié les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (3.200 €), de l'ancienneté de M. [Z] dans l'entreprise (13 ans et demie), de son âge (62 ans) et des difficultés à retrouver un emploi ainsi que des conséquences du licenciement l'ayant obligé à demander une liquidation anticipée de ses droits à la retraite, la société Adicor sera condamnée à lui verser la somme de 60.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en sus des indemnités de compensatrice de préavis et de licenciement ainsi que le rappel de mise à pied mentionnés dans le dispositif du jugement.
Le salarié ne peut en effet considérer comme acquis qu'il aurait travaillé jusqu'à 70 ans s'il n'avait pas été licencié et réclamer une indemnisation prenant en compte une perte mensuelle de revenus de l'ordre de 1.349 € sur 7 ans alors que le préjudice qu'il évoque est en réalité une simple perte de chance de poursuivre son activité professionnelle au-delà de la date à laquelle il a été contraint de demander la liquidation de ses droits à la retraite du fait qu'il était devenu demandeur d'emploi.
Par ailleurs, la société Adicor n'est pas fondée à contester le montant de l'indemnité compensatrice de préavis accordée par les premiers juges en soutenant que la convention collective limite le préavis à deux mois lorsque les salariés sont classés coefficient 500, alors qu'à ce niveau hiérarchique, le salarié aurait dû bénéficier du statut de cadre assimilé en vertu de la convention collective.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il lui a alloué une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire de même que sur les montant - non critiqués - de l'indemnité conventionnelle de licenciement et du rappel de salaire au titre de la mise à pied alloués au salarié.
Sur les autres demandes :
Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.
La capitalisation des intérêts est de droit conformément à l'article 1343-2 nouveau du code civil (ancien 1154 du code civil), pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dûs au moins pour une année entière.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Adicor supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à M. [Z] une indemnité au titre des frais qu'il a dû exposer en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe, dans les limites de sa saisine :
- Dit que la cour n'est pas saisie de la condamnation de la société Adicor Farhenberger au paiement à M. [L] [Z] de la somme de 2.700 € à titre de rappel de salaire variable outre les 270 € au titre des congés payés afférents ;
- Infirme le jugement rendu le 14 octobre 2019 par le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence en ce qu'il a :
- condamné la société Adicor Farhenberger à payer à M. [L] [Z] une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la clause de non-concurrence,
- débouté M. [L] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
- Dit que le licenciement de M. [L] [Z] par la société Adicor Farhenberger est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- Condamne la société Adicor Farhenberger à payer à M. [L] [Z] les sommes suivantes :
- 9.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la clause de non-concurrence, somme nette de tout prélèvement social ou fiscal,
- 7.000 € à titre de rappel de salaire pour l'ensemble des heures supplémentaires accomplies du mois de juin 2013 au mois de décembre 2015, en brut,
- 700 € pour les congés payés afférents, en brut,
- 60.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, somme nette de tout prélèvement social ou fiscal,
- Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter et dans la proportion de la décision de première instance qui les a prononcées et du présent arrêt ;
- Ordonne la capitalisation des intérêts, pourvu qu'ils soient dûs au moins pour une année entière ;
- Condamne la société Adicor Farhenberger à payer à M. [L] [Z] la somme de 2.500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- Condamne la société Adicor Farhenberger aux dépens d'appel.
Le greffier Le président