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06/05/2024 | FRANCE | N°22/05826

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 06 mai 2024, 22/05826


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2024



N°2024/365













Rôle N° RG 22/05826 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJIMG







[F] [E]





C/



CPAM DES BOUCHES DU RHONE











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Charlotte BOTT

AI

CPAM DES BOUCHES DU RHONE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 24 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/3237.





APPELANT



Monsieur [F] [E], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Charlotte BOTTAI, avocat au barreau de

MARSEILLE substi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2024

N°2024/365

Rôle N° RG 22/05826 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJIMG

[F] [E]

C/

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Charlotte BOTTAI

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 24 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 20/3237.

APPELANT

Monsieur [F] [E], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Charlotte BOTTAI, avocat au barreau de

MARSEILLE substitué par Me Amandine JOURDAN, avocat au

barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 3]

a été dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [E] ( 'l'assuré'), né le 30 octobre 1970, a été victime d'un accident de trajet le 4 septembre 2018 alors qu'il était employé en qualité de maçon- ouvrier qualifié par la société [2].

Le certificat médical initial en date du 4 septembre 2018, établi par un médecin du service des urgences de l'hôpital de [4] fait état d'une fracture 5ème méta extrémité distale de la main gauche, plaie suturée de 5 points sur le menton, douleur bras et poignet droit.

Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône ('la caisse').

Par courrier en date du 14 décembre 2018, la caisse a notifié à l'assuré son refus de prendre en charge une nouvelle lésion mentionnée au certificat médical du 26 novembre 2018 consistant en une fracture base m2 main gauche.

Par courrier du 26 septembre 2019, la caisse a notifié à l'assuré son refus de prendre en charge au titre de cet accident du travail les nouvelles lésions mentionnées au certificat médical de prolongation du 8 juillet 2019 consistant en 'aggravation des cervicalgies droites appec apparition névralgies C13 droite, fractures lombaires R2 et R3, traumatisme poignet droit/genou gauche +huméral gauche + lombaire, statu quo'.

Par courrier du 25 septembre 2019, la caisse a informé l'assuré de la fixation de la date de consolidation de ses lésions au 27 septembre 2019 par son médecin conseil et que son taux d'incapacité permanente partielle était fixé à 0%, motivé par l'absence de séquelles indemnisables.

L'expertise médicale technique réalisée le 27 décembre 2019 à la demande de l'assuré par le docteur [T], a conclu que l'état de santé de l'assuré n'était pas consolidé au 27 septembre 2019 mais à la date d'expertise.

Par décision du 15 janvier 2020, la caisse a informé l'assuré que son taux d'incapacité permanente partielle était fixé à 0%.

L'assuré a contesté le taux d'incapacité permanente partielle devant la commission médicale de recours amiable.

En présence d'une décision implicite de rejet de son recours, l'assuré a alors porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.

Par jugement du 24 mars 2022 le tribunal a, après avoir déclaré le recours recevable :

- fait droit à la demande de M. [E] et dit que le taux d'incapacité permanente partielle attribué suite à son accident du travail du 4 septembre 2018 est de 3% à la date du 27 décembre 2019 ;

- annulé la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Bouches du Rhône ;

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône aux dépens.

M. [E] en a relevé appel dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions responsives visées par le greffe à l'audience du 21 février 2024, oralement soutenues et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'assuré sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande et dit que le taux d'incapacité permanente partielle attribué suite à son accident du travail du 4 septembre 2018 est de 3% à la date du 27 décembre 2019 et demande à la cour de:

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de ses demandes,

- ordonner une expertise aux fins de déterminer le taux d'incapacité permanente partielle et si la date de consolidation a été justement fixée, à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie à lui verser la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône.

Aux termes de ses conclusions parvenues au greffe le 24 septembre 2023, oralement soutenues et auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

- entériner le rapport du médecin consultant,

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes et le condamner aux dépens.

MOTIFS

A titre liminaire, le litige étant circonscrit à la contestation du taux d'incapacité permanente partielle, l'appelant doit être débouté de sa demande d'expertise portant sur la date de consolidation.

Sur le taux médical d'incapacité permanente partielle

L'appelant, se prévalant d'un grand nombre de certificats et documents médicaux qu'il verse aux débats, soutient en substance que l'accident du trajet lui a causé une plaie de la lèvre avec 5 points de suture, une douleur au coude droit, une fracture de la main gauche immobilisée, un traumatisme du poignet droit, un traumatisme cervical et lombaire, un traumatisme du genou droit et un traumatisme dentaire et qu'il présente actuellement de fortes douleurs au cou, cervicales et lombaires, au niveau des mains et poignets des difficultés au serrage des mains et au port de charges, des discopathies étagées avec aspect protusif avec volumineuse hernie discale C6-C7 droite ainsi que d'une douleur antebrachiale et du bord cubital de la main gauche qui peut être d'origine ulnaire au coude gauche. Il précise que compte tenu de ses douleurs, il a dû être opéré une seconde fois pour pseudarthrodèse cyphosante C5-C6 et C6-C7 avec arthrodèse par greffon plaque C5-C7. Il ajoute que depuis l'accident du trajet, il poursuit des séances de rééducation trois fois par semaine pour le rachis cervical, le genou gauche, la hanche gauche et les deux poignets et qu'il souffre désormais de douleurs au coude gauche avec parfois irradiation dans les deux derniers doigts de la main gauche à type de paresthésies avec engourdissement et difficultés motrices.

Il fait observer qu'il n'a pas d'antécédent médical susceptible d'être désigné comme état antérieur dont la preuve n'est pas rapportée par la caisse.

Se prévalant du barême indicatif d'invalidité annexe I à l'article R 434-32 du code de la sécurité sociale en ses chapitres relatifs au rachis cervical, aux fonctions articulaires des membres supérieurs, à l'atteinte du système nerveux et des fonctions du genou, il estime en conséquence que le taux d'incapacité permanente partielle a été largement sous-évalué.

La caisse répond que seules les séquelles résultant de l'accident du travail prises en charge doivent être prises en compte dans l'évaluation du taux d'incapacité permanente et que certaines lésions évoquées par l'assuré n'ont pas été prises en charge au titre de l'accident du travail.

Elle ajoute que ces séquelles doivent être évaluées à la date de la consolidation.

Elle fait observer que, comme l'a relevé le médecin consultant en son rapport, l'assuré présente un état antérieur.

Elle en déduit que le taux de 3% fixé par le tribunal est conforme aux conclusions du médecin consultant dont le rapport est clair, précis et dénué d'ambiguïté et affirme qu'il n'est contredit par aucune discussion médicale argumentée.

Sur ce :

L'article L 434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ce taux est apprécié à  la date de consolidation de l'état de santé de la victime soit le 27 décembre 2019.

L'assuré était en l'espèce employé comme maçon, depuis plus de quatorze ans, au moment de l'accident, et âgé de 49 ans à la date de consolidation.

Le certificat médical initial 4 septembre 2018 transmis à la caisse fait état d'une fracture 5ème méta extrémité distale de la main gauche, plaie suturée de 5 points sur le menton, douleur bras et poignet droit.

Le rapport d'évaluation des séquelles établi par le médecin conseil le 6 janvier 2020 indique dans sa discussion: 'consolidation avec séquelles non indemnisables accident du travail du 4 septembre 2018 fracture du 5ème métacarpe extrémité distale de la main gauche plaie suturée de 5 points sur le menton douleurs bras droit et poignet droit. Traumatisme poignet droit trauma cervical et lombaire trauma du genou gauche. Séquelles douloureuses modérées au niveau rachis lombaire hanche gauche non indemnisables. Cervicalgies persistantes mais pas de relation directe avec l'accident du travail lors de la reprise en mi-temps thérapeutique- manipulation marteau piqueur apparition névralgie cervico brachiale droite et découverte sur IRM pluriétagée avec protrusion focale discale en C6 C7 avec conflit C7 droit état antérieur nécessitant la prise en charge en arrêt maladie.' Il conclut à 'séquelles douloureuses modérées au niveau du rachis lombaire hanche gauche non indemnisables'.

La prise en charge, au titre des suites de l'accident du travail, de la nouvelle lésion mentionnée au certificat médical du 26 novembre 2018 consistant en une fracture base m2 main gauche, et des nouvelles lésions mentionnées au certificat médical du 8 juillet 2019 consistant en 'aggravation des cervicalgies droites appec apparition névralgies C13 droite, fractures lombaires R2 et R3, traumatisme poignet droit/genou gauche +huméral gauche + lombaire, statu quo' a été rejetée par la caisse de sorte que celles-ci ne peuvent pas être prises en compte dans l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle et l'appelant ne peut non plus s'en prévaloir.

De même, la lésion relative à un traumatisme dentaire n'a pas été prise en charge par la caisse au titre de l'accident du travail du 4 septembre 2018, de sorte que l'assuré ne peut s'en prévaloir pour l'appréciation du taux d'incapacité permanente partielle.

Seules peuvent être prises en compte les séquelles de la fracture du 5ème métacarpe extrémité distale de la main gauche, la plaie suturée de 5 points sur le menton, la douleur au bras droit et poignet droit et le médecin consultant n'a relevé que les séquelles suivantes touchant ces régions à la date de la consolidation, selon son examen :

- membre supérieur gauche: pas de déficit sensitif ou moteur en dehors tricipital faible (dont le retentissement n'est pas précisé), pas d'hypoesthésie au niveau des trois derniers doigts, force musculaire droite à 60, gauche à 70,

- examen comparable des 2 poignets.

Les doléances recueillies par le médecin conseil font par ailleurs état d'absence de douleurs à la main gauche, les autres doléances portants les paresthésies des 4 derniers doigts (sans préciser de quelle main), et sur les douleurs au rachis cervical et une douleur hanche gauche à la marche si station assise prolongée dont il ne peut être tenu compte.

Pour fixer le taux d'incapacité permanente partielle à 3%, le tribunal s'est fondé sur le compte-rendu de consultation réalisée par le docteur [M], expert commis par le tribunal, qui a conclu qu'à la date de la consolidation, le taux d'incapacité permanente partielle était de 3% (2% pour la raideur du rachis cervical et 1% pour le léger engourdissement de la main).

Si le barême indicatif d'invalidité annexe I de l'article R 434-32 du code de la sécurité sociale ne prévoit pas de taux d'incapacité permanente partielle en cas de léger engourdissement de la main, la caisse primaire d'assurance maladie ne conteste pas le taux de 3% retenu.

L'appelant n'apporte aucun élément médical susceptible de remettre en cause les séquelles constatées par le médecin conseil, l'ensemble des documents médicaux qu'il verse étant soit relatifs à des lésions non prises en charge par la caisse au titre de l'accident du trajet, soit très largement postérieurs à la date de consolidation.

En l'absence d'éléments de nature à contredire les conclusions du médecin-consultant, l'expertise médicale sollicitée n'est pas justifiée.

Sur le taux professionnel

L'appelant soutient qu'après avoir exercé la profession de maçon pendant plus de 15 ans, les séquelles de son accident du travail le rendent incapable de reprendre son poste, au regard de l'avis de la médecine du travail l'ayant déclaré inapte avec impossibilité de reclassement et de son licenciement pour inaptitude. Il ajoute que sa dévalorisation sur le marché du travail et l'accroissement de la pénibilité justifient l'attribution d'un coefficient professionnel qui n'a pas été évalué par le tribunal. Il ajoute avoir été reconnu travailleur handicapé le 7 août 2023 puis en invalidité de 2ème catégorie.

La caisse répond qu'aucun des éléments versés par l'appelant ne permet de démontrer un préjudice professionnel directement et exclusivement causé par l'accident du travail, ni l'origine professionnelle de l'inaptitude dont il se prévaut. Elle précise qu'à compter du 28 décembre 2019, il a été indemnisé au titre de la longue maladie durant trois ans puis placé en invalidité de catégorie 2 et affirme que la cause du licenciement pour inaptitude est étrangère à l'accident du travail, et observe que les éléments versés par la victime ne sont pas contemporains de la date de consolidation.

Sur quoi :

Afin de déterminer le taux professionnel de la victime, il convient de rechercher, au regard des éléments versés aux débats, dans quelle mesure l'incapacité dont elle restait atteinte à la date de la consolidation, compte tenu de ses aptitudes et de sa qualification professionnelle, constituait un obstacle à sa réintégration dans l'emploi.

En l'espèce, la victime n'apporte aucun élément contemporain de la date de la consolidation justifiant d'un retentissement économique professionnel en lien avec l'accident du trajet, dans la mesure où son licenciement est intervenu pour inaptitude le 1er mars 2023 soit bien postérieurement à la date de consolidation,

Elle n'établit pas de surcroît de rapport avec l'accident du trajet, et ne démontre ni perte économique, ni de perte de chance d'évolution professionnelle en lien avec cet accident, l'expertise sollicitée étant par conséquent dépourvue de pertinence.

Dès lors, par confirmation du jugement de ce chef, le taux d'incapacité permanente partielle attribué à la victime en suite de son accident de trajet du 4 septembre 2018 est de 3%.

Succombant, l'appelant est condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Déboute M. [F] [E] de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

Condamne M. [F] [E] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/05826
Date de la décision : 06/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-06;22.05826 ?
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