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02/05/2024 | FRANCE | N°22/10209

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 02 mai 2024, 22/10209


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2024



N°2024/62













Rôle N° RG 22/10209 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJYDT







CPAM DU VAR





C/



[L] [U]











































Copie exécutoire délivrée

le : 02/05/2024

à :



- Me Stéphane

CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jennyfer GUASCH, avocat au barreau de MARSEILLE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 24 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/1446.





APPELANTE



CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 1]



repr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2024

N°2024/62

Rôle N° RG 22/10209 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJYDT

CPAM DU VAR

C/

[L] [U]

Copie exécutoire délivrée

le : 02/05/2024

à :

- Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jennyfer GUASCH, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 24 Mai 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/1446.

APPELANTE

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

EURL [3] représentée par Monsieur [L] [U],gérant en exerice demeurant[Adresse 2]

représentée par Me Jennyfer GUASCH, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Depuis 2011, M. [H] est gérant de l'entreprise de taxi EURL [3], conventionnée pour le transport médical des assurés de la caisse primaire d'assurance maladie.

Un contrôle de ses facturations a été opéré par la caisse primaire d'assurance maladie du Var sur la période du 17 juillet 2014 au 8 décembre 2016, à l'issue duquel par courrier du 19 octobre 2017, la caisse lui a notifié avoir relevé des anomalies présentant un caractère frauduleux et entraînant un indu de 30.475,87 euros.

Par lettre du 18 décembre 2017, M. [H] a saisi la commission de recours amiable et, à défaut de réponse à son recours, il a élevé celui-ci devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône le 19 mars 2018.

Par jugement rendu le 24 mai 2022, le tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, a :

- déclaré le recours de l'EURL [3], prise en la personne de M. [H], recevable,

- infirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Var,

- dit que la créance de 30.475,37 euros dont se prévaut la caisse primaire d'assurance maladie du Var à l'égard de l'EURL [3] n'est pas fondée,

- condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Var aux entiers dépens de la procédure.

La décision est essentiellement fondée sur le fait que l'indu est notifié sur la base de tableaux sans qu'aucune explication permettant de faire un quelconque lien entre les tableaux élaborés par la caisse d'une part et les griefs invoqués par elle, d'autre part, n'ait été donnée. Il est précisément indiqué que le tribunal ignore le lieu de prise en charge des patients et les anomalies liées à la prescription à partir de ces tableaux faisant une énumération de chiffres qui sont préconstitués par le demandeur du remboursement de l'indu et que la caisse ne rapporte ainsi pas la preuve de l'indu.

Par courrier recommandé expédié le 13 juillet 2022, la caisse primaire d'assurance maladie du Var a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 14 mars 2024, la caisse reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement dans son intégralité,

- confirmer le bien-fondé de l'indu de 30.475,87 euros,

- condamner l'EURL [3] représentée par M. [H], à lui rembourser la somme de 30.475,87 euros avec intérêts au taux légal à compter de la notification de payer du 19 octobre 2017,

- prononcer l'anatocisme des intérêts,

- condamner l'EURL [3] représentée par M [H] à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de frais irrépétibles.

L'EURL [3] reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- subsidiairement, annuler l'indu notifié en ce qu'il porte sur les prescriptions médicales erronées et annuler la décision implicite de rejet du recours amiable,

- en toute hypothèse, annuler l'indu portant sur des sommes dont le règlement est intervenu avant le 19 octobre 2014 pour le montant de 4.207,23 euros,

- ramener l'indu à de plus justes proportions et lui accorder les plus larges délais de paiement,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Var à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de frais irrépétibles et au paiement des dépens.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises par les parties à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription de l'indu

Exposé des moyens des parties

L'EURL [3] fait valoir que la caisse n'invoque plus le caractère frauduleux des facturations litigieuses dans le cadre de la procédure en appel et que la preuve de la manoeuvre intentionnelle qu'il suppose n'est pas rapportée. Elle en conclut que l'action en recouvrement de l'indu se prescrit par trois ans en vertu des dispositions de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, et que la notification de l'indu intervenue le 19 octobre 2017 ne peut valablement concerner les sommes indues versées avant le 19 octobre 2014, trois ans plus tôt.

La caisse primaire d'assurance maladie ne répond pas sur la prescription de son action en recouvrement.

Position de la cour

En vertu de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au cas d'espèce, l'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.

Il résulte aussi des dispositions de l'article 2224 du code civil que les actions actions mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En outre, aux termes de l'article 2232, alinéa 1er, du code civil, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

En l'espèce, il n'est pas discuté que l'indu ait été notifié par la caisse à l'EURL [3] par courrier du 19 octobre 2017, de sorte qu'en principe la prescription triennale aurait dû empêcher la caisse de recouvrer l'indu de facturation pour les sommes payées avant le 19 octobre 2014.

Cependant, l'EURL, ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnelle, que la convention conclue avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône s'appliquait à tous les transports médicaux qu'elle effectue pour les assurés du Var alors que l'objet même de la règlementation est de subordonner la prise en charge de tels transports à l'application de tarifs remisés. Elle ne pouvait pas non plus ignorer que le paiement de frais de transports est subordonné à l'existence d'une prescription médicale préalable et régulière alors que, tant la loi, que la convention dont elle est signataire, rappellent la règle. Et, le caractère répété de la pratique de l'EURLtendant à ne pas appliquer la remise de 15% aux assurés du Var et à effectuer des transports sans prescription médicale préalable régulière, sur deux années, pour obtenir le paiement de prestations non remboursables, permet de retenir son caractère intentionnel et donc, frauduleux.

En conséquence, le droit commun de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil doit s'appliquer, de sorte que la caisse avait cinq ans pour agir en recouvrement à compter de la connaissance de la fraude, et, en vertu des dispositions de l'article 2232 alinéa 1er du code civil, la caisse est bien-fondée à recouvrer la totalité des sommes indûment versées jusqu'à vingt ans en arrière.

La caisse ayant notifié l'indu par courrier du 19 octobre 2017 suite au contrôle de facturations lui ayant permis d'avoir connaissance de la fraude, soit dans un délai de moins de cinq ans, et la caisse ayant réclamé le remboursement de factures payées sur une période courant de juillet 2014 à décembre 2016, soit moins de vingt ans en arrière, aucune prescription ne saurait lui être valablement opposée.

Cette fin de non recevoir sera rejetée.

Sur le défaut de motivation de la notification de l'indu

Exposé des moyens des parties

La caisse primaire d'assurance maladie considère que la notification de l'indu en date du 19 octobre 2017 indiquant son montant et le fait qu'il correspond à des anomalies de facturations, en renvoyant à un tableau répertoriant l'intégralité de ces anomalies en précisant pour chaque assuré et chaque facturation concernés, la nature des anomalies relevées, la date des soins, la date des versements, les cotations facturées par le professionnel, les cotations conformes aux règles de facturation et les montants indus résultant des écarts constatés entre les deux cotations, est conforme aux exigences énoncées à l'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale.

Elle reproche aux premiers juges d'avoir soulevé l'absence de précisions comme la mention du lieu de prise en charge des patients ou la copie des prescriptions médicales de transports, alors qu'il s'agit d'éléments surabondants pour comprendre la nature et le quantum de l'indu de façon non équivoque.

L'EURL considère que le tableau annexé à la notification de l'indu faisant apparaître un listing de prétendues anomalies ne lui permet pas de comprendre ce qui lui est reproché dans la mesure où, à aucun moment, la caisse n'a communiqué les prescriptions médicales de transport prétenduement erronées et sur la base desquelles l'indu est réclamé. Elle ajoute que le détail des calculs effectués et la ventilation des indus par motif, n'étant pas précisé, le tableau est illisible.

Position de la cour

Aux termes de l'alinéa 2 de l'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 10 septembre 2012 au 2 mars 2019, applicable à la notification d'indu litigieuse du19 octobre 2017 :

'Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.'

En l'espèce, il ressort de la notification d'indu litigieuse qu'elle indique la cause des sommes réclamées en visant un indu et l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale prévoyant les cas d'inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation.

En outre, la lettre renvoie au tableau récapitulatif détaillé relatif aux anomalies, dont il n'est pas discuté par l'EURL [3] qu'il était bien annexé à la notification, pour préciser la nature des indus réclamés.

Ce tableau vise outre le numéro d'immatriculation de l'assuré pris en charge par l'entreprise de taxi, sa date de naissance, la date des soins et celle de leur prescription, ainsi que le numéro d'immatriculation du prescripteur, la nature de l'acte, le montant remboursé, la date du règlement le numéro de facture et le lot de factures concerné, le montant conforme (qui aurait dû être payé) et le montant récupérable (correspondant au montant de l'indu), le motif de l'indu.

Contrairement à ce qui est retenu par les premiers juges, la cour considère que la lecture des motifs indiqués dans le tableau permet de connaître les griefs retenus à l'égard de la facturation de l'EURL:

- non application de la remise conventionnelle de 15%,

- transport non remboursable : prescription à postériori avec précision de la date de prescription du trajet domicile à la structure de soins,

- transport non remboursable : exercice DIV non justifié avec précision du motif (consultation, remboursable à 65% au titre de l'hospitalisation par exemple),

- transport non remboursable : prescription sans rapport ALD/AT/Hopit.

La notification vise également le montant global de l'indu (30.475,87 euros) et détaille, dans le tableau récapitulatif, le montant de l'indu pour chaque facture contestée.

Elle précise encore le délai pour s'acquitter de la somme réclamée, les voie et délai de recours et la possibilité de formuler des observations.

Il s'en suit que la notification d'indu comporte l'ensemble des éléments d'information exigés par la règlementation.

En vertu des dispositions de l'article 1315 du code civil, il appartient à l'organisme d'assurance maladie de rapporter la preuve du non respect des règles de tarification et de facturation à l'appui de sa demande de répétition de l'indu et au professionnel qui conteste l'indu de discuter des éléments de preuve produits par l'organisme.

En l'espèce, les éléments d'informations données dans le tableau récapitulatif permettent à l'EURL de faire valoir ses observations sur chaque prestation de transport en litige, sans que la caisse ait à produire les factures pour lesquelles les anomalies sont relevées puisque celles-ci ont été fournies par l'EURL elle-même.

La notification de l'indu n'encourt donc pas la nullité du chef de défaut de motivation et le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu ce moyen de nullité.

Sur le bien-fondé de l'indu

Sur la non application par le transporteur de la remise conventionnelle de 15%

Exposé des moyens des parties

La caisse primaire d'assurance maladie se fonde sur les articles 5 et 8 des dispositions tarifaires de la convention locale des taxis des Bouches-du-Rhône en vigueur au 1er avril 2014 pour faire valoir que le professionnel signataire de la convention s'oblige à respecter les dispositions tarifaires qui y sont prévues pour tous les transports d'assurés sans distinction de régime d'assurance maladie obligatoire et/ou de caisse de rattachement.Elle explique que lors du contrôle de la facturation de l'EURL [3], il a été constaté que la remise de 15% prévue à l'annexe 5 de la convention signée par M. [H], son représentant légal, n'avait pas été appliquée systématiquement, et a entraîné un indu de facturation.

L'EURL fait valoir qu'elle a signé une convention avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et que les tarifs qui y sont prévus sont négociés localement de sorte que dans le secteur géographique considéré des Bouches-du-Rhône, seule la tarification négociée localement avec la caisse primaire d'assurance maladie (dont le taux de remise de 15%)est applicable audit secteur, quel que soit le régime ou la caisse de rattachement de l'assuré concerné. Elle en tire la conclusion que la tarification ainsi appliquée au secteur des Bouches-du-Rhône, n'a pas être appliquée dans le Département du Var et qu'elle est bien-fondée à appliquer le tarif 'classique' sur la base de celui prévu par arrêté préfectoral, non remisé. Elle rappelle le principe de l'effet relatif des contrats et le fait qu'elle n'ait signé aucune convention avec la caisse primaire d'assurance maladie du Var pour faire valoir que celle-ci ne peut valablement réclamer l'application, dans le Var, des dispositions tarifaires de la convention signée avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône. Elle ajoute qu'il ne peut lui être valablement reproché d'avoir appliqué les tarifs préfectoraux des Bouches-du-Rhône non remisés, alors qu'ils sont moins chers que les tarifs du Var même remisés et que ni la surfacturation, ni le caractère frauduleux ne peut lui être opposés.

Position de la cour

Aux termes de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.

L'article L.322-5 du même code prévoit que les frais de transports effectués par une entreprise de taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec un organisme local d'assurance maladie. Cette convention, conforme à une convention type établie par décision du directeur de l'UNCAM, détermine les prestations de transport par taxi, les tarifs de responsabilité qui ne peuvent excéder les tarifs des courses de taxi résultant de la réglementation des prix applicables à ce secteur et fixe les conditions dans lesquelles l'assuré peut être dispensé de l'avance des frais.

En outre, l'article 1er de la décision du 8 septembre 2008 relative à l'établissement d'une convention type à destination des entreprises de taxi et des organismes locaux d'assurance maladie, dispose que la convention visée à l'article L.322-5 du code de la sécurité sociale est signée entre l'entreprise de taxi et le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie dans le ressort de laquelle l'autorisation de stationnement du véhicule est délivrée. Ces conventions ont pour objet de fixer les tarifs de responsabilités des courses de taxi réalisées par les entreprises de taxi et les conditions particulières de dispence d'avance de frais de ces transports, pour l'ensemble des assurés sociaux. Elles conditionnent le remboursement par l'assurance maladie des frais de transports effectués par les entreprises de taxi pour les véhicules mentionnés dans la convention.

En l'espèce, il ressort de l'annexe 5 de la convention signée par l'EURL et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, produite par la caisse avec le nom des signataires biffé mais sans que la société intimée ne conteste sa signature, que 'le remboursement des frais de transport en taxi conventionné intervient sur la base des tarifs fixés annuellement par arrêté préfectoral assortis d'une remise de 15% sur le tarif du kilomètre ainsi que sur celui de l'heure d'attente'.

L'article 8 de la convention, relatif aux dispositions tarifaires, précise que 'les dispositions tarifaires sont mentionnées dans l'annexe 5 et sont applicables aux transports effectués par les entreprises de taxi ayant conclu une convention avec la CPCAM. Ces dispositions s'appliquent aux transports des assurés et leurs ayants-droit quels que soient leur régime et leur caisse de rattachement.'

Cette dernière mention claire et non équivoque implique que l'entreprise de taxi signataire de la convention conclue avec sa caisse d'assurance maladie locale de rattachement, doit appliquer le tarif prévu, même quand il facture des prestations qui dépendent d'une caisse extérieure à son lieu de stationnement.

De surcroît, l'annexe 5 de la convention, relative aux dispositions tarifaires, envisage des transports d'une distance supérieure à 150 kilomètres, qui supposent de dépasser les limites de la circonscription géographiques des Bouches-du-Rhône, de sorte qu'aucune limite territoriale n'est prévue.

Il en résulte que l'effet relatif des contrats ne permet pas de considérer que la convention en litige voit son application circonscrite au seul périmètre géographique des Bouches-du-Rhône.

De la même façon, la facturation de transports conventionnés suit des règles nationales ainsi que des règles spécifiques départementales et l'esprit de la réglementation consiste dans le fait que le tarif de la sécurité sociale est remisé par rapport au tarif standard du taxi, cette remise différant selon les départements, en fonction des particularités et des négociations locales entre la sécurité sociale et les responsables des différents syndicats. Il s'en suit que juger que les entreprises de taxi qui effectuent des transports médicaux hors de leur département de stationnement n'ont pas à appliquer de tarif préférentiel, reviendrait à créer une rupture d'égalité avec les taxis relevant de ce département, et instaurer un système de concurrence déloyale.

C'est donc à bon droit que la caisse primaire d'assurance maladie du Var a considéré que l'EURL [3] devait appliquer la remise tarifaire de 15% prévue dans la convention signée avec la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, aux facturations des transports effectués dans la circonscription de la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

L'indu fondé sur la non application de la remise de 15% doit donc être déclaré bien fondé.

Sur l'irrégularité des prescriptions médicales à l'origine des facturations payées

Exposé des moyens des parties

La caisse primaire d'assurance maladie se fonde sur les dispositions de l'article R.322-10-2 alinéas 1er et 2 du code de la sécurité sociale pour faire valoir que seule l'urgence permet la transmission d'une prescription médicale a postériori et sur les articles L.322-5 alinéas 1 et 2, L.133-4 du code de la sécurité sociale et l'article 2 de la convention locale pour faire valoir que les frais de transport sont pris en charge sur prescription médicale préalable au transport médicalisé effectué, sauf urgence ou condition particulière d'exécution du transport laissée à l'appréciation de l'organisme social. Elle rappelle qu'il appartient au transporteur de refuser la course si la prescription n'est pas conforme aux exigences du code de la sécurité sociale et qu'à défaut, les praticiens prescripteurs ne peuvent être tenus responsables de la facturation du transporteur. Elle conclut que l'inobservation de la règle de facturation relative à la régularité de la prescription préalable au transport est sanctionnée par la répétition de l'indu.

L'EURL se fonde également sur les dispositions de l'article R.322-10-2 du code de la sécurité sociale prévoyant que la prescription médicale peut être établie a postériori en cas d'urgence, et vise l'article L.162-4-1 du même code pour rappeler les obligations du médecin prescripteur en matière de prescription de transport, aux fins de conclure que l'assurance maladie ne peut pas exercer d'action en répétition d'indu contre le transporteur qui a suivi la prescription médicale, dès lors qu'il n'appartient pas à celui-ci d'apprécier ou de remettre en cause la prescription.

Elle rappelle que la convention locale stipule que la prescription médicale est intangible et que les taxis sont confrontés à la pratique courante des médecins de prescrire le transport le jour-même du transport et de remettre la prescription au transporteur avec la mention 'convoqué par nos soins', ou d'antidater leur prescription pour se conformer à la règlementation. Elle considère qu'il est injuste que les transporteurs fassent les frais d'une mauvaise communication vis-àvis des équipes médicales quant à la réglementation applicable alors même que le transport a été réalisé.

Elle ajoute qu'il lui est reproché des anomalies de facturation fondées sur des irrégularités de prescription médicale dont elle ne peut pas se rendre compte au moment du transport. Elle explique que la caisse a constaté, après vérification, qu'elle même ne peut pas faire, que le patient n'avait pas d'ALD, ou n'était ni entré, ni sorti d'hospitalisation ou encore n'était pas dans un cas d'exonération totale. Elle en conclut qu'elle ne peut en être tenue pour responsable.

Position de la cour

En vertu de l'article R.322-10-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret 2010-332 du 24 mars 2010, la prise en charge des frais de transports sanitaires, et non sanitaires, est subordonnée à la présentation par l'assuré de la prescription médicale de transport ainsi que d'une facture délivrée par le transporteur ou d'un justificatif de transport. Lorsque l'assuré se déplace pour se soumettre à un contrôle en application de la législation de la sécurité sociale la convocation vaut prescription médicale.La prescription indique le motif du transport et le mode de transport le moins onéreux compatible avec l'état du malade.

Il résulte également de ce texte que la prescription médicale peut être établie a posteriori en cas d'urgence. Toutefois, la délivrance a posteriori par le médecin de la prescription médicale ne caractérise pas l'urgence, expressément exigée pour justifier la prise en charge en l'absence de prescription préalable.

En outre, l'article R.322-10 précise que sont pris en charge les frais de transport de l'assuré ou de l'ayant droit se trouvant dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à son état dans des cas limitativement déterminés dont notamment ceux des transports liés à une hospitalisation ou aux traitements ou examens prescrits en application de l'article L. 324-1 pour les malades reconnus atteints d'une affection de longue durée et présentant l'une des déficiences ou incapacités définies par le référentiel de prescription mentionné à l'article R. 322-10-1.

L'article L.162-4-1 du code de la sécurité sociale, fait obligation aux médecins qui établissent une prescription de transport en vue d'un remboursement, de mentionner sur les documents destinés au contrôle médical, les éléments d'ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit.

Enfin, l'article 2 de la convention conclue entre la caisse primaire d'assurance maladie et l'EURL intimée, intitulée 'définition des transports donnant lieu à remboursement' reprend les dispositions légales mentionnées ci-dessus en faisant référence aux articles R.322-10 à R.322-10-7 du code de la sécurité sociale et l'article 6 de cette convention expose que l'entreprise est responsable de la régularité de sa facturation, notamment concernant la présence et la conformité des pièces justificatives, la correcte application des dispositions tarifaires et distances, le respect de la réglementation.

Il s'en suit que si le médecin prescripteur est seul responsable de la régularité de sa prescription médicale, en revanche, le fait que l'entreprise de transport ne soit pas responsable du respect de des règles de prescription par le médecin ne signifie pas, pour autant, qu'elle ne soit pas tenue, en sa qualité de responsable de sa propre facturation, à répétition de l'indu si la caisse d'assurance maladie venait, dans le cadre de son contrôle a posteriori, à remarquer que la prestation a été accomplie sans prescription médicale préalable, sauf urgence, ou sur la base d'une prescription médicale irrégulière.

En l'espèce, le tableau produit aux débats par la caisse met en exergue les situations dans lesquelles des transports ont été effectués le jour même de la prescription et l'EURL admet que les prescriptions médicales ont été établies, dans tous ces cas, conformément à la pratique courante et généralisée des médecins, alors que le transport avait eu lieu, sans pour autant invoquer, ni justifier, d'une situation d'urgence attestée par le médecin.

Il s'en suit que c'est à bon droit que la caisse primaire d'assurance maladie a retenu l'irrégularité de la facturation des transports effectués sans prescription médicale préalable exigée à l'article R.322-10-2 du code de la sécurité sociale précité et l'indu qui en découle doit être déclaré bien-fondé.

De même, il résulte du tableau récapitulatif des anomalies de facturation de transports que certains d'entre eux ont été effectués sur la base de prescriptions médicales erronées du fait que le patient n'était pas en affection longue durée ou qu'il ne bénéficiait pas de l'exonération totale, comme pourtant indiqué dans la prescription médicale, ou bien encore sur la base de prescription médicale non datée ou illisible, de sorte qu'ils sont effectués sur la base de prescriptions médicales irrégulières.

Or, l'EURL [3], responsable de la facturation de ses transports effectués sur la base de prescriptions médicales irrégulières, doit être tenue à la répétition des paiements indus de ce chef.

Ainsi, l'indu fondé sur les irrégularités de prescriptions médicales doit être également déclaré bien-fondé.

Sur la minoration de l'indu et les délais de paiement

Exposé des moyens des parties

L'EURL [3] fait valoir que la caisse est à l'origine de sa désinformation en laissant perdurer pendant plusieurs années la situation sans prendre aucune disposition et en laissant s'accumuler des 'anomalies' qui la conduisent à réclamer une somme déraisonnable qu'elle-même est dans l'impossibilité d'honorer. Elle en conclut que le montant de l'indu doit être minoré et qu'il doit lui être accordé les plus larges délais de paiement.

La caisse ne réplique rien sur ce point.

Position de la cour

Il est constant que pour l'application de l'article L.256-4 du code de la sécurité sociale, les caisses ont seules qualité pour réduire le montant de leur créance, autres que cotisations et majorations de retard nées de l'application de la législation de sécurité sociale, en cas de précarité du débiteur.

L'évolution récente de la jurisprudence de la Cour de cassation concerne uniquement les recours contre la décision administrative ayant rejeté en totalité ou en partie une demande de remise gracieuse.

En l'espèce, la juridiction n'étant saisie que d'une contestation de l'indu et aucunement d'une décision de rejet d'une demande de remise gracieuse, la demande de remise de dette doit être rejetée.

De même, les juridictions de sécurité sociale n'ayant pas le pouvoir d'accorder des délais de paiement, la demande en délais de paiement doit également être rejetée.

Sur le point de départ des intérêts moratoires et l'anatocisme

La caisse primaire d'assurance maladie sollicite la condamnation de la société à lui payer l'indu réclamé avec intérêts au taux légal à compter de la notification de l'indu et le prononcé de l'anatocisme, sans que l'EURL intimée n'oppose aucun argument.

Mais, en vertu des dispositions de l'article 1231 du code civil, les intérêts moratoires sur une somme due au titre de l'inexécution d'un contrat courent à compter de la mise en demeure.

En l'espèce, la notification de l'indu se distingue d'une mise en demeure et la première sommation de payer est constituée, en l'espèce, par la demande en justice présentée par la caisse primaire d'assurance maladie en première instance à l'audience de plaidoiriequi date, à la lecture de l'exposé du litige par les premiers juges, du 22 février 2022.

Ainsi, les intérêts au taux légal courant sur la somme indue à laquelle l'EURL est condamnée doivent courir à compter du 22 février 2022 et non de la notification de l'indu.

En outre, aux termes de l'article 1343-2 du code civil : 'Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.'

En l'espèce, il conviendra de dire que les intérêts moratoires courant sur la somme due par l'EURL, produiront eux-même intérêts dans les conditions de l'anatocisme susvisées.

Sur les frais et dépens

L'EURL [3], succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de l'appel et de la première instance en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, elle sera condamnée à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa demande présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Rejette la prescription de l'action en recouvrement de l'indu soulevée par l'EURL [3],

Déclare la procédure d'indu notifié le 19 octobre 2017 par la caisse primaire d'assurance maladie du Var à l'EURL [3] à hauteur de 30.475,87 euros régulière,

Déclare l'indu notifié le 19 octobre 2017 par la caisse primaire d'assurance maladie du Var à l'EURL [3] à hauteur de 30.475,87 euros bien-fondé,

Déboute l'EURL [3] de sa demande tendant à la minoration de l'indu,

Condamne l'EURL [3] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 30.475,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2022,

Dit que les intérêts moratoires échus pour une année entière produiront eux-même intérêts,

Déboute l'EURL [3] de sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement,

Condamne l'EURL [3] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Déboute l'EURL [3] de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne l'EURL [3] au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/10209
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.10209 ?
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