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06/05/2024 | FRANCE | N°22/16988

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 06 mai 2024, 22/16988


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2024



N°2024/374













Rôle N° RG 22/16988 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKQH3







CPAM DES ALPES MARITIMES





C/



[D] [L]











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Stéphane CECCAL

DI

[D] [L]





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail CNITAT d'AMIENS en date du 07 Novembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° .





APPELANTE



CPAM DES ALPES MARITIMES, demeurant [Adresse 2]

[Adresse 5]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2024

N°2024/374

Rôle N° RG 22/16988 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKQH3

CPAM DES ALPES MARITIMES

C/

[D] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Stéphane CECCALDI

[D] [L]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail CNITAT d'AMIENS en date du 07 Novembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° .

APPELANTE

CPAM DES ALPES MARITIMES, demeurant [Adresse 2]

[Adresse 5]

représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [D] [L], demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 juin 2015, M. [D] [L] ('l'assuré' ou 'la victime'), employé en qualité de directeur de la société [4], a été victime d'un accident du travail, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes ('la caisse') au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le certificat médical initial du 16 juillet 2015 fait état d'une 'douleur de l'épaule gauche suite à manipulation de charges lourdes'.

Par décision du 10 juillet 2016 la caisse, a, sur avis de son médecin conseil, fixé la date de consolidation au 4 avril 2017. Suite à sa contestation par l'assuré, une expertise a été réalisée par le docteur [C] le 7 juin 2017, lequel a conclu que l'état de santé de la victime était consolidé au 4 avril 2017.

Par décision du 30 août 2016, la caisse a refusé de prendre en charge de nouvelles lésions consistant en une opération de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, que l'assuré a contestée en sollicitant une expertise technique, laquelle a été réalisée par le même médecin. L'expert a conclu, en son rapport du 17 octobre 2017, que cette lésion nouvelle était en lien de causalité direct, unique et certain avec le traumatisme provoqué par l'accident du travail.

La caisse a contesté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-Maritimes ces conclusions de l'expert.

La caisse a, par décision du 10 juillet 2017, fixé le taux d'incapacité permanente partielle à 0%.

L'assuré a contesté ladite décision devant le tribunal du contentieux de l'incapacité des Bouches du Rhône le 26 juillet 2017.

Par décision du 21 décembre 2017, ce tribunal a déclaré son recours recevable et fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 12% à la date de consolidation de la blessure le 4 avril 2017, suite à l'accident du travail du 15 juillet 2015.

La caisse en a relevé appel devant la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail le 28 février 2018.

Par arrêt du 1er février 2022, ladite cour a revoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à la mise en état dans l'attente du jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nice ayant repris l'instance relative à la contestation de la nouvelle lésion, lequel avait, par jugement avant dire droit du 24 janvier 2022, ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience du 16 juin 2022.

Par ordonnance du 7 novembre 2022, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail s'est dessaisie au profit de la cour d'appel de céans.

Par jugement du 2 février 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Nice, statuant sur la contestation de la caisse des conclusions de l'expertise relative à la nouvelle lésion constatée le 30 août 2016, a déclaré recevable mais a rejeté le recours de la caisse, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamnée aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

En l'état des conclusions visées à l'audience et reprises oralement, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de débouter l'assuré de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement convoqué à l'audience par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 12 juillet 2023, l'intimé n'est ni présent ni représenté.

MOTIFS

L'appelante soutient, se prévalant de l'avis de son médecin conseil, que la lésion prise en compte pour déterminer le taux de 12% relevait de l'état antérieur, comme l'avait retenu l'expert ayant procédé à sa première expertise technique relative à la date de consolidation, avant de revenir de manière contradictoire sur ses conclusions dans son rapport du 17 octobre 2017 en retenant que l'état antérieur a été aggravé par l'accident du travail.

Elle souligne que le rapport du docteur [G], médecin consultant commis par la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, n'éclaire pas davantage dans la mesure où elle conclut qu'à la date de la consolidation, les séquelles décrites justifient un taux d'incapacité permanente partielle de 8% ou de 0% en fonction de l'imputabilité des lésions reconnues au titre de l'état antérieur et de l'accident du travail et que les éléments médicaux administratifs du dossier médical ne permettent pas de conclure.

Elle en déduit que l'infirmation du jugement est inévitable puisque cet expert préconise un taux de 8% ou de 0%, et que les premiers juges n'ont pas motivé en quoi la nouvelle lésion de la coiffe des rotateurs était de nature à affecter l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle au regard de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale.

Sur ce :

L'article L 434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

En l'espèce, le médecin conseil de la caisse a, pour fixer le taux d'incapacité permanente partielle à 0%, conclu à des 'séquelles douloureuses non indemnisables d'une douleur de l'épaule gauche sur état antérieur chez un droitier'. Le rapport d'évaluation des séquelles établi par le médecin conseil n'est pas versé aux débats en cause d'appel.

Le barême indicatif d'invalidité des accidents du travail annexe I de l'article R 434-2 du code de la sécurité sociale prévoit, en son chapitre 1.1.2 relatif à la limitation des mouvements du membre supérieur, un taux d'incapacité permanente partielle de 8 à 10 % pour la limitation légère de tous les mouvements de l'épaule non dominante.

Il est également rappelé que ledit barême prévoit, en son chapitre préliminaire et ses principes généraux, dans son paragraphe relatif aux infirmités antérieures :

'L'estimation médicale de l'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur, et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière.

a. Il peut arriver qu'un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu'il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n'y a aucune raison d'en tenir compte dans l'estimation du taux d'incapacité.

b. L'accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver. Il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme.

c. Un état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci. Etant donné que cet état était connu, il est possible d'en faire l'estimation. L'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l'accident ou la maladie professionnelle.

Dans certains cas où la lésion atteint le membre ou l'organe, homologue au membre ou à l'organe lésé ou détruit antérieurement, l'incapacité est en général supérieure à celle d'un sujet ayant un membre ou

un organe opposé sain, sans état antérieur. A l'extrême, il peut y avoir perte totale de la capacité de travail de l'intéressé.'

Pour fixer le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 12% , les premiers juges se sont fondés sur le rapport du médecin consultant, le docteur [O], qui a, après avoir examiné l'assuré et analysé les documents médicaux à lui soumis, noté à la date de la consolidation:

- capsulite rétractile en phase inflammatoire sur tendinopathie chronique, bursite inflammatoire à l'IRM

- élévation antérieure à 170° à droite/130 à gauche

- élévation latérale à 170° à droite/100 à gauche

- mouvements complexes non effectués

- rotation externe -40%

- limitation légère de tous les mouvements : 12% sans état antérieur

- la caisse n'a pas retenu l'imputabilité de l'épaule gauche, mais elle a été retenue par expertise.

Le docteur [P] [G], qui a examiné la victime, l'ensemble des documents médicaux soumis et notamment le rapport d'évaluation des séquelles, a relevé pour sa part :

- qu'il n'existe aucun antécédent en rapport avec une pathologie de l'épaule gauche,

- que la tendinopathie chronique de l'épaule gauche relevée tant par l'expertise relative à la nouvelle lésion que par le médecin conseil, date de deux mois après le fait traumatique, soit un délai suffisant pour développer cette tendinopathie chronique post-traumatique,

- que l'état antérieur évoqué par le médecin conseil n'est pas précisé,

- que l'accident du travail est responsable d'une tendinopathie rompue de la coiffe des rotateurs non dominante de l'épaule gauche traitée chirurgicalement,

- que la capsulite post-chirurgicale est non documentée et non présente à la date de la consolidation compte-tenu d'une mobilité en rotation externe quasiment normale,

- qu'il n'existe aucun élément objectif en faveur d'un état antérieur de l'épaule mais un état interférant à type de névralgie cervico-brachiale gauche évolutive, documentée médicalement par radiographie du rachis dorso-cervical du 29 mars 2017 et electromyogramme du membre supérieur gauche du 16 mars 2017, et pouvant être en partie responsable du déficit fonctionnel observé au niveau de l'épaule gauche,

- que si la pathologie de la coiffe des rotateurs et l'intervention réalisés sont reconnus imputables à l'accident du travail, il n'est pas légitime d'indemniser les séquelles par un taux d'incapacité permanente partielle de 0% par un état antérieur au niveau de l'épaule gauche qui reste non démontré, et qu'en tenant compte de l'état interférant un taux d'incapacité permanente partielle de 8% indemniserait plus correctement les séquelles imputables à l'accident du travail qui sont des séquelles douloureuses et limitation des mouvements d'élévation active du bras gauche,

- que par contre, si cette pathologie de la coiffe des rotateurs est à mettre sur le compte d'un état antérieur, le taux d'incapacité permanente partielle de 0% est justifié.

Le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nice a, dans son jugement du 2 février 2023, et au regard du rapport du docteur [C] en date du 17 octobre 2017, rejeté les prétentions de la caisse qui contestait le lien de causalité direct et certain entre la nouvelle lésion constatée par certificat médical du 30 août 2016, consistant en l'opération de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche et l'accident du travail. Il doit en conséquence être tenu compte de cette lésion dans l'appréciation du taux d'incapacité et l'argumentaire du docteur [Z] [B], médecin-conseil de la caisse, selon lequel cette nouvelle lésion ne doit pas être prise en compte car faisant partie de l'état antérieur, est inopérant.

En outre, l'état antérieur de la victime allégué par la caisse ne repose sur aucune argumentation médicale tandis que les docteurs [O] et [G] s'accordent, dans leurs rapports motivés et documentés, sur l'absence d'état antérieur.

Par ailleurs, les lésions à type de névralgie cervico-brachiale gauche évolutive, documentée médicalement par radiographie du rachis dorso-cervical du 29 mars 2017 et electromyogramme du membre supérieur gauche du 16 mars 2017, ont été révélées postérieurement à l'accident du travail de sorte qu'il convient de prendre en compte, dans l'appréciation du taux d'incapacité permanente partielle, cette aggravation résultant du traumatisme.

Au regard des lésions prises en charge au titre de l'accident du travail, à savoir une douleur à l'épaule gauche puis l'opération de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, et des séquelles constatées à la date de la consolidation telles que décrites par le médecin consultant, dont le rapport n'est utilement critiqué par aucun élément médical, qui consistent en une limitation légère de tous les mouvements de l'épaule gauche non dominante, et au regard du barême d'invalidité susvisé, il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris, de fixer le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à10% en suite de son accident du travail du 15 juin 2015.

Succombant principalement, la caisse est condamnée aux dépens et ne peut solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle de M. [D] [L], dans ses rapports avec la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, suite à son accident du travail du 15 juin 2015;

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes de l'ensemble de ses demandes;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/16988
Date de la décision : 06/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-06;22.16988 ?
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