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17/05/2024 | FRANCE | N°19/12329

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 17 mai 2024, 19/12329


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 17 MAI 2024



N°2024/ 74





RG 19/12329

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVZO







[N] [S]





C/



SAS ESLC PROVENCE























Copie exécutoire délivrée

le 17 Mai 2024 à :



- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Raphaëlle MAHE DES PORTES, avocat au barreau d'AIX-E

N-PROVENCE

V8







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00542.







APPELANT



Monsieur [N] [S], demeurant [Adresse 2]



représen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 17 MAI 2024

N°2024/ 74

RG 19/12329

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVZO

[N] [S]

C/

SAS ESLC PROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le 17 Mai 2024 à :

- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Raphaëlle MAHE DES PORTES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V8

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00542.

APPELANT

Monsieur [N] [S], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS ESLC PROVENCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Raphaëlle MAHE DES PORTES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Isabelle DUPRE GOAZEMPIS, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2024.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre de la reprise de l'activité de la société Sud Combustibles, le contrat de travail de M.[N] [S] a été transféré le 1er juin 2006 à la société Provence Fuel Distribution devenue la société ESLC Provence [Localité 3], avec reprise d'ancienneté au 12 mai 2003.

Le 20 novembre 2006, le salarié a donné sa démission.

Après avoir été embauché en contrat à durée déterminée du 12 novembre 2007 au 15 février 2008 par la même société, la relation de travail s'est poursuivie à durée indéterminée et à temps plein, le salarié ayant la qualité de chauffeur livreur, catégorie ouvrier coefficient 190 de la convention collective nationale des entreprises du négoce et de distribution de combustibles solides-liquides-gazeux et produits pétroliers, et en dernier lieu, le coefficient 150M de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Atteint d'une sciatique par hernie discale, reconnue maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône, le salarié a été déclaré le 16 septembre 2014 par la médecine du travail, apte à la reprise de son poste à temps partiel thérapeutique, puis à compter du 29 juin 2015, à temps plein, obtenant la reconnaissance de travailleur handicapé le 8 juillet 2015.

A la suite d'une altercation avec un de ses collègues de travail, M.[S] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué par l'employeur, par lettre remise en mains propres le 3 mars 2017, à un entretien préalable au licenciement prévu pour le 13 mars suivant, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée du 23 mars 2017.

Par requête du 15 mars 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins notamment de contester son licenciement, sollicitant diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Selon jugement du 5 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M.[S] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil du salarié a interjeté appel par déclaration du 26 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 24 juillet 2020, M.[S] demande à la cour de :

«REFORMER le jugement déféré

Et statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER le licenciement irrégulier et nul,

Ou, à tout le moins, illégitime et abusif

Et par conséquent,

CONDAMNER la Société ESLC Provence [Localité 3] à payer à Monsieur [S]

Rappel de salaire mise à pied conservatoire 301.00 €

Incidence congés payés y afférent 30.00 €

DI au titre du licenciement illégitime et abusif 50 000.00 €

DI au titre de l'irrégularité de procédure 2 207.00 €

Indemnité compensatrice de préavis 6 621.00 €

Incidence congés payés y afférent 662.00 €

Indemnité légale de licenciement 4.230,08 €

DI violation aggravée d'une obligation de sécurité de résultat 20 000.00 €

DI annulation mise à pied disciplinaire injustifiée et illégitime 3 000.00 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

- Délivrer l'intégralité des documents de rupture conformes à la décision à intervenir, l'attestation Pôle Emploi devant mentionner une ancienneté reprise au 12 mai 2003.

- Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

- Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

- Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du CPC distrait au profit de MB AVOCATS 2 500.00 €

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 2 207.00 € .»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 22 février 2021, la société demande à la cour de :

«CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 5 juillet 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société ESLC PROVENCE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

En conséquence, et statuant à nouveau :

DEBOUTER Monsieur [S] de toutes ses demandes ;

CONDAMNER Monsieur [S] à verser à la société ESLC PROVENCE une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Subsidiairement,

LIMITER le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui serait octroyé à Monsieur [S] à la somme de 13.242 €, soit 6 mois de salaire.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'exécution du contrat de travail

1- sur la mise à pied disciplinaire prononcée le 18 décembre 2015

Par lettre remise en mains propres le 21 décembre 2015, M.[S] a été sanctionné d'une mise à pied de 3 jours ouvrés, effectuée les 11-12-13 janvier 2016, pour avoir commis des faits de pollution lors d'une livraison.

Le salarié, sans critique du jugement et sans exposer sa demande au titre de la discussion, persiste en cause d'appel, à réclamer l'annulation de la mesure et une indemnisation.

Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En l'espèce, le salarié qui réclame non pas un rappel de salaire mais une somme indemnitaire, avait jusqu'au 21 décembre 2017 pour engager une action en contestation de la sanction disciplinaire mais n'a agi que le 15 mars 2018, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit, sur demande de l'employeur, que l'action était prescrite ; cependant, c'est à tort qu'ils l'ont débouté de sa demande, laquelle s'avère en réalité irrecevable.

2- sur l'obligation de sécurité

Le code du travail impose cette obligation à l'employeur par les articles L.4121-1 & suivants, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, en ces termes:

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1 Des actions de prévention des risques professionnels;

2 Des actions d'information et de formation ;

3 La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention prévus à l'article L.4121-2 du même code.

Il doit assurer l'effectivité de ces mesures.

La cour relève que sur ce point, l'appelant ne procède à aucune critique du jugement déféré qui a rejeté sa demande, procédant par voie d'affirmations page 3 de ses conclusions, et sans exposé de sa demande au titre de la discussion.

Au soutien d'une demande indemnitaire, M.[S] invoque une exécution fautive et déloyale du contrat de travail par une violation aggravée de l'obligation de sécurité, reprochant à l'employeur de ne pas avoir respecté les préconisations émises par la médecine du travail.

Il invoque également une dégradation de ses conditions de travail et une altération de son état de santé, qu'il lie à une surcharge de travail, caractérisée par un nombre important d'heures supplémentaires.

Il verse aux débats :

- deux disques chronotachygraphiques démontrant qu'il a travaillé les samedis 7 janvier et 4 février 2017 (pièce 14),

- les fiches et avis de la médecine du travail des 04/09/2014, 16/09/2014 et 29/06/2015 (pièces 16-17-18),

- le courrier de la société à la médecine du travail du 06/07/2015 (pièce 39),

- la notification du 03/07/2015 de son taux d'incapacité de 7% (pièce 40).

Les préconisations de la médecine du travail ont été les suivantes :

- le 16/09/2014 dans le cadre du temps partiel thérapeutique : «distance de conduite à limiter dans un rayon de 50 kms autour de [Localité 3]»,

- le 29/06/2015 lors de la reprise à temps plein : même restriction que ci-dessus à laquelle est ajoutée «ne doit pas effectuer de permanence; sera revu dans deux mois.»,

- le 31/08/2015, puis le 21/09/2016, seule la restriction concernant la distance est conservée.

La cour constate que l'appelant :

- ne présente aucun document concernant la restriction relative à la distance, tandis que la société produit en pièces 28 à 30, un relevé de distances démontrant que le salarié effectuait sur les années 2016-2017, un nombre bien moindre que les autres chauffeurs,

- ne peut se prévaloir d'un avis de la médecine du travail valable uniquement du 29/06 au 31/08/2015, soit pendant 2 mois, pour soutenir qu'en 2017, il lui a été demandé de faire des permanences le samedi,

- n'établit pas avoir fait des permanences sur la période couverte par l'avis sus-visé, étant précisé que dans sa lettre, l'employeur indiquait des difficultés d'organisation suite à cette nouvelle restriction, mais précisait qu'il allait aménager le temps de travail du salarié.

Comme indiqué par les premiers juges, la société justifie de l'achat le 31/12/2015, d'un équipement spécifique (pièce 23) pour soulager le dos de son salarié.

Par ailleurs, la cour note que si la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu une rechute intervenue le 3 octobre 2016 dans le cadre de la maladie professionnelle, le salarié ne documente pas médicalement les suites de cet événement, ne produit pas d'arrêt de travail, étant précisé pour la moralité des débats, qu'il résulte des bulletins de salaire qu'à cette date, il avait pris un jour de congé, de sorte que la rechute ne peut être liée directement à son activité professionnelle.

M.[S] ne démontre pas une altération de son état de santé jusqu'à sa mise à pied du 3 mars 2017, ne produisant aucun élément médical entre septembre 2016 et mars 2017 ; le certificat de son psychiatre du 14 septembre 2017, soit plus de six mois après la rupture du contrat de travail, évoque «un épisode dépressif exogène (réactionnel à ses conditions de travail)», lequel ne peut qu'être rattaché à l'altercation puis au licenciement.

En effet, même s'il résulte des bulletins de salaire et de l'attestation Pôle Emploi que M.[S] a effectué sur les derniers mois - notamment d'août 2016 à janvier 2017, des heures supplémentaires, il ne s'est jamais plaint auprès de son employeur d'une éventuelle surcharge, n'a pas consulté de médecin sur la période concernée ni sollicité la médecine du travail.

En outre, la cour a pu constater sur les autres bulletins de salaire que le salarié effectuait régulièrement des heures supplémentaires dans la même proportion et a pris des jours de congé, en l'espèce 21 jours sur la période concernée, démontrant que l'employeur a respecté son droit au repos.

En conséquence, le salarié n'établit pas de la part de la société, un manquement à l'obligation de sécurité - qui n'est plus de résultat - et de fait un préjudice pouvant en résulter et dès lors, la décision des premiers juges doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande indemnitaire du salarié.

Sur la rupture du contrat de travail

1- sur la régularité du licenciement

Il résulte de la pièce 16 produite par la société que des élections professionnelles ont eu lieu dans l'entreprise le 29 mai 2013 à l'issue desquelles M.[O] a été élu, délégué du personnel qui assistait M.[S] lors de l'entretien préalable au licenciement, de sorte que c'est en toute mauvaise foi que l'appelant maintient ce chef de demande.

L'absence de rédaction d'un compte-rendu de cet entretien ne peut constituer une irrégularité.

2- sur la qualification du licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement est libellée de la manière suivante :

«Par courrier remis en main propre contre décharge en date du 3 mars 2017, nous vous avons convoqué à un entretien en vue d'un éventuel licenciement suite à des faits graves qui ont été portés à notre connaissance.

(...) Par la présente, nous vous informons des faits qui nous amènent à vous signifier votre licenciement pour faute grave :

Le 2 mars 2017, vers 6h15, alors que vous étiez sur le dépôt de [Localité 4] pour charger votre camion, vous avez eu une altercation verbale et physique avec l'un de vos collègues chauffeurs : Mr [W] [Y].

A la suite de cette altercation, vous avez consulté un médecin qui vous a prescrit un arrêt de travail. De son côté, Mr [W] [Y] a également consulté un médecin et il a été mis dans l'incapacité de travailler quelques jours.

A ce propos, nous constatons que vous avez travaillé toute la journée du 3 mars 2013, alors que vous avez remis a posteriori un arrêt de travail daté du 2 mars 2017, vous mettant dans l'incapacité de travailler à partir du 3 mars jusqu'au 14 mars 2017 inclus.

Au cours de l'entretien préalable du 13 mars 2017, nous vous avons demandé de vous expliquer sur cette altercation.

Vous prétendez vous être adressé à 2 de vos collègues - Mrs [R] [U] et Mr [Z] [G] - présents sur le poste de chargement en leur disant que «ça sentait une forte odeur de fioul». Mr [W] [Y] aurait, selon vous, réagi à ces propos qu'il pensait lui être destinés.

Il vous aurait menacé, insulté et demander de sortir du dépôt où vous en êtes venus aux mains.

L'origine de cette altercation est mensongère :

- à l'arrivée de Mr [W] [Y] au poste de chargement, sur lequel vous vous trouviez avec les 2 chauffeurs suscités, vous vous seriez adressé à l'un d'entre eux -Mr [R] [U]- en disant : «ça sent la pute, tu ne trouves pas».

Et comme Mr [W] [Y] ne réagissait pas à ces propos, vous avez continué à l'insulter en le traitant à plusieurs reprises de «petite pute» jusqu'à lui demander de sortir en dehors du dépôt où vous lui avez donné des coups.

Ces propos ont été rapportés par Mr [W] [Y], tant à votre responsable hiérarchique -Mr [B] [T]- avant même d'aller chez le médecin, qu'auprès des officiers de police judiciaire.

Au cours de l'entretien, vous avez continué à prétendre que vous aviez simplement fait remarquer aux chauffeurs présents sur le poste de chargement qu'il y avait une forte odeur de fioul.

Ce qui est totalement incohérent et d'ailleurs, en entretien, Mr [D] [T], vous a fait part de l'incohérence à soutenir que cette remarque ait pu être à l'origine d'une telle agressivité ; en effet l'odeur de fioul est normale sur un poste de chargement, d'autant que vous n'étiez pas seul à charger du produit au moment des faits.

Par ailleurs, si vous aviez eu l'intention d'apaiser cette situation, vous ne seriez pas sorti en dehors du dépôt pour en venir aux mains, ce que vous n'avez pas contesté.

Il vous a été rappelé qu'il ne s'agissait pas de faits isolés puisque le 10 février 2017 vous vous êtes également battu avec un autre de vos collègues chauffeurs - Mr [M] [C] - sur notre dépôt.

A la suite de cette première altercation, vous aviez été entendu par Mr [B] [T] -votre responsable logistique- qui vous a demandé de ne pas reproduire de tels agissements, intolérables, en vous précisant qu'en cas de récidive, nous serions amenés à prendre une sanction disciplinaire.

Votre comportement violent et persistant ne nous permet pas d'envisager votre maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis et nous sommes amenés à vous signifier par la présente votre licenciement pour faute grave (...)».

L'appelant fait valoir que la version de M. [Y] est démentie par les attestations des deux chauffeurs présents lors des faits (pièces 25 et 27), que la plainte a été classée sans suite, qu'aucun arrêt de travail n'est produit et que ce salarié n'a pas été sanctionné, estimant la pièce produite en cause d'appel par l'employeur comme ayant une valeur probante relative.

Il met en avant son comportement exemplaire pendant 14 années, résultant des attestations versées en pièces 28 à 36.

Il considère que depuis l'arrivée du fils du président, [B] [T], les conditions de son éviction ont été mises en place et que la prétendue altercation avec M.[C] est démentie par l'attestation de M.[A], celle de M. [J] produite en cause d'appel par l'employeur ayant été établie pour les besoins de la cause.

A l'instar de l'employeur, la version de M.[S] quant à l'origine de l'altercation, partiellement corroborée par les attestations de deux chauffeurs est incohérente, l'odeur de fioul ne pouvant pas être un élément inhabituel sur les lieux et une réflexion aussi anodine ne pouvant pousser M. [Y] à demander à M.[S] de s'en expliquer.

Aucun témoin n'a assisté à l'altercation physique qui s'en est suivie, laquelle mâtinée de menaces de la part de M.[S], a été relatée par M. [Y], avec précision, et dans les mêmes termes tant à son supérieur hiérarchique qu'aux services de police dans le procès-verbal dressé à 9h45, (pièce 7 société) ayant abouti à la délivrance d'un certificat médical avec une ITT de 4 jours mentionnée à la fin de cette audition.

En outre, contrairement aux allégations de l'appelant, le certificat médical établi le 2 mars 2017 «en urgence vers 9h» par le Dr [X] est produit aux débats en pièce 8, et la description des blessures dont notamment : «tuméfaction de la paumette gauche probablement en rapport avec un traumatisme directement porté, un hématome nissant de l'occiput, une contracture cervicale probablement réflexe, une plaie superficielle intra buccal au niveau de l'hémi arcade supérieure gauche» d'une part correspond au récit de la victime et d'autre part démontre la violence de l'agression imputable à M.[S].

Le fait que la plainte de M. [Y] a été probablement classée sans suite n'exonère pas l'appelant, et ce dernier ne saurait arguer utilement du fait qu'il a été lui-même blessé, les certificats produits en pièce 21 étant contradictoires dans les dates et préconisations (sans arrêt de travail et uniquement de soins pour le 1er daté du jour des faits puis un rectificatif le lendemain) et en tout état de cause, l'employeur démontrant par sa pièce 18 que M.[S] a travaillé le lendemain 3 mars de 6h à 12h.

L'employeur, de façon proportionnée, a estimé que l'attitude de M. [Y], qui n'a pas cherché à apaiser la situation, constituait une faute et lui a délivré un avertissement le 27 mars 2017, pour les faits du 2 mars 2017, sanction démontrée par la lettre envoyée au salarié (pièce 33 société) dont l'appelant ne saurait contester la réalité.

Les attestations produites par M.[S] quant à son dévouement et sa gentillesse ne sont pas de nature à remettre en cause les faits tels que décrits et reprochés dans la lettre de licenciement.

Par ailleurs, le salarié ne dénie pas un entretien de recadrage tel que relaté par son responsable dans l'attestation produite en pièce 17 par la société, à la suite d'une bagarre avec un autre salarié, rendant sans emport l'attestation de M.[A] qui n'a pas été témoin des faits de février 2017.

Dès lors, s'agissant de faits de même nature se reproduisant à un mois d'intervalle, l'employeur pouvait en faire état, pour justifier une sanction aggravée, soit un licenciement reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié.

En conséquence, la faute avérée constituait une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, justifiant la mise à pied et le licenciement pour faute grave.

3- sur la nullité du licenciement

L'appelant soutient que la rupture repose en réalité sur des motifs discriminatoires, faisant état d'une convocation dès le lendemain de son accident du travail et de l'absence de respect des préconisations de la médecine du travail.

Le salarié n'apporte aux débats aucun élément permettant de retenir un motif discriminatoire lié à son état de santé, étant précisé que la cour a exclu tout manquement à l'obligation de sécurité, lequel en tout état de cause, n'aurait pu asseoir la nullité.

Comme l'indique à juste titre la société, il n'existe aucun lien entre le licenciement et la maladie professionnelle de M.[S], ni entre l'accident du travail déclaré comme tel le 2 mars 2017 et pour lequel le salarié a formé un recours contre le refus implicite de prise en charge, en octobre 2017 (pièce 38), sans indiquer la suite donnée.

Dès lors, M.[S] n'est pas en droit d'invoquer les dispositions protectrices des articles L.1226-9 & L.1226-13 du code du travail, le licenciement étant justifié par une faute grave, motif étranger à l'accident ou à la maladie, ce qui rend l'ensemble des demandes de M.[S] liées à la rupture, y compris le rappel de mise à pied à titre conservatoire, sans fondement.

Sur les frais et dépens

L'appelant succombant totalement doit être condamné aux dépens, débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre, compte tenu de la témérité de l'appel, indemniser l'intimée à hauteur de 1 800 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF dans ses dispositions relatives à la mise à pied disciplinaire,

Statuant à nouveau du seul chef infirmé et Y ajoutant,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande d'annulation et d'indemnisation de la mise à pied disciplinaire du 18 décembre 2015,

Condamne M. [N] [S] à payer à la société ESLC Provence la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[S] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/12329
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;19.12329 ?
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