COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 23 MAI 2024
N° 2024/ 224
Rôle N° RG 22/13535 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKEVP
S.A.S. SOGEFINANCEMENT
C/
[I] [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Caroline GIRAUD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juridiction de proximité de MARSEILLE en date du 29 Août 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/05732.
APPELANTE
S.A.S. SOGEFINANCEMENT, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Caroline GIRAUD de l'AARPI BARBIER AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Cécile BILLE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [I] [F]
né le 13 Juin 1970 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]
assigné à domicile le 19/12/2022
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024.
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 24 février 2012, la société SOGEFINANCEMENT a consenti à M.[I] [F] un crédit personnel de 17.000 euros, remboursable en 78 mensualités de 279, 38 euros hors assurance, moyennant un taux d'intérêt nominal de 7,90%.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juin 2020, le prêteur a mis en demeure M.[F] d'avoir à lui payer la somme de 771,44 euros dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme.
Le prêteur a prononcé la déchéance du terme du 23 juillet 2020.
Par acte du 04 décembre 2020, la société SOGEFINANCEMENT a fait assigner M.[F] aux fins de le voir condamner à payer la somme de 6301, 59 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 23 juillet 2020 outre une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 29 août 2022, le juge des contentieux de la protection de Marseille a débouté la société SOGEFINANCEMENT de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Le premier juge a rejeté la demande de la société SOGEFINANCEMENT au motif qu'elle ne démontrait pas avoir vérifié la solvabilité de l'emprunteur et qu'elle n'avait pas produit un décompte expurgé des intérêts comme il le lui avait été demandé.
Par déclaration du 12 octobre 2022, la société SOGEFINANCEMENT a relevé appel de tous les chefs de cette décision.
M.[F] n'a pas constitué avocat.
Par conclusions notifiées par RPVA le 12 décembre 2022, signifiées le 19 décembre 2022 à l'intimé défaillant, la société SOGEFINANCEMENT demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
A titre principal,
-de condamner M. [I] [F] à lui verser la somme de 6.301,59 € avec intérêts au taux contractuel de 7,90 % à compter du 23.07.2020, date de la déchéance du terme,
A titre subsidiaire,
- de condamner [I] [F] à lui verser la somme de 3.321,95 € avec intérêts au taux contractuel de 7,90 % à compter du 23.07.2020, date de la déchéance du terme,
En tout état de cause,
- de condamner M. [I] [F] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient justifier avoir vérifié la solvabilité de l'emprunteur.
Subsidiairement, elle sollicite le montant des sommes dues, après déchéance des intérêts contractuels.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 07 mars 2024.
MOTIVATION
L'article L 311-9 du code de la consommation dans sa version applicable à un contrat signé le 24 février 2012, énonce qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5.
Selon les dispositions de l'article L 311-48 du même code, dans sa version applicable, lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
L'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Le premier juge avait évoqué dans les débats la question de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur.
La Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE, 4e ch., 18 décembre 2014, aff. C-449/13 CA Consumer Finance SA c/ Ingrid B et autres) a précisé le sens et la portée d'obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur par le prêteur dans un arrêt préjudiciel : « l'article 8, paragraphe 1, de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens, d'une part, qu'il ne s'oppose pas à ce que l'évaluation de la solvabilité du consommateur soit effectuée à partir des seules informations fournies par ce dernier, à condition que ces informations soient en nombre suffisant et que de simples déclarations de celui-ci soient accompagnées de pièces justificatives, et, d'autre part, qu'il n'impose pas au prêteur de procéder à des contrôles systématiques des informations fournies par le consommateur. »
Le prêteur a consulté le FICP avant le déblocage des fonds. Toutefois, il n'a pas vérifié la solvabilité de M.[F] en sollicitant des pièces justificatives relatives aux ressources déclarées par l'emprunteur.
Le prêteur ne peut se retrancher derrière les seules déclarations de l'emprunteur mentionnées sur la fiche 'charges/ressources' pour en conclure avoir vérifié de façon suffisante la solvabilité de cette dernière.
Dès lors, il encourt la déchéance de son droit aux intérêts contractuels.
Selon l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.
Aux termes de l'article L 313-3 du code monétaire et financier, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.
La Cour de cassation juge que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne dispense pas l'emprunteur du paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Afin de garantir l'effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive 2008/48/CE, il incombe au juge de réduire d'office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d'information, le taux résultant de l'application des deux derniers textes précités.
En conséquence, il convient de condamner M.[F] à verser à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 3321,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2020, date de la mise en demeure, mais d'écarter l'application de l'article L 313-3 du code monétaire et financier.
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
Sur les dépens et sur les frais irrépétibles
M.[F] est essentiellement succombant. Il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Pour des raisons tirées de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement déféré qui a condamné la société SOGEFINANCEMENT aux dépens sera infirmé. Il sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt par défaut, par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société SOGEFINANCEMENTau titre des frais irrépétibles,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société SOGEFINANCEMENT,
ÉCARTE l'application de l'article L 313-3 du code monétaire et financier,
CONDAMNE M.[I] [F] à verser à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 3321,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2020, date de la mise en demeure, tout en écartant l'application de l'article L 313-3 du code monétaire et financier.
REJETTE la demande formée par la société SOGEFINANCEMENT au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE M.[I] [F] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,