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17/05/2024 | FRANCE | N°19/11807

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 17 mai 2024, 19/11807


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 17 MAI 2024



N°2024/ 81





RG 19/11807

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEULU







Association KROC CAN





C/



[T] [J]

















Copie exécutoire délivrée

le 17 Mai 2024 à :



- Me Edith ANGELICO, avocat au barreau de TOULON



- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE






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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 26 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01755.







APPELANTE



Association KROC CAN, demeurant [Adresse 1] - [Localité 4]



représentée...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 17 MAI 2024

N°2024/ 81

RG 19/11807

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEULU

Association KROC CAN

C/

[T] [J]

Copie exécutoire délivrée

le 17 Mai 2024 à :

- Me Edith ANGELICO, avocat au barreau de TOULON

- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 26 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01755.

APPELANTE

Association KROC CAN, demeurant [Adresse 1] - [Localité 4]

représentée par Me Edith ANGELICO, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [T] [J], demeurant [Adresse 2], - [Localité 3]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2024.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

L'association Kroc'Can exerce l'activité de collecte des déchets non dangereux et exploite les marchés 'éco-ambassadeurs' de Marseille Provence Métropole (MPM) destinés à promouvoir le tri sélectif et applique la convention collective des activités du déchet.

M. [T] [J] était engagé par cette association selon contrat de professionnalisation à durée déterminée du 28 février 2012 jusqu'au 23 février 2013 en vue de la qualification d''éco-ambassadeur', niveau 2 coefficient 107, avec 273 heures d'enseignements généraux, professionnels et technologiques.

Selon avenant n°1 du 21 mars 2012, il était engagé pour exercer à compter du 24 février 2012 jusqu'au 23 février 2013 les fonctions de coordinateur adjoint des éco-ambassadeurs du tri puis par avenant n°2 du 25 juillet 2012, il était engagé en tant que « Coordinateur principal des éco-ambassadeurs, niveau III, position 4, coefficient 132» avec une rémunération de 2 300 €.

Par avenant n°3 du 29 janvier 2013, la relation contractuelle s'est poursuivie en un contrat à durée indéterminée sous les mêmes conditions.

M. [J] était convoqué le 10 juin 2014 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 27 juin 2014. Il était licencié pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée du 15 juillet 2014.

Le salarié saisissait le 14 mars 2016 le conseil de prud'hommes de Marseille, en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 26 janvier 2019, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a statué comme suit :

«Dit que le licenciement de [T] [J] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne de ce chef l'Association Kroc'Can à payer à [T] [J] la somme de 15000 euros de dommages-intérêts,

Condamne l'Association Kroc'Can à rembourser à 1'organisme Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par [T] [J] à hauteur de six mois,

Précise que :

- les condamnations, concernant des créances de nature indemnitaire, porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

- toutes les condamnations bénéficieront de la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à 1'artic1e 1343-2 du Code Civil,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,

Condamne l'Association Kroc'Can à payer à [T] [J] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais d'huissier,

Rejette toute autre demande,

Condamne 1'Association Kroc'Can aux dépens ».

Par acte du 19 juillet 2019, le conseil de l'employeur a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 6 avril 2020, l'association Kroc'Can demande à la cour de :

« Réformer le Jugement entrepris,

Débouter Monsieur [T] [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions relativement aux chefs de jugement déférés à la Cour par l'appel principal, à savoir les prétentions adverses infondées ci-après rappelées:

Condamner l'Association «Kroc'Can» à verser les sommes ci-après :

DI au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse 30 000. 00 €

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du code de procédure civile distrait au profit de MB AVOCATS 2 500.00 €

Condamner l'employeur aux dépens.

Déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [T] [J] se rattachant à des chefs de Jugement non-déférés à la Cour par l'appel principal, et plus particulièrement le chef de Jugement «Rejette toute autre demande » qui n'est pas querellé par l'Association KROC CAN, et ce, en l'absence de tout appel incident, les demandes irrecevables adverses étant ci-après rappelées :

Condamner l'Association KROC CAN à verser les sommes ci-après :

Rappel de 13e mois 1725.00 €

Incidence congés payés y afférent 172.00 €

DI au titre de l'irrégularité de procédure 2300. 00 €

Indemnité compensatrice de préavis 4600. 00 €

Incidence congés payés y afférent 460. 00 €

Solde Indemnité légale de licenciement 181. 00 €

Solde Indemnité compensatrice de congés payés 48. 00 €

Violation d'une obligation de sécurité de résultat 5000. 00 €

Astreinte de 100 € par jour de retard à :

Délivrer l'intégralité des documents de rupture portant la mention « licenciement sans cause réelle et sérieuse

Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte.

Dire n'y avoir lieu à remboursement par l'Association KROC CAN à l'organisme Pôle Emploi des indemnités de chômage perçues par [T] [J] à hauteur de six mois,

Condamner Monsieur [T] [J] à payer à l'Association Kroc'Can la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Monsieur [T] [J] aux entiers dépens ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 17 août 2020, M.[J] demande à la cour de :

«Confirmer le jugement déféré

Et statuant à nouveau de,

Dire et juger le licenciement irrégulier et sans cause réelle ni sérieuse

Et, par conséquent

Condamner l'Association «Kroc'Can» à verser les sommes ci-après :

Rappel de 13e mois 1725.00 €

Incidence congés payés y afférent 172.00 €

DI au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse 30 000. 00 €

DI au titre de l'irrégularité de procédure 2300. 00 €

Indemnité compensatrice de préavis 4600. 00 €

Incidence congés payés y afférent 460. 00 €

Solde Indemnité légale de licenciement 181. 00 €

Solde Indemnité compensatrice de congés payés 48. 00 €

Violation d'une obligation de sécurité de résultat 5000. 00 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

Délivrer l'intégralité des documents de rupture portant la mention « licenciement sans cause réelle et sérieuse »

Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du code de procédure civile distrait au profit de MB AVOCATS 2500.00 €

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 2300. 00 € ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure

L'association Kroc'Can soulève l'irrecevabilité des demandes incidentes du salarié dans la mesure ou ce dernier n'a pas formé appel incident dans ses écritures d'intimé, n'a visé aucun chef critiqué et demande la confirmation du jugement.

Elle indique que la cour ne peut trancher que les chefs de jugement expressément critiqués dans son appel principal.

Le salarié n'a pas conclu sur ce point.

Selon les dispositions de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile « la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».

L'association Kroc'Can a fait un appel limité au licenciement pour cause réelle et sérieuse, aux dommages et intérêts alloués, au remboursement à l'organisme pôle emploi des indemnités chômage et aux intérêts au taux légal à compter de la décision.

M. [J] demande dans ses motifs la confirmation de la décision et n'a pas fait appel incident quant au débouté de certaines de ses demandes, ni n'a sollicité l'infirmation s'agissant du rappel du 13e mois et incidence de congés payés, de l'irrégularité de procédure, de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, de l'indemnité légale de licenciement et du solde d'indemnité compensatrice de congés payés, de l'obligation de sécurité, de la délivrance des documents de rupture ainsi que de l'astreinte.

En conséquence, en vertu des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, l'intimé est réputé s'être approprié les motifs de la décision déférée et les demandes à ce titre doivent être déclarées irrecevables.

Sur le licenciement

L'association soutient que les griefs d'insuffisances sont étayés par le contexte historique du caractère insatisfaisant des prestations du salarié, par les documents d'évaluation et par les lettres et témoignage d'un tiers objectif en la personne de R'environnement, M. [J] ayant lui-même reconnu verbalement sa propre insuffisance au poste occupé.

Elle fait valoir que la thèse d'un licenciement économique déguisé est non étayée et que le salarié a pu bénéficié de la prise en charge de diverses formations professionnelles et ne saurait se retrancher derrière son état de santé, ni son ancienneté.

Le salarié fait valoir que l'insuffisance professionnelle ne constitue pas en soi une cause de licenciement, que l'association n'apporte pas d'éléments matériellement vérifiables sur les prétendus griefs et que cette dernière ne pouvait ignorer l'importante charge de travail imposée au salarié, caractérisée par l'augmentation constante de ses responsabilités et des conditions de travail inacceptables, celui-ci ne disposant pas de moyens matériels suffisants et de formation.

Il souligne que la prétendue insuffisance professionnelle est en totale contradiction avec l'absence de période d'essai, la pérennisation de son emploi, l'évolution hiérarchique ainsi que l'augmentation de son salaire qui lui a été accordé, en raison justement de la parfaite exécution de ses fonctions contractuelles.

Il relève que ce licenciement cache en réalité un licenciement économique déguisé dans la mesure où l'association a connu des pertes financières sur son activité depuis le début de l'année 2014.

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Au cours de l'entretien précité, nous vous avons exposé les faits suivants et les rares explications que vous avez données ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de votre situation. En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour la cause réelle et sérieuse suivante.

Vous avez été embauché le 24 février 2012 en qualité de « coordinateur adjoint des éco-ambassadeurs du tri», emploi classé niveau II, coefficient 107. Vous avez été formé aux missions des éco-ambassadeurs. Par avenant du 25 juillet 2012, vous avez été promu ' coordinateur principal' emploi classé niveau III, coefficient 132. Vous avez été investi d'une mission d'encadrement. Enfin, le 29 janvier 2013, votre CDD a été transformé en CDI.

Dans le cadre du marché public qui nous lie à la Communauté Urbaine de Marseille Provence Métropole, afin d'assurer un maintien optimal des compétences de l'ensemble de nos équipes affectées à ce marché, des évaluations ou auditions sont régulièrement organisées, tant pour les éco-ambassadeurs que pour leur encadrement, par notre client et notre prestataire R'environnement.

Vous avez fait l'objet d'une telle évaluation prenant la forme de deux études de cas, d'un test de restitution à l'aide d'une vidéo et de deux études de documents. Vous avez obtenu la note de 2,7 sur 20.

Ce résultat extrêmement mauvais révèle une grave absence de maîtrise des compétences indispensables à la bonne exécution de notre mission auprès de notre client :

vous n'avez apporté aucune réponse à de nombreuses questions des études de cas :

cas n°1 : votre note = 0,75 / 19 points

cas n°2 : votre note = 3,25 / 20 points

test de restitution : votre note = 7 / 20 points

vous n'avez quasiment pas répondu aux questions relatives à l'étude des documents :

tableau des équipements : votre note = 0 / 13 points

tableau des poids collectés : votre note = 0,5 / 12 points

Au cours de l'évaluation, faisant preuve d'absence de bonne volonté, vous avez :

- commencé par refuser de vous soumettre à cette évaluation, puis vous ne vous y êtes soumis qu'après que la Direction vous ait rappelé :

d'une part, votre obligation contractuelle d'exécuter les injonctions de votre hiérarchie,

d'autre part, l'importance qu'attache notre client à l'évaluation qualitative de l'exécution du marché,

- consacré 2 heures à cette évaluation au lieu des 5 heures dont vous disposiez,

- et enfin, au cours de l'entretien préalable, prétendu ne pas avoir été prévenu de cette évaluation et vous vous êtes dit « choqué et interpellé » d'avoir dû la subir.

De plus, le 16 mai 2014, en présence du « référant du marché » de la CUMPM et de notre prestataire, lors de la correction de cette évaluation, vous avez :

- invoqué un manque de concentration et un mal être général,

- reconnu ne pas avoir lu les supports techniques et documents à commenter,

- reconnu avoir des difficultés à accomplir les missions de coordinateur principal,

- et enfin refusé de repasser cette évaluation, alors que, malgré les très mauvais résultats, cette modalité vous était proposée par vos interlocuteurs.

Par votre attitude négative, vous avez manifestement saboté le processus de contrôle de la qualité de nos prestations par notre client, tel qu'il est prévu par le marché public. Or, vous saviez que de mauvais résultats compromettent les chances de voir ce marché renouvelé au profit de notre entreprise d'insertion.

Or, depuis le 28 mars 2013, Madame [V] [E] de R'environnement, et Monsieur [W] [H] de la CUMPM vous ont encadré et conseillé afin de corriger vos dysfonctionnements par rapport aux exigences du client. Ce suivi personnalisé n'a pas permis de vous hisser au niveau requis et vous avez reconnu cette insuffisance de votre part lors du rendez-vous du 16 mai 2014.

Notre client nous a informés par écrit de son insatisfaction relative à vos nombreuses lacunes, mais aussi à votre manque d'application et d'implication au cours du processus d'évaluation, mentionnant que ces faits portaient préjudice à l'image sérieuse de notre entreprise. Il a précisé que d'aussi importants manques de connaissances de la part de l'encadrement pourraient être préjudiciables, évoquant ainsi clairement le risque de non renouvellement du marché dès 2015.

Le niveau d'exigence de notre client en termes de qualité de nos prestations a augmenté depuis la mise en place des éco-ambassadeurs : ce qui était tolérable pour lui en 2012 ne l'est plus depuis 2013 et encore moins aujourd'hui. Si de telles insuffisances persistaient, Kroc'Can risquerait de voir ce marché public ne pas être reconduit à son profit. Une telle situation causerait un important préjudice financier à l'entreprise et surtout menacerait gravement le contrat de travail de tous les autres salariés affectés à l'exécution de ce marché.

Considérant l'importance et le sérieux des risques pour notre entreprise et les autres salariés affectés à l'exécution de ce marché, nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.

Votre licenciement prendra effet à l'issue de votre préavis de deux (2) mois, lequel commencera le jour de la première présentation de la présente notification recommandée AR à votre domicile.

Compte tenu de la gravité de la menace qui pèse sur notre entreprise, nous vous dispensons d'exécuter votre prestation de travail pendant le préavis. Cependant, votre rémunération vous sera intégralement versée aux échéances habituelles jusqu'à l'issue de celui-ci ».

L'insuffisance professionnelle consiste en l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle se définit comme une incapacité objective et durable d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à la qualification du salarié. Elle doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou conjoncturelle, et être directement imputable au salarié, alors que l'employeur lui a donné tous les moyens pour qu'il puisse faire ses preuves en temps et en formation ,et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

En l'espèce, il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le juge départiteur qui a examiné de façon exhaustive et précise les éléments produits par le salarié et par l'employeur.

Le juge départiteur a en effet considéré par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que s'il n'est pas contestable que le salarié ait commis des manquements importants dans ses missions de coordination principale, ce dernier avait cependant été engagé le 24 février 2012 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation en vue d'une qualification d'éco-ambassadeur, pour être promu quatre mois après, sans période probatoire, sur le poste de coordinateur principal, alors que sur son curriculum vitae, le dernier emploi occupé était celui d'agent d'entretien jusqu'en 2011, ce que ne pouvait ignorer l'association et qu'il appartenait à celle-ci, qui a mis le salarié en difficulté en le promouvant sur un poste de responsable qui l'a vite dépassé, de prendre toutes dispositions utiles pour y remédier avant de procéder à un licenciement.

La cour ajoute que :

- le salarié n'a pu se former sur la qualification d'éco-ambassadeur que pendant 1 mois, sans pouvoir achever le nombre d'heures nécessaires prévues sur une année en raison de la promotion proposée par l'association, il justifie néanmoins que l'association était très satisfaite de son travail jusqu'en septembre 2013 au vu des e-mails de félicitations de juin 2012 à juin 2013, de sorte qu'il a bénéficié de promotions en seulement 4 mois, sans néanmoins avoir acquis les compétences et qualifications nécessaires au poste de coordinateur principal (pièce 24 à 28),

- l'association fonde essentiellement l'insuffisance professionnelle sur les résultats et la correction de l'évaluation R'Environnement entreprise le 16 mai 2014 par la responsable de Marseille Provence Métropole (MPM), sans que soit démontré un quelconque « sabotage du processus de contrôle de la qualité des prestations de l'association », l'attitude négative reprochée au salarié ne pouvant être tirée de son refus de repasser les évaluations, qui atteste simplement de sa prise de conscience de l'inutilité d'y revenir du fait de ses carences,

- si le document d'évaluation met effectivement en exergue l'absence de réponses satisfaisantes du salarié, M. [G], titulaire d'un master en sciences de l'environnement terrestre et ayant subi les deux tests écrits en même temps, témoigne cependant du caractère particulièrement ardu des tests : « j'ai trouvé la notation sévère car je pensais être largement surqualifié », ce qui établit que M. [J] a été recruté sur un poste ne correspondant pas à sa qualification et à ses compétences, sans que l'on puisse lui en faire un reproche et sans que les moyens en matériels et en formation ne lui aient été donnés afin de s'y adapter;

- le salarié a en effet réclamé au responsable d'exploitation des 'formations renforcées pratiques et appropriées' ainsi que du matériel informatique suite aux deux avertissements du 19 septembre 2013 et du 20 novembre 2013, s'agissant d'un oubli de deux salariés sur un planning, et d'un défaut d'information des éco-ambassadeurs de l'action prévue autour de la cité Michelis; il a expliqué dans son courrier le 11 décembre 2013 « Je n'ai eu aucune formation me permettant de mener au mieux les tâches que l'on me confie, ce qui peut engendrer ce genre d'erreur. Une formation telle que demandée dans mon précédent courrier m'aurait certainement aidée à éviter ce manquement. Depuis que je travaille à Kroc'Can, j'ai gravi les échelons par trois promotions '1er coordinateur adjoint, 2ème coordinateur, 3ème coordinateur principal, fonctions que j'ai accepté pour pallier au problème des démissions de la chargée de projet Cathy Pock et d'un autre chef d'exploitation(...) » ;

- la demande de formation bien que réitérée par mail du 24 janvier 2014 au responsable d'exploitation n'a pas abouti et l'association ne peut raisonnablement soutenir dans la lettre de licenciement que les responsables de R'Environnement , ses clients, 'l'ont encadré et conseillé' afin de corriger ses dysfonctionnements ;

- les dispositions de l'article L 6321-1 du code du travail prévoient que « l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations ». L'association ne justifie pas avoir fait bénéficier au salarié de formations en lien avec ses missions techniques et d'encadrement telles que prévues par le contrat, puisque le stage initié du 19 au 22 mars 2012 sur « la culture des déchets et de l'initiation aux techniques » était d'ordre général et a été réalisé avant à la promotion du salarié au poste de coordinateur principal, et que le stage du 26 et 27 septembre 2012 était sur le thème « les animations scolaires et extra scolaires », sans relation avec un poste d'encadrement (pièces intimée 18, 19 et 21).

- aucun manque de rigueur, de loyauté ou de travail dans l'activité du salarié ne peut lui être reproché au regard des e-mails ainsi que des témoignages précis et circonstanciés d'anciens employés de l'association mentionnant les qualités suivantes : « rigoureux, exigeant, consciencieux, sérieux, efficace, impliqué personnellement » ( pièces intimé 20 à 23, 29 à 34).

En l'état de ces éléments, l'association échoue à démontrer le motif d'insuffisance professionnelle et la cour considère que c'est à bon droit que le premier juge a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef ainsi que des dommages et intérêts alloués, à défaut de démonstration par le salarié d'un préjudice plus ample.

3. Sur les autres demandes

L'association répond aux conditions de l'article L. 1235-4 du code du travail puisqu'elle compte 21 salariés, que le salarié avait plus de deux ans d'ancienneté et que le remboursement des indemnités de chômage est dû dans l'hypothèse d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

L'appelante ne fait valoir aucun moyen s'agissant des intérêts et de la capitalisation qui doivent être également confirmés.

L'association qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer au salarié la somme de 1500€.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déclare irrecevables les demandes incidentes de M. [T] [J],

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne l'association Kroc'Can à payer à M. [T] [J] la somme de 1 500 € au titre au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne l'association Kroc'Can aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/11807
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;19.11807 ?
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