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14/05/2024 | FRANCE | N°20/10842

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 14 mai 2024, 20/10842


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 14 MAI 2024



N° 2024/ 191









Rôle N° RG 20/10842 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGPT3







Commune COMMUNE D'[Localité 4]





C/



[K] [F]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric BERENGER

Me Michel GOUGOT













Décision d

éférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 4] en date du 08 Octobre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/01255.





APPELANTE



COMMUNE D'[Localité 4] Agissant poursuites et diligences de sa représentante légale, Madame [X], domiciliée en cette qualit...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 14 MAI 2024

N° 2024/ 191

Rôle N° RG 20/10842 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGPT3

Commune COMMUNE D'[Localité 4]

C/

[K] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric BERENGER

Me Michel GOUGOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 4] en date du 08 Octobre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/01255.

APPELANTE

COMMUNE D'[Localité 4] Agissant poursuites et diligences de sa représentante légale, Madame [X], domiciliée en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 5]

représentée et assistée par Me Frédéric BERENGER de la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Justine DUVIEUBOURG, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat ayant plaidé

INTIME

Monsieur [K] [F]

né le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté par Me Michel GOUGOT de la SCP TROEGELER - GOUGOT - BREDEAU- TROEGELER - MONCHAUZOU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat ayant plaidé

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme ALLARD, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2024,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Par acte notarié du 22 mai 2018, la SCI Bellevue a consenti à la société Fields and lands promotion une promesse unilatérale de vente valable jusqu'au 16 septembre 2019, portant sur une propriété sise [Adresse 2] au prix de 900 000 €.

L'acte stipulait une rémunération de 108 000 €, à payer par le bénéficiaire de la promesse à M. [K] [F], agent immobilier ayant négocié l'acte selon mandat conclu le 15 mars 2017 avec la SCI Bellevue.

Une déclaration d'intention d'aliéner, mentionnant un prix de 900 000 € avec commission de 108 000 € au profit de l'agent immobilier à la charge de l'acquéreur, a été adressée à la commune d'[Localité 4], titulaire d'un droit de préemption. Celle-ci l'a reçue le 25 mai 2018.

Par décision du 19 juillet 2018, la commune a exercé son droit de préemption au prix de 900 000 €.

Par courrier recommandé du 15 octobre 2018, M. [F] a mis en demeure la commune d'[Localité 4] de lui payer sa commission.

La vente du bien immobilier a été régularisée par acte authentique du 17 octobre 2018, mais la commune d'[Localité 4] a refusé de payer la commission de l'agent immobilier.

Par acte du 19 février 2019, M. [F] assigné la commune d'Aix-en-Provence devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 108 000 € ainsi que des dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 8 octobre 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a, notamment, :

- rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de droit d'agir ;

- condamné la commune d'[Localité 4] à payer à M. [F] la somme de 108 000 € au titre de sa commission, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018 ;

- débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts .

- condamné la commune d'[Localité 4] à verser à M. [F] une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la commune d'[Localité 4] aux entiers dépens de la procédure ;

- rejeté le surplus des demandes des parties.

Pour statuer ainsi, le tribunal a en substance considéré que la commune d'[Localité 4] doit sa commission à M. [F] dès lors qu'elle a eu connaissance de la condition afférente à la rémunération de l'agent immobilier, qui était insérée dans la promesse de vente et la déclaration d'intention d'aliéner, qu'elle n'établit ni abus de droit, ni collusion frauduleuse entre l'acquéreur évincé et l'agent immobilier et ne démontre pas que l'agent immobilier n'a pas exécuté intégralement sa mission.

Par acte du 9 novembre 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la commune d'[Localité 4] a relevé appel de cette décision, limité à ses dispositions qui ont rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de droit d'agir, l'ont condamnée à payer à M. [F] la somme de 108 000 € au titre de la commission d'agence, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018, ainsi que la somme de 3 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 27 février 2024.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 1er mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la commune d'[Localité 4] demande à la cour, au visa des articles 1231-6, 1596, 1984 et suivants et 2003 du code civil, de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions hormis en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- rejeter la demande de M. [F] tendant à sa condamnation à lui payer 108 000 € au titre de la commission d'agence ;

- dire n'y avoir lieu à commission ;

A titre subsidiaire,

- fixer le montant de la commission de l'agent immobilier à 3 % du prix de vente de l'immeuble.

En tout état de cause,

- débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [F] à lui payer la somme de 3 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [F] aux dépens.

Elle fait valoir que :

- le principe du paiement de la commission de l'intermédiaire par le bénéficiaire du droit de préemption ne s'applique pas en cas de fraude ;

- en l'espèce, l'acquéreur évincé, la SAS Fields & Lands promotion est domiciliée à la même adresse que l'agence immobilière et, pour cause, puisque M. [F] en est l'associé fondateur, ce qui signifie que l'agent immobilier mandaté par la SCI venderesse est en réalité l'acquéreur évincé ;

- le bénéficiaire de la promesse ne s'est jamais engagé à acheter, puisqu'il s'agit d'une promesse unilatérale de vente et non d'un compromis de vente ;

- M. [F] ne produit pas les bon de visite démontrant qu'il a fait visiter le bien en vente, de sorte que le mandat n'avait d'autre utilité que d'ajouter un intermédiaire sachant que le bien était soumis au droit de préemption urbain ;

- les liens entre le bénéficiaire de la promesse et le mandataire entraînent une prohibition d'acheter fondée sur l'article 1596 du code civil, de sorte que M. [F] n'ignorait pas la société Fields & lands promotion, dont il est l'actionnaire même minoritaire, ne pouvait acquérir le bien litigieux et si elle ne peut se prévaloir de la nullité relative prévue par ce texte, elle démontre néanmoins que l'obligation de payer la commission est dépourvue de cause ou repose sur une cause fausse ou illicite ;

- ayant exercé son droit de préemption sur une promesse de vente qui n'avait pas encore été réalisée, elle ne doit pas le montant de la commission, ce d'autant moins que la décision de préemption n'indique pas qu'elle accepte de la payer ;

- si la cour devait retenir que la commission est effectivement due, celle-ci ne saurait, en l'absence d'exécution de sa mission par M. [F], dépasser 3 % du prix de vente.

Dans ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident régulièrement notifiées le 3 août 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [F] demande à la cour de :

' confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la commune d'[Localité 4] à lui payer la somme de 108 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018, outre une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' l'infirmer pour le surplus ;

' condamner la commune d'[Localité 4] à lui payer une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts supplémentaires par application de l'article 1231-6 du code civil ;

' condamner la commune d'[Localité 4] à lui payer une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

' condamner la commune d'[Localité 4] aux entiers dépens.

Il fait valoir que :

- le titulaire du droit de préemption est tenu au règlement de la rémunération de l'intermédiaire lorsqu'elle est contractuellement prévue et ce principe s'applique même lorsque le droit de préemption a été exercé avant la levée d'option du bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente ;

- aucune fraude, ni abus de droit ne sont démontrés, puisque lui et la société Fields and lands promotion sont deux personnes juridiques distinctes et que, s'il en était associé jusqu'à la fin de l'année 2018, sa participation était minoritaire et qu'en tout état de cause, il n'en était pas le décideur ;

- la prohibition d'acheter de l'article 1596 du code civil est sanctionnée par une nullité relative que seul le vendeur peut invoquer mais, en tout état de cause, il ne s'agissait ni d'une opération illégale, ni d'un achat d'interposition au regard de sa position minoritaire dans la société évincée. ;

- en application de l'article 1999 du code civil, sa rémunération ne peut être réduite en l'absence de faute prouvée à son encontre ;

- le refus de payer sa commission, alors qu'elle est due, consacre une inexécution contractuelle fautive qui l'a privé d'une somme significative dans l'exploitation de son activité commerciale individuelle.

Motifs de la décision

La commune d'[Localité 4] sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, mais l'appel n'est pas soutenu en ce qui concerne le rejet de la fin de non-recevoir pour défaut de droit d'agir.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette fin de non recevoir.

Sur la commission de l'agent immobilier

En application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'exercice du droit de préemption prévu à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme n'entraîne pas la conclusion d'une convention nouvelle entre le vendeur et le bénéficiaire du droit de préemption. Elle s'appuie sur un contrat déjà formé et participe, par conséquent, d'une substitution pure et simple du préempteur à l'acquéreur choisi par le vendeur.

Selon l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, la déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée.

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas de préemption, la substitution pure et simple du préempteur à l'acquéreur choisi par le vendeur ne peut porter atteinte au droit à commission de l'agent immobilier mentionné aux articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 73 du décret du 20 juillet 1972, tel qu'il est conventionnellement prévu et qu'en conséquence, l'organisme qui exerce son droit de préemption est tenu de prendre en charge la rémunération des intermédiaires immobiliers incombant à l'acquéreur auquel il est substitué.

Ce droit à commission est cependant conditionné par l'indication du montant et de la partie qui en a la charge dans l'engagement des parties et dans la déclaration d'intention d'aliéner.

Le titulaire du droit de préemption est tenu exclusivement mais intégralement aux conditions financières figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner.

Enfin, selon l'article 6 I alinéa 3 de la loi Hoguet du 2 janvier 1970, aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1 de la loi ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties.

En l'espèce, la promesse unilatérale de vente énonce les conditions financières auxquelles la vente aura lieu en cas de levée de l'option par le bénéficiaire. Elle stipule une commission de 108 000 € au profit de l'agent immobilier.

La déclaration d'intention d'aliéner, que la SCI Bellevue, promettante, s'est engagée à déposer dans les dix jours de la signature de la promesse en vue de la purge des droits de préemption, qui a été notifiée le 25 mai 2018 à la commune d'[Localité 4], mentionne au profit de M. [F], agent immobilier, une commission de 108 000 € TTC à la charge de l'acquéreur, en sus du prix de vente d'un montant de 900 000 €.

Dès lors que le droit à commission de l'agent immobilier a été conventionnellement prévu dans la promesse unilatérale de vente et que la déclaration d'intention d'aliéner mentionne une commission de 108 000 € à la charge de l'acquéreur, l'agent immobilier a droit à sa commission.

Il importe peu que l'arrêté du 19 juillet 2018, par lequel Mme [P] [J], adjoint au maire, agissant pour le compte de la commune, a décidé d'exercer le droit de préemption sur le bien ne comporte aucune référence à la commission d'agence figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner et que l'acte de vente mentionne comme convenu entre les parties que le rappel in extenso des termes de la promesse de vente n'emporte aucune approbation par la collectivité territoriale du paiement des frais d'agence immobilière dont elle se réserve le droit de discuter, en tant que de besoin, tant le caractère obligatoire que le montant.

Il est également indifférent que l'acte juridique à l'origine de l'exercice du droit de préemption soit une promesse unilatérale de vente et non un compromis de vente. Dès lors que cette promesse, qui est un contrat, énonce les conditions financières auxquelles la vente aura lieu, notamment celles afférentes à la commission due à l'agent immobilier et que celle-ci est expressément mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner, la commune, en ce qu'elle se substitue à l'acquéreur, doit prendre en charge la rémunération de l'intermédiaire immobilier.

La commune d'[Localité 4] invoque une fraude faisant échec au paiement de la commission.

Il lui appartient donc d'en rapporter la preuve.

Elle soutient que les relations entretenues par le bénéficiaire de la promesse avec l'agent immobilier, le caractère irréalisable du projet immobilier initial et le montant particulièrement élevé de la commission démontrent que la déclaration d'intention d'aliéner n'a été déposée que pour déclencher le droit de préemption et le paiement de la commission.

A cela s'ajoute, selon elle, l'absence de preuves de toute démarche de l'agent immobilier en exécution de son mandat.

M. [F], agent immobilier, est associé de la SAS Fields & Lands qui est domicilié à la même adresse que l'agence immobilière. Cependant, ce lien, qui n'est pas contesté, est à lui seul insuffisant pour conclure à une collusion frauduleuse.

La commune d'[Localité 4] ne rapporte pas la preuve qu'en l'espèce la vente serait tombée sous le coup de la prohibition posée par l'article 1596 du code civil, qui interdit l'achat par les mandataires des biens qu'ils sont chargés de vendre. À supposer que la l'interposition de personnes soit effective au seul motif que M. [F] est associé minoritaire de la SAS Fields & Lands, cette nullité est relative et ne peut être invoquée que par le co-contractant, en l'espèce la SCI Bellevue. Or, rien ne démontre que la SCI Bellevue se serait prévalue de cette nullité.

Il ne peut donc être utilement soutenu que cette vente était irrémédiablement vouée à l'échec pour en conclure que l'opération initiale n'est pas causée ou repose sur une cause illicite.

Le mandat de vente sans exclusivité conclu entre la SCI Bellevue et M [F] stipulait un prix de 1 288 000 €, soit 1 150 000 € net vendeur, portant la commission de l'agent immobilier à 138 000 €.

Le prix de vente fixé dans la promesse de vente est moins élevé, puisque les parties se sont accordées sur un prix de 900 000 €, rémunération du mandataire incluse. Cette rémunération a elle-même été fixée à 108 000 €, soit 30 000 € de moins que stipulé dans le mandat.

Le montant de la commission a donc été corrélé au prix de vente. Certes, il est élevé, mais les honoraires en la matière sont librement fixés entre les parties.

Quant au grief tenant à l'absence de justification par l'agent immobilier de ses diligences, s'il est acquis que la rémunération de ce dernier est subordonnée à la condition qu'il a rempli sa mission, c'est à dire accompli toutes les diligences ayant permis de trouver un co-contractant au mandant, en l'espèce, le mandat de vente imposait à M. [F] de mettre en vente le bien, le vendre et rechercher un acquéreur.

La promesse de vente contient la clause suivante : 'les parties reconnaissent que les termes, prix et conditions des présentes, ont été négociés par l'agence [K] [F] immobilier, sise à [Localité 4], titulaire d'un mandat régulier ; en conséquence, le bénéficiaire, qui en a seul la charge aux termes du mandat, doit à l'agence une rémunération de 108 000 €, TVA incluse. Cette rémunération sera payée le jour de la constatation authentique de la réalisation des présentes'.

En fixant la rémunération de l'agent immobilier, ce contrat consacre reconnaissance par les parties de la réalisation effective par le mandataire des prestations qui étaient attendues de lui.

Il en résulte que, dans l'hypothèse où une vente est conclue et que l'acte consacre le droit à rémunération de l'agent immobilier, la réalité de la prestation ne peut être remise en question et que c'est seulement lorsque la vente n'est pas concrétisée, mais que l'agent immobilier, excipant de ses diligences, réclame le paiement de sa commission ou des dommages-intérêts équivalents à celle-ci qu'il lui appartient de démontrer l'effectivité de ses diligences.

En l'espèce, la commune d'[Localité 4] n'est pas fondée à remettre en cause la réalité de ces prestations dès lors qu'en se substituant à l'acquéreur, elle s'est obligée à supporter toutes les obligations convenues entre ce dernier et le vendeur du bien immobilier.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la commune d'[Localité 4], qui prétend échapper au paiement de la commission, ne démontre ni que le projet initial était irréalisable ou impossible, ni que cette opération procède d'une collusion frauduleuse destinée à faire supporter au préempteur, personne publique, le poids d'une commission exorbitante qui n'avait, en tout état de cause, aucune chance d'être payée.

S'étant obligée, en préemptant, à payer la commission de l'agent immobilier figurant tant dans la promesse de vente que dans la déclaration d'aliéner, la commune n'est pas fondée à s'opposer au paiement de celle-ci.

Elle n'est pas davantage fondée à remettre en cause le montant de la commission et solliciter à titre subsidiaire, la diminution à 3 % du prix de vente du montant de la commission.

En effet, en application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Dès lors que l'exercice du droit de préemption prévu à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme n'entraîne pas la conclusion d'une convention nouvelle et s'appuie sur un contrat déjà formé en opérant une simple substitution du préempteur à l'acquéreur choisi par le vendeur, le juge n'a pas le pouvoir de modifier les prévisions des parties.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a condamné la commune d'[Localité 4] à payer à M. [F] une somme de 108 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018, date de la mise en demeure qui lui a été délivrée à cette fin.

Sur la demande de dommages-intérêts

M. [F] sollicite la condamnation de la commune à lui payer 10 000 € de dommages-intérêts au motif que l'inexécution de ses obligations est 'manifestement et lourdement fautive', et lui a causé préjudice important en le privant d'une somme significative dans l'exploitation de son activité commerciale individuelle, ce préjudice étant indépendant du retard dans l'exécution.

En application de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, la commune n'a pas exécuté les obligations contractuelles qui lui incombaient aux termes de l'exercice du droit de préemption.

Cependant, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf clause pénale stipulée au contrat en fixant forfaitairement le montant ou préjudice indépendant du retard dans l'exécution. Dans cette dernière hypothèse, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

En l'espèce, M. [F] ne produit aucune pièce démontrant qu'il a subi, indépendamment du retard dans l'exécution, un quelconque préjudice.

En conséquence, c'est également à juste titre que le premier juge l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

La commune d'[Localité 4], qui succombe, supportera la charge des entiers dépens d'appel et n'est pas fondée à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie d'allouer à M. [F] une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 8 octobre 2020 par le tribunal judiciaire d'[Localité 4] ;

Y ajoutant,

Déboute la commune d'[Localité 4] de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la commune d'[Localité 4] à payer à M. [F] une indemnité de 3 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour ;

Condamne la commune d'[Localité 4] aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 20/10842
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;20.10842 ?
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