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06/05/2024 | FRANCE | N°22/06010

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 06 mai 2024, 22/06010


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2024



N°2024/367













Rôle N° RG 22/06010 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJJEJ







S.A.S. [4]





C/



CPAM DE LA CHARENTE SERVICE CONTENTIEUX











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

M

e Caroline ODONE

CPAM DE LA CHARENTE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 06 Avril 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/01693.





APPELANTE



S.A.S. [4], demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Caroline ODONE, avocat au barreau de ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2024

N°2024/367

Rôle N° RG 22/06010 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJJEJ

S.A.S. [4]

C/

CPAM DE LA CHARENTE SERVICE CONTENTIEUX

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Caroline ODONE

CPAM DE LA CHARENTE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 06 Avril 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/01693.

APPELANTE

S.A.S. [4], demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Caroline ODONE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

CPAM DE LA CHARENTE - SERVICE CONTENTIEUX,

demeurant [Adresse 2]

a été dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] [S] ('la salariée' ou 'la victime'), employée en qualité d'agent de services auprès de la société [4] ( 'la société ' ou 'l'employeur'), a été victime le 5 janvier 2017 d'un accident du travail, pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie ('la caisse') de la Charente.

Le certificat médical initial du 5 janvier 2017 fait état de 'blocage du ménisque'.

Par décision du 6 janvier 2020, la caisse a informé la société que le taux d'incapacité de sa salariée était fixé à 15% à compter du 31 août 2019.

Suite au rejet de son recours à l'encontre de cette décision par la commission médicale de recours amiable le 29 avril 2020, l'employeur a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.

Par jugement en date du 6 avril 2022, le tribunal a, après avoir déclaré le recours recevable :

* débouté la société [4] de sa demande tendant à l'inopposabilité de la décision ayant attribué à Mme [S] un taux d'incapacité permanente partielle de 15%,

* rejeté la demande d'expertise ou de consultation sur pièces,

* dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [4] attribué à Mme [B] [S] suite à son accident du travail du 5 janvier 2017 est maintenu à 15%,

* condamné la société [4] aux dépens.

La société [4] a relevé régulièrement appel de cette décision, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions visées par le greffe à l'audience du 21 février 2024, oralement soutenues et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'appelante sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour :

à titre principal, de :

- écarter l'avis de l'expert désigné par le tribunal judiciaire,

- entériner les conclusions de son médecin mandaté,

- juger que le taux d'incapacité qui lui est opposable doit être réévalué à 0% ou à défaut, que la décision fixant le taux doit lui être déclarée inopposable,

subsidiairement, d'ordonner une nouvelle consultation sur pièces ou une expertise judiciaire, à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 24 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, l'intimée, dispensée de comparution, demande à la cour de confirmer la décision attribuant à Mme [S] un taux médical de 15%, de juger que cette décision est opposable à la société [4] et de rejeter toutes conclusions contraires.

MOTIFS

L'appelante, se fondant sur l'avis du docteur [U] mandaté par ses soins, critique le rapport d'évaluation des séquelles en ce que:

- l'histoire clinique est peu documentée et il n'est pas fait état ni du mode de traitement de l'algodystrophie relevée et son importance, ni de compte-rendu de la consultation chirurgicale qui aurait été sollicitée en juin 2018,

- le certificat médical initial, les arrêts de travail et soins prescrits et le certificat médical final n'ont pas été portés à la connaissance de son médecin mandaté,

- l'allégation d'une impotence fonctionnelle majeure depuis plus de deux ans est contradictoire avec l'absence d'amyotrophie du membre inférieur droit,

- la mention d'une flexion à 90° ne précise pas si elle a été mesurée en actif ou au passif et est incompatible avec la reprise de l'activité professionnelle d'agent d'entretien onze mois avant l'examen par le médecin conseil,

de sorte que l'histoire clinique telle que retranscrite au rapport d'évaluation des séquelles ne permet pas de retenir de lésion traumatique en lien direct, unique et certain avec l'accident du travail.

Elle critique également le rapport du docteur [Z] en ce qu'il n'a pas répondu à l'observation de son médecin mandaté quant à l'incompatibilité d'une flexion à 90° avec la reprise de l'activité professionnelle d'agent d'entretien onze mois avant l'examen par le médecin conseil.

L'intimée fait valoir pour sa part que :

- le docteur [Z] a confirmé, au regard des résultats de l'examen clinique, que la flexion ne pouvait se faire au-delà de 90°,

- les pièces présentées par la victime (examens d'imagerie, compte-rendus médicaux...) sont seulement portés à la connaissance du médecin conseil et ne peuvent être ni détenu ni transmis,

- ces éléments consignés au rapport d'évaluation des séquelles n'ont pas vocation à être détaillés outre mesure,

- le litige ne porte pas sur les soins médicaux dont a bénéficié l'assurée mais sur les séquelles résultant de l'accident du travail,

- l'ensemble des certificats médicaux de prolongation et initial ont été adressés au conseil de l'employeur dans le cadre de la procédure contentieuse de sorte que le principe du contradictoire a été respecté,

- il n'y a pas lieu de retenir d'état antérieur de la victime, qui ne l'a jamais empêchée d'exercer une activité professionnelle avant l'accident du travail alors que la flexion du genou ne peut plus se faire normalement depuis l'accident, d'autant que le docteur [Z] a précisé que l'état antérieur doit s'analyser ici exclusivement comme un facteur de risque fragilisant les genoux,

- le rapport du médecin consultant est clair, précis et dénué d'ambiguïté,

- l'assurée a repris le travail en mi-temps thérapeutique au bout de plus d'un an et le médecin travail lui a prescrit un aménagement de son temps de travail du 24 août 2018 au 30 août 2019 étant observé qu'elle ne pouvait reprendre le travail dans des conditions normales, de sorte que l'employeur ne saurait alléguer d'incohérence entre la reprise du travail et la flexion du genou limitée à 90°,

- le rapport du docteur [Z] a confirmé qu'au regard des séquelles qu'elle a listées, le taux d'incapacité permanente partielle de 15% est conforme au bareme indicatif d'invalidité.

Sur ce :

L'article L 434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ce taux est apprécié à la date de consolidation de la victime, soit en l'espèce le 30 août 2019. A cette date, la salariée, employée de la société depuis plus d'un an en qualité d'agent d'entretien, était âgée de 38 ans.

Pour évaluer le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 15%, le médecin-conseil a conclu à 'des séquelles à type de flessum à 5° du genou droit et de la limitation de la flexion à 90°'.

Aux termes du barème indicatif d'invalidité des accidents du travail annexé à l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale, en son chapitre 2.2.4 relatif à l'atteinte des fonctions articulaires du genou, il est préconisé, en fonction de la limitation des mouvements de cette articulation, les taux d'incapacité permanente partielle comme suit:

- 5% si l'extension est déficitaire de 5° à 25°

15% si l'extension est déficitaire de 25°

- 30% si l'extension est déficitaire de 45°

- 5 % si la flexion ne peut s'effectuer au-delà de 110°

-15% si la flexion ne peut se faire au-delà de 90°

- 20 % si la flexion ne peut se faire au-delà de 45°.

Il est par ailleurs rappelé, concernant l'état antérieur, que selon le barème susvisé, l'estimation médicale de l'incapacité doit faire la part de ce qui revient à cet état antérieur, et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables.

Ainsi :

- lorsqu'un état pathologique antérieur absolument muet est révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle mais n'est pas aggravé par les séquelles, il ne doit pas en être tenu compte dans l'estimation du taux d'incapacité ;

- lorsqu'un état pathologique antérieur absolument muet est aggravé à l'occasion de l'accident de travail, il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme ;

- lorsqu'un état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci, l'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées, qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain.

Les premiers juges ont maintenu à 15% le taux d'incapacité permanente partielle de la salariée en suite de son accident du travail, en se fondant sur le rapport du médecin consultant désigné, le docteur [Z].

Cet expert a, pour parvenir à cette conclusion, procédé à une anamnèse et examiné le rapport d'évaluation des séquelles faisant mention :

- du certificat médical initial,

- de l'IRM du 16 février 2017 faisant état d'une lésion méniscale externe isolée avec fissure oblique jonction segment moyen corne,

- du compte-rendu opératoire du 14 avril 2017 consistant en une ménisectomie partielle externe,

- de la scintigraphie osseuse du 1er août 2018 indiquant une réaction algodystrophique de genou droit en phase chaude,

- d'une IRM du genou droit du 6 avril 2018 mentionnant l'absence de nouvelle lésion et une rééducation intensive conseillée,

- de la consolidation au 30 août 2019 avec séquelles de type flessum permanent à 5° et limitation de la flexion à 90°,

- des constatations effectuées par le médecin conseil, à savoir :

* gonalgie droite variable avec gonflement du genou le soir,

* genou valgum bilatéral,

* marche sans boiterie alléguée impossible sur pointes et talons,

* appui unipodal droit instable,

* mensurations en cm droite/gauche: cuisse 58/58, genou 43/43 et mollet 41/41,

* mobilité droite/gauche: flessum 5° réductible /néant, flexion 90°/130 °, choc rotulien et signe du rabot: néant.

L'expert a relevé, au regard de ces éléments, 'une lésion méniscale par ménisectomie externe compliquée d'algodystrophie chez une assuré sur net état antérieur d'obésité et genou valgum bilatéral fragilisant les genoux', 'une impossibilité de flexion au-delà de 90°' et une 'gêne fonctionnelle modérée' en 'l'absence d'amyotrophie du membre inférieur droit'.

Il résulte de ce rapport qu'au contraire de ce qu'affirme le docteur [U], l'historique médical de la victime est renseigné de manière complète et que cette dernière a fait l'objet d'un examen médical exhaustif, tant par le médecin conseil que, sur pièces, par le médecin consultant.

Le rapport du médecin consultant reprenant les termes du certificat médical initial et des résultats des examens que le médecin-conseil a consultés, le principe du contradictoire a été respecté.

Par ailleurs, comme le relève la caisse, s'agissant d'un litige portant sur les séquelles de l'accident du travail et non sur la durée des arrêts de travail et soins et la date de consolidation, le moyen selon lequel le certificat médical initial, les arrêts de travail et soins prescrits et le certificat médical final n'auraient pas été portés à la connaissance du médecin mandaté par la société est inopérant.

En outre, le docteur [Z] a noté en son rapport les doléances du médecin mandaté par l'appelante, qui ne portaient pas sur l'incompatibilité entre une impotence fonctionnelle majeure depuis plus de deux ans et l'absence d'amyotrophie du membre inférieur droit, mais sur l'impossibilité d'identifier une pathologie séquellaire en relation directe et certaine avec l'accident du travail, doléances qui ne sont pas médicalement étayées. En conséquence, le moyen tenant au défaut de réponse sur ce point par le médecin consultant est inopérant.

Par ailleurs, le barême indicatif d'invalidité susmentionné n'impose pas que la flexion soit mesurée en actif et au passif de sorte que cet argument est inopérant.

De surcroît, le docteur [U] affirme sans l'étayer que la limitation de la flexion du genou à 90° est incompatible avec la reprise de l'activité professionnelle d'agent d'entretien onze mois avant l'examen par le médecin conseil, étant en outre relevé à cet égard que, comme le précise la caisse, le médecin traitant de l'assurée a préconisé une reprise d'activité professionnelle légère pour raisons médicales à compter du 24 août 2018, puis un travail à temps partiel à compter du 28 juin 2019 jusqu'à la consolidation fixée au 30 août 2019.

Au contraire de ce que soutient l'appelante, le rapport de l'expert consultant est clair, précis et dénué d'ambiguïté de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'écarter.

La société n'apporte aucun élément pour en contredire les constatations et conclusions fixant le taux d'incapacité permanente partielle de la salariée à 15%, conforme au barême susvisé, et il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure de consultation médicale qui ne peut palier la carence de l'appelante dans l'administration de la preuve en application de l'article 146 du code de procédure civile.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour et de débouter la société de l'ensemble de ses demandes.

Succombant, la société appelante est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Déboute la société [4] de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

Condamne la société [4] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/06010
Date de la décision : 06/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-06;22.06010 ?
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